Cela faisait bien dix minutes que Jayden était planté devant la section des fruits de l’épicerie, hésitant entre les tomates jaunes et rouges. Les rouges le tentaient plus… mais il lui semblait que sa mère aimait particulièrement les jaunes pour faire des salades. Mais était-ce vraiment pour les salades qu’elle préférait les jaunes ? Peut-être devrait-il prendre les rouges ? Intérieurement, il se dit que c’étaient celles qui ressemblaient le plus à des tomates.
Il s’insulta à voix basse. Même une tâche aussi simple que celle-ci lui demandait des efforts. Il aurait mieux fait de ne pas rentrer si tôt.
Avec un soupir exagéré, il finit par aller chercher un sac en papier et à prendre les rouges. Tant pis si Ella aurait préféré les autres, des tomates c’étaient des tomates. Ses pensées continuèrent à le faire douter lorsque, en s’avançant vers la caisse, quelqu’un lui bloqua le passage.
Il releva la tête et s’apprêta à s’excuser jusqu’à ce qu’il reconnut l’homme qui lui faisait face. Sa chevelure gris souris était toujours bien coiffée malgré quelques mèches fuyantes qui dénonçaient son humanité. Jayden n’était que légèrement rassuré par ce détail.
— Vous, fit-il seulement.
Il ne prit pas la peine de mentionné le Sea Life. L’homme resta impassible un instant.
— Suis-moi, lâcha-t-il soudainement en commençant à partir.
Jayden ne s’attendait pas à une voix aussi apaisante – sans prendre en compte l’ordre. Il le regarda s’en aller, sans bouger, et l’homme revint vers lui.
— Je t’ai dit de me suivre, qu’est-ce que tu attends ?
En s’attardant mieux sur son apparence, l’adolescent se rendit compte qu’il n’était pas vraiment vieux. Peut-être la vingtaine, pas plus ; il avait l’air d’avoir le même âge que Chris.
Il cligna des yeux pour chasser ses réflexions.
— Excusez-moi… qui êtes-vous ? demanda-t-il poliment.
Les sourcils de l’inconnu se levèrent de surprise.
— Tes parents ne t’ont rien dit ? Je m’appelle Jordan Cooper, je travaille à Warlen. Je serai ton nouveau mentor, ajouta-t-il tout suite après en tendant sa main.
Le cœur de Jayden s’arrêta de battre. Aussitôt, il comprit les réactions étranges de sa mère.
Du peu qu’il connaissait, Warlen était l’Académie la plus prestigieuse pour devenir Combattant ; tous les meilleurs en sortaient. Elle se trouvait aux États-Unis mais son emplacement exact n’était jamais certain. Pour y entrer, elle était extrêmement difficile d’accès : premièrement, les épreuves étaient tellement compliquées que beaucoup de candidats n’en ressortaient jamais. Rien que pour cela, certains parents refusaient d’envoyer leurs enfants là-bas ; d’autres, en revanche, n’hésitaient pas à les forcer à y aller pour qu’ils apprennent à contrôler leurs éléments. Encore d’autres le faisaient à contrecœur : la majeure partie des jeunes Surnaturels voulait devenir Combattant. C’était devenu un rêve.
Deuxièmement, elle était surtout difficile d’accès à cause des lettres : l’Académie ne fonctionnait pas par inscription de la part des familles. Elle triait les dossiers de chaque Surnaturel et envoyait une lettre seulement à ceux qu’elle jugeait avoir un bon potentiel.
Cela aurait pu flatter Jayden, mais pour lui, c’était l’effet opposé ; même l’Académie la plus réputée du monde voulait le séparer d’une vie normale.
Soudain, il baissa le regard vers quelque chose auquel il n’avait pas fait attention : un badge, accroché à droite sur la veste de Jordan. Il était noir et représentait un corbeau face à un chat, tous deux blancs, devant la lettre M. Le badge des mentors de Warlen.
— Je… je ne suis pas un Surnaturel, bredouilla-t-il en ignorant la main que lui tendait l’homme.
Jordan la rangea dans sa poche.
— Tu as un œil violet et le bout de tes cheveux est bleu…
— J’ai eu un accident et l’opération n’a pas pu faire autrement pour sauver mon œil. Et j’ai le droit de me teindre les cheveux. À ce que je sache, beaucoup de gens le font !
