Assise au fond de sa grotte au courant froid, l’Oracle posait du baume sur les entailles de Shy’r. Celle-ci grimaça au contact de la mixture, souffla un coup et admira les algues danser sous les claires lumières de la grotte. Cet endroit avait toujours eu le don de l’apaiser.
« Mère, sommes-nous des monstres ?
— Tout dépend du point de vue je suppose.
— Vous êtes au courant, n’est-ce pas ?
— Bien sûr que je suis au courant ma chérie, je vois tout.
— Je pensais que nous serions liées pour toujours, comme les légendes le disent. »
L’Oracle lécha la pommade restée sur ses doigts, les essuya sur son tablier et prit les mains de sa fille. Ses yeux rouges incandescents plongèrent dans ceux de la jeune femme.
« Manger le cœur d’une morte-vivante fait peut-être de vous des âmes sœurs, mais ça ne veut pas dire que vous devez vous entendre.
— Je n’y comprends plus rien.
— Vos âmes sont liées, mais sont-elles compatibles ?
— C’est ce que je ressens en tout cas, et il me semble qu’elle aussi. Du moins, je l’espère.
— Alors va retrouver son enfant, pardi !
— Mais est-ce sage de se présenter à un humain sous cette forme affreuse ? Ne vous méprenez pas, j’aime ce que je vois dans le miroir, mais eux ne voient que nos rites les plus barbares.
— Ils ne le sont pas moins que nous.
— Je le sais mais… »
L’Oracle entoura sa fille de ses gros bras et chuchota à son oreille :
« Soigne ton cœur avant de soigner celui des autres. »
Shy’r embrassa les bras de sa mère, puis ses mains, lui sourit et s’en alla.