Chapitre 23

Elle ouvrit les yeux lentement, incertaine de l’endroit où elle se trouvait, la bouche sèche et une légère migraine encore présente. Anastae fronça ses sourcils, se rendit finalement compte à la vue du plafond effrité qu’elle se trouvait dans la chambre délabrée de l’auberge, et elle se redressa. 

Un linge trempé d’eau froide tomba sur ses genoux et une goutte d’eau glissa jusqu’à la barrière de ses lèvres. Assoiffée, elle s’empressa de la lécher et, enfin, elle put se mettre à penser. 

Elle s’était évanouie devant les deux Princes, ce qui était sans doute mieux que de vomir devant eux, après avoir été ensorcelée par une créature âgée sans doute de plusieurs siècles. Créature qui savait pour sa différence, qui lui avait donné des indications sans aucune cohérence. 

Désormais, elle se trouvait dans la chambre, seule, visiblement presque rétablie et il faisait nuit. La jeune fée fronça son nez, tendit l’oreille, entendit du bruit dans la salle de bain. Rapidement, même si elle savait qu’il pouvait simplement s’agir de Thalion ou de Hélios, elle saisit sa dague qui était posée sur la table de nuit, et la brandit, prête à la lancer, quand la porte de la salle s’ouvrit. 

Thalion en sortit, en train de frotter ses cheveux avec une serviette, torse nu, et de l’eau dégoulinant encore sur ses muscles. Si Anatae avait déjà aperçu son torse la veille, elle avait reporté son attention rapidement sur Hélios. Or, en ce moment précis, ils étaient tous les deux seuls et elle ne pouvait poser ses yeux sur autre chose que sur lui. 

Elle sentit des rougeurs monter à ses joues alors que Thalion haussait un sourcil, son sourire de chat sur les lèvres : 

- Je vois que tu as encore toute ta tête. 

- Il vaut mieux être prudent, déglutit-elle bruyamment. 

Elle se mordit la lèvre inférieure, mécontente de lui avoir montré que cette vision de son torse la perturbait, et étira ses lèvres dans un sourire pincé en reposant la dague sous son oreiller : 

- Que s’est-il passé ? 

Thalion ricana et elle fut soulagée de constater que toute l'inquiétude qu’il avait ressenti à son égard n’était plus qu’un souvenir : il agissait normalement, comme il l’avait toujours fait avec elle, et, dans un sens, cela la rassura. 

Mais s’il pouvait mettre un haut… 

Evidemment, ses pensées ne semblèrent pas le toucher, et il s’assit à côté d’elle sur le lit en prenant le linge encore trempé dans sa main : 

- Tu vas mieux, demanda-t-il. 

Anastae le fixa un instant et il ne détourna pas le regard : il n’y avait pas d'inquiétude dans ce dernier non, mais… elle y voyait de la considération. Il voulait réellement savoir comment elle allait, alors que cela avait peu importé depuis qu’elle se trouvait en compagnie des elfes et des fées. 

Son cœur frémit dans sa poitrine, elle entrouvrit légèrement ses lèvres et une soudaine envie de s’enfuir loin de toute cette attention surgit. Thalion fronça les sourcils face à son soudain mutisme mais avant qu’il ne puisse dire une remarque qui aurait pu tout faire changé, elle s’empressa de répondre : 

- Oui. La douleur est partie. 

Thalion secoua sa tête, amusé, et continua, les yeux brillant de malicerie : 

- J’ai été un peu surpris… Je ne pensais pas que tu tomberais aussi rapidement dans mes bras. 

- Quand j’y pense, répliqua Anastae en se prenant au jeu. C’est surtout toi qui m’a rattrapée. 

Le Prince poussa un petit rire léger, qui changea de son habituel ricanement, et se redressa de toute sa hauteur, ses muscles roulant sous l’effort : 

- Hélios n’a rien trouvé. Il est rentré bredouille,  et je crois bien qu’on est en train de tourner en rond. Il nous manque quelque chose, un élément… 

Anastae constata sa frustration quand sa mâchoire se contracta. Frustrée, elle ne l’était pas vraiment, peut-être légèrement agacée de ne pas trouver rapidement et de ne pouvoir repartir plus tôt que prévu, mais elle était convaincue, au plus profond d’elle, qu’ils allaient finir par dénicher cette base. 

