Chapitre 26 : Là où tout concorde.
Mon cœur bat à tout rompre, ma respiration est courte, mais il ne faut pas perdre une minute. Il faut que j’arrive à temps. Béatrice n’aura pas de mal à passer les dernières barrières la séparant de Pavel… Tout est une question de temps, à présent.
Arrivée au passage à l’ouest, je plaque mon bracelet Maeve sur le détecteur. La porte s’ouvre, m’arrachant un sourire au passage. Quand je me suis assurée que derrière moi, les verrous se sont bien réenclenchés, je cours.
Je cours dans le dédale mal éclairé, à peine décoré de petites lumières bleutées qui indiquent le chemin.
Direction l’est, cette fois. Direction l’ordinateur du Symbiose et direction Pavel et Mikhaïl Konstantin.
Je m’efforce de maintenir l’allure, même si la peur vole une partie de mon souffle. Je dois vaincre Béatrice, à présent. La battre à son propre jeu. Accéder à l’ordinateur avant elle.
J’ai perdu la notion du temps quand j’arrive enfin à une porte scellée. Là, j’applique une nouvelle fois mon bracelet contre le verrou. Une tonalité claironnante m’indique que je suis reconnue… pourtant, rien ne se passe.
Je tente une nouvelle fois de plaquer mon bracelet contre le métal, plus fort.
Rien ne se passe.
Mes entrailles se glacent. Il n’y a plus le temps. Ont-ils supprimé mon accès ? Ont-il décidé que finalement, je ne devais plus jamais accéder à cette pièce ?
Est-ce que le plan a changé… ?
Pavel ne peut pas me…
Soudain, une projection traverse la porte.
Une Maeve. La mine sévère, elle n’a été dotée d’aucune fantaisie, absolument aucune. Comme si elle venait à peine d’être convoquée pour la première fois. Sauf que sa mine est si sévère qu’elle ne peut me faire penser qu’à une seule personne. Le seul qui pourrait être tant en colère après moi en cet instant.
— Mikhaïl… Ouvre, s’il te plaît…
Sa Maeve prend un air hautain, puis elle pivote sur elle-même et traverse de nouveau l’épaisse porte.
Les secondes s’égrènent comme des heures.
Et finalement, le déclic.
— Eh bien. Si ça n’est pas le Phœnix en personne !
Une main m’ébouriffe sauvagement les cheveux et je découvre Pavel Konstantin, un large sourire aux lèvres. Je repousse sa main mais il agrippe mon bras pour m’entraîner vers l’intérieur de la pièce.
— Désolé pour le délai, il faut déverrouiller de l’intérieur aussi, explique-t-il. Quel air soulagé… Tu as cru qu’on hésitait à te laisser entrer ? Mikhaïl, viens donc dire bonjour à Solange !
La porte claque dans mon dos et mon cœur fait un bond. Adossé contre un mur de la pièce, Mikhaïl, bras croisés sur la poitrine, me fixe d’un air furibond.
— Tu peux ôter son masque pour le moment, Solange, indique le chancelier.
Je jette un œil autour de moi. En effet, personne, ici, ne porte le masque. Je retire le mien. Dans la pièce, en dehors de Pavel et Mikhaïl, il se trouve une dizaine de personnes. Quelques gardes : l’un surveille l’issue de secours par laquelle je suis arrivée, trois autres sont postés à l’entrée « officielle » par laquelle Béa est en train d’essayer d’entrer.
— Ta tante arrive, n’est-ce pas ? demande Pavel en surprenant mon regard.
Je hoche distraitement la tête. Une tête blonde vient d’attirer mon œil. Les yeux plissés, les lèvres pincées, assise face au grand ordinateur, il y a madame Mestre.
Mon sang ne fait qu’un tour quand elle me jette un regard, glacial, avant de se concentrer de nouveau sur son écran.
— Bon… bonjour.
— Bonjour, Solange, répond Pavel Konstantin, visiblement le seul ayant décidé de ne pas ignorer mon arrivée dans la pièce.
