Chapitre 28 - Clairevoyance

Dans la citadelle de Garnel Asage.

 

            Depuis qu’elle avait partagé une journée avec Andzrev, Solenne avait reçu un livre de sa part en plus de son petit déjeuner le lendemain. Il semblerait que le vieux télépathe voulait réparer son erreur. Manon paraissait ne pas lui en tenir rigueur et Solenne s’efforçait d’en faire de même. Il y avait quelque chose en lui qui lui rappelait sa propre condition. Un peu exclu, comme elle il ne se sentait pas à sa place. Il ne parlait jamais de son passé ou de sa famille. Mystérieux, il se montrait toutefois amical avec les filles.

 

_ J’espère que la lecture de ce chef d’œuvre te plaira et t’occupera pour les prochains jours.

 

Cependant, plus elle le côtoyait plus Solenne rêvait de lui. Pour une fois elle n’entrevoyait pas le futur mais bien son passé. Dans des images cotonneuses, elle voyait un enfant de sang pur, né d’une mère kalokas et d’un père physé. Morte en couche, sa mère avait donné naissance à l’enfant handicapé et malade que les sœurs connaissaient aujourd’hui.

 

Douleur, ressentiments et haine.

 

C’est tout ce qu’elle percevait dans ses rêves. Elle voyait le père d’Andzrev remettre la faute sur lui, comme si l’enfant avait pu vouloir la mort de sa mère.

 

_ C’est de ta faute si elle est morte Andzrev ! Si tu n’étais pas né, elle serait toujours avec moi !

 

 Elle ne distinguait que des brides de son histoire mais elle sentait que le problème survenu dans la naissance du vieux télépathe avait été inoculé par son père et non par le nouveau-né.

 

Elle ne distinguait pas bien son visage ou son identité, mais le père d’Andzrev lui apparaissait être un physé abritant un grand pouvoir hors du commun mais caché par sa famille, il était malheureux. A chaque fois qu’il s’interposait dans ses pensées, une nuée pourpre l’accompagnait. L’homme était étrange et à contrario de ses acolytes, il n’avait pas le don de guérir mais de rendre malade.

 

_ Par mes mains, je répandrais la maladie et la mort. C’est pour cela que je suis né, tel un fléau.

 

Personne n’avait eu vent de cette histoire. Sa naissance et surtout cette effroyable aptitude furent dissimulées aux yeux de tous permettant ainsi sa croissance jusqu’à l’âge adulte.

 

_ Personne ne doit savoir que mon fils est malade, personne ne doit connaitre son pouvoir ! avait ordonné le grand père d’Andzrev.

 

Solenne rêva également de la précédente cérémonie d’intronisation des Physés, celle qui avait eût lieu avant Vikthor. Persuadé d’être un grand Sirélien, le père mystère voulu se présenter à la cérémonie d’intronisation des Physés mais son paternel l’en empêcha pour le garder dissimulé et sous sa coupe.

 

_Tu es fou ! Inconscient ! Personne ne doit savoir de quoi tu es capable ! Sois heureux d’être en vie et reste cacher fils.

 

Le jeune homme jalousa alors le nouvel Elu intronisé, comme si ce Bénédit lui avait pris une place qui lui été dû.

 

Solenne vécut ensuite le moment douloureux où il quitta son foyer, laissant derrière lui deux frères cadets, pour rejoindre la capitale et faire sa vie bien loin des Siréliens. Là, pour une fois il semblait enfin plein d’espoir. A contrario de son père, elle le vit chercher l’amour.  Yehohanan fût la seule à débrider le jeune homme. Pas peur de la toucher et de la tuer, il s’efforça à lui dissimiler sa réelle identité sirélienne. Clairvoyante, Yehohanan lui fît vite tomber le masque pour s’unir à lui.

 

_ Je sais que tu n’es pas un simple humain, je sens ton pouvoir sirélien mon ange. Pas besoin de me dissimuler ton telsman, avec moi tu peux le porter fièrement, inutile de le laisser à l'abandon, loin de toi, loin de ton cou, déclara Yehohanan à l’homme qu’elle aimait.

