Astier roule des mécaniques. À vingt-quatre ans, il n'a pas encore son diplôme, mais avec zèle et assiduité, il s'implique dans l'étude de son père, Maître Disset. Il a la charge, cet été, de la partie immobilière, et il fait visiter des maisons à de riches Anglais, Hollandais, Chinois. Lassés des pluies quercinoises ou des vents stressants du contours languedocien, ils se rapprochent désormais des étés doux des plaines locales, des forêts de résineux, des briques apparentes, encore si préservées et authentiques.
Le soir, Astier, c'est la star. Les cheveux au vent dans son cabriolet, dont on entend le puissant moteur de loin, il parcourt la petite ville, il retrouve ses camarades, et ensemble, après d'enflammées parties de billard, ils filent invariablement écouter de la musique chez leur ami Jacky, ou, comme ce soir par exemple, en boîte. Les filles, alors, lui souriront, danseront proches de lui, serrées, et le barman lui offrira régulièrement des verres gratuits. Il est bon de le connaître. Même si tout le monde, bien sûr, n'est pas de cet avis.
« Maman... Astier est un con. C'est un fasciste. Il... il a couché avec ma meilleure amie. Et, pas qu'une fois. Et, pas qu'elle. Il a baisé la pharmacienne blonde. Je ne sors plus avec lui. - Elle n'est pas pharmacienne, c'est juste une préparatrice en pharmacie, et dans le village, tout le monde dit qu'elle aguiche tous les hommes. Astier est un homme bien, et quand tu as la chance de tenir un mec comme ça, poli, prévenant, tu ne le laisses pas partir. As-tu fait tout ce qu'il fallait pour qu'il n'aille pas voir ailleurs ? - Je te demande pardon ? - Les hommes vont voir ailleurs, on n'y peut rien. Désolé, Henri, mais tes congénères n'ont pas ta vertu. C'est un fait. Astier est un homme super, et tu devras fermer les yeux. Je suis désolée, ma chérie, c'est comme ça. - Tu sais, … je suis une adulte maintenant, … je comprends que tu veuilles mettre Papa dehors, parce qu'il a des maîtresses, mais tu ne peux pas m'envoyer dans les bras d'un connard qui fait la même chose. C'est le même schéma, à cinquante ans, je serai comme toi tu es aujourd'hui... »
Nicole se lève, doucement, un pas en avant, avec l'enveloppe, elle gifle sa fille. Le papier lui coupe légèrement le visage, et une larme de sang apparaît. L'enveloppe est à terre. « Ramasse la ! Tu sais combien ça coûte, ça dit-elle en pointant les billets de trains qui ont glissé sur le sol, et sans attendre vraiment de réponse ? Et tu sais à quel point ça m'a coûté de devoir organiser tout ça, de devoir parler à ta sœur ? J'espère que là-bas, tu ne vas pas devenir comme elle, quand je t'entends parler comme ça de ce pauvre Astier. - devenir comme elle ? Prof ? - petite effrontée, tu m'énerves. »
On ne sait pas ce que réservent ces vacances-surprise, mais quelque chose me dit que ça ne va pas être un long fleuve tranquille...
Merci !