— Quel genre d’opération ? voulut savoir le plus vieux.
Le garçon ne sut quoi répondre.
— Je… C’était une chirurgie… ça ne vous regarde pas !
— Ce n’est pas la peine de me mentir, McPherson, ta mère a signé la lettre qu’on lui a envoyée.
Jayden faillit lâcher ses tomates. Entendre Jordan le dire clairement était pire. Comment sa mère avait-elle pu lui faire ça ? Avait-elle signalé son élément au gouvernement ? Il lui avait dit maintes fois qu’il ne voulait pas participer à quoi que ce soit qui se rapprochait au surnaturel, et qu’il ne voulait surtout pas devenir Combattant. Il ne voulait pas se séparer de sa musique, il ne voulait pas apprendre à contrôler son pouvoir. Pourquoi ramenait-elle tout ça jusqu’à lui alors qu’elle savait pertinemment que ça le faisait souffrir ?
Ses yeux devinrent brillants.
— Maintenant, suis-moi, lui ordonna Jordan.
— Non.
— Pardon ?
— Je ne veux pas vous suivre ! Je vais acheter ces fichues tomates, je vais les ramener à ma mère, puis on mangera tous ensemble en famille et je me coucherai dans mon lit, tranquille devant une série, comme un après-midi normal.
Il commença à passer devant l’homme, mais ce dernier le stoppa en le ramenant vers lui par le poignet. Quand Jayden se débattit et se recula, un petit bracelet argenté était attaché à son bras. Il tenta de l’enlever en vain. Le bijou ne bougeait pas, comme s’il s’était enfoncé dans sa chair.
— Qu’est-ce que c’est ? balbutia-t-il, le souffle court. Qu’est-ce que c’est ?
Ses jambes lui semblèrent soudain beaucoup plus lourdes.
— Ce n’est qu’un enileur, lui expliqua l’homme. Il t’empêche d’utiliser ton élément, ce n’est qu’une précaution.
— Enlevez-le-moi.
— Je ne peux pas, tu dois me suivre.
— Enlevez-le-moi ! Je n’ai pas l’intention de venir avec vous, je ne veux pas devenir Combattant.
Jordan s’immobilisa.
— Pourquoi ? s’étonna-t-il.
— Parce que…
Le garçon tenta de reprendre un souffle stable.
— Parce que ce n’est pas ce que je veux faire de mon avenir, termina-t-il. J’ai d’autres projets.
Autour d’eux, les clients du magasin changeaient de direction en les voyant. Même la caissière détournait le regard, seulement attentive à ce que Jayden ne parte pas sans payer ses tomates. C’était sans aucun doute le badge de Jordan qui les faisait s’écarter ; les mentors de Warlen n’étaient pas réputés pour être de bonnes personnes, la majorité étant même considérée comme des brutes qui convertissaient les jeunes à détruire le monde.
Ce n’était pas vraiment une réputation méliorative.
Comme pour donner raison aux rumeurs, Jordan s’approcha dangereusement de Jayden jusqu’à ce que ce dernier ait le dos collé au rayon et ne puisse plus bouger. Il ignora les tremblements du jeune garçon et son visage se baissa vers le sien.
— Quand je te dis de me suivre, il ne me semble pas laisser entendre que je te donne le choix, murmura-t-il. Au moment où tes représentants légaux signent cette lettre, ils signent un accord qui affirme que tu es sous ma responsabilité, et que tu me dois toute obéissance. Tu comprends ?
Son ton menaçant laissa l’adolescent bouche bée. Avant qu’il puisse répondre, Jordan le tira violemment par le bras et se dirigea vers la sortie. Sous le choc, Jayden ne réagit pas et tout devint flou ; il lui semblait que la caissière criait qu’elle voulait l’argent pour ses tomates, que le bracelet sur son poignet se resserrait à cause de la force de l’homme qui l’entrainait et que l’air à l’extérieur était beaucoup plus chaud.
Ses pieds s’arrêtèrent devant un étrange taxi rose et il sentit qu’on le poussait à l’intérieur.