 

Habitué à la méfiance depuis son plus jeune âge, sous l’impulsion du physé, ils vécurent reclus cachant ainsi l’étrange pouvoir du père d’Andzrev.

 

_ Si tu m’acceptes comme je suis, ce n’est pas le cas de tout le monde ! Pour le bien de notre amour et de notre enfant nous devons vivre ainsi, secrètement, annonça le père d’Andzrev.

 

Soudain, Solenne sombra dans un cauchemar. Nauséeuse, migraineuse et faible, c’était comme si elle était retournée dans le passé et avait pris possession du corps de Yehohanan. Pourvue d’un ventre rond, Solenne vivait la grossesse de la mère d’Andzrev, impuissante.

 

Face à elle, un mari dépité qui n’osait pas appeler à l’aide et réclamer l’assistance du physé Elu qu’il jalousait.

 

_ Yehohanan, il est hors de question de demandé de l’aide à un physé. Encore moins à Bénédit, je m’y refuse ! Gronda le père en proie à la jalousie.

 

 Sa fierté et son arrogance lui couta alors la vie de sa femme à qui il avait transmis la maladie en l’enfantant. Rebuté par son fils qui lui renvoyait autant l’image de sa bien-aimée que celle de sa culpabilité, il se mit à le haïr.

 

_ Je ne te reconnaitrais jamais comme mon fils ! Tu es celui qui m’a pris ma bien aimée, rien de plus, ne te méprend pas ! gronda le père sombrant dans la folie.

 

Solenne transmuta alors de corps pour celui d’Andzrev et fût surpris par son âge.

 

Contrairement à ce qu’elle avait toujours cru et perçut, le vieux Kalokas n’était pas âgé d’une soixantaine d’année. Solenne se sentait encore plus mal que quand elle avait pris possession de Yehohanan. Raide, remplit de douleurs aigues et la tête embuée dans une migraine permanente, elle se sentait défaillir. Andzrev souffrait énormément et ce depuis toujours. Si bien qu’en plus de sa santé, la maladie lui avait aussi pris sa jeunesse.

 

_ Bon anniversaire ! Profite tant qu’il est encore temps, déclara Garnel Asage comme si les jours d’Andzrev étaient comptés.

 

Le souffle coupé, Solenne se vît dans le corps d’Andzrev, souffler ses trente bougies entouré cette fois de Garnel et de Loris, sa nouvelle famille. Ahurie, elle avait toujours sous-estimé l’endurance du télépathe et la tragédie de sa vie. Il avait été asservi depuis tout ce temps par son père dominant et aigris. Encore aujourd’hui, Solenne sentait son emprise. Il était là avec eux, quelque part dans la citadelle de Garnel Asage.

 

Celui qui avait rendu malade son fils mais aussi toute une partie de la population de la capitale permettant ainsi l’ascension de Garnel au conseil ministériel, vivait quelque part dans l’une des tours de la citadelle. C’était lui, l’âme qui appelait Manon pour la sauver de cet enfermement et qui cherchait secrètement une absolution pour ses actes. Solenne venait de découvrir l’un des secrets d’Andzrev.

Solenne émit alors quelques hypothèses. Le télépathe avait surement vécu enfermé la plupart de sa vie dans les appartements du ministre qui retenait également son père. Le père d’Andzrev et Garnel étant d’âge, ils avaient dû se connaitre à son arrivée à Kentrony. Manipulateur, comme avec Paskhal, il avait dû prendre l’ascendant sur le jeune homme et en faire l’un de ses sbires.

 

Au vu de ce qu’avait ressenti Solenne dans ses visions du père, il n’avait pas fallu beaucoup de temps au ministre pour faire sortir sa haine contre le monde qui l’avait rendu malfaisant dès la naissance. Cette nouvelle ère salvatrice pour les autres qui ne l’avait pas épargné et qui avait en revanche tué sa femme innocente pour engendrer un enfant souffreteux. Quand la jeune blonde se réveilla ce matin-là, elle ne put retenir la bile qui lui remontait aux lèvres.

