Chapitre 28 - Blaine

Notes de l’auteur : Dernier chapitre du tome 1 !
Le tome 2 arrive prochainement. Je suis déjà en pleine écriture de celui-ci ! :)
Sur ce, bonne lecture en espérant que vous ayez apprécié ce tome 1 ! <3

Dès mon réveil, l'ambiance à la maison était lourde, comme si un orage ne tarderait pas à éclater. Alors, j'avais pris mon carnet et mon acrylique, et je m'étais installé dans la maisonnette pour m'isoler de ce brouhaha incessant.

J'avais passé des heures à remplir ce carnet – totalement vide ce matin – de fleurs en tout genre. Quelques années auparavant, c'était presque mon occupation quotidienne.

Puis, il avait fallu que j'arrête sous les pressions familiales. Mon père pensait qu'un avocat ou un quelconque juriste ne pouvait pas perdre son temps sur des gribouillis. Je n'avais jamais remis ses dires en question sur le moment. Après tout, quel était le rapport entre le dessin et le droit ?

Je l'avais cru pendant de longues années, suffisamment longtemps pour n'être plus que l'ombre de moi-même fut un temps. Puis, j'avais retrouvé un brin de lumière quand j'étais tombé sur cette personne qui avait produit des centaines et des centaines de croquis d'audience. J'avais déjà commencé à remettre en doute la parole de mon père, mais cet élément ne m'éloigna que davantage de celui-ci. Encore une fois, il m'avait menti et m'avait poussé à n'avoir qu'une vision : la sienne. Cette vision qui m'avait fait perdre un ami. Cette vision qui m'avait poussé à avoir honte de mon orientation et de ma relation avec Tyler.

Les heures avaient filé bien plus vite que je ne l'aurais cru et Kayla s'incrusta dans la pièce. Je posai immédiatement mon casque lorsqu'elle s'assit à côté de moi dans le canapé.

— Je vois que tu as été très occupé aujourd'hui, me fit-elle remarquer.

Elle observa mes nombreux dessins tous éparpillés sur la table basse. J'aurais pu tout garder dans un carnet, mais le temps que certaines œuvres sèchent, mon inspiration avait pris le dessus pour me lancer dans une autre composition.

— J'avais besoin de me défouler... Je crois, soufflai-je à demi-voix.

— C'est une belle manière de se défouler...

Elle repoussa quelques mèches de cheveux derrière son oreille et je pus alors constater qu'elle s'était maquillée et avait mis quelques bijoux, ce qui était assez venant d'elle. Avec tous ses problèmes dernièrement, elle avait autre chose à penser que de savoir mettre un eyeliner ou se démêler les cheveux quand elle devait combattre une violente addiction au quotidien. Malheureusement, elle savait que son apparence était facilement un moyen de la discriminer. Certains allaient la qualifier de "toxico" comme si c'était un moyen de dire qu'elle valait moins qu'eux... Elle n'avait juste pas eu la même chance qu'eux.

— Dis donc... Maquillage, bijoux... et même une robe. Serait-ce pour une occasion spéciale ?

Elle rougit aussitôt et détourna brièvement son regard.

— Je vais dîner avec Hailey, avoua-t-elle faiblement.

— J'espère que ça se passera bien.

— Je crois que je commence à avoir des sentiments pour elle...

— Je devrais pas forcément te répéter ça, mais Hailey est lesbienne et pendant une période, elle n'avait aucune honte à s'en cacher. Peut-être qu'elle ne ressentira pas la même chose que toi, mais elle ne te rejettera pas violemment.

Son regard se posa de nouveau sur moi et une pointe de lueur s'y dessina. Puis elle se mit à sourire.

— Mais je crois que c'est pas ce qui me fait le plus peur... J'ai peur de comment elle réagira quand elle saura pour la drogue et pour tout plein d'autres trucs.

— Pour l'instant, ce n'est que le début. Vérifie que le courant passe bien et s'il passe bien, il y a de grandes chances qu'elle soit très compréhensive. Et je ne doute pas de Hailey à ce sujet. Elle m'a déjà repris des tas de fois quand j'ai pu dire des conneries.

