Je suis réveillée mais je n’ai pas la force d’ouvrir les yeux. Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas été aussi paisible et que je n’ai pas aussi bien dormi.
Je me retourne en remontant la couverture.
Encore cinq minutes.
Juste cinq minutes de paix.
Attends.
Pourquoi je sens un mélange de déodorant, de menthe et de musc ?
Et pourquoi je sens un poids sur mes côtes ?
Mes yeux s’ouvrent en grand sous la panique.
Et je le vois.
Owen.
Allongé sur le dos, un bras derrière sa tête et l’autre me rapprochant contre lui. Je le scrute tandis qu’il est toujours aussi paisible, son visage détendu et serein.
Tout me revient.
Mes pleurs.
Ma tristesse.
Et putain ! Je l’ai vraiment embrassé ! Comment ça a pu arriver ? La baisse de tension ne peut pas me servir d’excuse à chaque fois ! Je n’étais même pas bourrée, bordel. Et s’il me détestait ? Lorsqu’il va se réveiller, il va regretter et ne pourra plus jamais me regarder en face. Je n’aurais jamais dû l’embrasser. Même si j’en avais envie. Putain ! J’en avais envie ? Oui clairement, il ne faut pas se voiler la face. Mon dieu, son bras est toujours autant de moi. Sa proximité est étouffante et les images du… Non des… Baisers passionnés que l’on a échangés la nuit dernière me font rougir de confusion et de gêne. Le chaos règne dans mon esprit, je devrais me lever et partir en douce. Voilà, la meilleure solution est de faire comme si rien ne s’était passé.Il est hors de question que je le perde à cause d’un moment de faiblesse.
J’angoisse de nouveau. Juste en pensant le quitter. La vérité me frappe. Je ne veux pas quitter sa chaleur, son aura protectice et le confort que m’apporte cette proximité. La sensation dans mon bas ventre augmente alors que j’observe dans les moindres détails, je pourrais même compter ces cils.
Manon, arrête.
Je ferme les yeux pour m’obliger à ne plus le scruter et à peser les différentes options. Comme un drogué ne pouvant se repaître, j’ouvre les yeux en me jurant que c’est la dernière fois que je l’observe comme ça. Ses yeux s’ouvrent doucement puis se posent sur moi, un sourire paresseux se dessine sur son visage endormi. Il resserre alors sa prise juste en-dessous de ma poitrine, me ramenant encore plus proche de lui.
- Arrête de paniquer dit-il d’une voix rauque, sa main caressant ma peau sous mon t-shirt.
Automatiquement, des frissons me parcourent à cause de sa main et de sa voix qui me fait trembler. Comment je n’ai pas pu remarquer que sa main s’est glissée sous les barrières protectrices de mes vêtements ? Et comment ça se fait que ça me calme instantanément ? Je ferme les yeux tout en posant ma tête sur sa poitrine. Mon coeur bat la chamade mais pas à cause de la panique, la chaleur que j’ai ressentie hier dans ses bras me revient, la confiance exacerbée et les fourmillements dans mon ventre. Sauf qu’une fois réveillée, je suis incapable de rester dans le silence sans m’occuper. Mes mains démontrent mon impatience tapotant doucement sur les pectoraux d’Owen.
Il grogne en ouvrant à moitié les yeux :
- J’essaie de dormir Man-Man.
- Pardon, pardon.
Je souffle et me force à rester calme. Toutes mes terminaisons nerveuses me démangent, j’utilise toute ma force mentale pour laisser mes doigts allongés et ne plus tapoter nerveusement. Je tiens dix secondes, avant de tenter de trouver une position plus confortable. Je lui tourne une nouvelle fois le dos, faisant trembler tout le canapé sous mes mouvements brusques. Je suis la pire. Mon attention se déplace sur la pièce, la lumière douce du matin s’infiltre à travers les rideaux. Je me fige en réalisant ce que je viens de voir, comme une vague tumultueuse. Il fait déjà jour ? Mon coeur bat encore la chamade tandis que je prends conscience de la situation dans laquelle je me trouve, à ce rythme-là je vais finir par développer une insuffisance cardiaque.
Je bondis, enlevant la barrière protectrice que formait son bras et me jette sur mon téléphone pour vérifier l’heure. Complètement réveillé par mon affolement, Owen se redresse et me détaille avec les yeux encore embrumés de fatigue. Je sens les mouvements derrière moi mais je ne peux pas m’empêcher de fixer mon téléphone et les 43 appels ratés de mon père.
- Merde, merde, merde, je dis en me grattant la tête tout en cherchant une explication que je pourrais lui donner.
Je me lève, à la recherche de mes chaussures et de toutes mes affaires éparpillées partout dans son appartement. Comment est-ce que j’ai pu foutre mon bordel partout alors que je suis arrivée, j’ai pleuré et je me suis retrouvée sur le canapé ?
