Chapitre 27 - As dawn light up another day

Je vécus la nuit d’amour la plus fougueuse de mes vingt-deux premières années d’existence.

 

Je n’ai jamais accordé d’importance surfaite aux positions. Le sexe a toujours été, pour moi, une affaire de partage, de complicité, et surtout de lâcher prise, bien davantage que de la technicité descriptible par modes d’emplois, fussent-ils illustrés et indiens. La succession des postures doit pour moi correspondre au désir du moment. Que ce soit celui de voir son ou sa partenaire sous un angle différent et excitant, que ce soit pour que l’un des deux amants s’abandonne momentanément aux délices de l’oisiveté, mère non pas de tous les vices, mensonge judéo-chrétien éhonté, mais de tous les plaisirs, que ce soit pour une intensification de certaines sensations, peu importe, tant que le corps et la chair parlent plus fort que le cerveau dans ces moments dont la magie n’opère qu’en liaison directe avec l’âme.  

Pour autant, ce qui me touche au plus haut point, ce qui peut me faire basculer dans le plus obscène des libertinages, oublier mes appréhensions, dépasser mes complexes et offrir mon corps sans limite, c’est un homme qui ose avouer ses désirs, ses envies, sans peur du ridicule, sans crainte du jugement, revendiquant ses penchants et fantasmes au point d’en proposer le jeu érotique. Ce courage-là, cette force de caractère jusque dans l’intime, sont chez moi intensément aphrodisiaques. Cela ne signifie nullement que je suis prête à tout accepter. Le courage de proposer va de pair avec celui de reconnaître à l’autre le droit de dire non. Mais comme la Palisse l’eût dit avant moi, la meilleure façon d’obtenir une réponse est encore de poser la question.

 

Les heures que nous passâmes entre samedi et dimanche furent de ces couleurs-là. En y repensant plus tard, la chanson de Goldman s’imposa à mon souvenir comme une illustration en nonchalants rythmes syncopés.

 

La nuit t’habille dans mes bras

Pâles rumeurs et bruits de soie

Conquérante immobile

Reine du sang, des villes

Je la supposai, la voilà

 

Tout n’est plus qu’ombre, rien ne ment

Le temps demeure et meurt pourtant

Tombent les apparences

Nos longs, si longs silences

Les amants se perdent en s’aimant

 

Après notre premier round dans l’escalier, Éric et moi fîmes trois fois l’amour.

 

Ce fut d’abord intense et doux, tirant en longueur, menant nos corps jusqu’à leurs limites, retenant les orgasmes pour qu’ils soient un feu d’artifice. Nous ne décollâmes quasiment pas nos peaux, roulant sur le lit pour tout changement de position, testant nos endurances à n’en plus finir. Ecroulée de caresses et de volupté, j’en vins à abandonner totalement mon corps, enveloppe autonome qui n’était plus qu’un biais pour atteindre des cimes insoupçonnées dont l’ascension se faisait à deux, organismes sexués et avides, bercés de tendresse et de puissance. J’ignore combien de temps cela dura. J’ignore combien de fois mon esprit dévia vers la folie. Le terme d’orgasme n’avait plus de sens car je ne distinguai plus ce qui relevait du plaisir ou de la jouissance. La notion même de nuance s’était évanouie dans l’ivresse comateuse du plaisir. Car mes mains caressaient, mes jambes entouraient, mes lèvres embrassaient, ma langue polissait, tout mon corps de femme était à l’œuvre, donnant autant qu’il recevait, sans questionnement, sans état d’âme, sans calcul, sans attente d’un retour pourtant omniprésent autour de moi et en moi, le seul but, le seul objectif étant d’aimer, et d’aimer encore.    

 

Notre troisième acte fut plus ludique. Après une pause conséquente, Éric retrouva son air fripon.

 

-Je voulais te dire…

-Oui ?

-Je suis très sensible, à ce que tu portais aujourd’hui.

-Mes boucles d’oreilles ?

-Euh oui, elles sont très jolies.

-Je me moque de toi.

-Oui, je sais.

-Le rouge à lèvres ?

