CHAPITRE 24

Par itchane
Notes de l’auteur : Hello, bon dans ce chapitre beaucoup d'infos tombent un peu de nulle part, elles auraient clairement mérité d'être développées tout au long du récit pour les rendre plus tangibles et cohérentes... bref on arrive à la fin de l'histoire et les défauts les plus gros se feront sentir à partir de maintenant... n'hésitez pas à me dire tout ce qui ne va pas ! ^^


CHAPITRE 24



― Qu’est ce qu’un dieu vient faire dans l’église d’un autre ? demanda Grive.
Ses yeux étaient un peu perdus, ses traits tirés. Il ne restait plus grand chose de la tension et de l'acuité permanente que Sorc lui connaissait. Le bleu de ses yeux avait fondu, ils avaient perdu leur tranchant. Sa voix s’était faite lasse.
― Je me mets sous sa protection, répondit Sorc en pointant la statue de la Bonne Mère. Tous les dieux ne se valent pas. Et je ne vaux pas grand chose.
― Et vous dites cela à un simple humain.
Sorc ne parvint pas à s’excuser.
― Et vous, que faites vous ici ? demanda-t-il plutôt. Je ne vous imaginais pas croyant.
Grive ricana.
― Ai-je encore la possibilité de ne pas l’être ?
― Dans l’absolu, oui. Moins il y a de croyants, moins il y a de dieux et moins il sont puissants. Une civilisation entièrement athée aurait raison de l’être, puisque de fait, elle ne créerait pas de dieux.
― C’est donc ainsi que cela fonctionne ? Elle doit être sacrément puissante alors, dit Grive en pointant la Bonne Mère de son menton.
― Elle l’est.
― Pourquoi ne se montre-t-elle jamais alors ? Elle pourrait sauver tellement de vies…
― Elle est pour la paix. Je veux dire, la paix absolue, celle qui fait que l’on ne s’engage pas, ni dans un sens ni dans un autre. Elle ne prend pas parti, elle ne veut pas entrer en conflit.
― C’est assez lâche.
― Vous blasphémez sous son propre toit, gare à vous, ironisa Sorc. Et n’oubliez pas, “la Bonne Mère pour l’apocalypse reviendra, et tous nous jugera”.
― Oui, je connais l’adage, merci, dit Grive en levant les yeux au ciel. Vous avez retrouvé vos camarades disparues ?
Le silence s’installa. Puis Sorc céda.
― L’une oui, torturée. L’autre est morte. Les mages sont de retour.
La réaction du policier fut d’abord affligée, puis mitigée.
― Les mages ? Comme en cours d’histoire, les mages, mages ?
― Oui, les mages. Vous ne comprenez pas encore ce que cela signifie, vous avez oublié. Pas vous personnellement, mais collectivement, vous avez tous oublié. Moi aussi, d’une certaine manière, j’avais baissé ma garde.
― Je ne comprends pas, qu’est-ce que cela signifie, le retour des mages ?
― C’est compliqué. Disons qu’ils veulent toujours le pouvoir et qu’ils l’appliquent toujours à leur seul avantage une fois qu’ils l’ont obtenu. 
― N’est pas un peu ce que font toutes les personnes de pouvoir ?
― Vous ne vous rendez pas compte à quel point ils sont prêts à tout. Ce n’est pas qu’une question de prendre ou lâcher le pouvoir, ce n’est pas une question d’être gentils ou méchants. C’est une question de vie ou de mort pour toute une part de la population. Au moins une sorcière est déjà tombée, l’autre a été sauvée in extremis. L’horreur a déjà commencé.
― Les crimes, les immolations, c’était eux ?
― Non. Et pourtant je peine à croire qu’il n’y ait aucun lien. Le timing est trop idéal. Les mages ont toujours cherché les conflits et ces meurtres les provoquent.
― Ça on est d’accord. Pour créer le conflit, ça crée le conflit.
Sorc se tourna vers Grive, étonné.
L’ancien policier sortit de sous son bras un journal qu’il tendit à Sorc.
― C’est l’édition de ce matin, tout frais imprimé, tout frais fuité.
En une du journal, la phrase “La Zone est parmi nous” et en sous-titre “Un monstre de la zone vivait dans les sous-sols du quartier ouest”. Une photo, de mauvaise qualité mais distincte tout de même, présentait au grand public le cadavre brûlé du roi des krats. 
― Je ne sais pas qui a pris cette photo et leur a envoyé, sans doute un membre de mon ancienne équipe ayant désobéit à mes ordres, dit Grive. Je ne suis plus habilité à faire une enquête sur le sujet ni à tirer les oreilles de qui que soit.
L’article était agressif, catastrophé. Angoissant. À les lire, la Ville serait bientôt envahie par les habitants de la Zone, peut-être l’était-elle déjà.