Quand sa joue rencontra le siège arrière du véhicule et que le bruit du moteur grogna, il sut que c’en était fini, il ne pouvait plus lutter. Ce n’était que trop tard qu’il en prit conscience et il se redressa. Dans sa main, le sachet de tomates lui parut beaucoup plus lourd. Alors qu’il allait le reposer à côté de lui, quelque chose le stoppa dans son geste.
Sur l’autre siège, un garçon blond reposait sa tête contre la vitre. Ses yeux étaient fermés et sa position n’avait pas l’air confortable ; il dormait. Dès que son regard se posa sur lui, Jayden sut qu’il vivait la pire journée de sa vie.
Ses cheveux blonds avaient – de la même manière que ceux de Jayden – les pointes rouges, et sur son visage, on pouvait facilement voir un bleu au niveau de sa bouche entrouverte. Pas de doute, il s’agissait bel et bien de Klayton, malgré le fin espoir du châtain.
Comme pour ne pas le réveiller, Jayden se repositionna lentement sur son propre siège et n’osa pas plus bouger. Le sachet de tomates était tombé à ses pieds sans qu’il le remarque. Il ne prit pas la peine de le ramasser. Il n’eut même pas l’audace de frapper à la paroi qui le séparait de la partie avant de la voiture, là où se trouvait le conducteur. Sa respiration s’était quasiment arrêtée.
Ça faisait bien sept ans que Klayton et lui ne s’étaient plus parlé et ça lui allait très bien ainsi. Depuis que le blond l’avait abandonné sans raison, Jayden ne voulait plus rien avoir à faire avec lui. Même si à une époque, ils avaient été aussi proches que des frères, rien n’excusait ce rejet inexpliqué.
L’adolescent entreprit de faire de grandes inspirations pour calmer la cadence de son cœur qui martelait sa cage thoracique, mais au même moment, l’ouverture dans la paroi devant lui s’ouvrit et Jayden put apercevoir non pas Jordan, mais un autre homme, aussi jeune que son collègue. Ses cheveux roux étaient attachés en une tresse et ses yeux étaient de la même couleur que le véhicule qu’il conduisait.
Parce que oui, cet homme était installé sur le siège conducteur, malgré le fait qu’il ne regardait pas la route, et tendait par la même occasion une boîte de gâteaux à l’adolescent.
— Cookies ? proposa-t-il, un sourire éblouissant sur les lèvres.
Jayden ne sut même pas ce qu’il devait répondre.
La main de Jordan referma alors l’ouverture et des chamailleries incompréhensibles s’élevèrent à travers la séparation.
À côté de lui, Klayton commençait à remuer les paupières. Sa joue écrasée contre la vitre se décolla lentement et le blond reprit ses esprits. Ses yeux, d’une étonnante couleur carmin, rencontrèrent les tomates qui étaient sorties du paquet et roulaient sur le sol de la voiture. C’était à ce moment-là qu’il se rendit compte de la présence de Jayden. Quand leurs regards se croisèrent, tous les bruits autour d’eux s’atténuèrent immédiatement. Klayton se figea, les yeux exorbités.
Il détourna son attention et évalua leur environnement. Le paysage de Sydney défilait à travers la fenêtre sans s’arrêter, et il n’avait aucun moyen de voir l’avant du véhicule. Il était coincé en tête à tête avec Jayden. En se remémorant ce qu’il s’était passé précédemment – à savoir sa rencontre avec un homme étrange qui avait commencé à le kidnapper et leur bagarre qui avait suivi avant que l’inconnu lui confie qu’il allait être son mentor. Puis ensuite, même si Klayton s’était calmé, l’homme l’avait assommé.
Sa bouche s’entrouvrit alors et il se tourna vers son camarade, les sourcils froncés.
— Qu’est-ce que tu fais là ? demanda-t-il abruptement.
Jayden s’enfonça le plus possible dans son siège, ses mains dans les poches de son jogging, évitant à tout prix les questionnements visibles sur le visage de son camarade.
— Joy, qu’est-ce que tu fais ici ? répéta celui-ci.
Toujours en l’ignorant, le châtain se concentra sur les paysages à l’extérieur, notant tout de même dans un coin de sa tête que le blond avait utilisé le surnom qu’il lui avait toujours donné.
Peut-être parce qu’il ne se souvenait plus de son vrai nom.