-Ah c’est vrai qu’il te va très bien, cette couleur plus sombre avec ta peau claire, ça matche parfaitement, c’est vraiment sexy, j’adore.

-Merci.

-Mais c’est pas de ça que je voulais parler.

-Je sais.

-Ah bon ?

-Bah oui.

-Euh…

-Ben vas-y…

-Les bas, ça m’a toujours fait…

-Un peu d’effet ?

-Oui. En fait comme tu l’as peut-être remarqué, j’adore les jambes des femmes.

-Ah non j’avais pas remarqué du tout.

-Tu te moques encore de moi.

-D’ailleurs, tu adores seulement les miennes, les autres femmes n’ont pas de jambes.

-C’est exact.

-Tu me dis si je suis chiante avec mes conneries de réparties à deux balles, hein …

-Non, non, à la limite ça dédramatise ce que je raconte.

-Y’a rien de dramatique à avoir le cœur qui s’emballe pour les jambes de ta grande copine Blake Lively.

-Non, mais disons que je me suis souvent bêtement cru fétichiste.

-Et ce serait grave si tu l’étais ?

-Ça fait un peu pervers.

-Ça n’est qu’un mot. Il te semble que ton goût prononcé pour les jolies gambettes relève d’une déviance sexuelle ?

-Non c’est juste très marqué.

-Je suis sortie pendant quelques semaines, vers mes dix-neuf ans, avec un type qui était obnubilé par mes seins. Et pourtant hein, enfin bon, mes seins, tu vois, quoi… faut quand même les chercher… Tu vas me dire, tous les mecs aiment les seins des nanas. Soit. Mais lui, il ne parlait que de ça. Et que je te classe les filles en fonction de la taille de leurs nichons, de leurs formes, de l’épaisseur du mamelon, de la couleur des aréoles, de la forme des tétons, de la sensibilité de l’ensemble… Il était un chouïa monomaniaque. Ça ne virait pas nécessairement à la perversion pour autant. C’était juste un peu chiant, à force. Mais toi, soit tu t’es incroyablement contenu depuis que je te connais, soit tu as juste une petite addiction coquine mais en restant loin de ce cas de figure.

-Oui c’est plutôt ça.

-Alors dis-moi plutôt où tu voulais en venir …

-J’ai l’impression que tu le sais déjà.

-Je trouve ça sexy que tu me le dises.

-Ça me dirait bien si tu remettais tes bas et tes escarpins, là…

 

Ainsi parée et sublimée aux yeux de mon amant, je gainai mes jambes de noir et remis mes talons. Puis, jouant les Marylin, je m’allongeai sur le ventre, jambes repliées au-dessus de mes fesses nues, les aiguilles de mes escarpins effleurant ma peau laiteuse.

Exquise ingénue, je laissai Éric diriger les ébats, embrasser et caresser ce qui le touchait tellement, à la fois émue et excitée par l’intensité de l’effet que ce simple jeu produisait. C’était une excellente entrée en matière pour le témoignage des fantasmes futurs, garants de nuits animées et joueuses.

Il fut très tactile, avant de se contenter d’une position qui le combla dans cette adoration qui était la sienne. Démarrant en missionnaire, il releva mes jambes qu’il posa sur ses épaules. Par moments il resta perpendiculaire au lit, et donc à moi qui, allongée sur le dos, m’en remis totalement à son désir. Ses mains caressèrent alors le voile noir couvrant mes jambes, alors que son visage était encadré par mes deux escarpins. Puis à d’autres instants il se baissa vers moi, mes jambes coulissant sur ses épaules, son buste forma un angle obtus et il se retrouva comme à devoir faire des pompes au-dessus de mon corps, retenu par mes jambes faisant levier, la pénétration beaucoup plus profonde nous stimulant intensément. Soucieuse de ne pas être uniquement passive, je finis par transformer la séance par une symétrie qui l’envoya sur le dos, et m’assis sur lui dans la position d’Andromaque. Les mains accrochées aux talons des escarpins, il me laissa achever son travail brillamment entrepris et je le fis jouir ainsi, mes seins frôlant son visage contemplatif.