Elle se leva, glissa ses yeux quelques secondes sur Thalion, et se dirigea vers le miroir de la salle de bain. La vision qu’il lui renvoyait la fit  tirer une grimace : ses cheveux étaient emmêlés, elle était encore plus pâle, si cela était possible, ses yeux étaient bouffis et si elle avait dormi presque toute la journée, elle semblait épuisée. Sa robe était froissée, sale car elle avait glissé sur le sol, et déchirée par endroit. 

Anastae se retourna, revint dans la chambre, et saisit le sac qui contenait ses vêtements. Une idée venait de germer dans son esprit et si elle ne lui plaisait pas vraiment, elle savait qu’il s’agissait d’une chance d’obtenir des informations : 

- Que fais-tu, demanda Thalion, toujours assis sur le lit. 

- Je me prépare, répliqua la jeune fée en sortant une robe rouge qui dévoilait ses jambes et le début de sa poitrine. On ne peut pas chercher les informations sans avoir au moins une piste. Cette sorte d’auberge est tellement bruyante que je suis prête à parier qu’il y a un paquet de créatures au rez-de chaussé.

A défaut d’avoir une ouïe moins développée que celle des autres fées, les murs étaient tellement fins qu’elle entendait le bruit de la musique comme si elle se trouvait dans la salle d’à côté. 

Thalion se leva, se posta à ses côtés et toucha du bout de ses doigts le tissu fin de la robe : 

- Tu veux séduire quelqu’un avec cette robe ? 

- Eh bien, répliqua-t-elle sans oser le regarder. Mets quelque chose de décent et tu en feras de même. Où est Hélios ? 

- Si tu crois que mon frère va vraiment nous rejoindre dans cette idée, tu te trompes lourdement. 

Il se pencha vers elle et son souffle confronta son oreille : 

- Pour séduire quelqu’un, je crois que j’ai tout intérêt à descendre ainsi. 

Anastae sentit ses doigts serrer encore plus fort le tissu de sa robe et un frisson lui remonter le long de son dos : ne pouvait-il pas s’empêcher d’agir de la sorte ? Pourquoi devait-il toujours être aussi tentateur, séducteur, et pourquoi, par la Reine, devait-il autant se rapprocher d’elle. 

Elle savait qu’un mot de sa part pour lui dire de prendre ses distances aurait suffit, mais, étrangement et volontairement, elle le laissa faire sans oser bouger. Finalement, Anastae prit son courage à deux mains et rencontra son regard rubis qui la fixait avec une telle intensité… : 

- Tu ne passerais que pour un sombre idiot, finit-elle par dire. 

- A la manière dont tu évites de me regarder, je ne pense pas. Du moins, pas à tes yeux… Qu’en penses-tu Anastae ? 

Cette dernière roula ses yeux, lui donna un coup d’épaule dans le torse pour le faire reculer, chose qu’il fit avec un grand sourire. 

Elle songea que beaucoup de fées et d’elfes auraient tué pour être à sa place, pour lui parler ainsi, pour pouvoir agir de cette façon, pour l’entendre lui murmurer de telles choses à ses oreilles. Mais sans doute beaucoup de créatures seraient-elles devenues des meurtrières pour la façon dont Leith l’avait embrassée, l’avait touchée, l’avait surplombée en lui murmurant des choses indécentes. 

Elle, Anastae, celle qui était toujours passée inaperçue où qu’elle allait, avait sans doute vécu l’un de leur rêve et, inconsciemment, elle s’en sentit revigorée. 

Peut-être que, finalement, elle, la demi-fée, semi humaine, pouvait s’intégrer à ce monde. 
























 

- Installe-toi au bar, lui chuchota Anastae. Je sais déjà vers qui me tourner, toi, cherche quelqu’un d’autre. 

