Jour 2
Anastae tournait sa tête dans tous les sens, les passants lui lançaient des regards graves quand elle les poussait ou lorsqu’elle se figeait dans les rues pour tenter d’apercevoir une chevelure blonde ou une chevelure de jais, peu lui importait en ce moment précis.
Elle se sentait sans défense, sans aucune arme sur elle, et les serres qui s’étaient resserrées sur son esprit, sur sa volonté, lorsqu’elle s’était trouvée devant la fée, dans l’incapacité de réellement penser correctement, la faisait encore trembler de tous ses membres. Jamais encore elle n’avait ressenti terreur pareille, pas même sous les coups de son père, car elle se rendait désormais compte qu’elle avait été complètement à la merci de cette créature, sans aucun moyen de lui résister.
Nerveuse, elle passa une main agitée dans ses cheveux, tira sur ces derniers, et marcha sur le pied d’un pixie qui la foudroya du regard en murmurant une insulte, ce qui la fit à peine broncher : elle souhaitait juste retrouver l’un des deux Princes pour lui expliquer ce qu’elle venait de vivre, et se sentir, au plus profond d’elle, rassurée.
Enfin, au loin, elle aperçut des cheveux de sables qui se balançaient au rythme de ses pas. Anastae, munie d’un instinct qu’elle ne se connaissait pas, se précipita vers Thalion qui fronçait les sourcils en observant son environnement, concentré sur leur mission. La jeune fée bouscula une sirène en avançant, ce qui lui tira un petit cri, et qui fit lever les yeux de Thalion sur la provenance de ce bruit. Ces derniers s’agrandirent en grand quand il vit Anastae se ruer vers lui, le visage sans doute crispé dans l’angoisse la plus pure :
- Anastae, demanda-t-il en venant à sa rencontre. Qu’est ce que…
Cette dernière ne lui laissa pas le temps de reprendre et s'agrippa sauvagement à ses bras. Elle planta sans doute ses ongles dans sa peau à travers sa blouse fine mais elle n’en n’avait que faire à ce moment précis :
- Thalion, glapit-elle d’une voix qui ne lui ressemblait pas. Thalion, je… Elle m’a…
Elle fut prise d’un tremblement :
- C’est un monstre. Il faut que nous… Enfin, peut-être que…
- Calme-toi, claqua alors l’elfe. Respire.
Elle jeta un regard paniqué autour d’elle, inconsciemment, elle s’approcha du Prince et se retrouva presque collée contre sa poitrine. Elle sentit Thalion se raidir contre son corps alors que Anastae tentait désespérément de remettre de l’ordre dans son esprit, sachant qu’elle allait se haïr plus tard pour ce moment de faiblesse. Mais ce qu’elle venait de vivre… Cette sensation de ne plus s’appartenir qui ne la quittait pas…
Devant ses yeux, elle vit ceux de la fée qui ne cessaient de la fixer, sa bouche rosée qui lui murmurait des charades, ses cheveux blancs, exactement de la même couleur que les siens qui se balançaient doucement dans son dos. Elle se vit, allongée sur le sol, incapable de bouger, de parler, ou même de l’attaquer, et ensuite, de respirer.
Des mains froides se plaquèrent alors sur ses joues et la força à relever son visage : elle rencontra le regard rubis de Thalion, si calme face à son apparente panique :
- Respire Anastae.
Elle prit alors conscience de son souffle qui s’était bloqué dans sa poitrine et quand elle ouvrit la bouche, elle fut incapable de le rejeter. Sans avoir même le temps de s’en inquiéter, Thalion la retourna, de façon à ce qu'elle se retrouve dos contre son torse. Elle n’eut pas le temps de protester, elle n’y pensa même pas tellement le besoin de respirer était pressant, mais un frisson la parcourut quand sa main se posa sur son ventre.
Doucement, il appuya doucement sur ce dernier, puis avec plus de force, et enfin, l’air sortir de la gorge de Anastae. Cette dernière inspira difficilement, tremblant contre Thalion, mais l’air atteignit tout de même ses poumons. La main du Prince traça un cercle rassurant contre son ventre, au milieu de la foule, et elle sentit presque imperceptiblement sa bouche toucher son oreille quand il lui murmura :
- Tout va bien. Tu n’es pas seule.
