Chapitre 3

Notes de l’auteur : Bonjour ! Je tenais à m'excuser pour ma longue absence. J'écrivais... J'arrêtais... Je reprenais. Ce manque de concentration m'a suivit tous ces mois. Néanmoins, le chapitre est enfin là ! Je vous souhaites à tous une bonne lecture. :)

 

Chapitre 3

 

Après avoir passé de longues semaines à apprendre à manier la dague, confectionner divers soins à base de plantes et soigner ses blessures, Olympe était enfin prête. La forme retrouvée, elle pouvait désormais partir à l’aventure. Mais avant cela, afin de mener à bien sa vengeance, elle devait trouver des informations sur ses poursuivants. Pour bien en apprendre sur les pirates, il fallait penser, parler, vivre comme eux et rien de mieux que de les côtoyer en devenant l’une des leurs.

 

Au petit matin elle termina d’ajuster sa nouvelle tenue qui lui changeait de l’ordinaire. Les jupons et les corsets étaient mis de côté et faisaient place à un pantalon sombre ainsi qu’une chemise bouffante, anciennement blanche, surplombée d’un gilet en cuir noir. Ses pieds étaient chaussés de bottes du même cuir. Pour terminer, elle enfila sa longue cape. Une femme dans cet accoutrement ne passerait sûrement pas inaperçue. En allant en ville elle croiserait des têtes connues, elle devrait alors faire preuve de discrétion. La société devait sûrement avoir déjà envisagé sa mort lors de l’incendie du manoir et ça resterait ainsi.

Olympe se regarda une dernière fois dans le petit miroir de la salle d’eau et rejoignit sa grand-mère à l’entrée de la cabane. Elle lui sourit mais ne résista pas à la prendre dans ses bras.

  • Merci grand-mère. Je ne saurai comment vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi ces derniers temps.
  • Eh bien… Reste en vie pour commencer, veux-tu ?

Odile eut un rictus maladroit mais tapota gentiment le dos de la jeune femme. Elle s’écarta presque à regret de l’étreinte. Olympe fit la grimace en l’entendant.

  • Oui, je vais essayer.
  • Surtout, reprit la vieille dame d’un ton sévère, n’oublies pas : les pirates sont mauvais, vils et cruels. Si tu veux pouvoir rejoindre leurs rangs, tu vas devoir faire preuve de détermination et de courage. Être une femme dans ce bas monde n’est pas une bénédiction. Appliques soigneusement tout ce que je t’ai enseigné et prends soin de toi. Je t’aime ma douce.

Sans hésiter la vieille femme reprit sa petite fille dans ses bras et la serra fort en fermant les yeux puis elle s’écarta, prit le visage d’Olympe en coupe et la contempla longuement comme pour mémoriser son visage.

  • Nous ne nous reverrons peut-être pas, rajouta de plus belle Odile, les yeux brillants.

Le chagrin se lisant sur le visage de la jeune femme, elle prit les mains ridées et durcies de sa grand-mère et déposa un long baiser sur celles-ci.

  • Je vous écrirai. Toutes les semaines.
  • Au revoir mon ange.

Libre comme l’air, elle se détourna et quitta sa grand-mère après avoir adressé un dernier signe de la main, le cœur lourd. Son aventure commença et elle quitta les bois après une longue marche. Olympe n’était pas partie les mains vides, Odile lui avait confectionné un petit sac en toile de jute où se trouvait à l’intérieur quelques fruits secs, une boussole, une carte, une dague, une gourde et une bourse d’or. Cela lui permettrait de tenir quelques jours.

