Chapitre 3

Ils finirent par arriver devant une lourde porte que le Prince poussa de son épaule libre, soutenant désormais tout le poids de Galatée qui se demandait encore comment elle restait éveillée. Les yeux mi-clos, elle n’était plus vraiment maîtresse d’elle-même et sa moue supérieure avait déserté ses lèvres. Une vieille colère résonnait cependant en elle, de ne pas avoir été capable de sortir de ce château, de ce royaume, pour rejoindre le sien, le seul devoir qu’elle n’avait jamais eu. 

Est ce que son père la cherchait ? Espérait-elle qu’il soit à sa recherche ? 

Elle sentit vaguement qu’on la déplaçait pour qu’elle s’assoit sur quelque chose de plus mou et sa tête partit en arrière d’elle-même. Quelqu'un lui tâta le bras, chercha ses blessures, observa sa main, alors qu’une autre personne posait ses paumes sur ses joues en chantonnant des mots qui lui étaient inconnus. Galatée n’eut d’autre choix que de se laisser faire et s’étonna de sentir la douleur refluer, de plus en plus, en même temps que sa vue s’éclaircissait, jusqu’à ce qu’elle devienne sourde et que Galatée reprenne en grande partie ses esprits, bien que très fatiguées. 

La Princesse tourna sa tête et rencontra le visage doux d’une jeune fille à la mâchoire marquée et aux cheveux roux, couvert de tâches de rousseurs. Cette dernière lui adressa un léger sourire et demanda d’une voix douce : 

- Vous sentez-vous mieux ?

- Comment ? 

Elle souleva son bras et constata que sa main brûlée n’était plus que rouge et que son épaule tirait simplement quand elle la bougeait. Galatée se rendit également de la situation dans laquelle elle se trouvait, simplement vêtue d’une robe de chambre, devant un homme qui plus est, et totalement sans défense. 

Mais une nouvelle fois, comment ses blessures avaient disparu si vite ? Et maintenant qu’elle y songeait, elle n’avait pas aperçu une seule trace de son ancienne blessure causée par l’épée du criminel. Elle tourna la tête vers l’autre jeune fille, identique à la précédente,  et dirigea son regard vers sa main qui était entourée d’une lueur bleue qui ne pouvait signifier qu’une seule chose… 

La Princesse bondit du canapé où elle était assise, et se retrouva face à face avec le Prince, qui avait légèrement perdu de sa sévérité : 

- Rasseyez-vous. 

- De la magie, siffla-t-elle ayant retrouvé toute sa prétention. Vous osez pratiquer de la magie. 

Elle recula de quelques pas, jusqu’à toucher une table, et sa main chercha désespérément une arme, n’importe laquelle. Elle avait entendu parler son père durant de très longues heures de combien la magie était dangereuse, interdite, impure, et que la pratiquer était un pêché des plus graves.  Si ces démons pouvaient la manier, l’éveiller, sa présence ici était encore plus dangereuse qu’elle ne l’avait pensé. 

Le Prince leva ses mains, fit signe aux jeunes filles de ne pas prendre peur, et ces dernières échangèrent un regard entendu, comme si c’était Galatée qui était anormal et non elle. Elle resta cependant calme, déterminée à s’éloigner d’elle et de leur poison : 

- Ne m’approchez pas, continua-t-elle sur le même ton. Laissez-moi partir, et je songerai à vous épargner. 

- Je ne sais pas si vous êtes dotée de courage ou de prétention pour me menacer dans mon propre Royaume, mais je ne compte pas vous faire du mal. 

Elle fronça ses sourcils, regretta son épée, et gonfla sa poitrine, prête à négocier, s’il le fallait : 

- De plus, vous êtes mal placée pour vous offenser pour de la magie.

- Je serais curieuse de savoir pourquoi, Prince

Il sourit en coin : 

- Ne pas pouvoir être empoisonnée ressemble à de la magie. 

