— Voyons si ça te va.
Lucien s’était présenté dans la chambre de sa fille avec un costume complet pour celle-ci. Elle se jeta dans les bras de son père en le couvrant de baiser pour le remercier. Il n’avait pas été facile pour lui de se décider à soutenir le projet de Thomassine.
Il avait cédé car il savait que la vie mondaine ne correspondait aux traits de caractères de son enfant. Elle avait toujours été aventurière et dynamique, comme Jules son frère ainée, avec lequel elle formait un duo dévastateur. Si Madame Fèvre continuait à lutter pour qu’elle devienne une futur parfaite femme au foyer, lui-même avait jeté l’éponge il y a belle lurette. Son devoir de père était de lui permettre de trouver sa voie. Cette expérience pourrait se révéler bénéfique quel que soit son issue : l’entreprise réussissait et épanouissait Thomassine, ou cela lui remettra les pieds sur terre quant à la réalité hors de sa vie de bourgeoise.
Il avait choisi un costume simple et d’élégant sans être chic. Surtout qu’elle risquait de l’user vite.
-Je t’ai aussi ramené ceci.
Il lui tandis un cabas dont il en sortit un vêtement qui ressemblait à deux bouts de tissus triangulaires entouré de rembourrage.
-Qu’est ce que c’est ?
-Ma chère fille, il va y avoir un détail, ou deux, qu’il va falloir que tu dissimules pour te faire passer pour un garçon.
La jeune fille baissa instinctivement le visage vers sa poitrine. Il lui expliqua comment porter ce sous-vêtement mais refusa de lui révéler où il se l’était procuré.
-Ça sera peut-être cela ma première enquête en fin de compte. Trouver la provenance de cette chose, le taquina-t-elle. Au fond, elle ne voulait pas le savoir de peur de découvrir une vérité qu’elle ne souhaitait pas connaitre sur la vie de son père.
Thomassine sautillai comme un cabri en se réfugiant derrière son paravent pour enfiler sa tenue. Sa robe aux couleurs sombres valdingua par-dessus sa protection.
— Comment on fait un nœud de cravate ?
Son père rit à gorge déployée. Jamais il n’aurait imaginé que sa fille lui poserait une telle question. Il la rejoignit pour découvrir le résultat. Le costume clair lui seyait à merveille. Son choix de ne pas prendre quelque trop cintré se révéla payant car rien ne laissait imaginer des seins sous le tissu. Il saisit une cravate et lui montra le nœud le plus simple à réaliser. Elle reproduit les mouvements avec doigté mais dû s’y reprendre à plusieurs reprises pour arriver à un résultat satisfaisant.
— Bon, voyons maintenant cette perruque et cette fausse moustache, déclara son père, très fier du travestissement. Thomassine releva ses cheveux en un chignon qu’elle maintient avec une charlotte avant d’installer le pastiche châtain foncé sur sa tête. Lucien en avait choisi une plus claire que sa couleur naturelle afin de mieux modifier son apparence.
— On dirait ton frère avant son départ à la guerre.
Le cœur de Thomassine se serra.
— Et maintenant la moustache ! Coupa son père avant que l’ambiance ne tourne à la crise sentimentale.
Il prit le petit pinceau de colle et barbouilla au-dessus de la lèvre supérieure de son enfant. Il appliqua avec délicatesse la fausse moustache. Après quelques secondes d’attente, pour s’assurer que tout était bien en place, la jeune fille se regarda dans le grand miroir. Le portrait craché de Jules, en plus menu.
— Bon, maintenant travaillons un peu tes manières masculines.
Elle écouta avec attention les explications de Lucien. Elle devait marcher moins guindé et la tête haute pour montrer son assurance. Les hommes imposent toujours leurs points de vue, il fallait donc qu’elle s’attende à avoir du verbe et ne pas hésiter à répondre avec insolence. La leçon continua par un entraînement. Il la fit se déplacer dans la pièce, prendre des objets, lui serrer la main avec poigne. Puis il l’invectiva, l’agressa verbalement pour qu’elle réponde avec verve.
— Comporte-toi à l’opposé total de ce que ta mère t’a appris, et tout se passera bien.
Pour pratiquer, il lui conseilla de sortir incognito en ville pour se familiariser avec le regard des badauds. Les premières sorties furent assez déroutantes. Thomassine, ou plutôt Thomas, sentait tous les regards fixés sur lui. Sa démarche gauche et son pas furtif le forçait à raser les murs. Lucien observait de loin le jeune homme déambuler dans la rue. Personne ne lui prêtait attention. L’inconfort que ressentait sa fille venait uniquement de son angoisse d’être reconnue. Ils débriefaient ensemble après les tentatives. Peu à peu, la confiance grandit et Thomas marchait très naturellement dans les rues.
Quelques semaines plus tard, Thomas Le Forban, jeune homme venu tenter sa chance à Paris entra enfin en piste. Bien que son père soit dans la confidence et veillerait à ce que le secret ne s’ébruite pas, Thomassine tenait à mener elle-même son installation. Cela sera un très bon exercice pour son travestissement. Les démarches à la banque, la signature du bail du local et son ameublement, elle les réaliserait sous son identité masculine. Si elle n’était pas capable de passer quelques étapes simples sous sa fausse identité, autant ne pas aller plus loin.
Il se présenta à une petite étude de notariat pour la location d’un bureau. Sa voix tremblota face à son interlocuteur. Devant le bon déroulement des événements, il prit confiance. Le clerc de notaire attribua sa maladresse au fait d’être un provincial. La plus grande difficulté fut de comprendre tous les termes des contrats. Heureusement, Thomas eut l’intelligence de les prendre non signés pour les faire examiner par son père avant de s’engager. L’administration se révéla bien plus compliqué qu’il ne l’avait imaginé.
Après de longues heures de gestion administrative, le jeune détective devint locataire d’un petit studio surmonté d’une chambre de bonne. Parfait pour débuter sa nouvelle double vie. Son père, en plus du soutient financier pour acquérir son costume et son logement, lui fit un autre petit cadeau pour pourra l’aider : un porte carte avec une série de carte au nom de « Thomas Le Forban, détective privé ». A présent, il pouvait commencer son enquête sur l’attaque de l’Opéra, et il savait très bien part où commencer.
En effet, tu as quelques soucis dans tes concordances des temps ! Je n'appuie pas là-dessus puisque tu le sais déjà (et que ça ne t'apporterait donc rien que j'insiste !)
Je trouve les dialogues naturels, et la relation entre le père et la fille est très intéressante !
Je trouve par contre que le temps file très, très vite. Elle décide le matin de devenir détective, puis son père l'aide, puis on ouvre le cabinet dans la foulée... tout va très vite. Peut-être serait-ce intéressant de décrire davantage, de prendre plus de temps, pour laisser l'histoire se mettre en place et le lecteur s'attacher encore plus aux personnages (ce qui est déjà bien partie).
Et puis j'ai envie de voir encore plus d'échanges entre Miss T et son popa ** (comment ça je suis exigeante ? Mais non, pas du tout /o/)