Chapitre 27 : Le palais impérial.
Environ deux ans plus tard.
Le Sommet – Mois de septembre de l’an 2703.
Je suis une nouvelle fois au Sommet. Rebecca se trouve en compagnie de l’impératrice. Le grand-duc a rejoint l’empereur dans son bureau. Quant à moi…
— Tobias, lui, m’appelle « maîtresse », lance Solène d’une voix pleine de reproche à mon attention.
Je lève les yeux au ciel.
— Est-ce votre façon de me dire que je dois vous appeler « maîtresse », mademoiselle Solène ?
— Non Ajax, c’est moi ta maîtresse ! rétorque Charlotte en croisant les bras sur sa poitrine.
Solène semble prête à répliquer, mais Maxence se lève brusquement.
— Ça suffit vos gamineries, toutes les deux ! Vous voyez bien qu’Ajax en a marre ! Et puis, ce n’est pas un jouet, c’est un être humain !
Maxence s’améliore de jour en jour. Comme le bon vin, il se bonifie avec l’âge.
Il se tourne vers le dénommé Tobias, lequel est arrivé depuis environ un an et demi au Palais Immaculé. Lui et moi sommes à peu près du même âge, et il est particulièrement apprécié de l’impératrice. D’ailleurs, depuis quelques temps, cette dernière n’hésite pas à lui confier sa fille, lorsqu’elle est trop occupée pour garder un œil sur elle. Je l’avais déjà croisé quelque fois, mais je n’avais jamais eu l’occasion de lui parler avant aujourd’hui.
— Solène, ton Tobias, par exemple, fait Maxence, il ne va pas nous appeler maître ou maîtresse, c’est TON esclave, et Ajax est le nôtre. Compris ?
Je hausse un sourcil. Il s’améliore, oui, mais pas trop vite quand même.
— Que diriez-vous d’aller déjeuner, jeunes maître et maîtresses ? intervient alors Tobias d’une voix douce.
Sa proposition remporte le succès escompté. Nous accompagnons les jeunes gens jusqu’aux cuisines du palais, où d’autres esclaves les prennent en charge, même si nous devons promettre d’être de retour dans une heure.
Une fois tranquille, je me laisse tomber contre le mur le plus proche.
— Tout va bien, monsieur ? demande Tobias d’une voix inquiète.
Je lui jette un regard surpris.
— Quel âge as-tu, Tobias ?
— Vingt-quatre ans, monsieur.
— Très bien. J’en ai vingt-trois, tu peux laisser tomber le « monsieur ».
Il semble un peu désarçonné.
— C’est que… On m’a dit qu’il fallait… Enfin que vous aviez un statut… particulier. Et puis, je viens du Cinquième, en fait, et je…
Il rougit, l’air embarrassé.
— Ah. Tu viens du Cinquième ? Je te fais penser à quelqu’un, peut-être ?
Son teint se fait plus soutenu encore.
— Vous êtes Ajax Byron, n’est-ce pas ?
J’hésite. Je suis partagé entre l’envie de le torturer un peu et celle de lui dire tout de suite qu’il ne doit jamais prononcer ce nom devant moi. Mais je n’ai pas envie d’être agressif, parce qu’il n’a pas l’air bien méchant. Puis je fais peur à tout le monde, ce serait sûrement bien, d’avoir un ami de mon âge.
J’opte pour la troisième solution.
— Viens avec moi, Tobias.
— Et les enfants ?
Je regarde autour de moi, puis repère un serviteur du palais. Pas un esclave, à son uniforme, mais à force ils me connaissent tous.
— Toi, là !
L’homme se tourne vers moi, l’air interdit.
— Les enfants de la grande-duchesse et la future impératrice sont en train de déjeuner. Dans une heure, va les chercher et ramène-les à leurs mères.
— Bien, monsieur Ajax, répond aussitôt l’homme.
Je souris, satisfait. Rebecca est vraiment effroyable, et je reconnais que je profite sans honte des pouvoirs qu’elle m’a accordés, jusqu’ici, au palais impérial.
Je fais signe à Tobias qui me suit sans oser protester. Je marche jusqu’à la serre, et y pénètre pour retrouver ma maîtresse, plongée en grande conversation avec sa cousine.