Il me suit du regard alors que je m’active, tombant à moitié en enfilant l’une de mes sneakers. Je tente de démêler mes cheveux avec mes doigts mais ça ne fait qu’augmenter mon stress et mon impatience. Je cours partout dans le salon, comme si le simple fait de bouger me rassure. Un léger rictus se dessine sur son visage, ce petit….aaaaa, je n’ai pas de mot, se moque de moi.
- Je n’ai pas prévenu mon père ! je m’écris, comme si ça pouvait le faire autant paniquer que moi tandis que mes mains sont sur ma tête comme si j’avais oublié un événement d’une importance cruciale.
Un rire le secoue tandis qu’il se lève du canapé faisant glisser la couverture qui le recouvrait. Je le regarde exaspérée par son comportement, ma mâchoire pend presque. Ses cheveux sont coiffés dans tous les sens et je me rappelle de la sensation qu’ils avaient sous mes doigts. Dans une démarche toujours aussi calme, il se rapproche de moi et appuie sur mes épaules me forçant à ne plus courir partout :
- On a juste passé la soirée tous les deux, il n’y a aucune raison de paniquer.
- Je devais faire des devoirs et j’ai découché. Sans le prévenir, je n’ai jamais fait ça ! Qu’est-ce que je vais lui dire bon sang ? Il m’a appelé 43 fois, je lui explique en lui montrant mon téléphone.
- Déjà, arrête de courir partout tu me donnes le tournis et appelles ton père pour lui dire la vérité. Je vais te ramener en voiture, ça ira pus vite.
- Non, je vais prendre le bus, ça me laissera plus le temps de préparer mes excuses, je vais l’appeler sur le chemin lui dis-je en mettant mon téléphone dans ma poche arrière.
Déterminée à rassurer mon père, je me dirige vers la porte tout aussi vite. Lorsque j’atteins la poignée, je sens toujours son regard sur moi, moqueur mais apaisant. Je me tiens dans l’embrasure de la porte, hésitante. Cependant, alors que tout me pousse à quitter les lieux au plus vite, une force me retient et me pousse à faire demi-tour. Avant de partir, j’ai besoin d’un rappel pour être certaine. Juste vérifier que je n’ai pas rêvé. Owen me regarde tandis que je m’approche sans prononcer un mot. Je pose ma main dans ses cheveux l’attirant vers moi et dépose un léger baiser sur ses lèvres.
- On se voit plus tard dans le bus, je lui souffle.
Sans laisser mon cerveau réagir à mon acte insensé, je rejoins la porte et quitte les lieux définitivement.Sur le chemin, je stresse. Cela ne change pas de d’habitude, sauf que mes pensées ne font que tourner en boucle sans avoir de véritable solution, me donnant par la même occasion un mal de ventre. Je monte dans le bus comptant les minutes qui me séparent de chez moi. Je ne stresse plus pour savoir ce que je vais dire à mon père mais savoir si mon ventre va supporter le reste du trajet. Ma musique enfoncée dans les oreilles m’aide à calmer mes pensées et remettre de l’ordre dedans, en les faisant tout simplement taire. Taylor Swift est ma sauveuse, grâce à elle je ne vois pas le paysage défilé que je loupe presque mon arrêt. Par automatisme, je baisse le son de la musique dès que je sors du bus tout en conservant mes écouteurs. Je profite du peu de trajets pour faire des audios à Camille et Apolline, en répétant à peu près les mêmes choses :
“Coucou, je te fais un rapide audio pendant que je marche jusqu’à la maison. Je viens de prendre le bus et je rentre juste à la maison. A propos, je dois te parler d’un truc mais tu promets de ne pas en faire tout un fromage, me dire que tu t’en doutais ou même le répéter à qui que ce soit ! Bref, je dois me dépêcher de rentrer pour parler avec mon père et surtout faire ma valise pour le voyage du championnat. J’ai hâte de partir, les sélections sont vraiment extra et les matchs sont tellement exaltants puisqu’ils n’arrêtent pas de s’enchaîner. Ca va être quelques jours compliqués pour les gars, si on ne gagne pas nos matchs, nous pouvons dire adieu au reste de la compétition. C’est pour ça que je ne dois rien oublier dans ma valise, même si on a un médecin on ne sait jamais, les garçons auront peut-être besoin d’aspirine, de pansements. Mince, est-ce que j’ai encore du menthol pour les maux de tête ? Je vais peut-être devoir aller à la pharmacie. En plus de tout ça, je dois choisir mes vêtements. Qu’est-ce que je vais prendre ? Je pensais à mon sweat vert, tu sais celui qui est un peu large et qui a une capuche et des t-shirts on part trois jours donc je pense en prendre six, on ne sait jamais si je me tâche.”
Je m’arrête dans mon monologue lorsque je vois mon père sur le palier de ma maison en train de faire des allers-retours tout en fixant son téléphone. Merde. Contrairement à ce que je pensais, il ne me crie pas dessus lorsqu’il me voit. Un soupir s’échappe et la tension présente dans ses épaules s’estompe instantanément. Il court à ma rencontre, me serrant fermement dans ses bras.