Cette remarque eut le mérite de faire trembler sa main. Seuls ses parents étaient au courant de son habileté à ne pas pouvoir être empoisonnée, chose qui lui avait sauvé la vie dans son enfance. Considéré comme un secret si important qu’elle ne devait en parler à personne , que ce Prince soit au courant n’avait rien de normal car jamais son père n’aurait vendu la mèche… Sa mère par contre… 

Cependant, cela n’avait rien à voir avec la magie et seulement avec le sang royal qui coulait dans ses veines. Quelque chose de purement génétique et qui devait simplement être considéré comme un don : 

- Laissez-moi partir sinon cette épingle finira directement dans l'œil d’une de ces jumelles. 

L'épingle entre deux doigts, elle se savait capable de viser parfaitement et de voir une des ces deux jeunes filles perdre à moitié la faculté de voir. Galatée se campa sur ses pieds, et attendit la réponse du Prince, tout en constatant que celles qui l'avaient soigné n’avaient pas l’air pour le moins du monde, effrayées.  La Princesse plissa ses yeux face à cette réaction : 

- Cela ne servirait à rien, soupira le Prince. L’épingle n’atteindra jamais sa cible. 

Galatée la lança. 

Et l’épingle retomba sur le sol sans avoir le temps d’entamer sa trajectoire.  Perplexe, elle perdit légèrement de sa splendeur et dût regarder l’épingle une brève seconde pour comprendre : seule la magie pouvait défier la gravité. Galatée comprit alors rapidement que ce n’était pas aujourd’hui qu’elle allait parvenir à s’évader. Elle était coincée avec ce Prince, ce démon qui maniait la magie. 

La Princesse prendrait le temps d’y penser, mais plus tard, pour le moment elle fallait qu’elle reste concentrée sur la situation : 

- Le jour où je sortirais de votre Royaume, car je vous jure que je le ferai, je réduirai ce territoire en cendres. Alors, la mort d’une simple domestique sera le cadet de vos soucis. 

- Gardez votre langue de vipère, répliqua le Prince avec un geste de la main. Je vais vous raccompagner à votre chambre, et je ferai ensuite en sorte que vous ne puissiez pas en sortir, du moins pour le moment. Vous n’êtes pas prisonnière. 

Elle redressa ses épaules : 

- Vraiment ? J’ai pourtant rencontré quelques difficultés à sortir de ce château. 

- Pardonnez-moi, répliqua-t-il  avec un sourire amusé. Vous n’êtes pas prisonnière de votre chambre. 

Galatée resserra les pans de sa robe de chambre autour d’elle, trouvant cela vraiment inconvenant d’être dans une telle position, et tenta de lui faire passer toute sa haine envers lui d’un seul regard. Cependant, le Prince se contenta de se tourner vers les jumelles et des les remercier avec un large sourire qui fit rougir l’une d’entre elles. 

Très bien, Galatée ne s'évadait pas aujourd'hui.  Mais elle allait mémoriser chacun recoin de ce palais, ce château, pour pouvoir organiser un plan légèrement plus… organisé et susceptible de réussir.  La Princesse ferait tout pour retrouver son Royaume qui devait être plongé dans une panique et terreur pure. 

Son père devait être sur le chemin du retour pour assurer ses fonctions de Roi et remettre de l’ordre dans le peuple. Elle osa se demander si les choses se seraient passées différemment s’il était rentré à temps pour contrer l’attaque mais repoussa rapidement cette idée. Ce qui était fait était fait. 

Galatée suivit donc le Prince dans le couloir, encore légèrement fatiguée, et fit appel à sa mémoire pour se souvenir de tous les recoins, de tous les angles, de toutes les portes, de tous les couloirs. Elle entendit à peine le Prince reprendre son presque monologue : 

- Vous n’avez pas répondu au sujet de votre capacité magique. 

A ce terme, sa mâchoire se crispa, et elle siffla le plus sèchement possible : 

- Cessez donc avec ce mot, “magique”. Je n’ai aucune once de magie dans mes veines puisque cette dernière a disparu de mon Royaume il y a un millénaire.  Ce qui n’est visiblement pas votre cas et qui aggrave encore plus votre cause. 