— Votre Majesté, dis-je en m’inclinant bien bas devant l’impératrice. Maîtresse Rebecca…
Elle bat des cils en ma direction.
— Que veux-tu ?
— Si Sa Majesté m’y autorise, je voudrais vous emprunter Tobias. Nous avons à parler.
Élisa sourit. Rebecca m’a déjà dit qu’elle me trouvait craquant, et qu’elle ne pouvait rien me refuser.
— Où sont les enfants ? s’enquiert-elle.
— Ils mangent, Majesté. Un serviteur vous les emmènera dans une heure environ.
— Et où allez-vous, Ajax ? demande alors Rebecca.
Je lui adresse un clin d’œil. Elle pouffe.
— Soyez rentrez avant 17 h 00, nous allons chez Molly, ce soir.
La marquise Molly Laeterra, une cousine de Rebecca. Je m’incline bien bas devant ces dames, et attrape Tobias par le col, lequel semble abasourdi devant mon audace.
Quand nous avons quitté la serre, il me devance et m’oblige à m’arrêter :
— Où allons-nous, au juste ? De quoi voulez-vous parler ?
Je penche la tête sur le côté, et sourit :
— Nous allons… te décoincer un peu.
Il fronce les sourcils.
— Monsieur Byron…
— Si tu m’appelles encore une fois comme ça, je t’étrangle.
Tobias écarquille les yeux, visiblement choqué. Je lui offre mon plus beau sourire.
— On va au Deuxième, pour répondre à ta question.
Et je l’entraîne à ma suite.
***
Tobias vient du Cinquième. Évidemment, qu’il connaît la famille Byron. Je l’emmène dans un bar du Deuxième, le pire endroit, très certainement, de ce niveau très sélect. On m’y accueille comme le vieil habitué que je suis. Bon, ça ne fait pas si longtemps que je fréquente cet endroit, mais je commence à me faire un nom dans cet étage, aussi.
Une esclave nous mène à une table un peu isolée, et Tobias, l’air affreusement mal à l’aise, prend place en face de moi. Il n’a vraiment pas l’air de comprendre pourquoi il est là.
— Avons-nous vraiment le droit d’être ici ?
Je décide d’ignorer la question.
— Allons Tobias, parle-moi un peu de toi.
Il entrouvre la bouche, mais ne répond pas.
— Que faisais-tu au Cinquième ? Comment t’es-tu retrouvé ici ?
Il baisse les yeux.
— Je crois que je ne suis pas censé parler de ça…
— Moi, pour faire bref, je hais profondément mon père. Je l’ai fui, et il a tout fait pour me pourrir la vie jusqu’à ce que je me retrouve esclave et que Rebecca – la grande-duchesse Rebecca, pardon – m’achète.
Je lui souris alors que les verres que j’ai commandés à notre arrivée nous sont servis. Je lève le mien, et il suit timidement mon geste.
— Cul sec !
Il a l’air d’un chat sauvage sur le qui-vive, terrifié à l’idée de se faire dévorer.
— Allez !
Il porte finalement le verre à ses lèvres et le descend d’une traite.
— Ah, c’est mieux. Et toi Tobias, alors ?
— Je viens du Cinquième.
Je retiens un rire.
— Oui, j’avais bien enregistré cette incroyable information. Que fais-tu ici ?
Il baisse les yeux.
— Suis-je obligé d’en parler ?
Je hoche la tête. Il soupire.
— Je me suis vendu moi-même.
Je hausse un sourcil et claque des doigts en direction de la serveuse. Nous n’avons que peu de temps devant nous, et je crois que je vais devoir l’aider à se saouler pour qu’il s’ouvre un peu plus.
Je dévie sur un sujet plus léger, et quatre verres plus tard, je reviens à la charge.
