Les derniers rayons du jour se glissaient à travers les fenêtres du couloir, guidant les pas de Caraghon dans l’obscurité naissante. Tentant de suivre le conseil du prince, il s’était efforcé de dormir au cours de l’après-midi, mais sa nervosité trop intense l’en avait empêché. Il ne se sentait pas fatigué, cependant – pas encore. Et alors que le soleil s’apprêtait à prendre congé jusqu’au lendemain, il avait quitté sa chambre pour se diriger vers le couloir qui longeait les quartiers princiers. Il avait la désagréable impression que les moindres pierres des murs devinaient où il se rendait et le toisaient avec désapprobation.
Quand il rencontra un garde en faction devant le couloir qui menait aux appartements du roi, il avait cru que son cœur allait s’arrêter. Mais la sentinelle se contenta de le regarder longer le couloir adjacent d’un œil morne.
Il parcourut sans encombre le chemin effectué un peu plus tôt dans la journée jusqu’au pied de l’escalier dérobé. Il s’agissait certainement de la partie la plus périlleuse de ce trajet, songea-t-il en se coulant dans la galerie quand il fut certain que personne ne le verrait surgir de derrière la tapisserie comme un fantôme. D’ici là, le sanctuaire de Janyde n’était pas loin ; plus que quelques pas et...
D’une arcade sur sa gauche débouchèrent deux silhouettes.
Il reconnut le prince Alàtar, mais son compagnon lui était inconnu. Grand et bâti comme un guerrier, ses cheveux grisonnants avaient dû être noirs, et son visage, quoique marqué de rides, ne paraissait pas si âgé. Une cape bordée de fourrure drapait ses larges épaules, et une épée pendait à sa hanche comme s’il venait tout juste de descendre de cheval. Caraghon stoppa net, pris de court, mais les deux hommes absorbés par leur conversation ne le virent pas tout de suite.
— Je ne nie pas l’intérêt de cette alliance, déclarait l’homme trapu d’un air sombre, mais…
— Ce qui est dit avant un « mais » n’est jamais digne de foi, coupa Alàtar avec un léger sourire. Et je connais fort bien votre position, seigneur duc.
Du coin de l’œil, il capta la présence du jeune soldat devant eux et tourna la tête vers lui. Son sourire disparut, ravalé par la façade froide qui lui était coutumière. L’autre homme suivit son regard, et son expression se trouva partagée en un mélange de mécontentement et de curiosité.
— Voilà donc l’un de nos amis de l’autre côté du détroit, s’exclama-t-il.
Caraghon inclina poliment la tête, malgré l’embarras qui l’envahit, et veilla à ne croiser le regard d’aucun d’eux.
Il semblait écrit que son premier trajet à la tour sud ne serait pas le plus facile.
— Hîl Caraghon, voici le duc d’Ustan, présenta Alàtar d’une voix tranquille. Il vient d’arriver à Eäran et n’a pas encore eu l’occasion de rencontrer les ambassadeurs. Monseigneur duc, hîl Caraghon est sous-lieutenant de la garde Révérente de Makeos.
— J’ai entendu parler du prestige de ces militaires, en effet, acquiesça le duc.
— Il a battu mon frère en duel il a quelques jours, précisa Alàtar.
— Oh, réellement ? fit le duc d’un air surpris. Pourtant, s’il y a bien une qualité qu’on ne peut pas retirer à Tyeltaran, c’est son adresse aux armes.
Il accompagna ces paroles d’un haussement de sourcil que Caraghon ne sut comment interpréter. Pris de court, le jeune soldat se tourna vers Alàtar, qui lui adressa un bref sourire.
— Monseigneur d’Ustan maîtrise mal votre langue.
— Il n’y a pas de mal, assura Caraghon en espérant ne pas commettre d’erreur ridicule dans une seule phrase aussi courte.
Il garda le regard posé sur le prince cadet, avec une insistance qu’il n’espéra pas trop flagrante. Celui-ci sourcilla avant d’incliner imperceptiblement la tête.
