Nicolas ne parut que pour manger et boire trois fois par jour. Le reste du temps, il le passait dans la chambre, assis, à méditer. Patrick n’y trouva rien à redire. Toute l’équipe agissait de même. Sauf que l’entraîneur pensait que Nicolas augmentait son stock de magie.
- Nicolas ? Est-ce que tu augmentes tes stocks tout en t’occupant de l’inondation ? demanda Marlène à l’un des réveils de Nicolas.
- Évidemment ! s’exclama le capitaine de l’équipe avant de s’éloigner d’elle en ronchonnant.
Cela ne rassura Marlène qu’à moitié. De son côté, Marlène augmentait ses réserves, sachant pertinemment que ça se servirait à rien. Elle débordait mais à quoi bon ? Elle ne savait pas la manier de toute façon. Son assemblage menaçait de s’effondrer à chaque instant et elle n’avait pas le début du commencement d’une solution.
La veille du match, il fallut prendre l’avion. Nicolas n’accepta qu’à la condition que Marlène le guide tandis qu’il méditait. Patrick y vit un joueur investi dans sa volonté de créer un maximum de magie et Marlène ne le détrompa pas.
Les installations américaines se montraient à la hauteur. Les deux équipes n’avaient qu’un parc à traverser pour se rencontrer mais nul ne franchit la limite herbeuse. Nicolas revenait toutes les deux minutes, reprenait sa respiration et replongeait. Marlène ne l’avait jamais vu aussi investi, motivé et persévérant.
Le matin du match, Patrick appela les joueurs. Nicolas refusa de sortir de la chambre.
- Où est Nicolas ? demanda l’entraîneur.
- Il ne veut pas venir, annonça Marlène, très gênée. Je crois qu’il ne veut pas jouer.
- Je ne lui demande pas son avis ! s’énerva Patrick.
- Pourquoi ? s’étonna Antoine. Le PBM, c’est sa passion ! Il ne vit que pour cela.
- Non, le contra Marlène. Il veut la célébrité, peu importe la manière.
- Gagner la coupe du monde lui offrirait sans nul doute ce qu’il veut, fit remarquer Séverine.
- Il a plus important à faire, murmura Marlène.
- Quoi donc ? s’agaça Patrick.
- C’est privé. Je n’ai aucune envie de rompre la confiance que Nicolas me porte.
- Je n’écoute pas dans votre chambre parce que votre vie intime ne me regarde pas mais j’attends en échange une totale transparence de votre part, rappela Patrick.
- Vous savez que je veux plus que tout gagner cette coupe du monde, dit Marlène et tout le monde hocha la tête. Je convaincrai Nicolas d’entrer sur le terrain.
- Comment on bat l’équipe la plus puissante, invaincue depuis des dizaines d’années ? demanda Fatima.
- J’aimerais que Séverine, Antoine et Peter jouent tout à l’heure, indiqua Marlène.
- C’est moi l’entraîneur, gronda Patrick. C’est à moi de décider qui…
- Je serai la capitaine.
- Non ! s’opposa Patrick. Nicolas sera le capitaine !
- Je vous dirai plus tard ma stratégie, annonça Marlène en lançant un regard entendu à Patrick.
À ces mots, elle quitta la salle de réunion pour retourner auprès de Nicolas. Elle n’aimait pas le laisser trop longtemps. S’il se plantait dans ses estimations, il pouvait mourir noyé. Elle tenait à être présente pour lui sauver la vie si besoin. Elle se sentait coupable et tenait à faire au moins ça pour lui.
- Putain de néomages ! entendit-elle Patrick cracher dans son dos.
Elle l’ignora. Beaucoup d’équipes préféraient ne pas s’encombrer de néomages, Marlène ne l’ignorait pas. Tous les entraîneurs les trouvaient trop instables. Ils n’avaient pas la « culture » qu’il fallait. Patrick Balia venait sans aucun doute de comprendre la raison de la réticence de ses collègues.
Lorsque Marlène ferait gagner son équipe, il changerait peut-être d’avis… ou pas, vu la manière dont la jeune néomage comptait le faire.
Peu avant le match, Marlène appela Garcia. La joueuse vint la rejoindre.
- Tu as besoin de moi ? interrogea Garcia.
- Pourrais-tu faire voler Nicolas jusqu’aux vestiaires, s’il te plaît ? Je préfère garder mes forces pour le match.
- Il ne veut vraiment pas jouer ?
- Vraiment pas, non, répondit Marlène.
- Il ne va pas être content que je le déplace sans son consentement.