Ses doigts effleurèrent le bas de ses reins et Anastae prit soudainement conscience de la proximité qu’elle était en train de partager avec le Prince, chose qu’elle se serait normalement formellement interdit. Pourtant, pendant un instant, elle resta contre lui, pour se rassurer, puis, elle se détacha lentement de Thalion.
Elle déglutit, remit vaguement de l’ordre dans ses cheveux, dans sa tenue, pour voir, au dessus de l’épaule de Thalion, Hélios :
- Que se passe-t-il, demanda-t-il, le visage crispé. J’ai sentis ta panique.
Pour une fois, elle fut reconnaissante que ses émotions lui paraissent plus brutales et plus claires que celles des autres. Ainsi, elle allait pouvoir leur expliquer ce qui s’était passé. Elle rejeta sa chevelure en arrière, consciente de la sueur qui perlait le long de sa tempe et de ses doigts tremblants : rapidement, elle leur indiqua de se détacher de la foule.
Anastae prit alors conscience de ses jambes fatiguées tant elle avait couru pour tenter de retrouver un des Princes après avoir fait le meilleur sprint de sa vie pour s’éloigner le plus possible de cette créature. Elle eut cependant la force nécessaire pour se glisser contre le mur d’une ruelle vide et resserrer ses genoux contre sa poitrine, dans un geste de protection inutile.
Les jumeaux ne prirent pas la peine de suivre son exemple et elle ne put s’empêcher de remarquer le regard inquiet de Thalion et celui perturbé de Hélios. Une nouvelle fois, la jeune fée déglutit et planta ses ongles dans sa main pour pouvoir tenir un discours clair :
- J’étais en train de parcourir les différentes ruelles situées près du marché quand je me suis rendue dans une beaucoup plus profonde que les autres. Bien entendu, je m’y suis aventurée et après quelques minutes de marche, je me suis confrontée à une vieille bâtisse qui tombait en ruine.
Elle trembla une nouvelle fois :
- Je voulais rebrousser chemin, je vous le jure, pour vous retrouver mais c’est comme si… une force m’obligeait à rentrer dans le bâtiment. Je n’arrivais pas à reculer et, bien malgré moi, je me suis mise à ramper vers la maison. Arrivée devant la porte de cette dernière, cette même force me fis ouvrir la porte qui n’était pas fermée. Elle a claqué derrière moi, je me suis retournée et j’ai sentis une présence dans mon dos. C’est alors que je l’ai vue…
Anastae vit, une nouvelle fois, le visage de la fée, ses yeux aveugles mais qui voyaient, sa chevelure blanche qui tombait dans son dos, et ses lèvres rosées qui s’entrouvaient légèrement, sans pour autant être surprise devant elle ou ressentir une quelconque émotion.
Thalion prit le temps de s’accroupir devant elle, semblant comprendre que c’était difficile pour elle de leur raconter cette rencontre, et lui adressa un sourire encourageant. Anastae inspira :
- C’était une fée. Elle possédait des yeux bleu tellement clairs que j’avais l’impression de regarder un ciel d’été mais en réalité… elle était aveugle cependant elle me fixait droit dans les yeux et jamais elle ne s’en ait détourné. Ses cheveux… étaient de la même couleur que les miens mais ils tombaient sur ses hanches. Des cils, elle avait des cils blancs.Elle avait un très beau visage, des lèvres rosées mais aucune émotion, aucune expression ne l’animait. Elle savait que je viendrais.
Ses ongles s’enfoncèrent encore plus dans sa paume :
- J’avais une lame pointée sur sa gorge, mais elle s’en moquait tout simplement. Elle m’a dit qu’elle voyait, qu’il s’agissait de son don, que j’étais venue ici de mon plein gré pour avoir des réponses. Puis, elle m’a ordonné de l’écouter et je n’ai pu prononcer un simple mot, ni bouger. Elle m’a dit des choses sans queue ni tête comme quoi il fallait se méfier de l’eau qui bout, que je verrai une image, que ce qui est mort ne l’est pas toujours… Quand elle m’a dit que je pouvais à nouveau parler, j’ai cherché à l’attaquer, mais elle a disparu sous mes yeux. Ensuite, je n’arrivais plus à respirer. J’ai dû m'enfuir, tant bien que mal, en laissant ma dague sur le sol.
