Chapitre 3

Par C05i
Notes de l’auteur : Tout commentaire pouvant m'aider à améliorer mon écriture me ferait vraiment très plaisir ! Alors n'hésitez pas !

Ce jour avait commencé comme les autres. J'étais prête pour ma séance quotidienne et longeais les murs de l'école de danse comme à mon habitude, en croisant quelques danseurs qui se rendaient à des studios pour leurs séances.

Une mélodie égaye mon attention. Mon coeur fait un bond dans ma poitrine quand je reconnais la mélodie que j'avais déjà entendu une fois à la radio. Elle m'était restée toute la journée dans la tête mais je n'avais pas réussi à la retrouver par la suite. J'ouvre la pochette avant de mon sac, le laisse tomber au sol après avoir pris mon téléphone et cours me poster près de la porte du studio en déclenchant l'enregistrement. Quand je jette un discret coup d'oeil par la fenêtre, j'aperçois "Bertouille" au piano. En dehors de lui, il n'y avait personne. En appréciant ce moment musical, je reste appuyée contre le mur et quand il finit, je m'empresse de rassembler mes affaires et me remet en route comme si de rien n'était vers le studio trois, que j'avais réservé chaque jeudi.

Après avoir effectué un échauffement rapide et ma variation, je décide de me lancer un nouveau défi : en créer une nouvelle sur la musique secrètement enregistrée. Je commence par écouter le morceau plusieurs fois pour m'en imprégner. Je fais attention à ne pas mettre le volume trop fort. Après réflexion je me mets à effectuer des piétinés suivis d'un pas de valse et d'une pirouette, puis je tente un développé en avant. Quand je me vois dans le miroir, j'esquisse une grimace. Je teste alors un développé en arrière, ce qui donne un meilleur rendu.

Je bois une longue gorgée de ma potion et remet la musique du début pour recommencer l'enchainement auquel j'ajoute à chaque fois de nouveaux éléments.

Quand je ressors du studio, le visage en nage, j'ai la moitié de la chorégraphie déjà en tête. Je me rend dans l'une des trois douches accessibles par les vestiaires. Les stagiaires ne sont pas encore arrivées mais quand je sors, elles sont là en grand nombre en train de crier dans tous les sens. J'essaye de me frayer un passage entre toutes ces filles et continue mon chemin vers la cafète. Quand j'entre, j'aperçois Alexia, une des professeurs, aussi propriétaire de l'école en train de parler au pianiste accoudée au bar. Deux autres professeurs étaient assis autour d'une table ronde, ils semblaient me remarquer aussi peu que les autres. Une musique de fond un peu jazzy emplissait la pièce. Je m'assois à une table près de la baie vitrée donnant sur la rue et Antoine arrive quand je suis en train de tirer mon magasine de mon sac.

- Qu'est ce que désire mademoiselle ?

- Un chocolat chaud.

Il repart et moi, j'ouvre ma revue que je feuillette jusqu'à tomber sur la catégorie des robes d'été.

Des filles de mon âge débarquent au bar en gloussant bêtement. Antoine prend gentiment leur commandes avant de m'apporter ma boisson. La troupe de filles passe devant ma table et Appoline, une élève qui danse dans mon cours me salue :

- Coucou choupette !

Je lui répond par un sourire forcé et reprend ma lecture. Arrivée à la dernière page et aux trois quarts de mon chocolat chaud, j'entend une chaise racler en face de moi. Je lève la tête et vois le pianiste, une tasse à la main. Il regarde la mienne.

- Ça fait du bien un bon petit café le matin, hein ? Dit il en souriant.

Je le regarde un peu gênée, et voyant que je ne répond pas, il jette un second coup d'oeil dans ma tasse et se corrige :

- Ah non, un cacao plutôt.

- Euh ouais… À peine ai-je dit ces paroles, que je me sens très bête.

- Tu me trouves bizarre c'est ça ?

- Nan pas du tout. Dis-je d'une petite voix innocente.

Et c'est ce que je pensais vraiment. Seulement, je ne savais pas ce que tout cela signifiait: sa soudaine irruption à la danse, puis sa disparition, ses yeux, la belle musique qu'il jouait et ça.

- Je sens que ça va être difficile de te faire rire.

Son but était alors de me faire rire ? Eh bien il n'avait pas choisi le bon moment.

- Bon je te laisse, d'ailleurs moi c'est Bertie. Dit il puis part sans me laisser le temps de répondre.

Enfin ça c'est ce que je crois au début. Quand je me repasse une par une, les images de notre conversation dans ma tête, je réalise  qu'alors que je saisissais la dernière information, il attendait, les mains appuyées contre la table. Il attendait sûrement que je lui dise mon prénom mais il était clairement trop tard maintenant. Entre temps, les danseuses étaient arrivées dans la cafète et ne faisaient pas moins de bruit que dans les vestiaires. Je vois Félicie qui arrive vers moi en zigzaguant entre les tables.