Sorc reposa le journal.
― Tout recommence, dit-il.
― Tout quoi ?
― Je reconnais ce schéma. Rien n’a été véritablement réglé et voilà que le passé refait surface.
― Quel passé ?
― La Ville contre la Zone, les mages contre les sorcières. Je crois savoir désormais. Je pense avoir compris qui est ce dieu. Je l’ai toujours su je crois.
― Qui ?
― Celui qui a tué les riches pour que l’on accuse les pauvres. Celui qui attise les tensions entre Ville et petite zone, qui fait peur aux mages et tue Peet pour que l’avenir ne soit pas révélé, pas tout de suite, pas trop tôt. C’est la Guerre. La Guerre est revenue. 
― La guerre, quelle guerre ?
― Le dieu Guerre, précisa Sorc.
― C’est un dieu ça ?
― Ça le devient si suffisamment de personnes croient en elle. 
― Et plus de gens croient en elle, plus elle est puissante. 
― Et plus elle est puissante, plus elle a les moyens d’attiser les conflits, alors de plus en plus de personne sont convaincues qu’elle est inévitable et croient en elle. Comme un effet boule de neige.
― Vous êtes sûr de vous ? demanda Grive.
― Jamais. Ce qui fait de moi un piètre dieu.
― La Guerre, s’était il y a longtemps. Nous avons prospéré depuis, j’ai du mal à me sentir concerné.
― C’est pourquoi elle est encore solitaire et doit se contenter pour l’instant de conflits de rue. Mais il lui faudra plus, toujours plus.
― Et comment on l’arrête ?
― Les Corbeaux Blancs étaient censés servir de filet de sauvetage.
― Et alors, qu’est ce que ça a donné ?
― Je suis venu et je n’ai rien réglé, la situation est même pire qu’avant mon arrivée. Il était déjà trop tard.
― Mais je ne comprends pas, s’étonna Grive. Si j’ai bien compris ce sont les mages qui  vous ont appelé pour arrêter le criminel. Vous êtes donc dans le même camp cette fois, non ?
― Jamais. Les mages aiment la guerre et je peine à croire qu’ils n’aient pas encore compris à qui ils avaient à faire.
― Je ne comprends pas, pourquoi vous appeler alors ? 
― Peut-être peinent-ils vraiment à trouver ce dieu, qui pour le moment avance en solitaire. Peut-être parce qu’il y avait des mages parmis les victimes, trois, et que cela devait cesser. Je pense en tout cas qu’ils ont besoin de trouver ce Dieu et de le mettre dans leur camp avant que la guerre, la vraie, n’éclate. Dans tous les cas, ils avaient besoin de mon aide pour mettre la main dessus et je crains avoir fait exactement ce qu’ils attendaient de moi.
― Vous savez comment lui mettre la main dessus ? s’étonna Grive.
― J’ai su, c’est comme ça que je suis arrivé le premier à l’appartement de Peet. Mais j’ai perdu le moyen d’y arriver. Ils me l’ont volé. Voilà. Voilà à quoi j’ai servi, à leur apporter la Guerre sur un plateau. Et un moyen de surveiller l’ensemble des divinités.
― Bref vous vous êtes fait avoir.
Sorc se pencha et prit sa tête entre ses mains.
Grive soupira et s’adossa contre le dossier du banc.
― Enfin, nous nous sommes fait avoir, dit-il. Je me suis fait doublé par une subordonnée et mes anciens patrons faisaient partie des méchants de l’histoire. 
― Je ne sais comment reprendre cette enquête. Je dois tout revoir à zéro pour tenter de trouver la Guerre avant les mages.
Grive semblait hésiter, puis il céda.
― Bon. Je ne vais pas vous apporter que le journal ce matin, dit-il.
Il mit la main à sa poche et en sortit un petit objet de plastique que Sorc regarda sans comprendre.
― C’est une clef USB, lui expliqua Grive. Elle contient tous les éléments de l’enquête policière. Je n’ai pas su me résigner à simplement laisser tomber, alors j’ai volé ces données avant de quitter mon bureau. Je vous les donne. Je n’ai pas su me dépatouiller de cette affaire, peut-être le pourrez-vous avec tous ces éléments supplémentaires.
Sorc regarda la clef avec déférence et avidité. Il tendit la main, Grive y déposa l’objet.
― Il vous faudra un ordinateur pour la lire, dit l’ancien policier.
― Non.
Sorc replia ses doigts sur la clef et ferma les yeux. Une foule de données déferla dans son cerveau. Interrogatoires, notes personnelles, échange avec les supérieurs, rapports détaillés. Tout, tout ce qu’il lui avait été interdit de consulter jusqu’alors. 