- Je prendrai toute la responsabilité. Ne t’inquiète pas. C’est après moi qu’il sera en colère. Déplace-le, Garcia, s’il te plaît !
La joueuse aux longs cheveux noirs hocha la tête. Nicolas vola jusqu’aux vestiaires. Alors que Nicolas reprenait sa respiration, Marlène l’appela. Il posa sur elle des yeux qui crachèrent du feu en constatant l’endroit où il se trouvait et la tenue de son interlocutrice.
- Je ne jouerai pas, Marlène ! Arrête de me faire chier !
- Nicolas, commença Marlène mais son vis-à-vis la coupa.
- Comment peux-tu être aussi égoïste ? Je te soutiens depuis ton arrivée ! Et toi ? Tu t’en fous ! Comment ne peux-tu pas comprendre que ça soit plus important qu’un putain de match !
- Nicolas…
- Fiche-moi la paix !
- Écoute-moi une seconde, tu veux bien ?
Il la gratifia d’un regard glacial mais se tut et ne repartit pas en méditation. Marlène sauta sur l’occasion.
- Tu n’as même pas besoin de te changer, expliqua Marlène. Tu rentres dans l’arène…
- Non, gronda Nicolas.
- Laisse-moi parler, s’il te plaît !
Il grogna et ses épaules se détendirent.
- Tu rentres. Au coup de sifflet, tu donnes toute ton énergie à Séverine puis tu sors. Tu n’as même pas besoin de voler.
- Je donne mon énergie à Séverine ? répéta Nicolas en plissant les paupières.
- Tu es plein, non ?
- J’ai reconstitué mes réserves, répondit simplement Nicolas.
- Tu n’en a pas besoin pour ce que tu fais.
- Je confirme, dit-il sentant qu’il perdait la partie.
- Nous en avons besoin pour gagner le match. On se débrouillera à quatre mais Séverine ne s’en sortira pas sans ta magie. Donne-la lui puis retourne méditer dans les vestiaires. C’est tout ce que je te demande. Cinq minutes, pas plus.
Nicolas transperça Marlène puis soupira avant de se lever. Marlène en aurait volontiers hurler de joie mais elle devait rester concentrée.
- C’est l’heure, annonça Patrick en entrant dans les vestiaires. En piste ! Nicolas n’est même pas en tenue.
L’entraîneur soupira en secouant la tête.
- Aucune règle ne nous oblige à porter un vêtement en particulier.
- Les cibles sont une obligation, précisa Patrick.
Marlène les posa sur Nicolas d’un geste brusque. Elle ne prit même pas la peine de les attacher.
- Content, chef ? ironisa-t-elle.
Patrick leva les yeux au ciel. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il attacha au bras de Marlène le brassard de capitaine. Le groupe s’avança vers les arènes.
- Je vais avoir toute la magie de Nicolas à ma disposition ? murmura Séverine tout en sautillant. Putain !
- Écoutez-moi bien, chuchota Marlène et dans la gnosie, tous ses coéquipiers l’entendirent à la perfection. Une fois le match lancé, aucun de vous ne montera un bouclier.
- Quoi ? s’exclamèrent-ils tous, sauf Nicolas qui était retourné en méditation et n’avançait que parce que sa main, sur l’épaule de Marlène, le guidait.
- Gardez votre énergie et votre concentration pour autre chose. Croyez-moi. Les boucliers seront inutiles. Antoine et Peter, je vous veux marqueur. Vous ne bougez pas. Vous ne cherchez ni à vous défendre que ça soit avec des boucliers ou en bougeant, ni à attaquer. Vous marquez, le plus vite possible. J’estime pouvoir tenir vingt secondes, peut-être trente. Vous avez ce temps-là pour marquer le plus haut score possible et prier ensuite pour que ça suffise.
- Tu vas faire quoi ? demanda Peter.
- Séverine, tu auras énormément d’énergie à ta disposition. Ne t’y perds pas et reste concentrée. Tu penses pouvoir le faire.
- Oui, assura Séverine, l’air grave. Je dois faire quoi ?
- J’ignore comment ils vont réagir en face mais ça va les mettre très en colère. Ton but est d’en éliminer un. Trois billes, bien dosées, faisant mouche. Si tu arrives à en éliminer un deuxième, ça n’en sera que mieux mais ne t’inquiète pas, un, c’est déjà bien. Ils le protégeront alors toutes les réserves de Nicolas ne seront pas de trop. Tu es d’entre nous celle qui manie le mieux la magie. Tu penses pouvoir passer un bouclier monté par nos cinq adversaires ?
- Oui, assura Séverine.