- Puis-je vous appeler Galatée ? Galatée…, reprit-il sans attendre sa réponse. 

Cette dernière se tourna vivement vers lui, et pointa vers sa mâchoire l’épingle qu’elle avait repris discrètement avant de sortir de la salle. Son prénom ne pouvait être utilisé que par un cercle très restreint et son enleveur n’en faisait pas partie. 

Le Prince haussa un sourcil, peu impressionné, et ses pommettes se soulevèrent quand il eut de nouveau ce mi-sourire. Il baissa son regard vers sa main encore légèrement rouge, et sembla attendre une explication : 

- Ne prononcez plus jamais mon prénom, Prince. Vous n’avez jamais eu ce droit et vous ne l’aurez jamais. 

- Princesse , donc, puis-je au moins vous demander d’où vient ce besoin incessant d’être si agressive ? 

- Vous m’avez enlevée pour je ne sais quelle raison. Je ne suis pas gentille, Prince, je ne remercie pas mes domestiques, je ne me soucie pas de la mort d’un d’entre eux tant que ce n’en est qu’une, et ma seule loyauté va à ma couronne et à mon peuple. Je ne fais pas dans les faux semblants : je n’ai aucune envie de sympathiser avec un démon de votre genre. 

Il soupira, peu impressionné par ses paroles, et baissa sa main doucement mais fermement. Galatée le piqua avec son épingle, chose qui la fit retrouver un peu de satisfaction, et s’éloigna de lui, les mains derrière son dos, comme lorsqu’elle marchait dans son palais. 

Le Prince soupira : 

- Vous ne savez même pas pourquoi vous vous trouvez ici. 

- Nos Royaumes sont ennemis. Vous allez m’utiliser. 

Elle haussa un sourcil : 

- Ai-je tort ? 

Il ne répondit rien pendant un si long instant qu’elle crut qu’il s’agissait d’autre chose. Cependant, il finit par avancer de nouveau et répondit dans un souffle : 

- Non. 


 

Assise dans le fauteuil de sa chambre, Galatée s’ennuyait.  Elle avait bien tenté de s’enfuir à nouveau mais les fenêtres, qui ne pouvaient déjà plus s’ouvrir, étaient désormais incassables. Grâce à la magie, supposait-elle, et cela la révolta qu’elle se trouve entourée de cette dernière. 

Le Royaume d’Olia était autrefois un des territoires les plus magiques qu’ils existaient sur cette terre. On racontait que c’était une chose tellement banale que presque toute la population savait l’utiliser, et certains même, avaient la faculté de la fabriquer. Malheureusement, il y a de cela quelques millénaires, ce trop plein de puissance a rendu fou plus de la moitié du Royaume, entraînant une longue et pénible guerre. Pour cela, l’utilisation de la magie fut tout d’abord condamnée, puis, à force de répression, finit par disparaître. Toute son enfance, son père lui avait rabâché, hurlé dessus, que la magie utilisée dans les autres Royaumes était mauvaise, et qu’elle ne devait s’en approcher sous aucun prétexte. Le don qu’elle avait reçu était simplement génétique, et provenait de son sang dit “royal”. Cependant, son père avait insisté, trop insisté, pour qu’elle n’en parle à personne et, ainsi, il s’agissait d’un secret entre lui et elle. Alors comment ce Prince était au courant ? 

Galatée se doutait qu’il souhaitait utiliser son don, peut-être pour faire des expériences, et savait qu’avec l’aide de quelques gardes, il n’aurait aucun mal à lui faire avaler un poison ou deux. 

La Princesse se redressa pour lisser les plis de sa robe. Bien entendu, elle n’avait désormais aucune femme de chambre et s’était donc rabbatue sur une robe fine bleue nuit qui ne présentait aucun corsage et une seule couche de jupes. Galatée avait également tressé ses boucles en une longue natte et avait choisi des boucles d’oreilles particulièrement pointues, par choix stratégique. 