— Seigneur duc, reprit-il le plus naturellement du monde, la soirée est assez avancée. Je ne crois pas que vous ayez eu le temps de vous rendre maître de vos quartiers ; sans compter que le roi mon père aura plaisir à vous compter à sa table ce soir.
Le duc répondit quelque chose que Caraghon ne comprit pas et les deux hommes reprirent leur chemin sans lui prêter plus d’attention qu’à l’un des piliers qui soutenaient les voûtes de la galerie. Il ne bougea pas avant de les voir disparaître de l’autre côté du couloir. Dans son dos, les ultimes lueurs du jour mouraient par les arcades de la coursive, baignant le palais de l’ombre de la jeune nuit. Enfin, après avoir pris une ample inspiration, il fit volte-face.
Quand il pénétra dans l’alcôve circulaire à l’arrière du sanctuaire, une torche à la main, l’appréhension revint lui broyer les entrailles. Il s’agenouilla au sol devant la niche, seulement éclairé par les flammes qu’il tenait au bout de son bras, et posa sa main sur la pierre à la recherche du contact de la trappe invisible. Il s’étonna lui-même de la facilité avec laquelle il la trouva. Peut-être était-ce seulement parce qu’il avait connaissance de son existence ; si ce n’avait pas été le cas, il doutait qu’il l’eût découverte. Et aussi inexplicable soit ce prodige, il se sentit rassuré que ce secret soit bien gardé hors d’atteinte des yeux du palais entier.
Il se glissa dans le souterrain en s’efforçant de ne faire aucun bruit, et après avoir refermé le passage derrière lui, se mit en route dans la galerie inclinée. Seul, le chemin lui sembla terriblement long et sinistre. Il n’entendait que le bruit de ses propres pas et n’avait pour compagnie que sa propre ombre déformée par les flammes. Il se prit à regretter que Tyeltaran ne soit pas là.
Puis enfin, après une éternité, la porte de bois pourri se dessina au fond du tunnel. De sa main libre, il s’efforça de faire jouer le loquet couvert de rouille. Comme la première fois, le battant s’entrouvrit sans un seul bruit. Il pénétra à pas lents dans la cave, prit quelques secondes pour étudier la porte qu’il referma derrière lui, sans parvenir à comprendre comment il était possible de déguiser ainsi un tel mécanisme.
Jugeant qu’il avait perdu suffisamment de temps en inepties, il quitta la cave pour remonter dans le hall. Seule la porte bardée qui gardait Lün prisonnier l’accueillit. Tout en accrochant la torche au mur, il leva les yeux, cherchant à savoir si le jeune prince s’était dissimulé dans les ombres de l’escalier. Ses yeux, néanmoins, ne perçurent aucune présence. L’anxiété qui pulsait dans son ventre ne s’apaisa pas pour autant ; elle changeait simplement d’objet. Il gardait un assez mauvais souvenir de leur dernière rencontre et n’aurait jamais avoué à Tyeltaran combien il se sentait mal à l’aise à l’idée de revenir dans la tour. Mais maintenant, il y était, et il lui était impossible de revenir sur sa parole.
Ignorant ce qu’il était censé faire, il finit par se décider à gravir l’escalier. L’ascension lui parut interminable. Quand enfin il parvint au troisième palier, l’obscurité avait envahi le couloir par les étroites meurtrières, et aucune lumière sous la porte de la chambre de Lün n’indiquait qu’il était là.
Il se rappela des rumeurs qui racontaient que le prince errait dans les couloirs du palais pendant la nuit, et il réalisa que Lün connaissait un chemin pour sortir de sa tour, s’il le souhaitait.
Mais cela n’avait aucun sens…
Avant de perdre les dernières bribes de sa résolution, il leva le poing et frappa.
Pas de réponse. Au bout de plusieurs longues secondes, il rapprocha son oreille du battant, sans entendre un bruit qui ait pu trahir la présence de quiconque. Il commença à s’inquiéter. Et s’il était arrivé quelque chose à Lün ? Sa main agrippa la poignée pour tenter de la tourner, força d’un mouvement sec devant la résistance du verrou, avant d’abandonner. A présent, son inquiétude se muait en franche angoisse. Le prince de la tour s’était-il volontairement enfermé, ou se passait-il quelque chose de plus grave ?