Elle ne pouvait totalement masquer ses inquiétudes, mais je voyais bien que celles-ci s'atténuaient un peu en se confiant à moi.

— Ça ne te choque pas que... je sois intéressée par des femmes ? osa-t-elle me demander en baissant son regard.

— Non. Pas du tout. Je n'ai jamais été très éloquent à ce sujet... Mais je suis bi et je suis déjà sorti avec un homme. Donc, je comprends totalement.

Quand son regard croisa le mien, ses sourcils se levèrent et elle prit de longues secondes pour trouver ses mots.

— Dis donc... Je m'attendais pas à une telle révélation... En quelques semaines, j'en apprends beaucoup sur ta vie amoureuse. Finalement, c'est bien plus rempli que je ne le croyais !

Elle laissa échapper un petit rire et je la rejoignis aussitôt. Malheureusement, une grande partie de mes relations étaient restées cachées. Ce n'était pas un mal en soi. Mais pouvoir traîner avec son partenaire sans craindre de quelconques représailles ou juste pour profiter au maximum de l'autre, c'était quelque chose qui m'avait terriblement manqué au cours de ma vie.

— Je n'ai jamais été très bavard sur ça...

— Sur beaucoup trop de choses à vrai dire, me corrigea-t-elle maladroitement. Avant qu'on se rapproche par rapport à mon problème de drogue, j'avais l'impression qu'on n'était pas si proche que ça, toi et moi. Ça me rend presque triste de pas avoir été aussi proche de toi comme ça toute ma vie... Des fois, je me demande ce que ç'aurait changé à ma vie.

— Je sais ce que c'est de se demander sans cesse ce qu'on aurait pu changer pour améliorer la situation... Mais malheureusement, ça nous enfonce plus qu'autre chose. Les choses ne sont pas passées comme on l'aurait souhaité et on souffrira de certaines conséquences pendant très longtemps... Mais il vaut mieux se tourner vers l'avenir plutôt que de ressasser le passé.

Sur plein de points, je m'étais demandé ce que j'aurais pu faire de mieux avec elle. Parfois, je me suis demandé si j'aurais pu être la raison qui ne l'aurait pas fait plonger dans l'héroïne. Mais je sais qu'à ce moment-là, c'était un choix entre la vie et la mort. Alors, elle avait choisi une sorte d'entre-deux qu'avait pu lui procurer la drogue à ce moment.

Peut-être que si j'avais été plus à l'écoute de ses problèmes et moins enfermé par les doctrines de mon père, j'aurais pu l'aider. Mais je n'avais plus envie d'imaginer tous ces scénarios quant à sa survie. Au moins, j'avais été là pour ses overdoses et j'avais été celui qui l'avait sauvé quand bien même elle ne s'était jamais confiée sur ses problèmes. Je lui avais un peu sauvé la vie à ce moment, mais en réalité, ça avait toujours été elle qui avait sauvé sa propre vie.

 — J'aimerais vraiment me tourner vers l'avenir, mais on va sans cesse me rappeler mon passé, soupira-t-elle. Pour beaucoup de gens, je serais juste une toxico qui, selon les gens, pourrait soit devenir violente, soit va replonger dans autre chose... Je sais que ça me suivra constamment, quand bien même je m'en libérerais.

— Malheureusement, tout le monde n'est pas encore ouvert d'esprit à ce sujet et la toxicophobie a de beaux jours devant elle. Mais ça va s'améliorer... Y a beaucoup de choses qui évoluent dans notre société. C'est peu... Mais ça avance.

Elle m'adressa un timide sourire. Peut-être que le monde la détesterait pour ses difficultés, mais il était fort probable que le soutien de son frère soit suffisant pour le moment. Elle avait réussi à vivre avec son addiction à la perfection la dernière fois à l'escalade, je n'avais aucun doute qu'elle y parviendrait de mieux en mieux. Bientôt, ce ne serait qu'un détail de son passé...