Il rouvrit les yeux et rendit sa clef à Grive.
― Merci, dit-il à Grive. Je vais avoir besoin d’un peu de temps pour éplucher tout cela. Mais cela me sera très utile.
L’ancien policier reprit sa clef, incrédule.
― Vous êtes vraiment un Dieu alors ? demanda-t-il à Sorc à brûle-pourpoint.
― Je crains que oui.
― Le dieu de quelque chose ? Je veux dire, c’est quoi votre truc à vous ? Dieu des sorcières ?
Sorc sourit.
― Les sorcières n’ont pas de dieu, ou dit autrement, elles croient en tous.
― Alors, vous êtes le dieu de qui ?
― Je ne sais pas bien, des repentis je crois.
― Des repentis ?
― Je n’ai pas toujours été quelqu’un de bien et cela fait deux mille ans que j’essaye de me faire pardonner. Il y a de cela fort fort longtemps, j’étais un simple berger nommé Tess, et j’ai commis un horrible crime. Mais c’est une histoire que je n’ai pas le temps de vous raconter.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Sim
Posté le 22/06/2025
Bonjour,
J'ai adoré les révélations, surtout la toute dernière. J'écris à chaud, mais ça fait 5 minutes que je phase devant mon écran pour digérer toute cette affaire et j'adore.
J'aime bien la direction qu'a prise la relation entre Sorc et Grive, je pense qu'elle aurait pu être davantage développer avec un peu plus de temps ou travers de précédents chapitres. Je trouve que Sorc devient assez bavard ces derniers chapitres et je me demande si cela s'inscrit dans le développement de son personnage/de ses relations ou autre.
Je réponds aussi à tes notes/inquiétudes sur le chapitre. Je n'ai pas l'impression que les révélations viennent de "nulle part" parce que je trouve qu'elles s'imbriquent parfaitement avec l'univers de ton récit, et que ça fait sens. En revanche, elle arrive effectivement un peu toutes en même temps. Personnellement, ça ne me dérange pas outre mesure (je suis bien consciente de la difficulté à disséminer des éléments structurants l'univers sans noyer les lecteurices - c'est mon principal problème quand j'écris).
Peut-être qu'une idée pourrait être de prendre le temps d'ajouter des chapitres ou d'étoffer des chapitres déjà existants pour approfondir les relations, les préciser, et en profiter pour amener des éléments structurels. Trouver un équilibre entre action/information, pour permettre le temps à chaque révélation de se faire (révélation de la Bonne Mère, révélation de la Guerre, révélation de la création d'un dieu, révélation des origines de Sorc). À toi de voir ce que tu préfères faire (ou ne pas faire) !
J'adore le principe du Dieu de la Guerre, je trouve que ça fait sens et que ça prend toute sa logique.
Aussi, je trouve Sorc un peu rancunier sur les mages, comme s'il les mettait tous dans le même panier de "méchants". Ça reste en cohérence avec son passif et ça lui apporte de la nuance. J'apprécie beaucoup !
J'ai hâte de lire la suite alors je continue :)
Sim
Posté le 22/06/2025
Je reviens sur l'équilibre action/information, je me dois de compléter mon propos parce que je viens d'en discuter avec mon copain qui écrit aussi et il a une théorie à ce sujet qui pourrait peut-être t'aider. (Et oui, je parle de Feux autour de moi parce que j'aime bien :3)
En gros, sa théorie complète c'est : chaque chapitre aurait un équilibre action/information/émotion, et chaque chapitre serait plutôt orienté vers l'un des trois concepts (un chapitre plutôt informatif, un chapitre plutôt émotionnel, un chapitre plutôt d'actions) sans pour autant que les deux autres concepts en soient absents. Ça serait vraiment à doser/alterner/varier en fonction de ce que tu veux/dois mettre en valeur. Ça peut venir tout à fait naturellement mais c'est parfois un peu plus compliqué, alors avoir cette idée de "action/information/émotion" ça peut aider à enrichir ce qu'on écrit et à rééquilibrer ce qui nous parait un peu lourd.
Je ne sais pas si ça pourra t'aider dans tes réflexions et tes inquiétudes, mais je pense qu'il était important que je te partage cet outil si jamais il peut t'être utile c:
Je culpabilisais un peu d'être vite passé dessus dans mon commentaire, alors je développe ici c:
Au plaisir de te lire !
itchane
Posté le 13/07/2025
Hello Sim,