Son récit terminé, bien qu’elle n’avait pas abordé la partie sur ses origines, elle sentit tout de même un poids s’enlever de ses épaules, comme si le simple fait de leur en parler rendait la chose plus réelle et lui montrait qu’elle n’avait rien imaginé. Anastae surprit le regard que les deux frères s’échangèrent et si elle tenta de le décrypter, elle comprit que seuls eux deux pouvaient le faire. Finalement, Thalion, toujours accroupi devant elle, lui demanda :
- Penses-tu pouvoir retrouver le chemin de cette bâtisse ?
- Sûrement, déglutit-elle sans pour autant avouer qu’elle n’avait aucune envie d’y retourner.
Un nouveau regard passa entre les deux Princes.
Lassée de ne pas comprendre, épuisée par cette rencontre et la peur qui avait mué chacun de ses muscles, elle se redressa, trembla légèrement sur ses pieds, avant de demander :
- Qu’est ce que vous voulez faire ?
- Nous allons la retrouver, déclara calmement Hélios. Elle pourrait avoir un lien avec ce talisman et si elle voit, comme tu l’as si bien dit, elle pourrait nous indiquer l’emplacement de ce dernier.
- Vous promettez de lui demander seulement cela ?
Si cette créature l’avait effrayée, le fait qu’elle puisse dévoiler son secret la terrifiait encore plus. Malgré le fait que la fée lui ait assuré que ce n’était pas dans ses habitudes de dévoiler ses visions, elle ne lui faisait pas confiance et elle avait ses raisons.
Thalion fronça ses sourcils, l’air contrarié :
- Nous nous attarderons le moins possible.
- Promets-moi, répéta-t-elle.
- Pourquoi, demanda-t-il. Qu’est ce que ça changerait pour toi ?
Anastae pinça ses lèvres, plongea son regard dans le sien et tenta de lui faire comprendre la peur qui la saisissait à l’idée de retourner dans cette bâtisse où elle n’avait eu aucun contrôle sur son corps ou sur son esprit. Ce fut cependant Hélios qui le saisit en premier à la vue de son tremblement.
Les yeux écarquillés, elle le vit alors s’approcher d’elle et tendre ses mains vers ses avants-bras. La jeune fée poussa un léger glapissement quand il serra tellement fort que ses jointures en devinrent blanches : une douleur sourde remonta le long de ses bras et elle plissa des yeux :
- Hélios…, murmura-t-elle dans un souffle. Qu’est ce que tu fais ?
Thalion lui fit alors signe de se taire avec un doigt posé sur sa bouche et observa son jumeau qui avait fermé les yeux, les sourcils froncés, et la bouche tordue. Ce dernier renforça sa prise, à un point qui manqua de lui donner un coup pour lui faire comprendre qu’il allait trop loin, avant d’ouvrir les yeux.
D’un seul coup, il se rapprocha d’elle, sans la quitter du regard, et son nez frôla le sien quand il l’observa en silence. Cependant, il ne semblait pas réellement la voir, comme s’il était plongé dans un autre monde que seul lui était en mesure de comprendre. Anastae se sentit mal à l’aise face à cette proximité soudaine et la peur qu’elle avait ressenti à l’idée de retrouver la créature glissait toujours dans ses veines :
- Hélios, déclara alors Thalion. Qu’est ce qui se passe ?
A la simple entente de son prénom, il lâcha prise.
Il cligna plusieurs fois des yeux alors que Anastae sentait à nouveau la peur de retourner à cette bâtisse ramper dans ses veines. Hélios posa une main sur le bras de son frère pour se soutenir et l’observa un instant avant de déclarer :
- Sa peur… Elle n’est pas réelle.
- Pas réelle, s’exclama presque Anastae.
- Elle est ancrée en toi comme si on te l’avait injectée. Je suppose qu’il s’agit d’un moyen pour cette fameuse fée de te tenir à l’écart de l’endroit où elle se trouve.
Devant son regard interloqué, il soupira :
- Réfléchis et concentre toi. Tu te rendras compte que si cette rencontre était effrayante, ce que tu ressens est complètement disproportionné.
La jeune fée prit une grande inspiration et tenta de remettre de l’ordre dans ses émotions : elle avait envie de croire que Hélios avait raison et que cette panique n’était pas réelle. Elle fit le tri dans son esprit tant bien que mal, inspirant, expirant, sans jamais regarder ses compagnons et, au bout d’un long moment, elle sentit ses muscles se détendre.La panique reflua, pour laisser place à la véritable angoisse qu’elle ressentait : une petite pointe d’appréhension.