Son voyage débuta avec pour première destination le port de Londres. D’après les dires de sa grand-mère, souvent dans les tavernes se regroupaient beaucoup de pirates afin d’embarquer dans de nouveaux groupes. Ces moments étaient propices à l’intégration d’un nouvel équipage. Les capitaines pirates perdaient tellement d’hommes en mer qu’ils devaient souvent recruter. C’était là l’occasion idéale pour la jeune femme. Elle trouverait peut-être ses assaillants dans l’unes des nombreuses tavernes ou bien pourrait-elle se faire engager en tant que matelot pour retrouver leurs traces. Néanmoins la tâche pouvait s’avérer plus complexe. Les pirates n’ont aucune bonne réputation et, en tant que femme, l’intégration pourrait se révéler impossible. Elle pourrait également se faire attraper et attirer de force. Le viol est imaginable. Toutes ces possibilités ont bien entendu traversée l’esprit de la demoiselle mais elle préféra voir le positif et se dire que de toute façon, elle n’avait rien à perdre. Il fallait s’armer de courage même si elle pouvait se défendre à présent. Odile avait profité des dernières semaines pour lui apprendre à manier l’arme blanche et esquiver au maximum les coups. C’était une base pour devenir pirate. Comment lutter lorsqu’on est faible ? La grand-mère lui avait également montré quelques soins rapides à se prodiguer lors de blessures superficielles. Odile avait voulu lui donner toutes ses chances.

 

Quelques heures s’écoulèrent et c’est à la tombée de la nuit que la jeune femme arriva au port de la ville. Ville animée et lumineuse, même dans les plus sombres quartiers. Plusieurs arrivages de différents navires, marchands et particuliers. Il n’y avait pas l’ombre de voiles noires. Londres était une grande ville avec une armée féroce. Les bandits devaient faire profil bas, mais où se cachaient-ils donc ?

Bien cachée sous sa cape, qui camouflait également son visage féminin, elle longea les quais en observant chaque paquebot à la recherche du moindre indice. Des soldats, des corsaires, des marins, des hommes intégrés et acceptés de la société. Cela transpirait l’égalité. Elle continua longuement, s’arrêtant par moment pour boire quelques gorgées d’eau et reprenait. L’obscurité était de plus en plus présente aux fils des heures et les quais commençaient à se vider de lumière et de présence. Elle se retrouva bientôt seule et décida de s’éloigner du port. En marchant à travers les ruelles sombres, elle trouva une taverne qui semblait calme. Elle décida de se nicher à l’intérieur et ne trouva que quelques marins et une serveuse derrière le bar. Tout naturellement et avec autant de discrétion que possible, elle se dirigea vers ce bar en bois brut. Elle s’installa sur un tabouret bancal puis respira l’odeur de rhum et de transpiration qui flottait dans l’air. La taverne ne payait pas de mine, les hommes parlaient à voix basse et le feu des bougies dansait lentement dans leur étoffe. Olympe osa lever la tête vers la serveuse qui nettoyait un verre d’un air pensif. Elle souffla alors ;

  • Bonjour. Je… Mh je suis à la recherche de trois hommes, ils étaient tous trois bruns et grand, peut-être les auriez-vous aperçus ces derniers temps…

La serveuse qui n’avait toujours pas bougé et qui continuait son même geste sur son verre la coupa brutalement.

  • Ce n’est pas encore l’heure. Il faut attendre.
  • Quoi donc ?

Olympe fut quelque peu surprise. Elle l’observa longuement, déconcertée. La serveuse replaça une mèche de ses cheveux dorés derrière son oreille et lança un peu plus jovialement.

  • Rhum, gin ou whisky ?
  • Rhum ? Ce serait une première.
  • C’est une boisson de pirate, ça.
  • J’avais cru comprendre, en effet…

La serveuse ne tarda pas à lui servir sa pinte. Olympe la prit d’une main et porta ses lèvres sur la boisson alcoolisé. Elle gouta sans attendre et ne put réprimer une grimace. Ce n’était pas seulement fort, mais extrêmement fort ! Elle reposa la pinte et la repoussa légèrement.

  • Je préfère le thé.
  • C’est une boisson de femme, répliqua la serveuse avec un petit sourire malicieux.

Olympe la dévisagea et porta son attention sur la salle silencieuse. S’il fallait attendre, elle le ferait. Elle attendrait toute la nuit si besoin. Elle devait trouver des réponses. C’était le premier objectif qu’elle s’était imposée.

