Tu es né dans la crasse. Personne ne t'aimera jamais parce que tu es un monstre, une erreur de la nature.
Je ne veux pas le voir. Je ne veux pas le subir. Qu'il s'en aille. Pourquoi dit-il ça ? Faites qu'il s'en aille... Je ne peux pas me battre contre lui. Je ne suis qu'un enfant. Quand s'en ira-t-il ? Je ne suis rien. Pourquoi s'en prend-il à moi ? N'a-t-il pas d'autres choses à faire ? Je ne peux rien faire. Je veux faire quelque chose. Lâche-moi ! Fous-moi la paix ! Je ne comprends pas ! Pourquoi ? Je ne mérite pas ça !
Mes yeux s'ouvrirent subitement sur le mur blanc en face de moi. Je me rappelai soudainement que j'étais à l'hôtel. Je relâchai mon oreiller mouillé. Puis je soupirai... Juste un cauchemar. Il fallait que je l'oublie pour passer à autre chose, comme toujours.
*
Une journée était bien plus que suffisante pour les affaires. En une réunion, je savais que tout était réglé, comme d'habitude. Je les laissais toujours parler, sans dire le moindre mot, écoutant chacun de leurs arguments pour mieux les démonter par la suite. Cette technique faisait la plupart du temps son effet. Ce fut le cas aujourd'hui.
Immédiatement après que j'avais prévenu Vitalik de ce succès, il en était fier et me demanda des nouvelles, voulant s'assurer que tout allait bien de mon côté. Il n'avait pas oublié mon dernier appel, pensant vraiment que j'avais perdu la tête. Je tentai de le rassurer, mais ses doutes n'allaient pas se dissiper aussi facilement, au contraire. Il ne cessait de me répéter que je travaillais trop et que j'avais besoin de repos. En effet, j'en avais vraiment besoin, mais j'étais toujours incapable de le trouver.
Puis j'hésitai à appeler Heather. Qu'allais-je vraiment lui dire ? Encore un "tu me manques" qui deviendrait plus lassant qu'autre chose ? Je n'allais ni lui dire que j'avais terminé mon travail ici, ni même que j'allais voir une ancienne amie. Elle imposerait d'elle-même mon départ. Je l'appellerais plus tard. Ce n'était pas pressant.
L'une des raisons pour lesquelles j'étais à New York me sauta à l'esprit : Paris. Je lui avais promis de venir. Heureusement que j'avais pris la peine de noter son adresse sur mon portable. De nouveau, je dus faire appel à un de ces nombreux taxis. Le chauffeur prit sûrement aux alentours d'une heure avant de finalement tomber sur le bon immeuble. Je détestais les taxis, j'aurais vraiment mieux fait de louer une voiture.
Il était dix-sept heures passées quand je frappais à la porte de l'appartement de Paris. Celle-ci ne tarda pas à m'ouvrir avec un sourire étincelant. Cette grande brune se jeta dans mes bras pour me serrer contre elle, criant de joie de me revoir.
— Danny ! Je te vois enfin après tout ce temps ! s'exclama-t-elle en me relâchant.
Je souris timidement, plus par politesse que guidé par de sincères sentiments.
— Entre ! Ne reste pas dehors !
Son enthousiasme n'était que grandissant tandis que je doutais vraiment de ce que je foutais ici. Elle m'invita à entrer, la porte grande ouverte. Je m'exécutai, le regard traînant au sol. Puis je finis par me tourner vers elle. Son visage s'illuminait à ma vue, jamais je n'avais vu ses yeux autant ressortir et mettre en valeur son teint mat.
— Tu ne peux pas savoir à quel point je suis contente de te voir, souffla-t-elle toujours aussi souriante. Ça fait vraiment bizarre de ne plus te voir aussi souvent qu'avant !
Je me rappelais encore de cette époque où on se voyait tous les jours et on sortait en boîte tous les soirs. Sûrement la seule personne avec qui j'avais partagé une vraie amitié.
Je me souvenais du moindre détail de son anatomie. De ses longs cheveux bruns à ses harmonieuses formes. Son physique plus qu'avantageux n'allait pas s'effacer de sitôt de mon esprit.
— Alors comment tu trouves New York ? me demanda-t-elle tout en me guidant vers le fauteuil du salon.
— À vrai dire, je n'ai rien visité. Je n'y vais que pour le travail.
Nous nous assîmes, l'un en face de l'autre. J'ignorais ce qu'on allait bien faire de la soirée, mais cela m'importait peu.
— Tu ne fais que bosser ! Ça change vraiment du lycée ! s'étonna-t-elle.
— Je suis mon propre patron, ça change tout.
Je n'avais pas envie de ressasser l'époque du lycée. Faites qu'elle n'aille pas plus loin ! Heureusement, ça semblait être le cas. Elle détourna en quelque sorte le sujet de la discussion.