— Hîl Caraghon.
Le jeune soldat sursauta comme un enfant pris en faute.
Lün était là, derrière lui, aussi discret qu’une ombre. Il portait la même longue tunique blanche qui s’assortissait à la teinte de sa peau et rehaussait la pâleur de ses yeux. Ses yeux. Caraghon s’efforça de ne pas les croiser, à peu près certain qu’il perdrait de nouveau ses moyens au moindre contact visuel.
— J’ignorais si vous étiez à l’intérieur, expliqua-t-il du bout des lèvres.
— Je ne veux pas que vous entriez dans ma chambre.
La voix du jeune prince, traînante et veloutée, recelait pourtant un accent impérieux qui le fit se raidir malgré lui.
— Alors que suis-je censé faire ? s’informa Caraghon en prenant une brève inspiration.
Lün pencha légèrement la tête sur le côté, dans un angle étrange qui donnait l’impression qu’il allait s’effondrer.
— Restez dans les étages inférieurs.
Ses phrases étaient courtes, incisives, et le seul timbre de sa voix avait quelque chose d’inquiétant.
— Mais je dois veiller à votre sécurité, insista maladroitement Caraghon.
Il eut la certitude que l’atmosphère s’était tendue à l’instant où ces mots avaient franchi ses lèvres. Le visage de Lün était lisse comme de l’albâtre, mais une imperceptible dureté crispa la finesse de ses traits. Le silence froid qui fut sa réponse était bien plus éloquent qu’un discours.
Après tout, songea brièvement le jeune soldat, il lui offrait la possibilité de demeurer à une distance relative de lui, et il s’en sentit soulagé.
Lün le fixait. Ses pommettes saillantes et ses yeux en amande lui donnaient l’air d’un loup dans la pénombre. Il n’avait qu’à peine changé d’expression, et pourtant Caraghon eut l’impression de faire face à une autre personne.
Sans se le faire dire deux fois, il descendit les premières marches de l’escalier. Derrière lui, il entendit à peine la porte de la chambre s’ouvrir et se refermer ; cela aurait aussi bien pu être le souffle d’un courant d’air. Secoué comme s’il venait d’affronter un adversaire particulièrement coriace, le jeune soldat s’aventura jusqu’au deuxième étage en se demandant si cette distance mise entre eux convenait. Après avoir inspecté le colimaçon, il finit par estimer qu’il entendrait venir un potentiel visiteur d’assez loin pour agir, et serait en même temps assez près de Lün pour le protéger en cas de besoin.
Tout cela dans l’éventualité que l’assassin tente une récidive.
Du bout du pied, il poussa la porte du deuxième étage pour se risquer à l’intérieur. La pièce, pauvrement éclairée de quelques rayons blêmes tombant des étroites meurtrières, était pourvue de larges divans installés face à une vaste cheminée éteinte. Elle avait, autrefois, dû être confortable et accueillante ; mais les tapis jetés au sol étaient ternes, les murs froids, l’atmosphère sombre, lourde, endeuillée. Cependant, nota Caraghon, il n’y avait nulle part de poussière ou le moindre signe d’abandon. Ce boudoir semblait simplement… figé. Comme l’était la chambre bleue, comme l’était Lün lui-même.
Il fit quelques pas à travers la pièce, presque surpris d’entendre le léger grincement du parquet sous ses bottes. La lumière blême de la lune qui s’élevait l’attira en direction des meurtrières, uniques percées dans les murailles de la tour. Il se rappela qu’Eäran était une forteresse avant d’être un palais, et songea que cela se ressentait encore.