- Je te parie une danse que tu n’arriveras pas à aller plus loin que lui tenir la main. 

Anastae haussa un sourcil, planta son regard dans le sien et esquissa un sourire en coin qui eut l’effet de faire rire le Prince. 

Elle secoua sa chevelure derrière son dos, essayant naïvement de la rendre plus épaisse, et lança une dernière œillade à Thalion qui avançait déjà vers une pixie aux cheveux verts. La jeune fée, quant à elle, riva son regard sur le pixie basané qui avait tant voulu faire sa connaissance à son arrivée. Jamais elle n’aurait pensé lui parler de nouveau de sa propre volonté mais elle n’était pas douée en termes d'œillade enflammée et de sourire langoureux : si Anastae avait pu attirer l’attention de cette créature, elle allait en jouer. 

Le pixie venait de terminer une partie de carte avec les autres créatures de la tablée, et il était en train de remplir sa bourse, la tête rejetée en arrière, riant de toutes ses forces. Une nouvelle fois, la jeune fée s’étonna de voir un pixie aussi grand, aussi développé, aussi… beau. Il n’avait pas les oreilles des elfes, possédait bien celles légèrement tombantes des pixies, mais il avait la même sorte de flamme que Leith. 

Elle tira légèrement sur sa robe, consciente que cette dernière n’était sans doute pas assez excentrique pour séduire quelqu’un d’une façon purement charnelle, et se pencha au dessus du dossier de la chaise du pixie, lui murmurant d’une voix qu’elle espérait suave : 

- Je ne pensais pas vous revoir de sitôt. 

Sa gorge la brûla, elle manqua de se mordre la langue, mais elle laissa un léger sourire sur ses lèvres qu’elle avait peignées une nouvelle fois de rouge. Le pixie, surpris, se retourna vers elle, et la tablée se tût un instant pour la dévisager. Espérant paraître amicale, elle leur offrit un sourire plus développé et les créatures, ne souhaitant sûrement pas se mêler des affaires d’une fée, retournèrent à leur partie, sans celui qui l’intéressait.

Ce dernier haussa un sourcil et s’empressa de jeter un coup d’oeil derrière lui : 

- Vous n’êtes pas avec l’elfe aux cheveux blonds ? 

- Qui serais-je pour venir vous parler avec lui, répliqua-t-elle. 

Le pixie secoua sa tête, amusé, et lui fit signe de s'asseoir. 

Anastae regarda rapidement autour de la table, constata qu’aucune de ses chaises n’étaient libres, et elle baissa un regard sur le pixie qui tapota ses genoux, l’air satisfait de lui. Elle déglutit, comprenant que si elle voulait lui tirer des informations, elle n’avait pas le choix, et décida, par pure volonté et non parce qu’elle y était forcée, de saisir la main qu’il lui tendait. 

Immédiatement, elle se retrouva sur ses genoux, une de ses mains posées sur sa taille, l’autre sur sa cuisse. Elle sentait son souffle contre sa nuque, elle fronça le nez, mais ne dit rien : 

- Intéressant de te voir ici, commença-t-il en oubliant les politesses. Pour quelqu’un qui n’était pas intéressé.

- Tu m’as intriguée , répliqua-t-elle dans un souffle. J’aime avoir des réponses à mes questions. 

- Et quelles sont ces dernières ? 

Elle décida de ne pas dévoiler de suite ses véritables intentions, alors que toute la tablée ne pouvait s’empêcher de jeter des petits coups d'œil dans sa direction. Anastae savait que, ici, elle était au centre de l’attention simplement parce qu’elle était une fée. 

Elle pencha sa tête en arrière pour la reposer contre l’épaule du pixie :

- Quel est ton nom, pour commencer. 

- Celegorm. 

Il passa un doigt sur sa nuque : 

- Et toi ? 

- Anastae, répondit cette dernière, un sourire en coin. 

Elle tourna sa tête vers lui, battit lentement des cils, comme elle avait vu Luciana le faire de nombreuses fois, et rapprocha sa bouche de son oreille pour être entendue dans le brouhaha de cette auberge : 

- Comment cela se fait-il que tu sois ainsi ? 