Encore fébrile, elle toucha ses oreilles, sans doute pour évacuer les dernières onces de panique et déglutit malgré elle :
- Je me sens mieux, finit-elle par déclarer d’une voix cependant encore tremblante.
- Je ne sais pas qui est cette fée, répliqua Hélios, les sourcils encore froncés. Mais si elle est capable de telles prouesses…Elle doit être extrêmement âgée.
Thalion hocha distraitement sa tête pour retourner toute son attention sur elle. Un éclair d’inquiétude passa dans ses yeux et Anastae sentit son cœur battre un peu plus fort quand elle se rendit compte qu’il se faisait réellement du souci pour elle. Il s’approcha de la fée qui se mordit la lèvre inférieure et lui demanda doucement :
- Tu te sens capable d’y retourner ?
- Je le peux, répliqua-t-elle d’une voix déjà plus forte. Si elle est susceptible de savoir quelque chose sur le talisman, nous ne devons pas perdre de temps.
Anastae espérait seulement qu’elle ne révélerait rien sur ses origines mais elle avait le sentiment que cette fée n’en n’avait eu que faire de sa partie humaine, comme si cela était… banal.
Elle redressa alors les épaules ainsi que le menton, surtout pour se convaincre elle-même que ce n’était pas grand chose et commença à s’avancer dans la ruelle pour débuter le chemin qui les conduirait à la bâtisse quand elle entendit Hélios chuchoter une simple phrase à son frère :
- Quelque chose ne va pas.
La jeune fée se retourna, prête à leur demander plus de précisions mais les jumeaux avaient une expression si fermée, les yeux froids, sans plus aucun sourire de chat de Thalion, qu’elle estima préférable de ne pas poser de questions et de parler de tout cela ce soir.
Cependant, elle se rendit rapidement compte que, effectivement, quelque chose n’allait pas : après avoir emprunté exactement le même chemin sans retrouver la bâtisse, parcouru les ruelles adjacentes et être monté en hauteur, ils durent se rendre à l’évidence.
La bâtisse avait disparu.
Perchée sur le balcon d’un bar en hauteur, Anastae eut le sentiment d’être devenue folle :
- Je vous jure, déclara-t-elle. Que la bâtisse était réelle.
- Pourtant, elle n’est pas là, siffla Hélios. Par la Reine…
- Pitié ne parle pas de notre mère, siffla Thalion qui avait toujours les sourcils froncés. Pas maintenant.
Anastae prêta à peine attention à sa dernière remarque. Les jointures de ses mains étaient blanches tant elle serrait la rambarde avec force, une boule dans la gorge : qui était cette fée ?
Elle savait que ce qu’elle avait vu était réel, les sensations du parquet sous ses mains, ce dernier qui craquait sous son poids, la chaise qui glissait sur le sol, et elle comprenait également que la maîtresse de ces lieux avait sans doute la capacité de dissimuler l’endroit qu’elle lui avait intentionnellement révélé.
Hélios avait raison : cette créature était très âgée, peut-être même plus que son père, ce qui expliquait le fait que dans son regard, elle y voyait le monde et le vide.
Mais… pourquoi lui avoir parlé, pourquoi elle ? Elle comprenait à peine le tiers de ce qu’elle lui avait dit, et cette fée espérait sans doute qu’elle empêche quelque chose, ou alors voulait-elle seulement la prévenir ?...
Une nausée la saisit, Anastae sentit sa tête légèrement tourner mais elle se planta les ongles dans ses paumes de mains pour se ressaisir :
- La fée l’a cachée. La bâtisse doit obéir à sa volonté.
- C’est la seule explication rationnelle que nous avons. Une chose est sûre, si elle ne veut pas se montrer, elle ne le fera pas, commenta Thalion.
- Alors quoi, siffla la jeune fée entre sa mâchoire serrée. On abandonne ?
Hélios soupira, croisa ses bras, et observa un instant la vue en contrebas :
- Je peux toujours continuer à chercher. Pas forcément la maison en elle-même mais des traces qui pourraient indiquer qu’elle était bien là et découvrir où s’est rendue cette fée.