Une heure plus tard, tandis qu’Olympe buvait par petites gorgées son rhum sans grande conviction, la serveuse releva la tête et regarda l’horloge qui sonna minuit. Les marins relevèrent également la tête en entendant ce bruit strident. Sans attendre, et en déposant quelques pièces sur les tables marquées par le temps, ils partirent. Olympe les observa en silence, les sourcils légèrement froncés.

  • Que font-ils ? Pourquoi partent-ils tous en même temps ?
  • C’est l’heure.
  • L’heure ?
  • Les marins s’en vont et les pirates viennent.

La serveuse émit un soupire devant la perplexité de sa cliente et rajouta, tentant d’être plus explicite.

  • Etant donné leur haine commune, pirates et marins ne se côtoient pas. S’ils se croisent, ça fini généralement en un bain de sang et ce sont souvent les pirates qui prennent le dessus. Car contrairement aux marins, ils n’agissent que pour leurs propres comptes et leurs propres lois. C’était comme ça pendant des années jusqu’à ce qu’un pirate décide d’instaurer des règles. En évitant de se regrouper au même endroit à la même heure, ils pouvaient éviter de s’entretuer.
  • Pourquoi est-ce qu’un pirate ferait cela ? Comment ça se fait que les autres se soient soumis à cette nouvelle loi ?
  • Eh bien, la serveuse se mordit la lèvre et répliqua, c’est un pirate avec une grande réputation et il inspire la crainte. Les autres pirates ont peur de lui et très peu essayent de le défier.
  • Soit, mais je ne comprends toujours pas ce qu’il peut tirer de cette loi. Je croyais que les pirates aimaient tuer et faire souffrir les gens ?

Olympe arqua un sourcil, dubitative. Elle sembla agacée de cette information. Elle pesta dans sa barbe tandis que la serveuse, quelque peu mal à l’aise, répondit à son tour.

  • Oui, la plupart… Mais lui, il est différent. Enfin, il n’attaque jamais sans raison. C’est ce que j’ai toujours cru comprendre.

En voyant l’irritation de sa cliente, la blondinette rajouta comme pour apaiser son esprit et enfin répondre à ces questions.

  • D’ailleurs, il sera présent ce soir. Beaucoup d’autres pirates seront présents. Ils recherchent énormément de nouveaux matelots en ce moment.

La vagabonde fit la moue et serra sa pinte de rhum, en pleine réflexion. Cette nouvelle venue était en soit intéressante : elle pourrait peut-être questionner les pirates sur ses recherches mais il était également fort probable que ça soit dangereux pour elle. Ils étaient violents et sanguinaires ; leur seul plaisir était de semer le chaos. Sa grand-mère l’avait de nombreuses fois averties sur leurs comportements impulsifs. De nature misogyne, ils n’allaient sans doute pas répondre à ses questions sans un retour explicite. Ils pourraient également ne rien dire et l’attaquer sur un coup de tête. C’était une éventualité qu’il ne fallait pas omettre. Mais elle devait prendre le risque. Elle avait pris la décision de partir à l’aventure et de toucher au danger à chaque moment. Elle devait assumer, à présent.

 

Comme l’avait prédit la serveuse, un grand nombre de pirates firent leur entrée dans l’établissement en riant à gorge déployée. Ils empestaient déjà l’alcool à pleine nez. Olympe resta campée sur son tabouret. Elle avait relevé la capuche de sa cape et se contentait de les observer en silence. Certains hommes s’installèrent à des tables un peu plus loin, d’autres près du comptoir. Ils ne tardèrent pas à commander leurs boissons favorites : le rhum. La serveuse s’activa et fut rapidement débordée, étant seule pour assouvir les besoins de ces rustres.

 

La tempête se calma petit à petit laissant la salle comble. Olympe tourna la tête et remarqua une petite bande d’hommes mûrs qui discutaient en buvant. Elle se leva de son tabouret et partie questionner ces derniers. Sa dague accrochée à la jambe, elle posa une main dessus, se sentant en sécurité et confiante. Elle s’approcha des hommes et répliqua, un léger sourire aux lèvres.