ouah, merci beaucoup pour tes super commentaires, ils me sont vraiment très très utiles.
Merci aussi à ton copain d'avoir pris le temps de théoriser un peu sa méthode, j'aime bien cette idée que l'on doit retrouver un peu des trois entre action/information et émotion à chaque chapitre mais avec une dominante tout de même.
J'y réfléchirai pour reprendre ce texte.

J'ai reçu des commentaires un peu plus sceptiques que le tien sur ces derniers chapitres postés et je me mets à douter beaucoup de pas mal de choses. Je vais sans doute devoir mettre le texte sur pause un moment pour m'y retrouver et revenir avec des idées un peu plus fraîches. Du coup je suis vraiment désolée mais la suite risque de se faire beaucoup attendre.
Tes commentaires sont vraiment hyper constructifs, merci beaucoup beaucoup, je les garde précieusement pour une future réécriture.
Je tâcherai de venir faire un tour sur tes propres récits pour te rendre tout ce que tu m'as donné jusqu'ici : D

Merci encore Sim
Sim
Posté le 14/07/2025
De rien :)
C'est normal de douter, et pas de soucis, je serai patiente ;)
Les réécritures et relectures sont ce qu'il y a de plus long dans le processus, et prendre le temps du recul est souvent nécessaire.
Prends soin de toi et de ton imagination surtout !
A bientôt
Erwel.le
Posté le 16/06/2025
Ahhh, c'est donc le Dieu Guerre. D'accord, je vois donc où est son intérêt là-dedans.

Il me semble que dans ce chapitre, tu nous livres toutes ces informations via le dialogue avec Grive. ça fait un dialogue assez dense et parfois peu réaliste (par rapport à la réserve de Sorc, peu loquace et assez discret, ce soudain épanchement est un peu décalé). Pourquoi pas réinsérer des flash-backs pour nous donner les informations autrement ?

Je poursuis le prochain chapitre.
itchane
Posté le 17/07/2025
Hello Erwel.le,

ouf, tu trouves cela crédible le dieu guerre ? J'ai tellement de doutes sur ce texte aujourd'hui que je doute même de mes concepts de base xD

Oui tu as raison, beaucoup de révélations arrivent via des dialogues à rallonge, c'est embêtant, il faudra que je revois tout ça... pourquoi pas des flash-backs effectivement.

Merci encore pour tes retours ! : )
Raza
Posté le 28/05/2025
Hello!
Alors ça, le dieu de la guerre ! Ok, pourquoi pas, mais perso, pour avoir une guerre, j'aurais besoind d'un terrain plus grand. Ici, on n'a qu'une ville. Si tu ne veux pas trop bouleverser ton univers, des alliances entre la petite zone et un "ailleurs" plus tangible pourrait être une piste ?
Les incises, les incises ! J'ai le même problème, alors je compatis, et je voisbqu'il faut des pauses dans ce dialogue. Il est trop "vif" à mon avis ?
Ahah, Tess, le revoilà ! Ne souhaiterais tu pas mettre cette révélation dans un dernier chapitre du temps passé ? Un où il gagne son nouveau nom ?
Sorc manque beaucoup de nuances sur les mages, ce qui est ok, mais je trouve que ses propos sonnent "naïfs", en décalage avec son âge. Je pense que tu pzux garder la même idée, mais retravailler le style oral ?
Voilà, j'ai bien peur pour Sorc rt pour la paix <3
Merci pour le partage et à bientôt !
itchane
Posté le 09/06/2025
Coucou Raza,

oui, on arrive dans la partie faible de l'histoire, mais sa faiblesse provient en réalité, je crois, de ce que je n'ai pas su construire suffisamment en amont.

Pour moi "guerre" peut signifier guerre civile aussi, et cela ne nécessite pas forcément un grand territoire, mais là encore, la guerre civile grondant en sourdine n'a pas du tout été assez mise en scène dans le récit je pense.

Je vais revoir ce dialogue sans doute, mais j'ai clairement raté mon objectif. Je n'ai pas réussi à faire des mages les vrais grands méchants de l'histoire... pour toi Sorc est naïf et manque de nuances ? Arg, pour moi les mages devaient être une métaphore de la montée du fascisme, gros fail apparemment, mais encore une fois c'est entièrement ma faute, je n'ai pas su mettre en scène tout cela. Je me suis trop attardée sur l'enquête et pas assez sur le contexte géopolitique je pense. On en parle un peu au début (les émeutes) puis plus du tout...

Bon, bon, bon, un gros travaille de réécriture et surtout de réflexion sur le fond du texte s'annonce ^^"
itchane
Posté le 09/06/2025
Ah, et pour l'histoire de Tess, j'hésite beaucoup. J'ai l'impression que cela mériterait presque un autre projet... un autre récit spécifique... je ne sais pas si je souhaiterais le mettre dans ce texte-ci. Bref, tu as parfaitement perçu mes hésitations ici ^^

Je vais y réfléchir.
Hé bien, j'ai du pain sur la planche pour réécrire tout cela !
Vous lisez