 

Comme chaque jour, Andzrev lui apporta le petit déjeuner à travers le passe-plat. Cependant, pour la première fois, Solenne lui attrapa la main pour lui montrer son empathie. Il fût surpris de son geste mais encore plus de lire en elle qu’elle savait une partie de son secret, de son fardeau. Les larmes aux yeux, il lui rendit son geste en lui adressant un sourire timide.

 

_ Oh mon enfant, qu’as-tu vu de moi ? s’interrogea Andzrev.

 

Le reste du petit déjeuner se passa dans le silence, chacune seule dans leur chambre attenante. Solenne raconta tout ce qu’elle avait cru comprendre de son incroyable vision à Manon. Cette dernière ne fût pas surprise, depuis toujours elle avait relevé l’incohérence entre le physique et le mental d’Andzrev. Malgré son apparence, elle avait toujours été inquité par un trouble caché. De plus, dès leur première connexion, elle avait lu l’emprise qu’on avait sur lui. Si elle l’avait toujours attribué à Garnel, il semblerait qu’Andzrev était assujetti à plus de personnes finalement.

 

En revanche, si Solenne avait raison et que l’âme torturé du physé qu’elle sentait depuis sa renaissance était bien celle du père d’Andzrev, elle devait lui en parler. Quand il récupéra son petit déjeuner, elle lui demanda une entrevue. Il savait de quoi elle allait lui parler mais il accepta. Pour la première, il demanda à entrer dans sa chambre et à ce qu’on l’enferme seule avec Manon.

 

_ Je ne veux pas de votre pitié, ma situation est compliquée certes mais cela n’enlève rien à ce que je vous ai fait subir, commença Andzrev dans son telsman. 

 

_ Depuis quand ton père est sous l’emprise de Garnel ? Depuis quand tu vis ici, Andzrev ?

 

Le télépathe pris du temps à répondre comme s’il pesait ses mots. Ses révélations semblaient douloureuses pour lui.

 

_ Je connais le ministre depuis toujours. C’était comme si j’étais né ici, Manon. Je ne connais pas d’autre chose à vrai dire.

 

_ C’est lui qui t’a élevé, à la place de ton père ? Continua la jeune femme bien décidée à en savoir plus.

 

_ Oui, c’est lui qui m’a vu grandir.

 

_ C’est ton père qui t’a transmis cette maladie, tu sais si un physé doué de guérison pourrait t’aider ?  Tu n'as que trente ans, tu devrais avoir la vie devant toi.

 

_ Non, maintenant elle fait partie de moi Manon. Si mon père avait ravalé sa fierté et fait soigner ma mère par une personne qui avait un don opposé au sien, peut-être qu’elle serait encore vivante et que je ne souffrirais pas. On ne peut en être sûre. Comme tu le sais, Namon aime bien nous mettre au défi. Cependant si on ne se montre pas à la hauteur, comme mon père, elle sait se montrer redoutable et rééquilibrer nos vies selon ses croyances. Comme toi, je suis le fruit d’une erreur que mon aïeul a commis tout simplement, développa silencieusement Andzrev.

 

_ Quel est ton nom ? Comment s’appelle ton père ? Garnel t’a-t-il adopté ?

 

A ses mots, Andzrev blêmit et fît signe aux miliciens de lui rouvrir la cellule. Silencieux, il tourna son fauteuil vers la sortie. Une fois la porte fermée, il fît parvenir sa réponse à voix haute avant de repartir vers sa chambre.

 

_ Je ne m’appelle pas Andzrev Asage en tout cas.

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Elenna
Posté le 12/11/2020
Asage !!! Ah d'accord !!! Mais... Mais... Le ministre ? C'est lui le....What ?!
ça y est je suis perdue... d'ailleurs le pauvre Andzerv qui souffre alors que ce n'est pas de sa faute. Il ne mérite pas ça !
ludivinecrtx
Posté le 12/11/2020
Qu'est-ce que tu n'as pas compris ?

Garnel détiendrait le père d'andzrev, un sirelien avec un don dénaturé... C'est a peu près tout ce qu'on apprend dans ce chapitre.