Quelques-uns des scientifiques qui accompagnent madame Mestre m’adressent un vague signe de tête.
— Commandant ? appelle alors le chancelier.
Un des hommes qui gardent la porte principal approche.
— Solange, j’ai besoin que tu dises au commandant combien vous êtes à attaquer Solavie. Si tu pouvais être précise…
— Bien sûr.
Pavel pose une main sur mon épaule et y exerce une brève pression avant de repartir du côté de madame Mestre. Au loin, Mikhaïl me fixe toujours, hargneux. Je déglutis, mais malgré cet accueil peu chaleureux, je savoure d’être arrivée à temps. Je convoque alors ma Maeve et me tourne vers le commandant.
— Je lui ai fait enregistrer tout ce qui s’est produit autour de moi pendant ces dernières vingt-quatre heures. Maeve… informe le commandant de la stratégie d’attaque des Oiseaux, s’il te plaît.
Et je les plante là. À grands pas, je me dirige vers Mikhaïl. Il fronce les sourcils mais ne bouge pas. Pas plus qu’il ne bronche quand je passe mes bras autour de son cou.
— Fais pas la tête. C’était une idée de ton père.
— Je lui en veux aussi, rassure-toi.
Je sens un sourire tordre mes lèvres.
— Je suis contente de te retrouver…
— C’est ça.
Il s’écarte et détourne le regard, mais je peux voir qu’il a rougi.
— Mikhaïl…
— Ah ! Voilà qui fait plaisir à voir.
Je n’ai le temps de dire un mot de plus que Pavel Konstantin accroche de nouveau mon épaule.
— Espérons que vous aurez tout le temps du monde pour vous retrouver. Pour le moment, Solange, j’ai besoin de tes lumières.
Mikhaïl n’a pas le temps non plus d’ajouter quoi que ce soit. L’instant d’après, je suis face à madame Mestre qui me détaille de haut en bas.
— Bonjour… madame.
— Ah mais bien sûr, vous vous connaissez ! s’exclame le chancelier. Parfait, nous gagnerons du temps, comme ça. Madame Mestre rencontre des difficultés avec le programme que tu as installé la dernière fois que tu es venue ici, Solange. Veux-tu bien l’aider ?
— Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux que j’empêche Béatrice d’entrer ici ?
— Penses-tu pouvoir la maintenir indéfiniment hors de cette pièce, Solange ? Si tu réussis à aller au bout de ton programme, ça devrait la neutraliser complétement, non ?
Soucieuse, j’acquiesce, puis je m’assois sur le siège préparé à mon attention, juste à côté de la mère d’Hermès.
— Ce qu’il faut, entame-t-elle sans préambule, c’est programmer les back-ups.
— J’avais déjà commencé à…
— Il faut de l’automatisé. Ton travail ne me convient pas… Ni toi, ni moi, ni personne ne doit y avoir accès avant que les serveurs se relancent. N’est-ce pas ?
— Compris. Je peux ?
Elle me jette un regard de biais, puis se décale pour me laisser les manettes. J’essaye de ne pas trop penser à Béatrice alors qu’en cet instant, il me semble être son clone. Mes doigts se mettent à marteler le clavier avec la sorte de conviction que ma tante me renvoie lorsqu’elle code. Mes yeux bondissent sur les lignes à l’écran. Je m’enfonce chaque seconde un peu plus loin, pare tout ce qui peut être paré, prête à détruire momentanément la base du Symbiose…
— Impressionnant…
Je jette un coup d’œil timide à madame Mestre qui lit le code derrière mon épaule. D’un coup, elle pose une main sur la mienne.
— Attends… Là, je pense que…
Elle reprend le clavier et corrige ma ligne avant de la continuer. C’est comme un ballet, mais celui-là, nous ne l’avons jamais répété. Je découvre une autre façon de coder, complémentaire, tellement moins étriquée que la façon qu’a Béa de tout compartimenter.