  • Messieurs, bonsoir ! Est-ce que je pourrai vous posez quelques petites questions en échange d’une tournée ?

Les pirates relevèrent la tête et la dévisagèrent sans gêne, irrités d’avoir était interrompu dans leurs discussions. Olympe déglutit et reprit en tentant de ne pas bégayer.

  • Ou de deux tournées… ?

Les hommes continuèrent à la toiser puis l’un d’eux s’exclama.

  • Deux tournées de rhum, Annabelle ! Assied toi petite.

Olympe cligna des yeux mais comprit rapidement qu’ils acceptèrent. Elle se joignit à eux et sortit discrètement de l’argent de sa bourse. Deux tournées… ils allaient la ruiner. Maudits pirates. La serveuse leur servit leurs boissons et fit un petit clin d’œil discret à la jeune femme. Le même homme qui avait parlé reprit en prenant sa pinte dans une main. Il se tourna vers Olympe, le bras accoudé sur le bar et répliqua d’un air désintéressé.

  • Alors, que veux-tu savoir, petite ?

Affichant un petit sourire crispé, elle s’empressa de payer discrètement la serveuse et reporta son attention sur l’homme. Visiblement, bien que les autres pirates aient prit leurs consommations, ils n’avaient pas l’air décidé à lui parler. Seul cet homme s’était désigné. Elle prit alors une grande inspiration et déclara doucement, comme si elle marchait sur des œufs.

  • Eh bien… Je suis à la recherche de certains hommes… J’ignore leurs noms mais je connais leurs physiques. J’aimerai retrouver leur trace. Je me disais peut-être que vous les aviez aperçus ces derniers temps, ici… Hm, je dis bien peut-être. Je me trompe sans doute.

L’homme plissa les yeux en buvant plusieurs gorgées de son rhum. Il passa ensuite une main dans ses cheveux sel et poivre puis répliqua en balayant la salle du regard.

  • Si tu cherches des pirates, p’têtre, mais si tu cherches un autre genre je n’crois pas.
  • O-oui, des pirates.
  • Et tu ne connais pas leurs noms. On n’va pas aller bien loin ! De plus, j’ignore pourquoi tu les r’cherches, mais entres pirates, tu penses que je vais balancer mes frères ?

Olympe resta interdite. Son pouls s’accéléra et elle porta inconsciemment une main sur sa jambe, là où était caché sa dague. Elle se sentit en danger et elle avait peur. Elle était une femme de bonne famille, élevée dans la société sans s’être mêlée aux autres communautés. Elle n’avait jamais connu le danger jusqu’à dernièrement, ni avait été confronté à la mort et à la peur de la mort. De sa propre mort.

  • On n’aime pas beaucoup les femmes ici. Surtout les femmes curieuses… Si tu veux de vraies réponses, va falloir bien plus que des tournées ma jolie si tu vois ce que je veux dire...

Le pirate émit un ricanement en reportant la boisson à ses lèvres. La jeune femme se leva d’un coup et abaissa les yeux en parlant très vite.

  •  Je me suis trompée. Désolée pour le dérangement.

Elle s’écarta du petit groupe et se hâta de quitter la taverne. Cet homme l’avait angoissée et elle n’avait pas su réagir comme elle l’aurait voulue. La peur la tiraillait.

L’homme ne lui laissa pas le temps de faire quelques pas qu’il avait attrapé son bras brusquement.

  • N’pars pas aussi vite, voyons ! On peut s’amuser un peu, non ? On n’t’a jamais vu dans les parages, tu es nouvelle en ville ?
  • Lâchez-moi, siffla-t-elle entre ses dents, l’anxiété la dévorant petit à petit.
  • N’fallait pas venir nous causer joli minois, répliqua le vaurien un sourire malsain dessiné sur ses lèvres abimées.

Une main se posa sur l’épaule du pirate et une voix grave s’exclama posément.

  • Elle t’a dit de la lâcher, il me semble.