Andzrev ne porte pas le nom d'Asage, Garnel ne la donc pas adopté.

Mais donc d'où vient andzrev ? Quel est son nom de famille ? Qui est son père ?

Elenna
Posté le 12/11/2020
Ahhhhh Tu n'étais pas obligée d'enfoncer le clou ! *va pleurer dans son coin*
Renarde
Posté le 05/04/2020
Coucou ludivinecrtx,

Effectivement, Andzrev n'a pas eu la vie facile ! Je n'aurais pas imaginé qu'il n'ait connu quasiment que Garnel depuis son plus jeune âge. Avec deux figures paternelles pareilles, pas étonnant qu'il n'ait pas si bien tourné...

Et je me disais bien que le fait que tout le monde tombe malade pour laisser le champ libre à Garnel ne devait rien au hasard.
ludivinecrtx
Posté le 05/04/2020
Coucou Renarde !


Ravie que tu ai trouvé un peu de temps pour venir me lire en ces temps compliqués !

Oui c'est pour cela qu'Andzrev est un perso compliqué. Il est difficile pour lui d'aider Manon comme il le voudrait !
Il fait de son mieux...

Ah oui.. Rien n'est dû au hasard non ;)
UnePasseMiroir
Posté le 24/03/2020
Ah ben merde je viens de me rendre compte que j'avais lu sans laisser de commentaire digne de ce nom (hors mes réactions sur discord) XDD Sorry !

Mais bon tu connais déjà plus ou moins mon avis, ce chapitre est génial car il permet ENFIN de mettre en lumière ce cher Andzrev ! C'est trop triste le pauvre petit chou ❤ j'espère très naïvement qu'il va s'en sortir, grâce à Manon, ou Vikthor, je sais pas, je te fais confiance (oulà j'ai vraiment dit ça ? XDD)

Et très franchement même si je soupçonne un lien avec Manon (après tout leurs ancêtres sont le même genre de connards) je n'arrive pas à me forger une hypothèse pour le moment...

Par contre je suis de plus en plus mitigée au sujet de Namon. Je l'aimais bien à la base, évidemment, et son intervention auprès de Manon était vraiment belle, mais elle a aussi l'air d'aimer les malédictions chelou ^^ et entre Paskhal et Andzrev, on ne peut pas dire qu'elle ai fait que des heureux... sans compter la pauvre Hestia... Bref j'arrive pas trop à expliquer mon ressenti mais voilà j'attend d'en savoir plus sur ses motivations avant de me prononcer.

C'était tout pour moi ^^ je sais que c'était très court, mais ton chapitre aussi (en tout cas j'ai trouvé) et je n'ai pas grand chose à dire d'autre, à part : LA SUITE LA SUITE ! (et aussi VIVE LE ACHIER (comprendra qui pourra (oui j'aime les parenthèses dans les parenthèses)))

Bisous !!!
ludivinecrtx
Posté le 24/03/2020
Coucou miroir !

Et non tu avais oublié^^

Ouiii c'est un de mes personnages préférés et il est complexe, un beau destin broyé !
Sur ce coup là tu peux peut être me faire confiance 😊. Pour une fois.

Oui il y a un potentiel lien avec Manon, avoir lequel.

Ahaha voilà toute la complexité de la déesse, elle sait des choses, en veut d'autre et arrive à ses fins par certains moyens pas toujours en ligne droite et pas toujours évident.

Oui elle a l'art d'aimer les malédictions chelou mais elle a ses raisons et c'est pas toujours logique ! Tu peux l'aimer mais en effet elle n'est pas toute blanche... Grise mais c'est pour ça qu'elle est belle. En réalité tu apprendras que pour chaque malédiction elle a donné une chance au maudit de se reprendre en quelques sortes. Si le père d'andzrev avait ravalé sa jalousie et appelé Bénédit pour soigner sa femme, elle ne serait pas morte, son fils ne serait pas malade. C'était la chance qu'elle lui avait laissé, il n'a pas su la saisir. Son fils y arrivera peut être à sa place !

Ahaha oui vive le Achier.
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