De ces ouvertures, il avait une vue plongeante sur la grande cour, comme toujours déserte. Il semblait que le palais entier se retranchait entre ses murs lorsque venait l’heure de la lune. Quelque part dans les bâtiments plongés dans l’ombre de la nuit, juste en face, devait se trouver la fenêtre de sa chambre, celle par laquelle il guettait le chant du prince invisible sans parvenir à comprendre d’où il venait ; à présent, il le savait.
Regardant autour de lui, il avisa une chaise non loin et la tira près de la petite fenêtre pour s’y asseoir en la gardant en vue. Le premier croissant de la nouvelle lune s’était élevé au-dessus des murailles ; la position de la tour donnait l’impression qu’elle était toute proche. Il se prit à la contempler avec un certain émerveillement, mais sans parvenir à se défaire complètement du nœud qui lui enserrait la poitrine.
Sur ces entrefaites, Lün commença à chanter.
De là où il se trouvait, il le percevait plus puissamment que jamais, et les premières notes inarticulées le firent tressaillir. Jamais il ne n’avait été aussi proche de lui, jamais il n’avait senti sa voix vibrer au creux de sa propre poitrine avec une telle intensité. C’était presque comme si la sienne s’y mêlait sans qu’il ne s’en rende compte. Il porta une main à ses lèvres pour s’assurer que celles-ci étaient closes, sans quitter des yeux la lune qui apparaissait dans le mince champ de vision que lui laissait la meurtrière. Durant plusieurs interminables secondes, ses rayons l’éblouirent, caressant son visage d’une brûlure plus douce que celle du soleil. Les yeux et l’esprit hypnotisé, nimbé de la voix de Lün qui semblait couler au creux même de son oreille, il eut l’impression que ses sens se décuplaient et s’exacerbaient à l’extrême jusqu’à dépasser les limites de son corps.
Une fugace fraction de seconde, il ressentit une douleur dont il ne saisissait pas la raison, et en même temps il fut baigné d’un terrible soulagement, celui qu’on trouve à désaltérer sa gorge sèche, à passer un baume sur une plaie à vif, à poser au sol une lourde charge que l’on portait depuis trop longtemps.
Et puis tout disparut.
Il se redressa brutalement sur son siège comme un homme qui s’arrache d’un cauchemar avec l’impression de tomber.
— Par le Révéré, jura-t-il entre ses dents.
Si Laeïos ou n’importe quel autre Dejclan l’avait entendu, il aurait eu droit à un regard noir pour blasphémer le nom de son souverain – mais il n’en avait cure, et n’y songea même pas.
La voix de Lün décroissait comme si elle s’éloignait de lui, et il ne pouvait s’empêcher de se lever en tendant l’oreille, espérant vainement l’entendre un peu plus longtemps. Elle finit par mourir dans la nuit qui s’apaisa comme la surface calme d’un étang, absorbée par le silence du palais. Elle aurait pu aussi bien n’avoir jamais résonné. Il n’y avait que dans son esprit que demeurait un écho diffus, qui déjà commençait à s’effacer, pareil aux limbes du souvenir d’un rêve.
Plus aucun bruit ne lui parvenait, et le silence bourdonnait à ses oreilles.
Indifférent au monde entier, le croissant de lune frayait sa route entre les étoiles brillantes. Seuls quelques nuages parsemaient les voûtes baignées par la nuit. Caraghon le contempla longtemps, l’esprit absent.
Afin d’éviter de s’assoupir, il se mit à décrire de lents cercles à travers la pièce en s’efforçant de ne pas faire de bruit. Les sens aux aguets, il était prêt à réagir en un éclair au moindre mouvement suspect. Il remarqua distraitement la présence d’une bibliothèque fournie tapissant l’entièreté du mur du fond, mal éclairé par la lumière diffuse de la lune. Plusieurs fois, il s’avança dans l’encadrement de la porte pour inspecter l’escalier qui s’ouvrait des deux côtés du couloir. L’obscurité était totale – sa torche, en bas, s’était sans doute éteinte depuis longtemps. Pas plus de signe de vie en haut comme en bas. Lün s’était-il endormi, à présent ? Dormait-il seulement ? Peut-être passait-il la nuit à contempler l’astre nocturne qui semblait tant le fasciner.