 

Nous prîmes ensuite une douche à deux. Non pas pour y refaire l’amour, mais parce que nous étions incapables de nous séparer. Bien sûr le moment fut sensuel, et son sexe commença à gonfler alors que, dans mon dos, il me savonnait les fesses puis les seins, passant les mains sur le devant de mon corps, la verge à moitié réveillée se lovant dans la cambrure de mes reins. Puis je pris le savon et le lavai à mon tour, n’oubliant aucune zone de son corps, finissant par son entrejambe que je soignai particulièrement, faisant croître plus encore la verge qui titubait entre mes mains, hésitant entre le besoin de repos et le désir d’un voyage vers une quatrième éjaculation.

Le désir prit le dessus et, à peine essuyés, nous retournâmes sur mon lit pour une dernière étreinte constituée d’intenses jeux de mains et de langues. Éric posa sa bouche sur le haut de mes cuisses qu’il embrassa longuement, puis il s’allongea à plat ventre, la tête au-dessus de mon sexe. J’ouvris les jambes. Paradoxalement, livrer à ce point son intimité aux yeux de son amant est plus coûteux pour une femme que bien des jeux érotiques salaces et bien des étreintes dans des positions improbables. Être pénétrée reste un partage dans lequel nous pouvons être actives, influencer le déroulement de l’union, les yeux de notre amant plantés dans les nôtres, ou parfois fermés. Mais offrir à son regard l’ouverture des portes sacrées, c’est lui donner les clés, lui livrer le Graal. Il n’y a rien de plus intime et indiscret. Il faut une absolue confiance en son partenaire pour lui abandonner ainsi sa pudeur, bien davantage que pour laisser son pénis entrer en soi.

Ce réflexe d’hésitation dura une fraction de seconde, la nature protectrice s’exprimant par défaut avant que la raison ne reprenne le dessus. Mes cuisses s’ouvrirent autant qu’elles le purent. Après seize années de danse, savoir faire les deux grands écarts est parfois un petit plus qui peut s’avérer très érotique. Mon sexe apparut, offert. Éric y posa sa bouche. Je le sentis fébrile, ému. L’excitation de la douche sensuelle avait réveillé mon corps et ma libido. Je me sentais à nouveau humide et la bouche d’Éric trouva des lèvres perlées de rosée. Ce furent d’abord des baisers. Des petits smacks approximatifs qui démultiplièrent les premières réactions de mon corps. Je laissai ma tête s’enfoncer dans l’oreiller, fermai les yeux, et m’abandonnai totalement à lui. Éric cessa alors d’être aussi respectueux et redevint amant. Sa langue glissa sur la longueur de ma fente, chercha le clitoris avec lequel elle joua quelques instants, puis alterna entre mes petites lèvres et mon bouton d’or jusqu’à ce que les grandes eaux viennent témoigner de l’état dans lequel il m’avait mise. Sa langue se fit alors ferme et pénétrante. Elle entra en moi, moins loin qu’une verge, mais plus habile, plus souple. Incapable de rester en place, ma main gauche se plaça sur les cheveux du travailleur, sorte de bénédiction et d’invitation à ne surtout pas s’arrêter en si bon chemin. La droite vint jouer avec mes propres seins, leur donnant des caresses, stimulant les tétons déjà durcis, ajoutant des sensations enivrantes à l’excitation du cunnilingus.