- Tu es bien curieuse, rétorqua Celegorm sans pour autant lâcher des yeux son décolleté. Tu dois sans doute parler du fait que je sois mi-elfe, mi-pixie. 

Franchement surprise, Anastae eut un mouvement de recul et le contempla sous un nouvel œil : il était comme elle. Certes, lui ne vivait pas contre les règles en permanence, mais dans le fond…   

Celegorm remarqua son air perturbé et finit par la regarder dans les yeux :

- C’est rare, mais c’est possible. Cela ne me rend que plus… intéressant. 

- Effectivement. 

Il passa un doigt sur ses hanches, puis sur les bas de ses reins, et d’une main habile, il la fit se retourner pour qu’elle se retrouve complètement à califourchon sur lui, son nez frôlant le sien. Anastae n’aimait pas particulièrement la situation, mais se força à rester dans cette position, allant même jusqu’à passer ses bras autour de son cou. 

Il la considérait comme un objet et même si cela la répugnait fortement, jamais il n’allait songer qu’elle était maligne et qu’elle était en train de lui soutirer des informations pour son propre compte : 

- Cette ville regroupe beaucoup d’étrangetés, susurra-t-elle entre ses lèvres rubis. Y aurait-il des endroits spéciaux ? 

- Voudrais-tu t’y rendre avec moi ? 

- Peut-être. 

Il déposa ses lèvres contre son cou, lui mordilla gentiment la peau tendre de ce dernier, et sa main passa complètement sous sa robe pour lui saisir le haut de sa cuisse. Anastae dissimula sa grimace en rejetant encore plus la tête en arrière et croisa, furtivement, le regard de Thalion. 

Il la fixait, les sourcils foncés, la mâchoire crispée, et si elle pensait qu’elle aurait honte de la position dans laquelle elle se trouvait, une soudaine envie de lui montrer qu’elle n’était pas si innocente qu’il le pensait, qu’elle était capable de faire des choses dites indécentes, surgit : elle se remémora le pari qu’il lui avait lancé, la façon qu’il avait eu de penser qu’elle n’y arriverait pas. 

Anastae attrapa donc les boucles du pixie, plongea son regard dans celui du Prince et alors que Celegorm lui mordillait toujours la nuque et déposait des baisers sur ses clavicules, elle haussa un sourcil. Devant son air désormais ahuri, elle esquissa un sourire en coin, qui la surprit autant que lui : 

- Alors, demanda-t-elle sans détourner le regard. Un endroit en particulier ? 

- Il y a ce bordel, déclara-t-il sans détour. La magie règne dans ce lieu, et a la particularité de se souvenir de chacun de ses visiteurs. Une fois par semaine, il ouvre ses portes et,en général, toutes les créatures s’y rendent. Cette magie est rare et toujours très belle à observer. 

Il lui sourit en lâchant sa nuque, ses lèvres tachées de sang : 

- Presque autant que toi. 

Perturbée, elle porta une main à sa nuque : ses doigts rencontrèrent un liquide chaud qui coulait le long de son cou et lorsqu’elle regarda ses doigts, elle constata qu’il s’agissait bel et bien de sang. Immédiatement, elle plaqua une main sur sa blessure, foudroya du regard le pixie : ce dernier venait de la mettre dans l’embarras. Sa blessure n’allait pas guérir avant une bonne heure alors qu’une fée n’aurait plus eu aucune trace au bout de dix minutes. 

Anastae se recula sur les genoux de Celegorm, et se leva, le menton légèrement baissé pour empêcher le flux de sang de s’écouler encore plus. Le pixie haussa un sourcil, déconcerté, et demanda d’une voix rauque :

- Qu' y a-t-il ? 

- Il s’agit là peut-être d’une de tes habitudes de mordre une fée, mais à la capitale on évite ce genre de choses. 

Il roula des yeux : 

- Le sang est excitant. 