- Tu n’auras que vingt secondes pour y parvenir, rappela Marlène.
- Tu vas faire quoi ? demanda-t-elle à son tour.
- Leur couper les griffes, répondit Marlène. Quand je tomberai, rejoignez le sol à votre tour et priez pour qu’en cinq secondes, ils ne puissent pas remonter au score.
Ses coéquipiers échangèrent des regards lourds. Au bout de cinq secondes au sol, un joueur était éliminé. Le PBM nécessitait de voler. Un joueur au sol n’avait plus le droit de tirer des billes de peinture. Pendant cinq secondes, ils ne pourraient que subir.
- S’ils sont toujours cinq, ils n’auront aucune difficulté à nous rattraper, fit remarquer Peter.
- D’où l’importance que Séverine en élimine. Moins ils seront nombreux, plus nos chances de victoire sont grandes.
- Marlène, je n’aime pas beaucoup ça, indiqua Séverine. Cette façon de jouer, c’est…
- Est-ce interdit ? demanda Marlène.
- Non, certes, mais ce n’est pas…
Elle chercha ses mots, sans le trouver. Antoine proposa :
- Drôle ?
- C’est naze, confirma Peter.
- C’est notre seule manière de gagner. Vous vous remportez cette coupe du monde ou pas ? grogna Marlène.
- Honnêtement, je crois que je préfère la perdre que d’agir de cette façon, indiqua Séverine.
- S’il vous plaît, j’ai vraiment besoin de gagner cette coupe du monde ! supplia Marlène alors qu’il pénétrait sur le sable de l’arène.
- Pourquoi ? Pourquoi est-ce si important ? s’exclama Séverine.
- Me suivrez-vous ? demanda Marlène.
Ses coéquipiers échangèrent des regards lourds et le noir se fit. Les dés étaient jetés. Le sifflet retentit. Marlène lévita à un doigt du sol et lança ses pouvoirs. Son assemblage trembla et le vent se leva sur son océan habituellement d’un calme plat.
- Séverine ? s’exclama Peter. On fait quoi putain ?
- Qu’est-ce qui se passe ? s’exclama Steven Ball, le capitaine des joueurs adverses en anglais, langue que Marlène comprenait assez pour saisir ces quelques mots.
- Elle détruit leurs billes, comprit Séverine. Toutes leurs billes ! Tirez ! Putain tirez !
Peter et Antoine se mirent enfin en action et l’intégralité des cibles se tintèrent de rouge, faisant monter le score. Pas assez vite, jugea Marlène alors que des nuages noirs emplissaient le ciel de sa chambre personnelle des connaissances. Un coup de tonnerre la fit sursauter. Quelques billes s’écrasèrent sur sa cible à l’épaule droite.
- Elle peine ! s’écria Steven. Créez davantage de billes. Fancy !
Séverine venait de l’éliminer. Trois billes, créées en même temps, d’une précision redoutable. Séverine méritait son DM10. La joueuse explosa d’un rire extatique. Nul doute qu’elle vivait un moment merveilleux. Jamais personne n’avait réussi à éliminer un membre des Black Star, jamais. Séverine venait de réaliser l’impossible.
- Elle vise Yin ! Protégez-le, ordonna Steven. Continuez à bombarder la néomage.
À l’horizon, Marlène vit venir une vague, tellement haute, immense. Pas une vague. Un tsunami, reconnut-elle. Il arrivait droit sur elle. Marlène savait qu’agir de cette façon se terminerait mal mais elle n’avait pas imaginé que l’eau elle-même se retournerait contre elle. L’océan avait toujours été son allié, son cocon de sécurité.
- S’il te plaît ! chouina-t-elle. Ne me fais pas de mal !
Sa cible gauche se teinta de noir. Marlène raffermit sa concentration. Quelques bulles furent arrachées de l’assemblage par le vent désormais violent. Au loin, une tornade fit son apparition. Marlène ne put empêcher les larmes de tremper ses joues.
- Gunther ? Merde ! Elle nous a eu cette salope !
Séverine venait de réussir à en éliminer un deuxième. Elle avait fait croire de viser Yin pour changer de cible au dernier moment.
- Abattez la néomage ! hurla Steven, maintenant fou de rage.
Le tsunami l’atteignit en premier. Marlène cessa d’utiliser la magie juste avant que le choc ne se produise. Elle évita ainsi d’être elle-même emmenée mais une violente douleur dans son torse ne permit aucun doute : tout son assemblage venait d’être détruit. Debout, les deux pieds sur le sol, Marlène tenta d’activer la gnosie pour savoir ce qui se passait autour d’elle. Ses pouvoirs se refusèrent à elle. Même quelque chose d’aussi simple que la gnosie lui devenait inaccessible.