— Tu sais quoi, on va s'amuser un peu ce soir. Je vais tout te faire oublier !
— Ok, sors la bouteille de vodka ! suggérai-je aussitôt.
Son regard s'assombrit. Finalement, on n'allait pas s'amuser, c'était clair et net. Elle allait me trouver une occupation que la plupart considéreraient comme une vraie détente et où j'allais juste m'ennuyer à mourir. Encore un coup à la Vitalik avec son opéra... Je le sentais venir.
— T'es déjà allé à Broadway ? m'interrogea-t-elle.
— Alors là j'ai clairement besoin d'alcool !
Son regard me tint tête, elle n'allait pas abandonner et allait forcément me traîner dans un de ces endroits pourris. Malheureusement, c'était ça l'amitié : suivre les autres dans leurs conneries.
Finalement, je dus me résilier à suivre Paris dans les méandres de New York, et encore une fois, je dus supporter le taxi avec un chauffeur plus que désagréable. Heureusement que Paris était là pour me sortir plein de détails sur sa vie quotidienne ici, ou du moins, en particulier sur son voisin du dessus qui ne cessait de mettre sa musique trop forte ou de trouver quelqu'un à sauter durant toute la nuit.
Arrivés dans le grand axe aux nombreuses publicités qui me donnaient presque envie d'en vomir, elle me prit par le bras pour me guider, sachant exactement où elle m'emmenait. Le St James Theatre. Elle disait le connaître à la perfection et même que c'était son préféré, qu'il y avait vraiment de quoi s'amuser. J'en doutais fortement.
Elle s'en réjouissait déjà et les fossettes de son visage ne cessaient de se creuser à l'idée de m'emmener dans un endroit que j'allais forcément détester.
— Sérieusement, je ne tiendrai pas sans alcool, lâchai-je pendant que nous faisions la queue.
— Arrête de faire ton rabat-joie Danny et profite un peu ! me réprimanda-t-elle en remettant son bonnet de laine en place puis resserrant son écharpe autour du cou. D'ailleurs tu n'as pas froid avec ton costard ?
— Non, ça va, rétorquai-je.
Elle tenta de me fourguer son écharpe ou son bonnet, mais je ne cessais de la repousser. Je n'allais pas porter du rose, ça allait vraiment être en discorde avec le reste de ma sombre tenue.
— Je suis sûre que ça va te plaire, tenta-t-elle de me convaincre d'un air malin.
Elle me rappelait soudainement Vitalik qui m'avait obligé à le suivre à cet opéra. Je détestais ces obligations, mais c'était Paris cette fois-ci, j'étais vraiment contraint de la suivre.
Rapidement, nous fûmes plongés à l'intérieur. Elle continuait dans son délire pour tenter de me convaincre, mais en vain.
Le supplice dura deux heures. J'avais à peine suivi l'histoire, encore une connerie à l'eau de rose. Pourtant, ceci sembla émerveiller Paris. Comment pouvait-elle apprécier ça ? Elle non plus ne croyait pas en la notion d'amour. Elle avait fait vœu de célibat et sur ce point, nous étions exactement pareils. Sauf que j'étais avec Heather... Enfin, elle n'en savait rien et elle n'en saurait sûrement jamais rien... En tout cas, je ne voulais rien lui dire en ce moment même.
Quand nous pûmes enfin sortir, elle ne pouvait s'empêcher de me donner son ressenti dessus. En réalité, je m'en fichais et je ne l'écoutais qu'à moitié. Au moins, elle me laissait fumer. Elle continuait son débit de paroles sans s'arrêter, pensant que cela m'intéressait. En vain.
Elle finit par comprendre que je m'en foutais et décida de trouver un autre endroit où me traîner. Elle voulait en quelque sorte se rattraper et me fourgua dans un bar plutôt douteux où le sexe était maître. Il y avait de quoi passer une bonne soirée en effet.
Nous enchaînâmes les verres. Enfin, surtout moi. Paris ne dut prendre que deux verres. Elle parlait bien plus qu'elle ne buvait tandis que j'effectuais l'opposé.
— Je vois que tu bois toujours autant, constata-t-elle avec un brin d'inquiétude.
— On est dans un bar. À quoi tu t'attendais ?
Elle avait l'air de regretter de m'avoir emmené ici puis continua tout de même son monologue. Elle avait des tas de choses à me raconter. Elle n'en parlait pas autant au téléphone, ou peut-être parce que je ne répondais pas très souvent à ses appels. Était-ce de l'évitement ? Peut-être bien. La vie des autres m'intéressait peu, également celle de mes amis.
Mon téléphone interrompit alors son discours. Je m'en saisis. Heather. J'avais complètement oublié de l'appeler et il le fallait. Je devais être bien bourré, mais peu importe, je quittai le bar et lui répondis aussitôt.
