Plusieurs semaines s’étaient écoulés depuis les événements de l’Opéra, et Thomassine ne pouvait s’ôter la vision de ce « fantôme ». Ce type au visage de mort qui l’avait battu dans un souterrain. Elle en tremblait encore en y repensant. Elle ne pouvait non plus oublier ce type au béret. Il trempait dans cette affaire sans aucun doute !
Cette histoire représentait l’occasion rêvée pour commencer sa carrière de détective privé puisque la police se révélait incompétente. Malgré la déconvenue sous le Palais Garnier, elle sentait que cette enquête l’appelait. Elle se sentait capable résoudre ce mystère. Depuis sa déposition, elle murissait son projet dans l’intimité de sa chambre. Une conclusion s’imposa rapidement : elle devait mettre son père dans la confidence. Lui seul pouvait lui permettre de mettre le pied à l’étrier.
Sa situation ne lui permettait pas de se lancer dans cette aventure pour plusieurs raisons. La première concernait les questions financières. Elle ne possédait pas de compte en banque, ni revenu et quand bien même elle en toucherait un, celui-ci irait sur le compte de Lucien. La seconde, parce qu’elle avait besoin de se travestir, être garçonne ne serait pas suffisant. Sa parole ne sera jamais prise au sérieux tant qu’elle sera Thomassine, elle devait devenir Thomas. Cependant, elle savait qu’une tenue ne suffira pas à la rendre crédible, elle devait acquérir des manières, des attitudes. Son père pouvait les lui enseigner. Le dernier point concernait sa sécurité. Elle ne se leurrait pas : s’embringuer dans ce genre de métier était risqué, peu importe le sexe.
Elle attendit que sa mère s’absente pour lui parler. Si cette dernière entendait le moindre murmure au sujet de ce projet, tout tomberait à l’eau. Le travail féminin était une aberration aux yeux de Giselle. Seules les femmes de basse condition pouvaient s’y avilir. C’est ainsi qu’elle justifiait l’emploie de Suzie, leur bonne et Manon, la cuisinière. Une jeune fille bien éduquée ne devait penser qu’à bien présenter, se trouver un mari et fonder un foyer. Préoccupation à milles lieues de celle Thomassine.
L’occasion se présenta lorsque Madame Fèvre sortit pour aller s’acheter une nouvelle toilette. Dès qu’elle eu franchit le seuil de l’immense demeure, Thomassine gagna le salon où Lucien lisait ses journaux de l’après midi en buvant une tasse de café fumante. Elle prit une profonde inspiration.
— Père, il faut que je te parle.
— Houla, quand tu commences par m’alpaguer comme ça, c’est louche. Je ne t’excuserai pas afin d’éviter le rendez-vous que ta mère a organisé. Je ne peux pas te couvrir à chaque fois, répondit-il en frottant sa petite moustache impeccablement taillée
— Il ne s’agit pas de cela. Mais de ce que tu m’as dit, à propos de me mettre à mon compte, comme détective.
L’homme baissa son journal et leva un sourcil broussailleux. Cela indiquait qu’elle retenait son attention. Elle s’assit sur le fauteuil en face, tout en se tortillant les mains.
— Je veux essayer. Je me sens prête. Mais j’ai besoin de ton aide pour débuter…
Elle lui exposa la situation. Elle souhaitait louer un studio, avec une chambre de bonne, dans Paris pour installer son bureau : petit, discret et dans des prix raisonnables.
— Et tu penses que les gens vont frapper à la porte de Thomassine Fèvre ? Jeune bourgeoise qui s’ennuie en menant des enquêtes ?
Cette dernière phrase la poignarda dans le dos. Sa gorge se serra et elle s’enfonça les ongles dans les paumes des mains.
— Est-ce comme cela que tu vois mon projet ?
Voyant qu’il avait peiné sa fille, Lucien éclaircit sa pensée.
— Non, ce n’est pas comme ça que JE le vois, mais la majorité des gens oui.