Il s’efforça de ne pas penser aux ragots qui le prétendaient familier des errances dans les couloirs endormis comme un esprit frappeur. Il l’aurait entendu descendre si cela avait été le cas. Pas le moindre souffle de vent ne pouvait lui échapper. A moins qu’il ait trouvé un autre moyen ? Son imagination se mit à courir après l’image fugace d’un oiseau quittant l’appui d’une fenêtre, ou bien d’une ombre agrippée au lierre qui grimpait sur les murailles de la tour.
Un frisson le tira à ses rêveries. Ne disposant pas de carreaux pour la fermer, la meurtrière laissait passer les courants d’air froid que charriait la nuit. Cela ne l’empêcha pas de se pencher pour inspecter la cour, toujours déserte. La lune avait atteint le plus haut de sa course, à présent, et le temps commençait à lui sembler long.
C’était de loin le tour de garde le plus singulier qu’il ait eu à prendre de sa vie. Ne pas savoir que faire, qu’attendre, que dire et à peine sur qui il était censé veiller.
Il se demanda, avec un rictus, que penserait Laeïos s’il le voyait. Lui qui les avait élevés dans la rigueur et la fierté d’être le fleuron de l’armée Dejclane…
Le sourire disparut de ses lèvres et il baissa la tête. Cela faisait deux ans que le lieutenant l’avait ouvertement choisi comme son bras droit. Il n’avait jamais songé à cette opportunité avec l’orgueil dont aurait pu se gonfler un homme comme Laedion. Certes, il possédait des ambitions, et l’idée de succéder à Laeïos en tant que lieutenant la garde Révérente, le plus haut titre de toute la hiérarchie militaire de Dejclencie, le réjouissait secrètement. C’était naturel. Mais l’ascension et le pouvoir ne le faisaient pas rêver comme autant d’autres. Au contraire, il s’inquiétait du jour où, parvenu au sommet de la pyramide, il n’aurait plus personne au-dessus de lui pour le guider. La seule à qui il avait jamais confié ces inquiétudes était sa mère ; elle lui avait répondu : « Ne cherche pas quelqu’un qui veuille te dominer, mais se tenir à tes côtés. »
Mais ce conseil lui serait-il réellement utile ? En qui pouvait-il placer une telle confiance ? Le pouvoir signifiait la solitude, et de tous les lieutenants, celui de la garde Révérente le savait mieux que quiconque. Il n’avait pas d’égal à proprement parler. La garde Révérente était hors de contrôle des capitaines des armées réguliers et son lieutenant ne répondait à personne d’autre qu’au Révéré lui-même ; il était détaché de l’embranchement précis de la hiérarchie militaire, mais sans appartenir tout à fait aux sphères de la noblesse.
Caraghon se détourna de nouveau de la fenêtre, sentant l’irritation grandir en lui. Ce n’était pas son premier tour de garde, se répétait-il pour se calmer. Mais il lui manquait la cuirasse et la lance, la compagnie d’un frère d’arme avec qui échanger des regards entendus ; il lui manquait le vent du désert, tiède même sans soleil, saturé du parfum des fleurs nocturnes ; les bruissements de la ville qui ne dormait jamais en contrebas des hautes murailles de l’Acropole. D’un regard las, il avisa une nouvelle fois cette pièce scellée de pierre, cette prison qu’il se mit soudain à détester. Comment Lün pouvait-il y vivre depuis tant d’années ? Comment supportait-il la solitude et l’étouffement ? Comment n’était-il pas encore devenu fou ?
S’appuyant contre le mur, il sentit un sourire caresser ses lèvres malgré lui. Un sourire où fleurissait un début de compréhension, et du dégoût.
Si le jeune homme n’était pas encore fou quand on l’avait enfermé, le temps et l’isolement s’en étaient peut-être chargés. Il leva les yeux vers le plafond au-dessus duquel se trouvait l’objet de ses pensées, si proche et pourtant inaccessible. Un frisson le parcourut, autant lié à sa soudaine appréhension qu’à la vague de froid qui accompagna le vent venu de l’extérieur. Il s’écarta de la meurtrière en songeant qu’il devrait emmener un manteau si les nuits en Eälagon étaient aussi glaciales. Et l’hiver ne faisait que commencer.