La jeune fée fronça ses sourcils, songea qu’elle n’avait plus rien à faire ici puisqu’il venait de lui donner l’information qu’elle cherchait, et sans aucun mot, elle se détourna de lui. Celegorm se leva de sa chaise, elle entendit les pieds de cette dernière racler sur le sol, et sans doute avait-il l’intention de la rattraper. 

Cependant, une silhouette qu’elle commençait à trop bien connaître, surgit devant elle, son sourire de chat sur les lèvres, les mains dans les poches et fixa le pixie derrière elle : 

- Un problème, demanda-t-il. 

- Je m’apprêtais simplement à partir, répondit Anastae en jetant un coup d'œil derrière elle. 

Celegorm s’était figé, hésitant visiblement à continuer d’avancer, et finit par s’assoir de nouveau sur sa chaise en montrant ses cartes : 

- Une partie, demanda-t-il à Thalion. 

- Je pense que ça va aller, rétorqua ce dernier. Nous allons partir. 

La jeune fée repoussa ses cheveux derrière ses épaules et saisit une serviette posée sur le bar pour éponger le sang qui suintait encore de sa blessure : heureusement, elle avait arrêté de saigner et la blessure était si discrète qu’elle n’était pas visible à l'œil nu. 

Sur ces mots, elle saisit le Prince par le coude, et l’éloigna de la tablée en lui racontant ce qu’elle avait appris : 

- Il y a un bordel. Un endroit magique qui se souvient de chacun de ses clients. On pourrait trouver des choses intéressantes. 

Thalion hocha la tête : 

- C’est ce que tout le monde m’a dit. Le bordel ouvre demain soir, nous nous y rendrons. 

- Où est Hélios, demanda Anastae, se posant subitement la question.  

- Il est reparti chercher dans les rues. Je suppose qu’il n’a rien trouvé mais il a horreur de s’avouer vaincu. 

- Ce n’est pas vraiment étonnant, avoua Anastae. Je ne pense pas que nous sommes de l’acabit de cette fée. 

- C’est bien ce qui m’insupporte, siffla Thalion. 

Il avait les sourcils froncés, l’air vraiment contrarié de ne rien pouvoir faire contre cette créature. Anastae, quant à elle, était d’un côté soulagée que Hélios n’ait pas été en mesure de la retrouver : ainsi, il n’y avait pas de risques qu’elle lui dévoile sa véritable nature. 

Cependant, l'existence même de cette fée l'intriguait. Elle avait eu l’air si ancienne, si détachée de la réalité alors qu’elle en savait visiblement beaucoup. L’air qu’elle avait abordé, ce calme inchangeable lui avait rappelé Emma, la seule elfe élémentaire encore présente aujourd’hui. Seulement, si pour cette dernière c’était sa nature qui la rendait si insondable, pour cette créature, il s’agissait simplement de son don, de ses yeux. 

Thalion la tira violemment sur le côté, l’empêchant de percuteur une sirène qui siffla entre ses lèvres bleuies un grognement : 

- Tu as l’air perdue dans tes pensées… Le pixie aurait-il retourné ton cerveau ? 

- Je te retourne la question, rétorqua-t-elle. Tu ne nous lâchait pas du regard.   

Le Prince haussa un sourcil, suivit de ses épaules, et alors qu’ils montaient les escaliers pour rejoindre la petite chambre, il claqua sèchement : 

- Evidemment. Je ne pensais pas que tu oserais prendre ce pari en considération. 

- Pourquoi donc ? 

- Eh bien, le seul elfe que j’ai vu à ton bras était un ami à un de tes frères. 

Anastae ne put retenir de lui jeter un regard surpris. Elle ne pensait pas qu’il connaissait suffisamment ses frères pour savoir que Leith était l’ami de Meludiz. Elle savait cependant que les jumeaux Melodias était connu et apprécié du fait que leur père soit l’ancien Général, celui qui avait mené une des plus grandes guerres de l’histoire d’une main de fer. 

Elle savait également que leur père avait insisté pour qu’ils se tiennent loin des fils de la Reine, pour elle ne savait quelle raison, et que ses frères avaient respecté parfaitement l’ordre de leur géniteur. 

