Chapitre 2

La semaine est finie. Demain, c'est samedi.

Marie-Amélie, qui préfère largement qu'on l'appelle Amel, rentre à la maison et s'étonne, non seulement, que son père ne soit pas là, mais aussi qu'Henri sirote une bière face à Nicole, qui se contente d'un thé glacé, largement allongé de rhum.

Nicole boit beaucoup, mais elle dissimule son alcoolisme dans des tisanes et des jus de fruits, et le recours à des pastilles au miel citronnées. Elle est rarement saoule, cependant. Mais, elle a besoin d'un ''carburant'' pour se lever, pour avancer, pour faire la cuisine, le ménage, la lessive. La qualité de ses plats, paresseusement constitués de nouilles, de viande de supermarché et de légumes surgelés n'en a pas pâti ; Nicole a toujours été une piètre cuisinière. Mais, la maison est clairement poussiéreuse et le linge n'a plus l'odeur d'antan. Elle n'est plus salariée plus depuis la naissance d'Amel. Elle travaille à la maison. C'est une ménagère, femme au foyer, elle n'a pas encore cinquante ans, elle a toujours de beaux cheveux bruns et reste maigre.

Il est dix-neuf heures. Amel va prendre une douche et retrouver sa bande de potes. Ils mangeront une pizza, au Lac, sûrement.

Nicole interpelle sa fille, avant qu'elle ne s'engouffre dans le couloir. Celle-ci continue. Elle n'adresse que très peu la parole à Nicole. Une sorte de relation malsaine, une rivalité née de l'adolescence de la jeune femme, brillante et studieuse, où elle s'imposa définitivement comme la fille préférée de son père. Celle en qui il plaça ses espoirs. Jusqu'à présent, pas de souci. Amel vient de terminer un cursus de sociologie et elle intégrera un Master le mois prochain. Pour ses parents, c'est flou, mais elle aura un diplôme important. Pour l'instant, grâce à un boulot de serveuse, en juin et en juillet, elle a pu mettre de l'argent de côté. Et poursuit par de petites missions d’intérim à l'usine de volailles. Nicole crie plus fort : « Marie-Amélie ! Viens ici ! ».

Nicole tend une enveloppe à sa fille.

Amel doit s'approcher pour pouvoir s'en saisir ; la tendre en l'air et la tenir à bout de bras semble être l'effort maximal que Nicole consent à faire. « Bonjour Henri. Où est P'pa, au fait ? - Ton père ne rentre pas. Je ne sais pas où il se trouve et à vrai dire, cela ne m'intéresse pas. Sûrement chez une de ses ''amies'' (Henri prend la main de Nicole). Henri, par contre, va vivre ici désormais. C'est un ami, un très bon ami. J'ai besoin de soutien, en ce moment. »

Amel ne dit rien. Elle a conscience que le couple de ses parents bat de l'aile, mais, elle a cette innocence en elle de petite fille, qui l'incite à penser qu'ils resteront ensemble jusqu'à la mort les sépare. Visiblement non.

« Dans l'enveloppe, il y a deux billets de train. Tu vas partir en vacances chez ta sœur. Jusqu'à la rentrée. À ma grande surprise, elle a accepté de vous accueillir. Lundi, Henri vous amène à la gare, départ à sept heures pour Paris. Vous avez une heure pour rejoindre la Gare de Lyon, vous arriverez à quinze heures cinquante à Marseille. À seize heures trente-cinq, vous serez dans le train pour Gap, où Stéphanie vous attendra vers vingt heures. »

Amel est interloquée. « Maman, la distance géographique devrait suffire, non ? Tu n'es pas obligée de me vouvoyer … - Je ne te vouvoie pas. J'ai assez d'argent pour offrir aussi son billet à Astier. - Quoi !? Ça va pas la tête !? Je te rappelle que nous ne sommes plus ensemble ! -Ce n'est pas ce qu'il m'a dit, et il est ravi de partir avec toi, au contraire ! Pas de discussion ! »

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