Elle avait également cassé une chaise de son petit salon pour en récupérer le pied en bois, qu’elle tenait entre ses doigts encore légèrement rouges, prête à attaquer si le besoin se présentait. 

Ce qui l’énervait le plus était qu’elle n’avait aucune porte de sortie et qu’elle ne pouvait plus compter sur l’effet de surprise. Elle allait donc devoir gagner leur confiance, ce qui la répugnait, tout en gardant une certaine crédibilité. Elle se leva pour se diriger vers le petit salon, cacha son arme sous le coussin, et tenta, une nouvelle fois, d'ouvrir la porte qui menait au couloir, sans aucun succès.  Galatée, n’en pouvant plus, frappa à la porte, et claqua sèchement : 

- Je ne suis pas prisonnière de ma chambre. Laissez-moi sortir. 

Aucune réponse. 

Elle n’en pouvait plus. Savoir qu’elle restait ici, dans cette suite luxueuse,  alors que son peuple était peut-être encore aux mains des rebelles… l’idée lui était insupportable. Elle était la Princesse de son Royaume, et elle n’était pas présente. Ils avaient déjà perdu leur Reine… 

Galatée chassa l’image de sa mère, pleurant, suppliant, ainsi que son dernier regard rempli d’affection : elle ne pouvait pas se permettre de penser à cela car elle allait avoir les idées embrouillées. Pour les garder clairs, elle prit son élan, et balança son pied dans la porte. 

Une fois, puis deux, puis une troisième avant qu’un garde ne se décide à ouvrir violemment la porte. Ce dernier ne portait cependant pas de casque et elle eut tout le loisir de le regarder : beau garçon avec des cheveux châtains et un regard noisette, elle tenta de déterminer s’il était naïf ou non… Mais lorsqu’elle croisa son regard sévère, la mine fermée, Galatée ne put s’empêcher de soupirer. 

Elle releva son menton : 

- Je ne supporterai pas une seconde de plus de rester ici. 

- Cessez vos enfantillages, répliqua-t-il, les bras croisés. Si vous n’aviez pas tué cette femme de chambre, vous n’en seriez pas là. 

La Princesse serra sa mâchoire : qu’un Prince se montre prétentieux, même familier avec elle, ne lui convenait pas, mais ils étaient tout de même tout deux de sang royal ; mais que ce garde la réprimande comme si elle était son égal… Sa prétention reprit le dessus. 

Elle claqua son talon sur le sol, les mains posées sur ses hanches, et s’approcha de lui : même si elle faisait une tête de moins que lui avec les talons, Galatée se savait assez impressionnante pour faire sentir l’homme le plus grand, le plus petit : 

- Si vous ne m’aviez pas enlevée, nous n’en serions pas là. Chacun ses torts. Donc, allez demander à votre Prince mes droits. 

- Bon sang… 

Il la saisit par le bras. Offensée, la Princesse s’empressa de le lui retirer, ce qui eut pour seul effet de le saisir une nouvelle fois, plus fermement cela dit. Elle eut beau se débattre, sa poigne était si ferme qu’elle ne réussit qu’à se tordre le bras dans tous les sens. 

Il marchait vite, très vite, comme s’il y avait un feu derrière lui, et si Galatée ne trébuchait pas sur sa robe, ce fut seulement grâce à des années et des années à courir derrière son père qui pour une de ses enjambées, en faisait deux.  La Princesse, tout en tentant toujours de se défaire de sa main, demanda d’une voix froide : 

- Où m'emmenez-vous d’une manière si impolie ? 

Le garde tourna brièvement son visage vers elle, et haussa un sourcil avant de se concentrer à nouveau sur leur avancée : 

- Vous ne voulez pas rester dans votre chambre. Et je connais vos droits dans ce château, sans doute beaucoup mieux que le Prince. Ce dernier m’a d’ailleurs signalé qu’il ne souhaitait pas que vous vous affaiblissez.

Galatée commençait à comprendre ce qui se passait. Pour être honnête, elle n’aimait pas cela du tout et cela ne faisait que renforcer son besoin pressant de s’enfuir de Valia. Ce ne fut donc pas étonnant lorsqu’elle fut presque jetée dans une salle d’entraînement, où se trouvaient des dizaines d’armes différentes, certaines qu’elle n’avait encore jamais vu. 