Quoi qu’il en soit, et pour toutes sortes de raisons, il ne pouvait que prier pour que cette mission de protection qu’il avait acceptée sur un coup de tête soit aussi brève que possible.
La lune avait depuis longtemps disparu depuis son champ de vision, mais la nuit était encore sombre quand un pas léger lui parvint. Posté près de la porte du boudoir dans l’attitude d’une sentinelle, qui le rassurait et lui permettait de rester réveillé, Caraghon se tendit. Il crut une fraction de seconde avoir rêvé, mais il perçut de nouveau le frottement discret contre les marches de pierre. En alerte, veillant à demeurer immobile, il fit lentement coulisser sa dague hors de son fourreau.
— Hîl Caraghon.
Il tressaillit et suspendit son geste. C’était la voix de Lün.
Il distinguait à peine la silhouette qui se découpait dans l’encadrement de la porte, plus sombre encore que les ténèbres épaisses de la tour.
— Vous pouvez partir, reprit sa voix feutrée. Le jour va bientôt se lever.
Puis, sans rien ajouter de plus, il fit volte-face. En une seconde, il s’était fondu dans les ténèbres au détour de l’escalier, aussi soudainement qu’il était venu, l’abandonnant en silence comme une ombre née de son imagination.
Confus, le jeune soldat emprunta le chemin inverse et descendit les marches de pierre en s’appuyant contre le mur d’une main pour se guider. Il songea avec angoisse que sa torche devait être éteinte, et il n’avait nulle part de feu pour la rallumer. Se traitant de tous les noms, il envisagea de remonter pour demander à Lün la permission d’allumer l’une de ses cheminées.
Mais alors qu’il parvenait au virage du premier étage, il aperçut une lueur claire se refléter contre la pierre du mur. Il se raidit, immobile au milieu de l’escalier, l’oreille tendue. Aucun bruit n’indiquait une quelconque présence en contrebas. Les secondes s’écoulaient, alourdies par le silence complet qui régnait autour de lui. De nouveau, il porta sa main à sa dague. La fatigue de la veille lui pesait malgré tout sur les épaules et les paupières, et s’il fallait tuer pour rejoindre son lit avant le lever du jour, eh bien il le ferait.
Il descendit prudemment les dernières marches, franchit le virage et surgit en trombe dans la halle.
Personne.
Seule la torche qu’il avait laissée accrochée à l’anneau de fer brûlait d’une flamme vive.
Sans relâcher la tension de ses muscles, Caraghon scruta les moindres recoins de la pièce pendant un long moment avant d’admettre qu’il était seul. Alors, rengainant une fois de plus son arme qui ne servirait visiblement pas cette nuit, il s’empara de la torche sans se poser de questions. Sa priorité était de quitter la tour. Le reste attendrait qu’il ait pris un peu de repos.
Après une absence de plusieurs mois, me revoilà ! Et que vois-je ? Tout plein de chapitres à lire =D Je suis joie !
T'en fais pas pour ça, le premier jet n'est jamais parfait. Et c'est mieux de le terminer avant de commencer les corrections parce que sinon, tu risques de ne faire que ça et de perdre ta motivation à écrire la suite. Et pour nous lecteurs, ce serait dommaaaage U,U Donc interdit de te morfondre, tu feras ça plus tard >,>
Pauvre Caraghon, il se fait même intimider par les pierres du château maintenant xD Fais attention à ce qu'il n'y en ait pas une qui t'attaque en se décrochant d'un mur et en te tombant dessus >,< (Si, si, ceci est vrai conseil >,>)
Tient donc... Qui est ce duc qui ne semble pas en faveur d'une alliance avec le royaume de Caraghon ? En tout cas, Alàtar a l'air de vouloir le rallier à leur cause mais... qui sait ? Je ne me fie pas à son sourire. Il peut très bien se montrer agréable avec lui pour le faire changer d'avis mais le détester au fond. Avec Alàtar, on est jamais trop sûr, ah ah !