Encore trois verres de plus, et Tobias s’est endormi sur la table. Avant ça, j’ai quand même réussi à en tirer quelques informations. Il est marié à une jeune femme, Sharon, son amour d’enfance. Il a un fils, Teddy, qui a eu deux ans cette semaine. Ils ont tenté de quitter le Cinquième pour rejoindre le Quatrième, parce que Tobias voulait offrir une vie meilleure à sa famille, mais ils n’ont réussi qu’à se ruiner et Tobias s’est lui-même vendu à l’esclavage afin de pouvoir laisser à Sharon de quoi élever leur fils. Brave type. Plus malheureux qu’une pierre, je vois que sa famille lui manque terriblement, mais c’est le genre de personne sur qui on peut compter, je le sens.
Bref, ma première impression était la bonne. C’est un chouette gars. Il sera mon ami.
Je règle notre ardoise au patron, puis, soutenant un Tobias mal réveillé qui ne marche plus bien droit, je reprends la direction du monte-charge menant au Sommet.
— Pourquoi tu as le droit de te balader, toi ? fait-il d’une voix pâteuse. Je veux voir Sharon…
Nous sommes assis dans le monte-charge, il est à moitié affalé sur mon épaule.
Je l’observe quelques secondes. Il me fait un peu de peine, à cet instant. Normalement, les esclaves n’ont pas le droit de rester en contact avec leur vie d’avant. Ils doivent se dévouer corps et âme à leurs maîtres. Moi, c’est un peu particulier. Rebecca me laisse faire ce que je veux, parce qu’elle sait que l’endroit où je veux réellement être, c’est auprès d’elle. Un type comme Tobias… Résisterait-il à l’envie de rester auprès des siens, s’il les revoyait ? Serait-il capable d’être dévoué corps et âme au couple impérial ?
Le Palais Immaculé est un monde à part. Si Élisa a accepté que je parte au Deuxième avec son esclave, c’est que le Deuxième est encore un endroit respectable, et qu’elle sait que Rebecca me fait entièrement confiance. Cependant, on ne peut laisser un esclave du palais agir à sa guise. Ce serait trop dangereux. Beaucoup d’entre eux, à la fin de leur peine, sont d’ailleurs embauchés au palais et gagne ensuite très bien leur vie, afin de s’assurer de leur dévotion continue.
— Tu réponds pas…
Je retiens un rire. Il dort à moitié mais il insiste.
— Tobias, je suis spécial. Enfin, ma maîtresse l’est. Ne t’attends pas à être traité de la même manière, malheureusement c’est assez peu courant. Mais si tu veux, je peux faire passer une lettre à ta Sharon pour toi.
Il lève brusquement des yeux brillants vers moi. Il se redresse tant bien que mal, et j’ai du mal à retenir un rire.
— C’est vrai ?
— Oui, si tu promets d’être mon meilleur ami, et de ne jamais dire à personne quel est mon nom de famille.
Il hoche la tête avec tant de brusquerie que je songe un instant qu’il va se briser une vertèbre.
— Bien bien. En rentrant, tu vas aller dormir. La prochaine fois que je viendrai, tu me donneras ta lettre, et je la lui ferai suivre.
Bien. Je n’étais pas prêt. Il vient d’éclater en sanglots. Heureusement qu’il n’y a personne d’autre que nous dans le monte-charge, parce que ça me met un peu mal à l’aise. Il pleure à grosses larmes, et je finis par le secouer quand nous avons atteint le Sommet, pour qu’il s’oblige à se calmer.
Une voiture nous attend à la gare, mais comme il nous reste un peu de temps, j’indique au chauffeur que nous allons marcher. Les nobles détestent vraiment l’exercice… Moi, marcher cinq minutes pour atteindre le palais, ça me fera le plus grand bien. Sans compter Tobias qui ne tient pas son alcool.
— Elle pourra me répondre ? demande-t-il quand nous sommes loin de toute oreille indiscrète.
— Bien sûr.
Il sourit. Les larmes sont parties. Puis d’un coup, il cesse de sourire.
— Je ne me sens pas bien…
Je lui jette un coup d’œil. Son teint s’est fait verdâtre. Je le pousse alors vers le buisson le plus proche et retient un rire alors qu’il rend le contenu de son estomac.