La petite ouverture s’ouvrit à nouveau. L’homme roux y passa la tête, un grand sourire aux lèvres, inconscient du malaise présent entre les deux adolescents.
— On arrive bientôt à l’aéroport, les jeunes ! s’excita-t-il. J’espère que vous être prêts à dix-neuf heures de vol, n’hésitez pas à nous dire de quoi vous avez besoin…
— J’ai besoin que vous me laissiez partir, l’interrompit Jayden en reprenant ses mots.
— Ouais, pourquoi il est là, lui ? intervint Klayton. Il n’a rien à faire ici.
L’homme fit la moue et, sans que les garçons comprennent comment, il abaissa complètement la séparation qui les excluait comme s’il s’agissait d’un simple rideau. Ils purent alors voir l’avant du véhicule, notamment Jordan qui soupirait avec un livre entre les mains et le volant qui tournait tout seul devant son collègue. L’homme aux cheveux gris referma son roman et se retourna également.
— Caim, j’aurais préféré encore un moment de tranquillité, si ce n’est pas trop demandé… qu’est-ce qu’il se passe ?
— Je crois que les gamins ne s’apprécient pas trop, lui répondit le dénommé Caim. Tu as bien expliqué à Jayden qui nous étions, n’est-ce pas ?
Jordan plissa les yeux vers les plus jeunes.
— Évidemment.
— Alors pourquoi veut-il partir ? Tu lui as fait peur ? Jo, je t’ai déjà dit des centaines de fois d’arrêter d’effrayer les gens, ça pourrait finir par se retourner contre toi !
— Je n’ai rien dit, c’est lui qui ne veut pas être Combattant ; occupe-toi de le faire changer d’avis, d’ailleurs, avant qu’il appelle la police ou je-ne-sais-quoi d’autre… souffla-t-il en reprenant une place confortable dans son siège.
Klayton avait suivi l’échange, un sourcil relevé.
— Comment ça ? Joy n’a pas de pouvoir, il ne peut pas devenir Combattant.
— Joy ? répéta Caim. Mais bien sûr que Jayden a un pouvoir ! ajouta-t-il quand il comprit de qui le blond parlait. Qu’est-ce qui ne va pas chez vous, les enfants ? On vous a fait une si mauvaise impression que ça ?
Aucun des deux ne lui répondit. Klayton s’était figé dans l’incompréhension tandis que Jayden avait consacré toute son attention aux bâtiments à l’extérieur. Caim les zieuta tour à tour.
— Ah, les ados… soupira-t-il en reprenant sa place.
D’un geste de la main, il releva la séparation entre eux et laissa les deux garçons dans leurs pensées.
Klayton se tourna lentement vers son camarade.
— T’as un pouvoir ? l’interrogea-t-il.
Toujours aucune réponse.
— Joy.
Le blond se baissa et attrapa une des tomates qui roulaient à ses pieds et la jeta sur le châtain. Celui-ci, les mains toujours coincées dans les poches de son jogging, fronça les sourcils vers lui.
— Pourquoi t’as fait ça ?
— Réponds à ma question.
— T’as vraiment besoin d’une réponse ? Oui, j’ai un élément.
Et il retourna à sa contemplation de la nature, laissant Klayton bouche bée. Jayden tenta d’ignorer sa présence derrière lui et dirigea ses pensées vers la colère qu’il ressentait envers sa mère. En vain. Il pouvait sentir le regard de Klayton fixer son dos.
Agacé, il lui refit face.
— Arrête de me regarder, c’est énervant…
— Pourquoi tu ne me l’as pas dit ?
— Hein ?
Cette fois, ce fut Jayden qui resta bouche bée.
— Quand j’ai eu mon élément, continua Klayton, je pensais être le seul de la classe à être Surnaturel. Les gens me regardaient mal, chuchotaient dans mon dos, balançaient des rumeurs et prétendaient savoir comment j’allais finir. J’avais personne avec qui parler, personne n’était comme moi… Et maintenant tu te ramènes, et tu me balance que oui, t’as aussi un élément ? Pourquoi tu m’as rien dit ! finit-il presqu’en criant.
Le regard vairon du châtain fixa celui, brillant, du blond.