Un grand homme se trouvait derrière l’homme mûr. Imposant par ses épaules larges, sa taille dominante et ses yeux perçants, l’homme paraissait calme mais ferme. Le pirate se tourna et écarquilla légèrement les yeux en reconnaissant ce visage. Il lâcha sans attendre la jeune femme qui recula de quelques pas par précaution. Elle se rendit compte qu’un groupe d’hommes venaient d’entrer dans la taverne et s’étaient éparpillées. Elle porta son attention sur le nouvel arrivant et le détailla en silence. Une chemise grisâtre, un pantalon marron et des bottes foncées. Quelques cicatrices aux deux bras et une autre plus profonde au niveau de la joue. Des reflets châtains dans sa coupe qui se chamaillaient au niveau de ses yeux clairs. Visiblement plus jeune que le pirate précédent, il imposait tout de même une plus grande autorité. Pourtant, elle ne ressentait aucune crainte. Son aura semblait douce, presque pure.

  • Oh…
  • Partez d’ici, toi et les autres. Tout de suite.

Le pirate ne se fit pas attendre. Il donna un coup de coude à ses acolytes et ils partirent très rapidement, sans même finir leurs pintes. Olympe poussa un léger soupire de soulagement. Néanmoins, elle avait bien la preuve que cet endroit était hostile pour les femmes de son genre, elle ne devait pas s’éterniser. Le risque devenait grand. Le nouveau venu inclina la tête et répliqua à l’intention de la jeune femme.

  • Mademoiselle… Veuillez excusez ces imbéciles. Parfois leurs bonnes manières disparaissent en présence de la gent féminine. Bonne soirée.

Et il la dépassa pour rejoindre une table vide.

Encore sous le stress, Olympe préféra quitter la taverne. Elle rejoignit les ruelles sombres et se reposa contre un mur en se remémorant la scène. Elle l’avait échappé belle. Qu’est-ce que ce pirate lui aurait fait si cet homme n’était pas intervenu ? Il lui avait sans doute sauvé la vie.

Désirant mettre ses idées en ordre, elle longea la ruelle pour s’enfoncer dans la ville. Elle ne voulait pas arpenter le port qui devait être niché de nombreux vaisseaux pirates. La ville était sûrement plus sûre malgré l’heure tardive. Ses pensées fusaient et elle cherchait une nouvelle stratégie à adopter. Converser avec ce pirate ne lui avait rien apporté de glorieux.

Elle s’arrêta brusquement. Les propos de la serveuse lui revenaient en tête : celui qui avait établi ses règles, celui qui avait imposé sa loi, celui qui était différent. Et si c’était cet homme-là ? Alors il répondrait peut-être à ses questions. Elle ne le connaissait pas mais il n’avait pas l’air de demander quelque chose d’obscène en échange. Elle devrait peut-être tenter le coup.

 

Plusieurs minutes s’étaient écoulées et elle s’était bien éloignée de la taverne. Elle fit volteface et revint dans l’établissement. Ses yeux le cherchaient. Elle le retrouva toujours à la même table. Seulement il n’était plus seul, deux hommes l’accompagnaient. Le premier, dont elle n’arrivait pas à distinguer son visage, était assis à côté de lui les pieds sur la table et les bras croisés. En face d’eux, le second paraissait plus jeune, abordant la vingtaine tout au plus. Son visage moucheté encadré par ses cheveux roux, ses petits yeux verts et peu assuré, il parlait. Sa bouche semblait trembler tout comme le reste de son corps frêle. Même assis, on pouvait bien voir sa petite taille. Olympe s’approcha doucement en faisant bien attention d’esquiver les tables pleines de divers pirates qui se divertissait à jouer à des jeux de cartes, entourées de femmes et d’alcool. En l’espace de quelques minutes, l’atmosphère avait changé. Elle était partie si longtemps que ça ?

  • Ecoute petit, je crains que tu ne puisses faire l’affaire. Je ne doute pas de ta détermination mais tu trembles déjà. Que vas-tu faire lorsqu’un de nos ennemis t’attaquera ?
  • Je… Sans doute riposter… ? Non ?