Madame Mestre est un génie. Elle code avec une sorte de liberté que je n’ai jamais su m’octroyer. Quand elle hésite, je reprends la main. Quand c’est mon tour de buter, elle a déjà une dizaine de nouvelles idées.
J’ignore combien de temps passe. Nous avons presque fini quand elle m’adresse un immense sourire. Puis elle le ravale, comme si elle se souvenait brusquement de qui j’étais. Mais je lui souris quand même. Je n’ai jamais vécu ça. Cette façon de travailler main dans la main, sans me sentir écrasée.
— Solange ?
La voix de Pavel Konstantin me force à tourner la tête. Il me fait signe de m’approcher.
— Je vous laisse terminer, madame Mestre. C’est parfait comme ça.
Elle me jette un regard en coin puis recentre son attention sur l’ordinateur. Je me lève pour approcher le chancelier.
— Tu es prête ? demande-t-il.
— Autant que faire se peut.
J’arme mon laser. Le chancelier fait signe à ses soldats d’emmener Mikhaïl plus loin, du côté de l’ordinateur, là où les Oiseaux ne tireront pas.
Quand la voie est dégagée, j’approche la manette actionnant l’ouverture de la porte. Deux gardes du Symbiose me rejoignent, l’arme vissée au poing.
Pavel reste bien au centre de la pièce, là où chacun peut le voir. Il semble un peu plus pâle qu’à son habitude, mais il est déterminé. Je jette un œil du côté de madame Mestre. Son doigt suspendu à deux centimètres de la touche qui activera le code, elle hoche la tête pour me signifier qu’elle est prête.
— Alors allons-y.
J’ai murmuré, davantage pour moi que pour les autres, et d’un coup, j’abaisse la manette. Dans un crissement démoniaque, la porte se soulève.
— Elle a réussi ! On y est…
— Non… Attendez… !
La voix de Béatrice se perd dans les hurlements des Oiseaux. Elle seule sait qu’elle n’a pas terminé, qu’elle n’a pas réussi à passer la sécurité du bureau.
— Dépêche-toi, Béa !
C’est Faucon, il l’entraîne dans son sillage.
— Je n’ai pas…
Les premiers d’entre eux passent. Et s’effondrent. Les gardes visent les jambes et je paralyse les autres. Les autres soldats du Symbiose nous rejoignent mais je recule peu à peu vers Pavel Konstantin et les autres, blottis contre l’ordinateur gigantesque au centre de la pièce.
— SOLANGE !
Le hurlement de Béatrice me transit. Elle est entrée.
— MAINTENANT ! je hurle.
Tout devient noir. Un bruit sourd et un tremblement m’indique que la porte est retombée. J’ignore combien d’Oiseaux sont parvenus à s’infiltrer, mais Béatrice est dedans, j’en suis certaine, et c’était mon objectif.
J’ai eu à peine le temps de m’éloigner de la porte que de petites lumières bleues se rallument de toute part et redessinent les contours de l’immense pièce où nous nous trouvons.
— Solange ! gronde aussitôt la voix de Faucon.
Lui aussi s’est faufilé dans le noir. Sa silhouette est découpée par la lumière bleutée, quand à seulement deux mètres de moi, il plonge pour m’attraper. Je tourne instinctivement mon arme vers lui. Une vague lumineuse le traverse et j’aperçois le choc qui déforme ses traits juste avant qu’il ne se retrouve paralysé et s’effondre au sol.
— Tuez-la ! Tuez-les tous !
La voix de Colombe. Désincarnée. Je ne l’avais même pas aperçue mais elle a réussi à se glisser jusqu’ici, elle aussi. Avant que je n’aie pu réagir, je sens un bras m’agripper la taille et me jeter en arrière. Pavel Konstantin.
— Personne ne va tuer personne, dit-il doucement. Et il serait appréciable que tout le monde se calme avant que nous faisions quelque chose que nous pourrions regretter.
Il parle avec un flegme dramatiquement incompatible à la situation, mais étrangement, aucun tir ne suit son ordre.
— Peut-on avoir un peu plus de lumière, madame Mestre ?