— Pardon ? lui répondit-il. Tu me demandes pourquoi je t’ai rien dit ? On est plus amis, Kay ! On est rien du tout ! Et toi tu voulais que je te soutienne, alors que tu m’évitais et qu’on ne se parlait jamais ?
— Je pensais pas qu’on allait faire comme si on était des étrangers à chaque fois qu’on se croisait dans un couloir, c’est toi qui m’évitais !
— Tu m’as clairement dit que tu ne voulais plus rien avoir à faire avec moi, Kay.
— Et tu sais très bien pourquoi.
Jayden parut sincèrement offensé.
— Non ! s’exclama-il. Non, j’en…
Il ne put pas finir sa phrase qu’ils furent tous les deux projeter contre la paroi devant eux. La voiture s’arrêta brusquement et les pneus crissèrent sur la route. Un nouveau choc les bouscula, les faisant comprendre qu’un autre véhicule venait de se cogner contre le coffre du taxi. Ils purent entendre les portières de Caim et Jordan s’ouvrirent aussitôt.
Des voix retentirent à l’extérieur. Les adolescents n’eurent pas le temps de se relever que leurs portières arrière s’ouvrirent d’un même mouvement. Du côté de Jayden, Caim apparut, les lèvres pincées. Son regard s’arrêta sur l’enileur attaché fermement au poignet de l’adolescent.
— Je crois que tu viens de geler les pneus, lui dit-il.
L’intéressé se figea. Il caressa l’enileur du bout des doigts. Cet objet ne devait-il pas l’empêcher d’utiliser son pouvoir ?
— Vous êtes sûr que c’est moi ? s’enquit-il sans oser voir la réaction de Klayton derrière lui. Votre collègue m’a dit que ce bracelet…
— … empêche les Surnaturels d’activer leur élément, en effet, finit Jordan qui apparaissait à côté de Caim. Et pourtant nos pneus sont devenus des glaçons. Tu as une explication ?
Les épaules de Jayden s’affaissèrent.
— Écoute, reprit calmement Caim, il faut que tu nous dises la vérité… On ne peut pas accepter d’entraîner un porteur de katzuku, le simple fait d’en avoir un est totalement illégal, on va devoir en parler avec la police et…
— Quoi ? Non ! s’offusqua soudain le châtain. C’est bien un élément !
Le roux évalua la réaction du plus jeune et sembla rassuré.
Dans le monde, il existait quatre sortes de pouvoirs ; le katzuku était l’une d’entre elles : il s’agissait presque d’un élément, à la différence qu’il n’a pas évolué dans l’organisme de son porteur. Le seul moyen de l’acquérir était de tuer un Surnaturel en extrayant son pouvoir et de se le transmettre. La plupart du temps, le corps le refuse et l’individu ne survit pas à la transfusion, mais dans le cas contraire, le pouvoir est plus puissant car il se mélange à un nouvel ADN, créant ainsi des cellules plus résistantes que la norme et une immunité aux maladies courantes.
Les deux autres pouvoirs étaient le denjo, qui influençait l’apparence physique pour fonctionner – parmi les célèbres Combattants qui en possédaient un, il y avait Jules Mallet, un français qui ne pouvait voler qu’avec ses ailes –, et le dalmène, qui était un pouvoir éphémère : lorsqu’une personne non-surnaturelle se retrouvait dans une situation où elle avait vraiment besoin d’un pouvoir, le ciel lui en donnait un, qui s’en allait quand son utilité disparaissait. Les croyants avaient affirmé qu’il s’agissait d’un prêt de Dieu, et personne ne les a contredits, partageant cette réponse comme s’il s’agissait de la vérité et évitant des disputes inutiles.
À droite de Caim, Jordan annonça qu’ils allaient finir le trajet à pieds et ordonna à Jayden et Klayton de sortir rapidement.
— On n’est plus très loin, leur assura-t-il alors qu’ils laissaient derrière eux le taxi rose.
Dans la voiture qui leur avait foncé dedans, un homme tenait le volant, le regard fixé dans le vide. Il semblait ne pas remarquer ce qu’il se passait autour de lui. Des klaxons retentissaient tandis que le quatuor s’en allait, Jordan et Caim incitant les adolescents à accélérer leur allure.