Le jeune se frotta vivement la tête, s’agitant sur sa chaise. Il peinait à regarder l’homme dans les yeux et son regard se perdaient à vive allure dans la salle. Visiblement, être ici ne lui apportait pas du confort.

  • Reviens dans quelques temps et on verra.

L’expéditeur hocha la tête en soupirant et lui fit signe de la main de se retirer. A contre-cœur, le roux se leva et s’éloigna en trainant des pieds.

Olympe profita de l’occasion et prit aussitôt sa place. Elle retira sa cape et planta son regard dans l’homme. Elle ne porta pas tout de suite attention au deuxième.

  • J’avais oublié de vous dire merci.

Il stoppa sa conversation avec son acolyte et haussa les sourcils en voyant la jeune femme. Il ne s’attendait pas à la revoir.

  • Eh bien, ce fut un plaisir. Je peux vous aider ?
  • Avant l’altercation avec ce… pirate, je lui avais demandé une requête auquel il n’a pas voulu répondre.

L’homme arqua à présent un seul sourcil, attendant la suite.

  • Je cherche des hommes. Trois exactement. J’ai eu un différent avec eux et je voudrais le régler. Seulement, je connais leurs visages mais j’ignore leurs noms. Je me disais que peut-être, vous pourriez m’aider… souffla-t-elle plus doucement au fur à mesure, perdant son assurance du début. Bon sang pourquoi était-elle revenue ? Elle ne connaissait pas cet homme et à présent, il était accompagné. Il était visiblement là pour recruter du monde, pas pour répondre à des questions dont il se fichait éperdument !

Alors qu’il allait répondre, il fut brusquement coupé par son compagnon qui répliqua avec un brin d’arrogance dans la voix.

  • Vous aidez ? Pourquoi faire ? Qu’est-ce que vous proposez en échange ?

La tête baissée, il la toisait de ses yeux sombres, ce qui accentuait son regard.

  • Je…  J’ai de l’argent. 
  • Peu importe. On recherche des matelots, pas de l’or.
  • Amaury ! siffla son camarade en pestant. Il le fusilla du regard et en soupirant, reporta son attention sur la demoiselle. En effet, l’or ne nous intéresse pas. De plus, je ne pense pas qu’on puisse vous aider. Le monde est vaste. Les hommes que vous recherchez sont peut-être déjà reparti en mer car je suppose… Ce sont des pirates ? Ou des corsaires, voir des matelots ? Enfin, qui qu’ils soient.

Il aborda un air navré en appliquant une moue sur son visage. Olympe fut bien déçue sur le coup mais ne se démonta pas pour autant. Il n’y avait pas d’agressivité et si c’était le cas, elle sortirait son poignard.

  • Dans ces cas-là, en échange d’information, je deviendrai un de vos matelots.

Elle caressait l’espoir de partir en mer. Peut-être qu’elle pourrait lier sa vengeance à son aventure. D’une pierre deux coups.

  • Pardon ?

Sans moquerie, le grand homme avait émis un petit rire nerveux. L’autre ne riait pas. Il restait de marbre, scrutant la jeune femme en se demandant s’il ne l’avait pas déjà vu quelque part. Il toussa doucement dans sa main et reprit.

  • Ecoutez. Ce n’est pas parce que je vous ai sauvé la mise avec cette bande de rustres que je suis prêt à céder à vos exigences.
  • J’en conçois mais je trouve le marché raisonnable.

Il porta un regard à son compagnon comme pour avoir son avis. Celui-ci haussa les épaules, les bras et jambes toujours croisés.

  • Elle peut toujours répondre aux questions. On a visiblement du temps à perdre ce soir.

Olympe le fusilla du regard en entendant ses propos rabaissant. Sous la table, elle joignait ses mains entres elles pour calmer son stress. Bien qu’ elle faisait bonne figure, au fond d’elle, elle mourrait d’angoisse. Même s’ils ne l’avaient clairement pas avoué, ces deux hommes étaient des pirates. Amaury abordait le même genre de tenue, en revanche la ceinture qui ornait son bassin était remplie d’armes. Une longue épée était reposée dans son fourreau. Malgré son silence, il dégageait quelque chose de dangereux.