— Je ne suis pas sûre, Chancelier, répond cette dernière.
— Faites au mieux, madame Mestre. Madame Rosso, c’est un plaisir de vous rencontrer enfin.
Mes yeux commencent à s’habituer à la pénombre. Elle rend toute cette scène plus étrange encore. Je vois Pavel Konstantin faire un pas vers Colombe. Face au géant, elle ressemble à un enfant.
— Je pense que nous devrions profiter de votre visite à Port-Céleste pour discuter, voulez-vous ?
Il y a un silence durant lequel un grésillement se fait entendre, puis la clarté des lumière bleutées augmente et je peux nettement voir la haine qui déforme les traits de Colombe.
— Nous avons déjà tenté de discuter dans le passé, Chancelier.
— Ciel, j’aimerais m’en rappeler. J’aurais oublié une si charmante femme ?
Ginevra Rosso a comme pris pleine possession de ce corps. J’en suis presque sûre, car soudainement, le robot qui nous a accompagné en mission se met à trembler de colère.
Ça ne va pas fonctionner. Pavel Konstantin est trop sarcastique pour avoir la moindre chance de la calmer, et ce n’est pas faute de l’avoir prévenu en amont. Je ressers la prise sur mon arme puis jette un œil aux Oiseaux. Ils sont à peine six encore debout, sans compter Colombe et Béatrice dont le regard exorbité ne fixe que moi.
Du côté du Symbiose, il n’y a que moi et un autre soldat à l’air mal en point. Non, il y en a un autre, mais il est trop occupé à écraser Mikhaïl contre l’ordinateur du Symbiose pour pouvoir nous aider à quoi que ce soit.
— Solange…
La voix tremblante de Béatrice m’oblige à regarder de son côté. Sur son visage flotte une expression que je ne lui connaissais pas.
— Viens ici… Viens avec nous…
— Ça suffit, Béatrice, l’interrompt Colombe. Ta nièce n’est pas des nôtres.
Béatrice l’ignore, fait un pas vers moi.
— Tata.
Elle cesse aussitôt d’avancer, ouvre de grands yeux.
— Elle a raison. Je suis avec le chancelier.
— Non, Solange ! C’est sa faute si… !
— Je suis avec le chancelier Konstantin, tata. Tout comme ma mère était de son côté, à l’époque.
***
Quelques semaines plus tôt.
— C’est quelque chose que j’ai longtemps hésité à te montrer, parce que j’ignorais comment tu réagirais. Mais avant tout, j’ai besoin de savoir quelque chose, Solange. Si je te demandais de choisir un camp, là, tout de suite, maintenant. Quel camp choisirais-tu ?
— Pourquoi faut-il que je choisisse… ?
— Parce que nous ne vivons pas dans un monde parfait. Parce que d’autres ont essayé de ne pas choisir, et que ça n’a pas suffi. Solange… J’ai besoin de savoir.
Je détourne le regard. C’est trop dur de soutenir celui de Pavel Konstantin en cet instant. Le géant qui a bercé mes cauchemars d’enfance ne me semble plus autant inhumain aujourd’hui. Quand je suis arrivée à Solavie, je croyais arriver dans un pays en guerre contre Esthola.
Mais ici, je n’ai pas ressenti la guerre. Ici, mon quotidien a été celui d’une adolescente, et les adultes ne m’ont pas demandé de combattre pour eux. Ici, il n’y avait de guerre. Seulement une défense, pas toujours si bien menée, contre les attaques incessantes de ma patrie.
Ici, on ne m’a pas demandée d’oublier que j’appartenais aussi à l’autre camp.
— Je… me sens bien ici.
Mes lèvres tremblent. Je dois les pincer pour ne pas pleurer. Je ne veux toujours pas affronter le regard de Pavel, mais je ne peux ignorer ses pas qui s’approchent, ni la main, délicate, qu’il pose au sommet de mon crâne.
— Est-ce ta réponse ?
J’hésite encore une seconde. Puis doucement, je hoche la tête.