La jeune fée répondit alors : 

- Leith, oui. Je l’apprécie. 

- Toutes les fées l’apprécient, ricana Thalion. Et il leur rend bien. 

Anastae fronça ses sourcils : 

- Que veux-tu dire par là ? 

- Il sait prendre du bon temps. 

Malgré elle, un pincement au cœur se fit ressentir. 

C’était idiot, elle savait très bien que Leith avait de l’expérience, cela s’était ressenti lorsqu’il avait glissé ses mains sur elle, et elle ne voulait rien avec lui mais il semblerait qu’elle se soit tout de même attachée. Contre son gré, l’idée qu’elle ne soit qu’une autre proie dans sa longue liste de conquêtes, l’affectait. 

Elle pinça légèrement ses lèvres, la seule trace de son mécontentement sur son visage placide, mais Thalion, aussi fourbe que son sourire de chat, le remarqua, bien évidemment : 

- Anastae, soupira-t-il. Ne me dis pas que tu pensais être spéciale à ses yeux ? 

- Tu es grossier, siffla-t-elle. 

- Je suis réaliste. Je te préviens simplement : ne t’attache pas à cet elfe, rien ne semble avoir de l’importance à ses yeux. 

- Tu le connais suffisamment pour en déduire cela ? 

Thalion roula des yeux : 

- Je ne suis pas idiot, c’est tout. 

- Oh, de ce fait, je le suis ? 

- Avec lui, sûrement. 

Une fervente envie de le défendre surgit en elle. 

Leith lui avait toujours montré de l’intérêt, avait été le seul avec Luciana à réellement se préoccuper de ce qu’elle voulait et ce qu’elle aimait. Il avait été celui à lui proposer de marcher près du lac qu’elle adorait… 

Elle ne l’aimait pas, elle ne voulait pas se marier avec lui, c’était un fait, mais, dans un sens, il était devenu une sorte d’ami et si leur dernière rencontre avait dérapé, s’il lui avait toujours assuré qu’il la voulait, elle s’était rapproché de lui sans même s’en apercevoir : 

- Tu es insultant, rétorqua Anastae en se postant en haut des escaliers, les bras croisés, devant la porte de la chambre. Tu ne le connais pas. Tu ne me connais p… 

- Bien plus que tu ne le penses, la coupa Thalion. 

- Laisse moi parler, siffla la jeune fée entre ses dents serrées. Ne me coupe pas la parole. Je suis assez grande pour savoir ce que je fais et, détrompes toi, je ne suis pas idiote. Je sais bien que Leith n’est pas le modèle de la fidélité. Certes, il est fourbe, mais il ne s’est jamais montré insultant, grossier, contrairement à toi ! 

- Tu me compares à lui, répliqua Thalion en posant sa main sur la poignée de la porte. Souhaiterai-tu entretenir la même relation avec moi ? 

Anastae vit rouge, comme elle l’avait rarement fait : ce Prince avait pour sale habitude de la faire sortir de ses gongs et une violente envie de le frapper pour lui faire ravaler son sourire arrogant et son air suffisant surgit. Pourtant, elle se contenta de le saisir par la manche de sa chemise et de le tourner de sorte qu’il n’ouvre pas la porte et se retrouve face à elle. 

Il haussa un sourcil, nullement impressionné, et la jeune fée haussa le ton sans même le vouloir : 

- Tu ne sais faire que ça ? Détourner mes propos par des questions illogiques ? 

- Est-ce un problème ? 

- Réponds, manqua-t-elle de hurler. 

- Très bien. Je pense que tu as tellement besoin d’intention que le seul elfe qui t’en a un jour donné se retrouve sur un piedestale pour toi. Je pense que tu occultes totalement ses défauts et que malgré les avertissements que l’on t’a donné, car je suis certain que ton frère en a fait de même, tu demeures dans le déni. Marie toi donc avec ce Leith et tu te rendras compte de son véritable visage.  

- Je ne veux pas me marier avec lui ! Je ne veux pas me marier tout court ! Tu parles sans savoir, et j’ai horreur de cela. 