- Bon Sif, maintenant dit moi ce qui se passe avec toi, je suis sérieuse. Dit elle en s'asseyant à la place que Bertie venait de quitter.

- Bonjour déjà.

Elle lève les yeux au ciel. Je pince les lèvres et laisse sortir ces mots de ma bouche :

- J'ai pas envie d'en parler, je vous en parlerai en moment voulu.

Je retiens courageusement mes larmes en imaginant la scène. Je croise involontairement le regard de Bertie.

- T'es vraiment sûre ? Tu sais que tu peux nous faire confiance.

- Oui je sais mais respecte ma décision s'il te plait.

- Comme tu voudras.

- D'ailleurs qu'est ce que tu fais ici ce matin ?

Elle me jette un regard sceptique que je ne comprends pas, puis répond :

- Flora m'a demandé de l'aider, et toi qu'est ce que t'as fait ?

En effet, Félicie aidait parfois à donner des cours de classique, comme moi. Et moi, je créais aussi des chorégraphies de danse contemporaine pour les apprendre à celui qui voulait.

- J'ai dansé.

- Ça semble plutôt logique…

- Bon, je dois y aller.

- Ton père t'attend encore à midi aujourd'hui ? Me demande elle avec un sourire en coin.

Je lui souris de travers et passe la porte.

 

J'avais déjeuné avec mon père dans une ambiance morose, sur le canapé, en regardant les infos qui ne m'intéressaient pas. Ni moi ni lui n'avions évoqués le sujet délicat, trop douloureux comme une plaie ouverte. Je pensais que si j'en parlais, elle s'agrandirait encore et encore jusqu'a faire écouler tout le sang de mon corps et me faire sécher comme la barbe à papa qu'on oublie dans les placards.

Maintenant il venait de partir et moi, j'étais assise sur la dernière marche des escalier en réfléchissant à ce que je pouvais faire. Je ne ressentais une envie pour rien, juste aller me coucher et m'endormir pour le reste de ma vie, mais cette option n'était malheureusement pas la plus réaliste. Après une dizaine de minutes restée sur la marche à peser le pour et le contre, je me décide enfin pour un tour en skate sans enthousiasme. Je tends la main pour attraper la paire de converses vert olive qui se trouvaient juste à la distance de la longueur de mon bras. Elles étaient en fait à mon père mais j'étais sûre qu'il ne remarquerai pas si je les lui empruntais. C'est pour cette raison que je les enfile mais je remarque bêtement qu'elles avaient quatre pointures de différence avec les miennes, super. Les autres qui me tombent sous la main sont ma paire orange que je mettais pour faire du jardinage, ce qui était rare. Parfait.

Mes lunettes de soleil qui étaient jusqu'à maintenant sur le haut de ma tête tombent sur mon nez quand je descend la petite marche située juste devant la porte d'entrée. Ma planche en bois à roues était restée où je l'avais laissée en dernier : appuyée contre le mur de la maison à côté de la porte. Quand je marche vers le portillon de mon jardin, j'ai l'impression que mes jambes pèsent une tonne et que ma nuque ne possède plus de cervicales pour se tenir, comme dans Harry Potter.

Je n'avais pas de destination particulière c'est donc pour ça que j'emprunte mon chemin préféré, le même que j'utilisais parfois pour aller à la danse. Il était inspirant et calme, il respirait la nature et possédait des anciennes maisons que j'adorais observer quand je m'arrêtais des fois pour faire un break. Parfois, je me demandais si l'être humain ne devenait pas plus débile en terme d'esthétique : les maison devenaient de plus en plus modernes, de plus en plus identiques, de plus en plus moroses, alors que chaque maison d'avant était unique et spacieuse, enfin, celles que je connaissais.

À force d'utiliser ma jambe gauche pour faire avancer mon engin pendant toute l'année, elle deviendrait plus musclée que l'autre, que je n'osais utiliser. La cause ? J'avais tout simplement dégringolé lorsque j'avais essayé d'utiliser le pied droit pour faire avancer ma trottinette dans une pente lors de l'anniversaire d'une copine, quand j'étais encore à l'école maternelle.

Je ralentis quand j'arrive vers le début de la pente douce qui s'offrait devant moi et m'accroupit pour terminer assise en tailleur sur mon véhicule écologique. Celui ci commence à avancer et moi à freiner avec mes mains :  une mauvaise idée parmi toutes celles que j'avais dans ma boite à mauvaises idées qui se trouvait dans une autre boite nommée cerveau. La petite pente du début commence à devenir un poil plus inclinée mais assez pour me faire accélérer. J'appuie plus les mains sur le sol pour ne pas perdre le contrôle, en vain. Je déploie donc mes jambes pour ralentir d'un coup, ça fait un bruit d'enfer dans la rue silencieuse et je me remets debout au plus vite pour déguerpir d'ici incognito.

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