Marlène compta jusqu’à cinq et la lumière revint. Elle leva les yeux vers le score. Douze mille cent vingt-sept points pour les Tuniques rouges. Antoine et Peter avaient fait fort. Onze mille trois cent vingt-et-un points du côté des Black Star qui avaient bien utilisé, à trois, les cinq secondes à leur disposition. La France remportait le match.
Pourtant, les gradins ne proposaient qu’un immense silence. Tous les spectateurs restaient figés dans une stupeur générale. Vingt-trois secondes. Le match n’avait duré que vingt-trois secondes. Marlène s’était écroulée au bout de dix-sept petites secondes. Elle soupira. Elle était vraiment mauvaise.
La néomage se tourna vers ses coéquipiers. Ils grimaçaient. Ils venaient de remporter la coupe du monde mais n’en montraient aucune joie. Une honte intersidérale se lisait sur leurs visages.
Les Black Star semblaient se retenir de se jeter sur Marlène pour la rouer de coups. Seule la présence des spectateurs et des médias les retenait. Deux hommes en costume entrèrent dans l’arène, accompagnés de Patrick Balia et Bryan Jonhson, l’entraîneur des Black Star.
- L’entraîneur américain a demandé une vérification de la bonne conformité du match, indiqua l’un des hommes en costume.
Tout le monde fut suspendu à ses lèvres.
- À la question : un des joueurs peut-il transférer son énergie à un autre joueur, la réponse est oui. Aucune règle ne l’interdit. La magie étant intime, personne ne la donne jamais à autrui mais aucun loi ne l’interdit, tant que le don est consenti, ce que Nicolas Patriol, interrogé dans les vestiaires, a confirmé.
Des murmures parcoururent la foule mais ils cessèrent dès que l’huissier reprit la parole.
- À la question : un joueur peut-il s’auto-exclure du jeu en se posant au sol, la réponse est oui. Cette stratégie est régulièrement utilisée lors des matchs de PBM, la rendant assez classique pour ne pas dire banale.
- Il ne s’est même pas envolé ! s’exclama Steven Ball.
- Aucune règle n’oblige un joueur à s’envoler. Nicolas Patriol a simplement été éliminé au bout des cinq secondes.
- Ils se sont tous auto-exclus du jeu ! s’écria Steven Ball.
- Rien dans les règles ne l’interdit, insista l’huissier.
Marlène crut que le capitaine américain allait lui sauter à la gorge mais la main de Fancy sur son bras le calma. Steven Ball serra la mâchoire et tremblait, gratifiant l’huissier d’un regard de braise, mais il resta immobile.
- À la question : un joueur peut-il détruire les billes de ses adversaires, la réponse…
L’huissier attendit un peu avant de poursuivre. Nul doute qu’il appréciait beaucoup de voir autant de gens pendus à ses lèvres et qu’il s’en délectait.
- est oui, finit-il et la foule hua. Cet acte demande une formidable dépense énergétique et une maîtrise fine de la magie. C’est pourquoi personne ne le fait jamais mais rien dans les textes ne l’interdit.
Les spectateurs, tant français qu’américains, exprimaient leur mécontentement. Jamais match de PBM ne fut aussi inintéressant que celui-là. Il ne s’était rien passé.
- Par conséquent, la France remporte cette coupe du monde de PBM, termina l’huissier.
Il y aurait dû avoir des feux d’artifice et des cris de joie, des cotillons, des banderoles, des langues de feu et de la musique. Il n’y eut rien de tout cela. Marlène tourna les talons et retourna dans les vestiaires pour se changer. Inutile de prendre une douche. En dix-sept secondes, elle n’avait pas eu le temps de transpirer. En revanche, impossible d’utiliser la magie et elle n’osait pas remettre un pied dans son océan devenu incontrôlable.
Quant à créer de la magie, elle avait essayé mais peinait à produire un um. Visiblement, cela aussi ne fonctionnait plus. Elle avait gagné mais à quel prix ?
- Vous êtes attendus pour la conférence de presse, indiqua Patrick Balia. Marlène, tu répondras aux questions. Démerde-toi avec le bordel que tu viens de mettre.
L’entraîneur n’aurait pas pu lui faire plus plaisir. Marlène se garda bien de sourire. Elle devait rester concentrée. La suite serait décisive. Elle rajusta sa coiffure et se dirigea vers la salle d’audience.