Oh, vous savez, cher duc... si ça lui permet de se faire chevaucher par Caraghon, Tyel est capable de perdre autant de fois qu'il le faut dans un duel >,> *Sent le regard courroucé de Caraghon sur elle* Non mais... je ne disais pas qu'il avait fait exprès de perdre et que tu n'es pas capable de le battre en vrai. Absolument pas ! C'était... un blague, hein ! Tu sais que c'est toi mon préféré et je sais que tu es fort U,U (Rah la la, ces hommes, toujours à devoir les rassurer sur leur virilité *soupir*)
C'est vrai que Lune-chou à une manière d'être qui met assez mal à l'aise. Je comprends totalement que Caraghon ne soit pas fou de joie à l'idée de le rejoindre dans cette tour sombre et menaçante, surtout en sachant qu'un assassin peut se cacher n'importe où, ah ah ! Mais d'un autre côté, voilà où ils ont abandonné un petit enfant, tout seul, pendant des années ! C'est étonnant que Lune-chou ne soit pas juste devenu complètement fou. Je trouve qu'il s'est est plutôt bien sorti et j'espère vraiment que Caraghon et lui se rapprocheront et apprendront à se faire confiance et à être amis =)
Bon, c'est pas gagné xD Lune-chou n'a pas l'air tellement ravi d'avoir Caraghon dans les pattes et sur son territoire >,< Est-ce parce qu'il a l'habitude d'être seul ou bien cache-t-il quelque chose ? Je suis curieuse ^^
Ooooook... Qu'est-ce qu'il vient de se passer, au juste ? Lune-chou a réussi à hypnotiser Caraghon avec son chant ?En tout cas, le pauvre n'a pas l'air d'être plus avancé que nous. Caraghon est complètement largué et moi aussi x)
Je suis d'accord avec sa mère pour le coup mais je pense qu'elle aurait quand même pu essayer de le rassurer quant à ses craintes d'être au sommet de la hiérarchie et de ne plus pouvoir compter que sur lui même pour prendre les décisions. C'est clair que c'est effrayant quand on y songe et il a tous les droits d'être inquiet pour ça ^^ J'espère que Tyel sera la personne qui se tiendra à ses côtés quand ça arrivera, et qu'il sera aussi cette personne pour Tyel, hi hi !
Etait-il vraiment seul ? Soit la fatigue lui a joué un tour, soit... la personne qui cherche à tuer Lune-chou connaît aussi bien les passages de la tour que ce dernier. Ce qui veut dire qu'il est bien renseigné. En tout cas, si Caraghon doit passer toutes ses nuits comme ça, je pense qu'il va finir par crever de fatigue. Et je ne pense pas que les cernes de six pieds de long soit très sexy xD Tyel va arrêter de s'intéresser à lui, ah ah ah (Mais non, je plaisante ! S'il arrête à cause de ça, je te demanderai, chère autrice, de le priver de vin et de chasse, mouhahahahaha !)
Bref, un super chapitre comme d'hab' , que j'ai dévoré avec beaucoup de plaisir et comme la suite est déjà là à m'attendre, je me lance !
A tout de suite !
Natsunokaze
Ahah oui j'ai réussi à me le mettre en tête mais j'ai eu du mal pendant quelques temps ! Donc bon j'essaye d'avancer aussi vite que possible et on verra après ^^
Cara note ton conseil, maintenant il va mettre une armure intégrale et un casque pour éviter un accident xD
On aura l'occasion de le revoir tkt >.> Et Alàtar valide la petite analyse que tu as fait de lui, il est très fier de toi ! Affaire à suivre...
"si ça lui permet de se faire chevaucher par Caraghon, Tyel est capable de perdre autant de fois qu'il le faut dans un duel >,>" AAAARGH jpp mets un warning avant de balancer ça, j'ai explosé de rire xD (le pire c'est que c'est vrai...)