La Princesse y vu  une occasion rêvée, et commença à reculer vers les armes, tout en parlant pour distraire le garde : 

- Pourquoi donc votre Prince souhaite-il que vous m'entrainiez ? 

- Revenez ici. 

Galatée haussa ses sourcils : si elle avait l’autorisation de se rendre ici, elle n’en n’était pas moins surveillée et ce garde ferait tout pour s’assurer qu’elle ne commette pas un nouvel incident. Docilement, du moins pour le moment, elle croisa ses mains dans son dos et s’avança légèrement vers lui. 

Le garde dégaina alors son épée. 

Vif comme l’éclair, il pointa le bout de sa lame sur son menton, la faisant légèrement ciller sur le moment. Cependant, Galatée possédait elle aussi des réflexes, qu’elle n’était pas prête d’oublier, et saisit sa lame à main nue pour la tenir à distance raisonnable de son visage. 

Un duel de regards s’instora donc entre les deux personnes. Ce garde semblait avoir le même tempérament, ou du moins un semblant, qu’elle.  Il se moquait bien que du sang coule de sa paume, qu’elle soit une Princesse,  la Princesse du royaume d’Olia : 

- Je vais être clair, commença-t-il. Je ne vous aime pas. Je n’aime pas votre Royaume, votre manière de vous comporter, d’agir. Si le Prince se montre clément avec vous, et je respecte ce choix uniquement parce que j’ai confiance en lui, je donnerai bien des choses pour vous couper la tête. 

Un ricanement furieux franchit la barrière des lèvres de Galatée : 

- Quel dommage que vous ne soyez qu’un garde dans ce cas. 

Il fronça légèrement ses sourcils et elle sentit sa lame chatouiller dangereusement son menton.  Elle avait mal à sa main, elle songea d’ailleurs qu’elle ne faisait que de se blesser dans ce château, mais ne laissa rien paraître, maîtresse d'elle-même, de ses émotions, de son corps. 

Finalement, il finit par baisser son arme, ce qui la força à desserrer sa main ensanglantée. Sans pour autant le quitter du regard, elle fit un signe de tête en direction des armes derrière elle : 

- A défaut de pouvoir me couper la tête, je peux vous proposer un combat loyal. 

- Alors vous savez vraiment vous battre. 

- Je n’aurais pas tranché la gorge d’une de vos servantes, sinon. 

Il tressaillit, chose qui lui tira un sourire satisfait : il semblait que dans ce royaume, les vies avaient une très grande importance, ils étaient solidaires. Bien, Galatée allait retenir ce détail et en profiter. 

Elle se dirigea une nouvelle fois vers les armes, sans qu’il l’en empêche cette fois-ci, et choisit, avec certitude, une épée fine qui lui rappelait étrangement celle qu’elle avait abandonnée dans la salle du trône. Une vision passa alors devant ses yeux, celle de sa mère se débattant, hurlant, pour finir la gorge tranchée, à terre. 

Son masque manqua de se fissurer mais elle força son cœur à cesser de battre si vite et sa main, sûre, fiable, se dirigea vers la poignée de son arme. Elle la fit tourner, un bref instant, pour se faire à sa forme, et trancha l’air, la bouche pincée. 

Le garde chassa une mèche de ses cheveux bruns qui tombaient sur son front et se mit en garde, l’air d’une certaine façon ravi d’avoir l’occasion de la confronter sans désobéir aux ordres de son Prince : 

- Je ne vous propose pas une tenue plus adaptée, bien entendu. 

- Ne vous en faites pas pour cela. Une robe n’est pas un problème. 

Elle avait appris l’art de l’épée avec un corsage. Ce n’était pas cette robe fluide qui allait l’handicaper, ni ses talons. 

Galatée, sans prendre la peine de se mettre en garde, avança vers le garde et, sans prévénir, plongea vers lui. 