 

En soupirant de nouveau, l’homme secoua son livret et prit sa plume.

  • Bien. Avant tout, je m’appelle John. John Lewis. Etes-vous prête à répondre à certaines questions ?
  • Oui, avait répliqué la jeune femme en le regardant du coin de l’œil.
  • Pour commencer, votre nom et votre prénom.
  • Olympe Fiennes.
  • Est-ce que vous avez déjà pris la mer ?
  • Lorsque j’étais jeune.
  • Vous avez le mal de mer ?
  • Pas dans mes souvenirs.
  • Vous savez vous battre ? Je précise : avec des armes ?

Tandis qu’il semblait griffonner sur le papier, John avait cessé de la regarder. Olympe ravala sa salive. Se battre ? C’était un bien grand mot. Elle avait plutôt appris à esquiver les coups. Néanmoins, si l’occasion se présentait, elle espérait pouvoir mettre quelques coups de dague.

  • Je…

Elle resta interdite. Si elle mentait, ils s’apercevraient rapidement qu’elle est inexpérimentée. John releva la tête, en attente d’une réponse. Amaury avait détourné la tête pour observer un gamin a peiné âgé d’une douzaine d’années qui se disputaient avec quelques pirates ivres. Il menaçait de leur trancher la gorge avec un couteau. Le pirate grogna bruyamment. Ce vaurien allait le rendre fou à force de s’attirer des ennuis à tout va.

  • Mademoiselle Fiennes ?
  • Je, oui enfin non. Ma grand-mère m’a appris quelques notions mais je n’ai jamais… Enfin… Je n’ai jamais eu l’occasion de me battre, encore.
  • Mh, je vois. Mais vous savez qu’entre la théorie et la pratique il y a un grand fossé. Concernant les armes à feu, cela vous inspire quelque chose ?
  • Non, répondit-elle sèchement en voyant bien où John voulait en venir. Il tentait de lui faire comprendre qu’elle n’avait aucune chance d’intégrer son équipage. Pas d’équipage, pas d’information.
  • Et vous êtes une femme… Ce qui complique d’avantage la chose. Si les navires sont bondés d’hommes, ce n’est pas pour rien. Je suis au regret de vous annoncer que ça ne va pas être possible.
  • Non mais attendez, je peux apprendre, je peux m’améliorer !

Amaury s’était levé brusquement de sa chaise, le regard toujours rivés sur le gamin qui devenait de plus en plus menaçant.

  • On y va. Je perds patience.

John releva la tête et se leva à son tour tout en rangeant ses affaires. Il voulut répondre à Olympe mais Amaury semblait sur le point d’exploser. De toute manière, il ne pouvait rien faire pour cette jeune femme. Il était mieux pour elle qu’elle abandonne. On ne retrouve jamais vraiment les pirates. La preuve pour eux même, leur équipage était à la recherche d’un navire ennemi depuis bien des années.

Les deux hommes s’écartèrent et commencèrent à partir en direction du jeune garçon. Olympe se leva et frappa de ses deux mains sur la table. Elle éleva la voix implorante, presque désespéré, voire lamentable.

  • Je vous en prie, aidez-moi ! Ces pirates que je recherche ont brisé ma vie. Ils ont tué mon père !

Son souffle se coupa et il s’arrêta net. Ses yeux contemplèrent un instant le vide. Il sentit son cœur battre à tout rompre et un vertige le prit. Sa dernière phrase tournait en boucle dans sa tête. Sa respiration s’accéléra et il eut du mal à se concentrer. Amaury tourna lentement la tête vers elle. Il s’exclama assez fort pour qu’elle l’entende.

  • Demain à l’aube, rendez-vous au port. Une minute de retard et on partira sans vous.

Puis, il ferma un instant les yeux et quitta la taverne après avoir attrapé le bras du cancre qui se chamaillait. John lança un dernier regard à Olympe, un petit sourire aux lèvres. Le Capitaine avait cédé.

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