Cara consent à croire que tu ne remets pas en doute sa capacité à déglinguer du prince, mais... attention à ce que ti dis hein >.>
T'as vu comme c'est mystérieux tout ça ? xD Même s'il n'est pas complètement fou, Lün est quand même un peu à côté de ses pompes (non mais me regarde pas comme ça Lün...) et voir quelqu'un débarquer chez lui ne lui plaît pas. Et en effet, ses capacités de chanteur d'opéra lui ont visiblement attiré un fan.
Ahah tu connais pas bien la mère de Cara xD mais c'est vrai qu'elle pourrait être un peu plus compréhensive.
"J'espère que Tyel sera la personne qui se tiendra à ses côtés quand ça arrivera, et qu'il sera aussi cette personne pour Tyel, hi hi !" Ouiii *O*
"Tyel va arrêter de s'intéresser à lui"
Alors là il est outré par ce que tu viens de dire xD Il vaut mieux que ça wesh ! Même avec des cernes jusqu'aux genoux et une gueule de zombie Cara sera parfait ! Tsss...
Ce chapitre fait un peu penser aux petits que tu insères de temps en temps, du point de vue de Lün : il y a une sorte de fascination, mais aussi une pointe de malaise... Qui est devenue un peu plus qu'une pointe dans ce chapitre 😅 Encore une fois tes descriptions sont magnifiques sans être ennuyantes ^^
Hâte de lire la suite <3
"Certes, il possédait des ambitions, et l’idée de succéder à Laeïos en tant que lieutenant la garde Révérente" → "de la garde", non ? ^^
Petit commentaire sur ce chapitre : je trouve les interactions avec Lün et les descriptions de son chant - et de l'effet qu'il produit sur Cara - très réussis.
En revanche, je trouve ce chapitre un peu long pour ce qu'il s'y passe. Par exemple détailler tout le trajet de Cara, alors qu'on a déjà suivi le même dans le chapitre précédent est un poil répétitif, même si c'est bien de ressentir l’appréhension de Cara. Bref, je pense que ce chapitre gagnerait à être un peu raccourci :)
Bon encore un très beau chapitre ! Ca fait du bien de retrouver tout ce beau monde. Même si j'ai déjà eu la primeur des lire un autre chapitre en exclusivité ahaha. Lun est assez... malaisant. il me donne des frissons. On ne sait pas sur quel pied danser avec lui. Un jour il es touchant, l'autre froid... J'aime toujours autant ton écriture et la personne de Cara. En revanche, j'ai trouvé ce chapitre un peu lent avec beaucoup de descriptif mais tu connais mon aversion pour la description mdr. Hâte de lire la suite en tout cas.
Ahah ravie que tu le trouves malaisant, parce que j'étais pas sûre de l'effet qu'il allait produire ni même s'il allait en produire un ! Malheureusement pour toi, y'aura encore des chapitres très descriptifs de ce genre, parce que dès qu'il y a Lün c'est pas possible d'avancer bien vite xD Mais promis y'aura des moments un peu plus dynamiques. Je crois.
J’ai vu ta note au début du chapitre, et si je comprends les doutes que tu peux avoir (qui sont probablement le fléau de chaque auteur), je ne peux que t’encourager à continuer de poster parce que ton histoire est vraiment bien.
Au plaisir de lire la suite bientôt ;)
Caraghon et tous les autres sont flattés en tout cas x)
Oui c'est très certainement la chose la plus difficile quand on publie un premier jet, mais mes tendances perfectionnistes ont du mal à l'accepter... Merci encore, bisous ;)
Je comprends, mais pour un premier jet il est tout de même particulièrement réussi ;)
J'attends la suite avec impatience !
Merci beaucoup <3 du coup je suis allé jeter un coup d'oeil à ton histoire, c'est dans ma PAL !
J'essaye de reprendre un rythme de publication régulier alors ça ne devrait pas trop tarder ^^
Ça marche, j'attends ça ;)