— C’est pourquoi je vais me travestir !
-Te travestir ! Mais c’est totalement illégal !
-Oui mais c’est le seul moyen pour que cette initiative ne tourne pas au fiasco !
Il resta silencieux un moment en observant sa progéniture de la tête au pied. Une longue et forte silhouette dessinait un corps sportif. Des cheveux auburn encerclaient un visage ponctué de deux yeux bleus étincelants. Elle avait de toute évidence héritée de son gabarit plutôt que celui de sa mère.
— Tu as pensé à tout à ce que je vois.
Elle fit un signe affirmatif et attendit avec angoisse qu’il dise de nouveau quelque chose.
— C’est quand même dangereux comme occupation…
— Tu as lu beaucoup d’articles sur des détectives privés retrouvés morts ?
Elle marquait un point.
-Cela ne veut pas dire que tu ne seras pas confronté à des gens violents, armés, qui ne se gêneront pas pour te rosser ou pire s’ils découvraient ta véritable identité.
Elle repensa à ce qui s’était passé près du lac sous l’Opéra et un frisson la parcourus.
Oui mais devait-elle se laisser démonter ? Non. Elle devait surmonter cette peur comme elle avait toujours surmonté les autres. Son frère ne s’était pas démonté quand il avait été réquisitionné par l’armée. Elle réaffirma sa détermination à son père.
-Et si jamais la vérité éclatait au grand jour par quelque circonstance malheureuse ? Ça sera la prison pour toi et la disgrâce sur la famille. Pense à ta mère.
-Vous pourrez toujours me faire interner … ironisa-telle.
Lucien eut un petit rictus satisfait. C’était un compromis acceptable.
— Je vais y réfléchir. Je ne peux pas te donner une réponse sur un coup de tête. Parce que ça demandera de l’argent et que surtout d’y dissimuler à ta mère. Et s’il t’arrivait un malheur… je ne me pardonnerais jamais.
— Je comprends très bien. Mais tu n’as pas réfléchis longtemps avant de laisser partir Jules à la guerre, assena-t-elle comme un coup de matraque.
Un silence lourd s’installa dans le salon baigné de soleil. Voyant les yeux bleus de son père devenir vitreux, Thomassine s’excusa sur le champ.
-La différence c’est que je n’avais aucun moyen d’arrêter ton frère à aller vers une mort probable. Toi je peux, dit-il plein de regret. Je ne veux pas perdre un autre enfant.
La jeune fille baissa la tête en serrant les dents. Si elle avait été un garçon, elle n’aurait pas rencontré tous ces problèmes. C’était injuste.
Les chapitres sont plus courts que le tout premier, ce qui fait un peu drôle sur le coup. Je n'ai pas tellement de remarques à faire, elles restent les mêmes. Cependant, je suis perturbée par le tutoiement : Il me semble que Thomassine devrait vouvoyer son père, non ?
Bref, ça reste agréable à lire et je poursuis, du coup ;)
Je ne sais pas si tu connais la trilogie Lady Helen, mais ton personnage m'y fait beaucoup penser ! (attention, je ne t'accuse à aucun moment d'avoir copié [je précise parce que certain.es auteurices comprennent mal la remarque] ! Je te suggère juste le titre si jamais tu ne l'as pas lu.
J'aime en apprendre plus sur ce personnage féminin, et voir comment elle veut évoluer dans une société patriarcale, où la femme trouve difficilement sa place. Je te conseillerai tout de même de faire un petit paragraphe expliquant d'où vient son envie de devenir détective. l'info tombe un pitit peu comme un cheveu sur la soupe.
Je note je note tes remarques :) Merci beaucoup de ta lecture ! T'as pas finis de me taper les doigts avec la temporalité :')
À l'époque, les enfants vouvoyaient leurs parents non ? J'ai encore du mal avec tes dialogues. Ils ne reflètent pas l'époque de ton histoire.
Thomassine a pensé à tous et je sens que son idée va donner quelques choses très intéressantes dans la suite.