Il contra son coup avec aisance, mais là n’était pas le but de l’attaque de la Princesse. Elle en profita pour tourner sur elle-même pour se retrouver sur son côté droit. A son contraire, il était lui vêtu d’une armure qui le protégérait certe de ses coups mais qui alourdissait tout de même. En termes de vitesse, elle avait l’avantage. 

Galatée ne prêta pas attention à sa main ensanglantée qu’elle avait mis dans son dos et se pencha sur sa droite quand un coup d’épée tenta de l’avoir à la gorge. Malgré elle, elle sourit : le garde la pensait suffisamment débrouillarde pour éviter un coup mortel. 

Comme si elle dansait, elle tourna une nouvelle fois sur elle-même, le regard vif, et trancha l’air de sa lame quand il se rapprocha trop près d’elle. Sa lâme frola sa gorge avec une satisfaction étrange. 

Galatée recula d’un pas lorsqu’il tenta un coup frontal et contra un autre coup qui tentait d’atteindre son flanc droit. Droite, presque raide, elle se sentait totalement stable sur ses pieds et ne se laissa pas déstabiliser lorsqu’il tenta d’atteindre son épaule. 

Si la Princesse avait une certaine fierté, elle devait cependant admettre une chose : il était doué. Il ne laissait pas d’ouvertures, son regard était perçant et percevait à chaque fois qu’elle baissait légèrement sa garde pour tenter une attaque, et il était réactif.  

Son talon claqua contre le sol lorsqu’elle se pencha pour atteindre son ventre, où il en profita pour lui donner un coup de coude dans le dos. Cependant, elle changea de direction au dernier moment et il ne rencontra que du vide. 

Elle déclara alors, d’une voix claire et forte : 

- Nous pouvons continuer ainsi longtemps. A moins que vous ne souhaitez abandonner, je propose une idée. 

- Vous ? Vous proposez au lieu d’ordonner ? 

- Quelle triste image vous avez de moi, démon, siffla-t-elle. 

Sa mâchoire se crispa et il tenta un coup légèrement plus hasardeux qui lui ouvra une ouverture vers son côté droit. Elle s’empressa de saisir l’occasion et ne fit que légèrement l’effleurer : 

- Oh, sourit-elle.  Le surnom démon ne vous satisfait pas ? 

- Le seul démon, ici, c’est vous. 

- Tenez votre langue, cracha-t-elle. Garde. 

Son aversion pour ce Royaume, qu’elle avait mis de côté pour ce combat, commença à poindre le bout de son nez, et son tempéramement de feu avait la soudaine envie d’exploser. Elle se força à prendre une grande inspiration : les émotions n’étaient jamais bonnes dans un duel. 

Elle serra son poing en sang dans son dos et releva le menton en contrant une nouvelle attaque : 

- Je disais donc que le premier qui ferait couler le sang de l’autre gagnerait. 

- N’ai je pas déjà triomphé  dans ce cas ? 

- De manière déloyale, seulement. 

- Et la gorge de notre servante, vous l’avez tranchée de manière loyale ? 

Galatée se délectait de cette situation. 

Elle haussa ses épaules : 

- Certainement pas. 

Profitant de son trouble, elle déploya finalement son bras derrière son dos et fit passer, habilement, son épée d’une main à l’autre. Le garde cligna des yeux, remarqua la masquerade, mais bien trop tard. 

Sa lame se dirigea vers son visage, et ne fit que glisser sur sa joue malgré le fait qu’il ait penché sa tête. Une seconde plus tard, un filet de sang apparaissait. 

Cependant, Galatée n’eut le temps de profiter de sa victoire qu’elle sentit un regard glisser sur elle, qui n’était pas celui du garde. Se fiant à son instinct, elle se tourna immédiatement vers cette source d’agacement et s’apprêta à lancer son épée dans sa direction quand une main lui saisit le poignet : son arme tomba lourdement sur le sol. 

Galatée leva un regard agacé vers la porte de la salle d’entraînement pour rencontrer les yeux rieurs du Prince. 

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