— Es-tu sûre de pouvoir assumer ta décision, Solange ?
— Oui. Je vais vous aider.
— Je ne te demande pas de m’aider, Solange. Je te demande simplement de ne pas les aider, eux. Bien… Je vais te montrer ce que je t’avais caché, à présent.
Je renifle alors qu’il fouille dans un tiroir. Il en ressort quelques enveloppes parfois jaunies, puis me les tend.
Interdite, je les prends dans ma main. Une fine écriture indique l’adresse du Symbiose, et le nom du chancelier. Ou plutôt… Du secrétaire Pavel Konstantin.
— Vous me faites lire votre vieux courrier… ?
— Des lettres de ta mère.
Je relève brusquement les yeux. Mon cœur semble éclater dans ma poitrine. Fébrilement, je sors la première de son enveloppe. Elle est datée de 2252. Un an avant ma naissance. Quand Béatrice est rentrée à Esthola pour sauver la vie de Ginevra Rosso, aka Colombe. Maman l’a rejointe quelques semaines plus tard…
Je jette un coup d’œil à Pavel. Pensif, il observe un portrait qui trône sur son bureau.
Mes doigts tremblent. Je déglutis, puis commence à déchiffrer ce qui a été écrit avant même ma naissance.
« Cher Pavel,
Félicitations pour ton entrée au bureau du Chancelier Polmar. Si ça continue comme ça, tu seras bientôt le plus jeune Chancelier que Solavie ait jamais connu. Je ne serais pas surprise.
De mon côté, je t’écris pour confirmer nos suspicions au sujet de Béatrice. J’ai rencontré son frère. C’est un idéaliste, un vrai partisan de la paix, et lui-même a reconnu que les actes de sa sœur l’effrayaient parfois. Il m’a confirmé qu’elle s’était rendue sur le front pour sauver une dénommée Ginevra Rosso, une extrémiste bien connue du Palais des Douces. Suprématiste estholaise, elle dirige un groupe nommé « les Oiseaux » qui était déjà dans le collimateur du gouvernement avant que la guerre avec Larouel n’éclate. Comme ils se sont engagés pour la nation, ils passent pour le moment sous les radars, mais je ne comprends pas pourquoi Béa est en contact avec ces gens.
Je vais rester quelque temps ici. Je te tiendrai informé si j’en apprends davantage.
Je t’embrasse,
Léanna.
PS : J’ai appris que tu avais rencontré quelqu’un. Je ne te cache pas ma déception. J’avais toujours dans l’idée qu’Éliane et toi finiriez par vous retrouver. Penses-y, je suis certaine qu’elle t’aime toujours. »
Je repose la lettre sur le bureau, abasourdie.
— L’élément clé étant évidemment ma relation passée avec ta tante, lance Pavel, amusé.
Lentement, je lève les yeux vers lui. Il finit par cesser de sourire.
— Bon, je vois qu’il est trop tôt pour faire de l’humour. Lis donc la suivante.
Je secoue la tête, incapable de me libérer de la torpeur qui tombe sur mes épaules.
« Cher Pavel,
J’ai appris pour Mélanie et toi, félicitations. Je suppose que tu es déjà au courant, mais par le plus grand des hasards, j’attends moi aussi un heureux événement. Tout s’est passé si vite… Ma mère est furieuse. Elle déteste l’idée d’Angelo, simplement parce qu’il est estholais. Qu’il soit pro-paix ne la convainc pas… Bref, tu es déjà probablement au courant de tout ça, je sais qu’Éliane et toi avaient gardé le contact.
Pour continuer sur une note moins joyeuse… Sache que tu avais raison au sujet de Béatrice. Elle est effectivement toujours en contact avec eux. Elle s’absente pendant des heures sans dire où elle va. Angelo l’a faite suivre. Elle se rend à des réunions des Oiseaux. Impossible de dire si elle est effectivement membre, si elle ne fait qu’écouter ou a un rôle plus actif… Impossible de savoir même pourquoi elle s’y rend. Quand nous parlons de politique, ça ne semble pas l’intéresser.