Ma sœur était probablement une des personnes les plus fortes de mon entourage et c'était aussi ce pour quoi ma confiance en elle était infaillible. Elle avait déjà parcouru le plus dur...

Elle me prit dans ses bras, les yeux humides, ce à quoi elle lança aussitôt, la voix enrouée :

— Faut pas que je pleure, je veux pas ruiner mon maquillage.

— Tu pleureras après, t'en fais pas.

Les fois, comme en ce moment, où j'avais tenu ma sœur dans mes bras étaient assez rares. Souvent, elle l'avait fait spontanément quand elle avait été désespérée. Juste après ses overdoses, en larmes. Mais cette fois-ci, c'était un brin de reconnaissance qui prenait le dessus.

J'aurais pu rester ainsi de longues minutes, et elle aussi. Personne n'avait envie de lâcher l'autre. Parce que c'était le seul moyen qu'on avait pour exprimer notre relation soudainement. Mais nous fûmes interrompus par l'arrivée de notre grand-mère.

Elle sembla assez gênée d'entrer dans la pièce avec une telle ambiance, surtout quand un brin de peur se lisait sur son visage.

— Désolée, je ne voulais pas vous déranger, annonça-t-elle.

— Ce n'est pas grave, on avait fini, la rassura ma sœur.

Elle épongea le bas de ses yeux avec le dos de sa main pour préserver son maquillage et grand-mère s'assit sur le fauteuil en face de nous.

— Blaine, mon petit, je crois que j'ai de mauvaises nouvelles à t'annoncer...

— Je me doute de quelles nouvelles il s'agit... Mais c'est définitif ?

— Ton père veut te marier avec Katharine Hamilton, lança-t-elle, l'air grave. Il est persuadé que c'est ce qu'il y a de mieux à faire pour toi...

— J'ai une solution pour ça.

Ma grand-mère et ma sœur me regardèrent, l'air interdit.

— Je refuse de suivre les diktats de mon père, quitte à ce que ce soit la raison pour laquelle on m'expulse. Mais j'ai pas envie d'être coincé dans ce genre de situation. Ça serait tout aussi néfaste pour Kate que pour moi.

— Qu'est-ce que tu prévois de faire alors ? me demanda Kayla. Il y a très peu de chance que papa accepte un "non".

— Je vais me marier avec Charlie. Je me ferai certainement exclure de la famille après ça... Mais au moins, on ne pourra plus m'obliger à épouser quelqu'un pour qui je n'ai pas de sentiments.

Un grand sourire se dessina sur le visage de ma grand-mère. Un sourire plein de fierté, ce qui m'étonna vraiment.

— Fonce ! m'encouragea-t-elle. Ça va être compliqué après, mais c'est un choix que tu ne regretteras pas. Fais ce que je n'ai jamais osé faire.

Dans sa fierté, il y avait un brin de tristesse mêlée à de la nostalgie. Cette situation lui rappelait visiblement de douloureux souvenirs. Mais lesquels ? Ce n'était pas la première fois qu'elle pouvait être aussi émotive pour des souvenirs de passé. Alors pourquoi ? Que s'était-il passé dans cette famille ?

J'aurais tellement voulu lui poser toutes ces questions, sauf que je n'avais aucunement envie de la brusquer. Personne ne savait ce que ses souvenirs renfermaient.

— Je pense qu'on devrait aller à Las Vegas pour faire ça, annonçai-je. Mais quand on reviendra... Je le dirai à mon père. Je ne sais pas que ça va donner... Mais je pense que ça sera mieux ainsi.

Mes mains tremblaient déjà rien qu'à cette idée. Dans quel état serais-je quand ça se produira enfin ? Arriverais-je à réellement m'opposer à mon père ? Après tout, il m'avait toujours maintenu à une certaine distance, cette distance pour m'empêcher de me rebeller.

Sauf que tout ça, c'était fini... J'allais tirer un trait sur ce passé. J'allais enfin vivre de moi-même, quitte à ce que le décollage soit un peu brusque.

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