— Salut Heather. Désolé j'ai complètement oublié de t'appeler, lâchai-je d'une voix pâteuse.
— Tu as bu ? me demanda-t-elle d'un air angoissé.
Elle n'aimait pas que je boive. J'avais oublié ce détail. Comme d'habitude, je me rattrapai avec un mensonge :
— Juste un peu. Mais c'était juste après le travail, juste un verre...
Elle ne semblait pas convaincue. Elle soupirait, mais doucement, d'une manière à peine perceptible. Si j'étais à côté d'elle, peut-être que je l'aurais rassurée... mais elle aurait aussi eu affaire à mon état déplorable.
— Tu me manques, souffla-t-elle. J'ai hâte d'être demain.
— Moi aussi, tu me manques. Plus qu'une journée.
— J'espère que tout se passe bien... et que tu ne feras pas de conneries.
Bêtement, je souris. L'alcool.
— Ne t'en fais pas, la rassurai-je.
— À demain, j'ai hâte.
— À demain...
Puis nous raccrochâmes sans jouer à celui qui raccrocherait le premier. Je n'avais jamais compris ce principe. Je fixai longtemps l'écran du portable même s'il n'y avait rien à voir.
— C'était qui ?
Je rangeai l'appareil et me tournai vers Paris. Elle m'avait suivi, pas très étonnant de sa part.
— Serait-ce une femme ? m'interrogea-t-elle assez curieuse.
Je ne comptais même plus le nombre de fois où elle avait espéré me voir un couple un jour. Bien trop souvent même. Elle avait fait vœu de célibat, mais ne s'interdisait pas de tomber amoureuse. Nous ne nous étions jamais compris sur ce point.
— C'était...
J'hésitais à lui dire la vérité. De toute manière, il n'y avait rien entre Heather et moi. Juste un plan qui pourrait sembler ridicule pour la plupart.
— Personne, finis-je par dire.
— Ça devient intéressant alors, lâcha-t-elle enjouée tout en s'approchant de moi.
Elle essayait de m'aguicher par son sourire, elle voulait me manipuler par le quelconque de ses attributs. L'alcool ne devait pas être une excuse comme une autre pour tomber dans son piège.
— Bon, ok, c'est un plan cul, mentis-je pour qu'elle me laisse tranquille.
— Un plan cul ? Depuis quand un plan cul te manque ? Allez dis-moi son nom.
Je venais de tomber dans son piège d'une étrange manière. Elle n'allait plus me lâcher tant qu'elle ne saurait pas tout sur elle. Bien évidemment, je n'allais rien lui dire à propos de Heather, pas même son nom.
— Ce ne sont pas tes affaires, expirai-je avec une pointe de colère. Ce n'est que du sexe sans importance et j'ai juste envie de rentrer pour la baiser.
Elle plissa des yeux. Elle n'était pas du tout convaincue et j'allais devoir subir son interrogatoire pour m'assurer que c'était une femme bien. Si elle savait à quel point Heather était une femme plus que bien pour quelqu'un comme moi...
— Je trouve ça assez bizarre que ce ne soit que du sexe entre vous. Des tas de femmes ont essayé d'attirer ton attention, tu n'en as pas remarqué une seule. C'est comme si tu n'en avais pas besoin. Tel que je te connais, tu te serais jeté sur l'une d'entre elles pour la baiser dans les chiottes... Mais là, rien. Tu t'es contenté de m'écouter et de boire. Je ne pense pas que ce n'est qu'un plan cul...
Observatrice cette petite Paris, à mon plus grand regret. Je me rendis alors compte que je n'avais pas cherché à regarder la moindre femme. Peut-être parce que j'étais fiancé. Non, ce n'était pas un bon argument. Je me fichais de la fidélité en temps normal.
— On devrait retourner à l'intérieur, éludai-je pour ne pas subir toutes ses questions et autres remarques.
— Tu évites encore Danny. Je veux juste m'assurer que tu choisisses une femme bien, parce que tu ne sais pas les choisir d'habitude.
Elle ne connaissait que peu de personnes avec lesquelles j'avais couché. Je devais avouer que je n'étais pas exigeant non plus. Peu importe le physique, la personnalité... Au final, c'était la même chose.
— Je ne pense pas que ce soit le moment de parler de ce qui se passe dans mon lit. On devrait juste profiter d'avoir l'opportunité de se revoir...
Elle grimaça brièvement. Cette idée ne la satisfaisait qu'à moitié. Pourquoi cherchait-elle toujours à autant me materner ? C'était sûrement pour ça que j'avais évité de nombreux appels de sa part. Je ne supportais pas qu'elle s'intéresse autant aux détails de ma vie.
Malgré sa réticence, elle finit par acquiescer et nous retournâmes à l'intérieur pour terminer cette soirée tout en parlant autour de quelques verres...
Donc j'espère vraiment, sue tu va nous mettre la suite en tout cas :)