Je ne sais pas s’il est sûr de la laisser retourner à Solavie. Elle dit sans cesse qu’elle a hâte de retrouver ses recherches, mais plus le temps passe, plus leur contenu m’inquiète. Si elle venait à offrir ses avancées aux Oiseaux…
Je ne peux pas, en mon âme et conscience, fermer les yeux sur ses agissements.
Je te laisse le soin d’agir à ce sujet. Quant à moi, je resterai ici pour le moment au moins. Sûrement jusqu’à la naissance.
Je t’embrasse,
Léanna.
PS : Tu m’enverras une photo de ton bébé quand il sera né. »
La lettre tremble entre mes mains.
Là encore, je repose le papier jauni sur le bureau.
Je ne me sens pas capable de continuer la lecture.
Pas maintenant.
Pas quand après tout ce temps, j’apprends que celle qui a trahi Béatrice, c’était ma mère.
— Dans ma correspondance suivante, murmure Pavel, je lui ai posé la même question qu’à toi, Solange. J’ai demandé à Léanna si elle serait capable d’assumer sa décision. Elle a répondu qu’elle assumerait, quoiqu’il arrive.
Encore une fois, les révélations au travers la discussion entre Pavel et Solange paraissent plus intrigantes que le présent. Peut-être qu'inclure davantage de passage sur le vécu par les différents protagonistes pourrait permettre de moins éclipser la première partie? Le trouble de Béatrice qui finalement demeure pour moi un personnage encore assez mystérieux dans son fonctionnement et ses motivations conscientes et inconscientes. L'effet en chaîne sur Faucon personnage le plus proche. Ce serait intéressant d'ailleurs de voir où se dirige sa véritable loyauté: pour colombe et la cause ou finalement pour Béatrice, celle qu'il aime? Enfin ce n'est qu'une suggestion pour donner de la profondeur aux personnages. De même, Solange est le phœnix, mais il y a d'autres oiseaux. Cependant, on ne sait pas trop ce qui leur arrive à eux, comment ils réagissent, où les entraîne l'endoctrinement fanatique. On sent la tension entre Mestre et Solange, elle n'est pas développé. En même temps j'imagine qu'au regard de la situation ça paraît logique, il n'y a pas le temps de bavarder. Cela laisse en suspend les raisons qui alimentent cette tension. Bon j'avoue je pense que mon attrait pour la romance oriente un peu ma perception. Enfin pas tout à fait. En réalité, je crois que je suis soucieuse des relations en général et l'attachement entre les personnages. Dans ton précédent roman d'ailleurs, c'était davantage les relations familiales qui avaient attiré mon attention, au-delà de l'univers et des enjeux que tu traites toujours en fil rouge. J'ai en effet l'impression que les sujets centraux pour toi restent les frontières floutées entre résistance et oppresseur, que penser de la violence, même au nom de la liberté ou de la défense? Les motivations sont-elles toujours celles que l'on croit? J'ai parfois l'impression tout de même que les romans traitent d'un renversement au sens où ceux qui peuvent apparaître comme l'ennemi dans un premier temps se révèlent être les gentils et inversement. Rarement la résistance est finalement reconnue comme nécessaire ou juste, mais peut-être est-ce là aussi le message que tu souhaite transmettre? ou peut-être que je me plante totalement et que je cherche beaucoup trop loin...lol Quoi qu'il en soit, j'attends la suite avec impatience, ici ou ailleurs ;)
Je note ta remarque sur des retours dans le passé avec les autres personnages en seconde partie, c'est vrai que ça garderait un fil et ça doit pouvoir s'incorporer assez facilement.
Concernant Béatrice, à mes yeux elle est assez simple mais son attachement aux Oiseaux est en effet plutôt mystérieux. J'espère que je saurais suffisamment éclaircir ce point avant la fin de l'histoire ^^ Quant à Faucon, la question de Colombe ou Béatrice ne se pose pas puisque elles sont dans le même camp :p Mais je comprends ta remarque.