Sa voix craqua sur le dernier mot : la première phrase de Thalion résonnait en elle de la même façon que les mots de son père lorsqu’il l’avait battue. Et comme devant ce dernier, elle n’arrivait pas à rebondir sur la seule chose qui l’avait réellement blessée. 

Peut-être parce qu’il s’agissait de la vérité, et le Prince en profita : 

- Tu as horreur de cela parce que j’ai raison. 

- Tu ne sais rien, répéta-t-elle. Tu ne me connais pas. Jamais je ne me serais permise de te faire la moindre remarque sur la manière dont tu gères ta vie, surtout que tu tiens le même genre de réputation que Leith. 

- Oh vraiment, rétorqua-t-il, narquois. C’est bien la première fois que j’entends ce que tu me dis. 

- Il faut croire qu’être un Prince empêche de s’intégrer.  

Cette fois-ci, quelque chose changea, comme si Anastae venait elle aussi de mettre le doigt sur une vieille blessure. Il crispa sa mâchoire, ainsi que ses poings, et ses yeux rubis se mirent à scintiller, comme si une émotion trop forte prenait le contrôle. 

Il s’approcha d’elle, se retrouva si proche que leur nez se touchèrent presque, et il commença à déclarer, la mâchoire serrée : 

- Tu n’as aucune idée de ce que c’est d’être… 

La porte s’ouvrit en grand. 

Immédiatement, Anastae tourna la tête vers cette dernière pour voir Hélios, l’air également agacé, et qui finit par soupirer : 

- Je me demandais d’où venait toute cette colère. Il faut dire que je n’aurais pas pensé à vous. 

La jeune fée déglutit discrètement, et sans un regard pour Thalion, pénétra dans la petite chambre. 

Elle se rendit alors compte qu’il l’avait blessée avec ses mots, et une rancune, peut-être légèrement enfantine, surgit dans son cœur : une chose était sûre, il s’agissait bel et bien d’un Prince agaçant. Cependant, elle ne put s’empêcher de jeter un coup d'œil derrière son épaule. 

Thalion avait le regard rivé sur le sol, les poings serrés, et ne répondait pas aux questions de Hélios qui dût le secouer par l’épaule pour le forcer à se redresser. Anastae se sentit décontenancée quand elle comprit également que lui aussi, avait entendu des choses blessantes. Cela atténua légèrement sa colère, cependant lorsqu’elle s’assit sur son lit, elle ne put s’empêcher de pincer ses lèvres. 

Le doute s’installait en elle… 

N’était-elle qu’une fille de plus pour Leith ? 

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Isahorah Torys
Posté le 27/10/2022
Tu as quelques maladresses sur cette partie mais rien de bien grave. Une ou deux faute d'orthographe, je crois... Et attention aux nombreux adverbes ^^

Je me demandais, dans un premier temps, si cette fée si mystérieuse n'était pas anastae elle même, plus vieille, plus puissante, capable d'induire des visions chez cette dernière, plus jeune.

Ici, dans cette partie, Thalion et anastae sont aussi puérils l'un que l'autre. Mais bon, l'amour ça rend idiot comme on dit et il semble qu'une telle colère est la conséquence de sentiments profonds qui naissent entre ces deux là ^^

Si tu ne vois pas les maladresses, dis le moi, je relirai une seconde fois pour te les cibler. (Je l'avais fait une première fois mais j'ai du me reconnecter pour pouvoir poster mon commentaire et j'ai perdu le 1er que j'avais écrit)
Marlee2212
Posté le 04/11/2022
Ce n'est pas vraiment ça pour ta première supposition mais tu as un raison sur un point : le temps joue un point important chez la fée mystérieuse.
Ahh je suis ravie que l'aspect puéril de leur dispute ait bien été transmis : je voulais montrer qu'ils perdaient tous les deux leurs moyens.
Si cela ne t'embête, je serais ravie de voir les maladresses ( ce me sera utile pour la réécriture ) merci encore pour ton avis !
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