Le moment était solennel. Des centaines de caméras et de micros braqués sur elle, Marlène se tint debout et patienta. Des questions fusèrent, qu’elle ignora. Quand les journalistes réalisèrent enfin qu’elle attendait le silence, une quiétude s’installa et Marlène prit la parole.
- Unis, les plus faibles peuvent vaincre. La puissance d’un seul ne doit pas éclipser la volonté collective. C’est pourquoi je vous exhorte, parents d’enfants du Mistral a retirer votre progéniture de cette institution.
Les journalistes échangèrent des regards confus. Ils s’attendaient à entendre parler de PBM et voilà qu’elle discourait sur un collège ?
- Ce que vous donnez pour que vos enfants apprennent la magie ne finance pas des recherches en magie comme vous le pensez. Tous les bénéfices vont directement dans la poche du directeur, François Gilain.
Quelques journalistes se tortillèrent, très gênés. Étaient-ils eux-mêmes passés par cette école ? Leurs enfants s’y trouvaient-ils actuellement ?
- Professeurs du Mistral, je vous implore de quitter cette institution à l’instant et d’ouvrir votre propre centre de recherche et d’éducation. Chers professeurs, vous avez un talent indéniable, exploité sans vergogne par un homme avide qui ne cherche ni votre bien, ni celui de vos élèves. François Gilain ne vise que son propre profit. Tournez-lui le dos. Il a besoin de vous. Pas l’inverse. Chers parents, inscrivez vos enfants dans cette école dès qu’elle ouvrira ses portes. Croyez-moi : ses professeurs valent le déplacement.
Certains journalistes baissèrent leurs micros.
- Journalistes, faites votre travail en toute liberté. Ne laissez pas cet homme vous menacer, restreindre votre droit d’expression, limiter vos champs d’investigation, censurer vos articles.
Ces phrases-là eurent un impact fort parmi l’assemblée. Certains journalistes grincèrent des dents. D’autres baissèrent les yeux de honte. D’autres envoyèrent un regard de braise à la néomage.
- La vérité doit éclater. La population a le droit de savoir, poursuivit Marlène. Exposez tout ce que vous savez sur François Gilain. Sortez vos dossiers de vos tiroirs. Plus d’impunité pour un homme sous prétexte qu’il est plusieurs fois centenaire.
Les journalistes gigotèrent en échangeant des regards, cherchant qui le soutien, qui la réponse.
- Justice, soyez transparente, objectivité et impartiale. Il existe forcément des juges indépendants, des avocats libres de toute entrave le concernant. J’enjoins les gouvernements à s’assurer qu’un procès, s’il devait avoir lieu, serait juste et équitable du début à la fin, loin de toute corruption.
Les journalistes grimacèrent un peu partout.
- Enfin, j’implore Lycronus Stoffer de se rendre. Il ne peut pas fuir toute sa vie alors même qu’il est innocent. François Gilain l’a accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Je comprends qu’il ait peur mais cette cavale doit cesser et la vérité triompher.
Cette dernière tirade venait de créer un immense blanc. Tout le monde la regardait avec des yeux écarquillés.
- Je vous remercie pour votre attention.
Marlène s’éloigna du micro et s’apprêta à quitter la salle. Elle n’avait aucune intention de répondre à une quelconque question. Cinq hommes en uniforme entrèrent dans la pièce, venant entourer Marlène. Celui devant elle annonça :
- Mademoiselle Norris, vous êtes en état d’arrestation pour suspicion de mauvaise usage de la magie.
- Mauvaise usage de la magie, répéta Marlène avant de ricaner. C’est tout ce qu’il a trouvé ? Pas diffamation hein ! Mauvaise usage de la magie. N’importe quoi. Je n’ai rien à me reprocher.
- Allez vous fuir, comme le voleur de magie ? demanda un journaliste.
Les agents du CIM se crispèrent à ces mots. Marlène rit jaune. Privée du moins accès à la magie, elle voyait mal comme s’évanouir dans les airs.
- Si vous vous téléportez, nous suivrons la signature pour vous retrouver, prévint le lieutenant.
- Je ne sais pas me téléporter, indiqua Marlène, et je vais vous suivre sans résister, messieurs. J’ai confiance en la justice. J’ose croire qu’elle n’est pas corrompue jusqu’à la moelle.
Le lieutenant se garda de tout commentaire. En sortant, Marlène passa devant Patrick Balia. Elle lui tendit une lettre dont il se saisit. Elle entendit des journalistes interpeler l’entraîneur, lui en demandant le contenu. Leur dirait-il qu’il s’agissait de sa démission ?