J’ai peut-être un peu trop chargé…
***
En rentrant au palais, je prends un savon. Tobias aussi, mais je ne suis pas sûr qu’il s’en souviendra. Les enfants, séparés de leurs deux substituts parentaux préférés, ont été forcé de passer l’après-midi sous la surveillance de Garm, un esclave sénior du Sommet qui termine sa peine dans un mois et continuera d’ailleurs à y travailler après ça. Pas méchant, plutôt discret, mais les enfants se sont ennuyés avec lui. Il les observe d’un œil morne alors que tous les trois s’acharnent sur nous. Solène est particulièrement fâchée contre moi de lui ramener son Tobias « malade ».
Je prends mon air le plus contrit devant l’héritière impériale :
— Je vous présente mes plus sincères excuses, mademoiselle Solène. Je crois qu’il a eu quelque allergie à notre déjeuner de ce midi. Tout devrait aller mieux d’ici quelques heures.
Solène se détourne de moi avec un air hautain et nous quitte à pas vifs. Charlotte, la mine un peu inquiète, m’adresse un faible sourire avant d’emboîter le pas de sa cousine. Maxence, lui, se rapproche de moi, sourcils froncés.
— Ce serait plus crédible si vous ne sentiez pas l’alcool à dix mètres, lâche-t-il d’un ton sec.
Je lui lance mon regard le plus innocent.
— Moi ? Boire de l’alcool ? Maître Maxence, comment pouvez-vous imagi…
— Oh arrête Ajax, me coupe-t-il. J’ai treize ans, je ne suis plus un gamin.
Je ne peux retenir un léger rire. Je me tourne vers Garm, qui est resté en retrait, et nous fixe de son regard vide.
— Peux-tu t’occuper de lui ?
J’ai fait un mouvement de la tête vers Tobias qui est assis à même le sol. L’homme approuve, puis vient soulever le pochetron.
Quand ses pas se sont éloignés dans le couloir, je passe un bras autour du cou de Maxence et lui ébouriffe énergiquement les cheveux.
— Arrête ! Ajax, arrête !
Je le relâche et lui souris.
— Vous êtes encore un gamin, maître Maxence. Mais un jour, je vous apprendrai à boire, à vous aussi.
Il me lance un regard de défi.
— J’ai déjà bu.
— Je ne parle pas d’une lichette de vin coupée à l’eau. Allez, allons retrouver votre sœur.
— Pff.
Il prend un air vexé et avance à grands pas. Je l’imite. Il accélère. J’aligne facilement ma cadence sur la sienne.
— Qu’avez-vous fait cet après-midi, maître Maxence ?
— Rien, on s’est ennuyé. Vraiment. Garm ne disait rien, il nous a juste emmené à la bibliothèque… Pff.
— Ciel, il vous a offert de vous cultiver ? Quel vil personnage. Vous devriez vous plaindre à l’empereur, qu’il soit jeté au cachot dans l’instant pour une telle outrance !
Un début de rire tord le visage de Maxence. J’aime mieux ça.
— En plus, je crois qu’il s’est passé un truc cet après-midi, reprend le garçon. Tout le monde avait l’air paniqué, à un moment.
Je fronce les sourcils.
— Un « truc » ?
— Oui… Après le déjeuner, un serviteur a voulu nous emmener à la serre pour qu’on rejoigne maman et cousine Élisa, mais elles ont demandé à Garm de garder un œil sur nous et ont rejoint l’empereur et papa.
L’inquiétude me prend. C’est vrai qu’avant de partir, j’avais prévenu Rebecca et l’impératrice que les enfants les rejoindraient, et elles n’avaient pas l’air d’avoir de souci avec ça…
— Dites-moi, maître Maxence, où sont-ils, à présent ?
Il se contente de me faire signe de le suivre.
Nous rattrapons bientôt les jeunes filles parties avant nous. Elles attendent devant la porte d’une pièce à laquelle je n’ai jamais accédé ; le bureau de l’empereur Marcelin. Je regarde les enfants, impuissant. Je ne vais pas pousser à aller frapper à la porte, surtout si, comme le prétend Maxence, je sens l’alcool à plein nez.
— Mademoiselle Solène ? Avez-vous tenté d’entrer ?
Elle secoue la tête de gauche à droite.
— J’ai pas le droit d’entrer dans le bureau de papa. Frappe, toi !
Je hausse un sourcil. Elle veut ma peau ou quoi ?