- Très bien allons-y, répondit de suite Anastae, heureuse de s’occuper l’esprit.
Cependant, lorsqu’elle leva les yeux, elle se confronta au visage fermé des deux Princes qui n’avaient plus l’air si enclin à la laisser participer à cette mission. La jeune fée fronça ses sourcils, prête à leur faire comprendre qu’elle faisait ce qu’elle voulait et qu’ils n’étaient pas ses parents, quand Thalion pointa du doigt sa main droite.
Perplexe, elle porta sa paume à hauteur de son visage et entrouvrit légèrement sa bouche en voyant le sang incrusté sous ses angles et des arcs de cercles ensanglantés incrustés dans sa peau. Comme si cette simple vision pouvait la faire tourner de l'œil, alors qu’elle n’était pas particulièrement sensible, sa tête se mit à tourner de nouveau et une nausée violente la saisit.
Anastae voulait cependant garder une image un minimum convenable et repoussa de toutes ses forces son envie de vomir, chose qui ne lui était pas arrivée depuis qu’elle s’était saoulée avec Luciana. Hélios se mit alors à lui expliquer la raison de sa soudaine maladie :
- Désormais que ton esprit s’est rendu compte de la supercherie que t’avais imposée la fée, ton corps commence à compenser. Je ne pensais cependant pas que cela arriverait si tôt.
- Je souhaite tout de même venir avec vous, répliqua la jeune fée en clignant des yeux.
- Nous allons rentrer, imposa Thalion en la couvrant d’un œil inquiet.
Qu’il arrête !, pensa-t-elle violemment. Elle n’avait pas besoin d’être couvée et elle avait encore moins besoin de sa pitié.
Pourtant, ils avaient raison… Si elle se sentait sur le point de vomir, elle n’allait pas faire long feu sur le terrain. Elle avala sa salive en espérant que cela fasse passer ses nausées mais cela lui fit seulement tourner la tête, plus encore. Elle recula d’un pas, s'agrippa au rebord.
Anastae sursauta en sentant une main fraîche se poser sur son épaule alors que les pensées fusaient dans sa tête : elle savait que Hélios ne parviendrait pas à retrouver la créature, mais une certaine pointe d’appréhension tenait son coeur entre ses griffes en songeant que cette fée savait pour son sang-mêlés. Le Prince, s'il venait à être au courant, viendrait sûrement à lui trancher la gorge dans son sommeil. Elle avait cependant conscience qu’elle ne pouvait rien face à son état qui commençait rapidement à s’empirer et qu’elle ne pourrait pas le surveiller.
L’angoisse monta dans sa gorge, bien différente de celle qu’elle avait ressenti face à la fée, en réalisant qu’elle n’avait aucun moyen d’empêcher quoique ce soit :
- Anastae ?
Elle cligna des yeux en direction de Thalion qui la soutenait avec une main posée sur son bras et sa vision prit quelques secondes pour devenir claire. Ses jambes commençaient à devenir de plus en plus lourdes, ses oreilles se mirent à bourdonner, des étoiles à danser devant son regard.
Elle se sentit vaguement formuler un bref “je crois que je vais tomber”, avant de sombrer dans l’inconscience la plus profonde.
- Méfie toi certes de l’eau qui dort mais prend garde à celle qui bout.
Anastae observa la belle fée, penchée au-dessus de la table, ses longs cheveux tombant sur ses épaules, sur ses hanches, tellement délicate et magnifique à la fois. Son regard aveugle abritait une grande histoire, de longues années qui avaient laissé place au vide le plus profond.
Anastae ouvrit sa bouche :
- Qui êtes-vous ?
Le souvenir changea, se modifia, et la fée releva un regard étrangement plus humain sur elle avec un pauvre sourire sur ses lèvres rosées :
- Je suis celle qui a vu et qui n’a rien empêché. Je suis la lâche qui a fui sa destinée, bien trop effrayée par la mort, je suis celle qui a laissé son amie derrière elle, sans même se retourner, alors que la folie la gagnait, alors qu’elle détruisait.
- …
- Ne deviens pas comme moi, Anastae. Bats-toi, ne t'enfuis pas, ne sois pas celle qui sait, mais qui n’agit pas, sois forte. Petite sang-mêlés, ne renie pas ton côté humain.
Elle plongea son regard dans le sien :
- Fais en une force.