Sur le fait de développer les autres Oiseaux, je pense que ça serait trop long. Faucon était intéressant à développer parce qu'il représente leur idéologie selon moi, et je pourrais peut-être ajouter un personnage (d'autant que j'en ai un en tête qui serait pas mal à développer) mais si j'en développe trop, je vais finir à 500 pages et ce n'est pas le but ^^
Plutôt qu'un endoctrinement fanatique cependant, je parlerai de ferveur nationaliste. Les Oiseaux sont un groupe d'ultra-nationalistes comme il en existe dans notre monde. Ils prennent contact les uns avec les autres, agissent sous la même bannière. Il ne faut pas oublier aussi que dans cette histoire, les estholais ont été en guerre avec un autre pays et que sur le front, leurs idées ont grandi, ils ont trouvé un ennemi commun : celui qui n'a pas aidé quand il aurait pu, Solavie. Je rajouterai peut-être une partie un peu plus historique dans le récit, à voir :)
Pour la tension entre Mme Mestre et Solange... C'est juste qu'officiellement, Solange s'est barrée en trahissant tout le monde ^^ Y compris son cher fils Hermès. Elle est un peu piquée, mais en même temps, elle comprend que finalement elles sont bien dans le même camp, donc Mme Mestre ravale sa bouderie. Puis oui : le temps presse.
Pour ce qui est du fil rouge : oui pour moi la romance / les relations gravitent autour de ce fil rouge plutôt que le contraire, même si j'aime bien travailler les relations aussi. Ici c'est moins net, je le reconnais :) Puis c'est un premier jet ^^ Quand tu as lu Délos, j'avais déjà pas mal retravaillé le récit ! Dans mon premier jet de Délos, il manquait beaucoup d'éléments. Par exemple, on ne découvrait qui était Diane qu'au chapitre 12 (anniversaire de Rebecca). On avait pas les chapitres intermédiaires sur les perso secondaires. Thibault était pire qu'il ne l'était dans la version que tu as lu :p Un vrai ptit con.
Sinon tu as raison, j'aime que le méchant ne soit pas parfaitement défini, ou plutôt j'aime donner des raisons à celui qui est le méchant. Ici, je dirai qu'il y a quand même quelque chose de mauvais chez les Oiseaux, qui me semblait plus flou chez Diane. Diane accomplissait plein de belles choses quand même, ce qui à la fin est même reconnu par Solène, même si Phœbus devenait de plus en plus instable.
Là, Colombe a des envies de meurtres très assumées quand même, quitte à tuer les siens (ex avec Héron) et une envie affirmée d'écraser les autres nations. Elle est gris un peu plus foncé quand même ^^ mais j'apprécie assez qu'elle ne soit pas méchante juste pour être méchante, qu'il y ait des raisons à ses comportements. Chose que je n'ai peut-être pas assez exprimé toutefois, que je reverrai sûrement en réécriture.
Tu as aussi raison sur ceci : j'estime que la violence au nom d'une "cause juste" reste de la violence. Que l'intolérance pour combattre l'intolérance n'est pas une solution. Je ne crois pas à la loi du talion, mentionnée ici en titres de deux chapitres, parce que c'est trop facile comme solution. Je crois en Solène capable de pardonner à ses ennemis et à reconstruire en apprenant d'eux :) Que je choisisse de l'attribuer à ceux qui pourraient traditionnellement être les méchants, ça c'est juste un caprice littéraire :p
Quand je parviendrais enfin à me poser pour traiter du sujet sociétal que je souhaite aborder à travers une histoire dans un monde post apocalyptique j'aborderai aussi des points très similaires aux tiens, enfin sans doute pas de la même manière. Pfiou sacré travail en perspective et même s'il me motive, c'est beaucoup plus complexe qu'une romance à écrire car le monde et son histoire sont à créer, pas seulement l'histoire des personnages. Bref, je n'aurais malheureusement pas la possibilité de l'écrire sur PA... As-tu trouvé un site sur lequel poursuivre l'écriture de ton roman?