— Je préfère éviter, mademoiselle Solène… Je ne…
Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase que la porte s’ouvre à la volée. C’est Rebecca, et son regard tombe directement sur moi.
— Il me semblait bien avoir entendu des voix. Tu es rentré, Ajax… C’est bien.
Derrière elle, l’empereur lui-même apparaît dans l’encadrement de la porte. Je m’incline très bas, prenant garde à inspirer et expirer par le nez.
— Que font les enfants ici ?
Sa voix est lourde de reproches, je n’ose pas me redresser.
— J’avais demandé à Ajax de me les ramener à 17 h 00, réplique Rebecca d’un ton irrité.
— Ce n’est pas le moment.
— Voyons, Marcelin, il faut bien…
— Rebecca, j’ai dit que ça n’était pas le moment. Typhus arrive, je ne vais pas garder trois gamins et un esclave dans les pattes. Élisa !
Je me relève enfin, mais à peine. L’empereur a une stature imposante, avec de larges épaules et un ventre proéminant, mais il dégage un grand charisme, empreint d’une autorité certaine, il faut bien l’admettre. Même moi, j’aurais peur d’avoir un mauvais mot en sa présence.
J’interroge Rebecca du regard, mais l’impératrice se présente à la porte au même instant.
— Faites préparer les chambres, mon amour, lui ordonne l’empereur. Henry, Rebecca, vous resterez dormir ici ce soir.
— Voyons, intervient Charlotte. Nous devions nous rendre chez cousine Molly ce soir ! N’est-ce pas, maman ? Et nous n’avons pas le nécessaire pour passer la nuit ici !
— Votre maman va envoyer votre esclave chercher le nécessaire, indique l’empereur Marcelin à la jeune fille. Laissez-nous, à présent, ajoute-t-il à l’attention de l’impératrice et de la grande-duchesse. J’accueillerai Typhus avec Henry.
Un drôle d’air passe sur le visage de l’impératrice, mais devant le ton impétueux de son époux, elle n’ose protester. Rebecca, elle, fronce visiblement les sourcils, mais elle finit par se détourner de l’empereur Marcelin avec son air le plus hautain.
— Ne soyez pas ainsi, Rebecca, dit-il d’un ton plus doux. Je suis désolé de vous priver de soirée, mais le Sommet est encore et toujours l’endroit le plus sûr de Délos.
Je ne crois pas que ce soit d’être privée de soirée, qui vexe Rebecca, pas tant que de se voir congédié de manière aussi mufle. En observant l’expression de ma maîtresse, mon estomac se contracte un peu. Il a dû se passer quelque chose de grave, pour que l’empereur ne veuille pas laisser repartir la famille ducale.
Un attentat ? Diane ? On entend de plus en plus souvent parler d’eux. Quand j’étais adolescent, ils étaient déjà menaçants, mais plutôt à la manière d’un gang de sale réputation. Quand j’ai vécu au Sixième, j’ai découvert à quel point ils s’étaient étoffés. Pas juste un petit gang, mais un groupe organisé avec des buts bien définis. Aujourd’hui, ils prennent une ampleur plus importante encore. De plus en plus violents, ils ont déjà perpétré nombre d’attentats dans la cité, commis à l’encontre de personnalités importantes. Ils représentent un sérieux problème.
Quand la porte se referme, j’approche Rebecca :
— De quoi avez-vous besoin ?
Elle cligne des yeux, l’air surprise.
— Je ne te renvoie pas là-bas, Ajax. Apparemment, un énorme pic de pollution est en train d’arriver sur nous. Les experts n’avaient pas réussi à l’anticiper… La vague va recouvrir la plus grosse partie de Délos, peut-être même que ça atteindra le Sommet. Je ne veux pas que tu mettes la tête à l’air libre…
Oh. Un pic de pollution ? J’imaginais plus grave. Ils ont peur de tout, ici.
— J’ai vécu au Cinquième, maîtresse Rebecca. Un peu de pollution ne me fait pas peur.
— Non Ajax… Tu ne comprends pas. C’est vraiment… Il va y avoir beaucoup de morts, cette fois.