Quand l’orgasme fut proche, je donnai à mon sexe quelques secondes de répit. J’invitai mon partenaire de jeu à s’allonger sur le dos et le chevauchai, à l’envers, baissant mon bassin pour que mon sexe béant se retrouve à nouveau juste au-dessus de la langue bienfaitrice, mes genoux encadrant son visage, tandis que j’avais en face du mien le pénis dressé à qui je devais déjà tant d’orgasmes rien que ce soir. Infatigable, Éric reprit la caresse et je sentis revenir les prémisses du grand frisson que j’avais interrompu. Mon visage descendit, et je caressai mes joues avec le corps de ce sexe dur, l’embrassant au passage, avant de le dévorer, enfin. Je le décalottai et mes lèvres firent succion pendant que ma main courait sur la hampe afin que l’érection soit complète. Malgré les trois coïts derrière nous, elle ne se fit pas prier. Je la fis alors entrer dans ma bouche, et ma langue caressa le gland, pendant que des pulsions, venant de mon vagin, témoignaient de la dextérité d’Éric à s’approcher du trésor. Amant attentif, il perçut la proximité de la ligne d’arrivée. La langue se concentra sur la petite sphère totalitaire gonflée de plaisirs accumulés, l’enveloppa, la choya. J’avais du mal à poursuivre la fellation, et la crainte de mordre le pauvre sexe masculin me rendit précautionneuse. Puis un doigt trouva un chemin en moi, infiltrant les chairs que j’avais offertes, mêlant les deux plaisirs dans mon corps perdu. Mon dos se cambra par réflexe, mes mains se crispèrent sur les cuisses de mon amant et je jouis cambrée, seins pointés vers l’infini, honorant la langue et la main de quelques ondées.

 

Je me retournai et me lovai quelques instants contre lui, mon corps épousant le sien, mon nez s’emboitant à côté du sien, mon souffle court balayant son visage. Le baiser qui suivit déposa sur ma langue le goût des fruits qu’il venait de cueillir.

 

Puis je redescendis engloutir la verge quelques secondes délaissée. Ma bouche alterna entre le gland et la hampe, mes mains massèrent les testicules dont les capacités régénératrices étaient cette nuit dans la tourmente, ma langue longea le frein, tourna autour de la base du dôme écarlate que mes lèvres embrassaient. Fatiguée de ces multiples assauts, la liqueur montait lentement dans la barre de pole dance autour de laquelle ma bouche et mes mains tournoyaient. Je pris le temps et déployai toutes les subtilités que Lola avait apprises depuis un moins, me servant de ma salive comme lubrifiant. Contrairement aux hommes que j’avais massés et qui tenaient au mieux trois minutes lors de la finition, souvent moins d’une seule, Éric avait trois orgasmes à son compteur. Il passa dix longues minutes à douter de la frontière entre souffrance et félicité, tordant son corps sur mes draps, les mains cherchant à se retenir comme lors d’une chute dans le vide où toute branche salvatrice peut sauver la vie. Je ne lui laissai aucun répit, léchant le gland comme pour le rassurer, quand ma paume ou mes doigts le quittaient momentanément, pour aller masturber la hampe le temps de ce morceau de fellation improvisée. Inlassablement, je revins aux pressions sur cette extrémité brûlante, laissant couler ma salive, glissant mes doigts sur les pentes qui menaçaient de se fissurer comme le cratère explose en même temps qu’il expulse sa lave. Puis je sentis enfin les bourses se contracter dans mes mains, quelques spasmes courbèrent le sexe d’Éric dans ma direction, comme une ultime demande à laquelle je répondis. Plaçant ma main désormais libre tout autour du pénis, je pris une dernière fois le gland dans ma bouche que je refermai en l’emprisonnant douillettement, et le caressai avec ma langue, sans chercher de stimulation supplémentaire, marquant simplement cette présence féminine qui accompagna son soulagement. Une substance presque liquide coula dans ma bouche, se mélangeant à ma salive. Éric avait trop joui depuis le début de la soirée pour que son éjaculation fût abondante. Je ne me retirai pas, gardant ma bouche réparatrice autour du gland, le rassurant, le cajolant, le laissant se répandre tendrement tandis que les mâles écoulements s’insinuaient sur mon palais, cherchant le chemin de ma gorge. Gainsbourg avait eu tort. Ça n’avait pas le goût de l’anis.

 

Nous nous endormîmes l’un contre l’autre, nus dans mes draps défaits, alors que quatre heures du matin avaient déjà retenti. Mon cerveau bascula vers des songes tourmentés, affrontant avant que j’en sois moi-même obligée, les contradictions entre le bonheur extrême de l’instant présent, les mensonges encore tièdes de mes semaines passées, et les incertitudes des mois à venir.

 

Should I leave, why should I stay

Leavin’ behind me yesterady

Am I free or forsaken

Cheated or awakened

Does it matter anyway ?

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