CHAPITRE 25

Par Taranee

PRESENT : ELIJAH

 

            Au matin du trente-sixième jour de voyage, ils arrivèrent au pied des sinistres montagnes de l’Ygualroy. Elles s’étendaient sur des kilomètres jusqu’à devenir invisibles à l’horizon. Une chaîne qu’on ne pouvait contourner. Grises, sèches, il n’y avait que très peu d’herbe. Le vent y soufflait presque constamment. Il y a de ces paysages si peu accueillants qu’ils vous donnent envie de fuir rien qu’à leur vue. C’était le cas des montagnes de l’Ygualroy. Les chevaux avaient commencé à paniquer lorsqu’elles s’étaient découpées sur l’horizon. Et maintenant qu’ils étaient devant, Elijah et Nilt peinaient à contenir leur inquiétude. Ce mois de voyage avait finalement payé, ils étaient presque arrivés. Elijah se tourna vers son compagnon.

            Drapé dans son épais manteau, le col de fourrure enroulé autour du cou et remonté sur son nez, on avait l’impression que Nilt disparaissait dans son vêtement.

- Combien de temps allons-nous mettre pour arriver à la guilde des mercenaires ?

- Je dirais un jour ou deux. répondit l’homme d’une voix qui était étouffée par ses couches de vêtements : Après ça, il faudra encore réussir à entrer.

Un jour ou deux. Voilà le temps qui séparaient Elijah de Nethan et de Jio. Dans un jour ou deux, ils viendraient les sauver. Mais comment ? Ils étaient deux. Ils n’avaient pas de plan.  Nilt semblait pourtant si sûr de lui… Il fallait continuer à avoir confiance. Elijah sentait son pouvoir fourmiller en lui, dans le bout de ses doigts. Pendant tout le mois, il s’était entraîné à l’utiliser. Il était encore loin de le maîtriser, mais il se sentait plus serein à l’idée de posséder une telle puissance. Depuis qu’il avait découvert la véritable nature de son pouvoir, il se demandait comment il pourrait s’en servir. Il avait imaginé plusieurs fois le jour où il rentrerait à Nirim, où il raconterait ses aventures à Jake, à Abigail, et aussi à Evvy, à Aya, à Gringe et à Ethan. À tous ces gens qui l’attendaient, là-bas. Un ou deux jours. Dans un ou deux jours, tout serait fini. Il demanderait à Nethan de le ramener sur la face sciento-magique. Bien sûr, il serait triste de laisser Jio. Jio, son ami d’enfance, celui qu’il avait chéri, puis haï, avant de l’aimer de nouveau. Mais Jio pourrait encore communiquer. Alors que sur l’autre face, ils n’avaient aucun moyen de contact. Un jour ou deux. Du temps, ils n’en avaient plus. Elijah jeta un regard en biais à Nilt et fit claquer les rênes de son destrier. Le galop le surprit, au début, mais il s’y habitua. Il s’habituait à beaucoup de choses.

 

PRESENT : LE DUC NOWISE

 

            Lorsqu’il vit la forteresse des mercenaires se profiler dans le paysage, le Duc poussa un cri de joie. Après des détours, des contretemps, des arrêts forcés, ils étaient enfin là, ils avaient atteint la guilde. Erlein Nowise se sentait tout émoustillé. L’enquêteuse lui avait assuré qu’il restait tout au plus une journée de chevauchée. Une journée avant de retrouver tous ceux qu’il cherchait. Soö, d’abord. Il était temps d’avoir une conversation avec lui. Et Nethan, et Jio. Jio. Le gosse qu’il devait tuer, pour le bien de toute la face. Et pourtant, il hésitait. Encore et toujours. Ce garçon avait du charme, de la puissance, de l’innocence aussi. Le tuer aurait été un beau gâchis. Le Duc avait si longtemps cherché quelqu’un qui serait à la hauteur de maintenir le titre Nowise… Pourquoi pas lui ? Ses fils avaient échoué dans cette tâche. Pourquoi pas ce garçon ? Il était un mage d’ombre. Oui, mais il était doué. Il ne ternirait pas le nom Nowise.

            Le Du poussa un cri torturé qui fit sursauter Samaër. Quel idiot ! Il n’était pas question de laisser la vie sauve à ce gosse ! Peu importait à quel point il était doué, à quel point Erlein Nowise avait pu s’attacher à lui ! Il était dangereux. Et le danger, il fallait l’éliminer. Reprenant son calme, il mit son cheval au trot. Plus vite ils arriveraient plus vite il pourrait régler les affaires qui le tourmentaient. Le conseil arriverait bientôt. La guilde serait certainement démantelée. Et alors, son bâtard de fils n’aurait plus rien. Plus de pouvoir, de point d’attache. Plus de mercenaires à faire obéir. Le Duc allait enfin pouvoir se débarrasser de ceux qui le dérangeaient. Il se tourna vers ses comparses.

- Dépêchons-nous. dit-il d’une voix assurée : Il faut arriver au plus vite.

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