- Ma chérie, où est-ce que tu étais passée ? Tu vas bien ?
Il se recule et m’inspecte de la tête aux pieds. Honteuse de le voir dans cet état, je baisse les yeux comprenant la gravité de la situation.
- Je suis désolée, pa’. J’étais chez Owen et je me suis endormie sur son canapé.
- C’est pas grave ma chérie, préviens-moi juste la prochaine fois.
M’embrassant sur le front, il recule tout en se dirigeant vers la voiture.
- Je dois terminer quelques préparatifs avant le départ ce soir, je te rejoins plus tard.
J’ai vraiment paniqué pour ça ? J’avais une bonne raison, je ne savais pas à quoi m’attendre vu que je n’avais jamais découché sans prévenir. Je ne pouvais donc pas prévoir les conséquences et c’est ce qui m’a valu tout ce stress. J’ai juste oublié dans l’équation que j’étais majeure, vaccinée, que mon père me laisse toujours faire ce que je veux et qu’il sait à quel point je suis responsable. Je retrouve ma maison sans bruit tout est revenu à la normale, si on enlève l’odeur du parfum qui empeste au rez-de-chaussée. Je me dépêche d’aller ouvrir deux fenêtrs pour faire un courant d’air tandis que je me dirige vers ma chambre.
Rapidement, mes vêtements sont éparpillés sur mon lit et je suis assise en plein milieu ne sachant pas quoi emporter avec moi. L’excitation remonte lorsqu’un appel vidéo groupé se déclenche. Sans perdre de temps, je décroche et tombe sur Camille en train de se mettre du vernis et Apolline allongée dans son pouf avec un manga reposant sur sa poitrine. Camille commence sans perdre de temps :
- J’ai coupé à ton “je dois te parler d’un truc” et je sais que tu répètes tout à Apo. Tu devrais vraiment considérer d’utiliser le groupe plutôt que de faire des audios en doublon. Tu as écouté le reste de l’audio Apo ?
- Je n’ai rien écouté du tout, répond-elle en se redressant.
- Je dois faire ma valise les filles, je n’ai pas le temps pour des ragots, dis-je en prenant un t-shirt et en le repoussant rapidement.
- Tu nous as laissé un audio de 4 minutes et 27 secondes, alors on a le droit de faire du commérage et tu n’aurais pas pu la faire hier soir ta valise ? reprend Camille.
- Non j’ai passé la nuit sur le canapé d’Owen.
A ces mots, Apolline prend le téléphone qu’elle avait négligemment posé sur une pile de mangas pour faire trépied et reproche son visage de l’écran.
- Pardon ? Tu as dormi sur le canapé d’Owen dit-elle avec des gros yeux. C’est une règle aussi importante qu’une faute de fil.
- Mais comment tu sais ça toi ?
- Je ne parle peut-être pas beaucoup mais ça ne m’empêche pas d’écouter. Les membres de l’équipe en font la référence au moins une fois par semaine.
- Il a donc dû se passer un truc, s’exclame Camille.
A cause du souvenir de la dernière soirée, mes joues s'empourprent d’une teinte rose, créant un contraste éclatant avec ma peau claire. la rougeur se répand comme une onde à travers mon visage, descendant jusqu’à mon cou. Je le vois même dans l’écran de ma caméra, je recule donc violemment et tente de mettre en ordre mes affaires sur mon bureau.
- Oh putain, hurle Camille. Il s’est passé quelque chose ! Tu as vu Apo, comment elle a rougi ?
- Vous ne le répétez à personne ?
Les “non” sortent rapidement de mon haut-parleur et l’excitation se voit sur leurs visages. Elles sont pendues à mes lèvres, attendant l’explication comme des hyènes mortent de faim.
- On s’est embrassé.
- Oh my god ! hurle Camille.
- C’est pas possible, dit en même temps Apolline en se couvrant à moitié la bouche avec sa main.
- On veut des détails, continue Camille en tapotant joyeusement ses genoux avec ses mains.
- Je n’ai pas le temps les filles, je vous le raconte plus tard promis.
- Prends ton jean taille haute bleu, ton slim noir, trois t-shirt simples et ton sweat Rhysand, maintenant les détails !, me demande Camille toujours aussi impatiente.
- Je n’ai pas terminé ma valise, on peut se faire une cession valise après si tu veux répond doucement Apolline.
A qui est-ce que je mens ? J’ai tout aussi envie d’en parler à la place de faire ma valise. Je saute donc sur mon lit, me mets en tailleur et raconte tout à mes amies dans les moindres détails. La manière dont le baiser est survenu, comment j’ai senti mon coeur battre la chamade, mes émotions avant, pendant et après. Pendant tout mon récit, j’ai dû mal à contenir mon excitation et mes deux comparses aussi.