Sa mine inquiète m’alarme. Elle m’attrape le poignet et le serre.
— Tu ne quittes pas le palais. Compris ? Je vais te prêter ma page, préviens ta famille.
Je jette un œil à l’impératrice qui nous regarde, l’air intriguée.
Rebecca me tend discrètement l’objet, et je m’en saisis en prétendant m’incliner avant de m’éloigner à grands pas. Si elle veut que je prévienne mes proches, c’est qu’elle est réellement inquiète.
Une fois hors de la vue des autres, j’ouvre la chaîne d’information sur la page. Personne ne parle du pic de pollution. Je fronce les sourcils. Qu’attendent-ils, si la chose est imminente ?
Je secoue la tête, désabusé, puis je trouve les coordonnées de Melvin Monochrome dans le répertoire de Rebecca. J’ai Hector au bout du fil. Je lui explique précipitamment la situation, puis dès que j’ai raccroché, je pense à Flora. Aucun moyen de la contacter… Elle est au Quatrième, c’est assez haut… mais si le pic est vraiment toxique ? J’inspire brusquement, puis…
Je pense à Tobias. Ma bouche s’entrouvre.
Discrètement, je cache la page sous ma chemise, puis me mets à arpenter le palais. J’arrive à me faire indiquer l’endroit où il dort, et quand je pénètre dans la pièce, je le secoue.
— Tobias. Hé. Réveille-toi !
Il ouvre un œil hagard, l’air complètement perdu.
Encore une fois, je répète les révélations de la grande-duchesse. Son expression se fait horrifiée.
— Tu connais les coordonnées de ta femme ?
Il hoche la tête d’un air paniqué. Je lui tends la page. Il écarquille les yeux.
— Je… Je peux ?
— Oui, mais dépêche-toi. J’attends dehors, je te laisse une minute.
Je quitte la pièce. Je ne suis pas sûre que Rebecca apprécierait mon cas de conscience, mais j’effacerai les traces de l’appel plus tard. Et communiquer de vive-voix, c’est mieux que les lettres.
Au bout d’une minute trente, Tobias me rejoint devant sa chambre. Ses joues sont humides. Il tient la page d’une main tremblante.
— Merci. Merci, vraiment. Je…
Je reprends la page et lui tapote l’épaule.
— Pas le temps, à plus tard.
Maintenant, je vais devoir convaincre Rebecca de convaincre l’empereur de lancer une alerte générale. C’est le seul moyen pour que Flora puisse elle aussi avoir le message…
Sale journée.
Ma parole, que d'évènements dans ce chapitre! Entre Tobias qui enfin montre le bout de son nez et ce rush de pollution imminent... et l'empereur qui ne prévient pas son peuple, mer-vei-lleux. j'avais complètement oublié que Tobias venait du cinquième... et donc évidemment connait les Byron de nom! ^^C'est quand même vraiment cruel, d'empêcher les gens d'entrer en contact avec leur famille (on pourrait croire que faire un minimum preuve d'humanité ça adoucirait un peu la situation, mais comme Ajex le dit, ça va également contre le principe de l'esclavagisme: les gens sont des choses).
Je note tout de même quelques petites choses: l'Empereur Marcelin, il a beau avoir demandé Rebecca en marriage, je n'ai pas l'impression qu'il comprenne à qui il a affaire (elle fait la tête parce que elle est congédiée en pleine discussion importante, ou est-ce que je me trompe?)
Quelque chose me dit que les gens ne vont pas être ravi-ravi... et je vois un évènement arriver à l'horizon. Je n'ai pas envie.
hâte de lire la suite!
Tu as raison pour la raison qui fait que Rebecca est vexée ! D'ailleurs c'est une des choses qui a fait qu'elle a rejeté Marcelin, selon l'image que j'ai d'elle. Lui, sans être tout à fait un tyran, est un homme autoritaire (avec une vision assez patriarcale, à chaque fois que Rebecca et Henry montaient au Sommet, il parlait avec Henry, mais jamais tellement avec Rebecca, ou en tout cas pas des choses importantes)... Et ça, c'était une chose que Rebecca n'aurait pas accepter de subir, malgré son manque d'intérêt pour la politique.