Avachi sur le grand canapé en cuir bordeaux qui ornait son salon vintage, Auguste se sentait mal. Sur le moment il avait joué les durs, pour se convaincre lui même qu’il pouvait le tuer. Mais en vérité, il détestait faire ce genre de choses ; même si il avait l’habitude, la culpabilité venait toujours après coup. Comme c’était dur d’avoir un cœur. Il aurait aimé être un robot, et seulement savoir réfléchir sans s’entraver de sentiments. Enfin bon. Il était obligé de le tuer, de toute façon ; et même si il ne l’était pas, il l’aurait fait quand même, pour prouver à ces gens que personne ne pouvait l’atteindre.
Il n’avait pas encore fouillé le corps, qui gisait à côté de la table en verre tel une photographie morbide. Il n’avait aucune idée de qui était cet homme dont il avait pris la vie mais il paraissait jeune, peut être 20 ans. Ses cheveux étaient clairs, comme ses yeux d’un bleu perçant. Sa mâchoire semblait taillée au couteau, et ses lèvres étaient encore roses. Il était beau, il fallait l’admettre. Mais pas de pitié, ce garçon lui voulait du mal, après tout.
Auguste se leva avec difficulté de son canapé et entreprit de ramasser les débris de café étalés partout sur le sol. Il regretta quelque peu d’avoir tant rempli ce bol, ce n’était pas nécessaire d'en gâcher autant. En plus, il s’en était renversé sur le jean, et avait dû le remplacer par un pantalon noir taillé. Après tout, cela le rendrait plus crédible pour son rendez-vous qui aurait lieu dans quelques heures seulement.
Il prépara une seconde fois sa boisson et la bu tranquillement, avant de retourner dans sa chambre. Il récupéra son téléphone posé sur sa table de chevet, et appela un de ses employés pour venir se débarrasser du corps. Il arriverait dans 25 minutes, il avait donc le temps. Il lut quelque page de son roman préféré, qui ne l’ennuierait décidément jamais. Quelques pages plus tard, il se décida à commencer son œuvre.
A sa grande surprise, lorsqu’il arriva dans la salle à manger, le jeune homme n’avait pas bougé ; il état toujours allongé au sol dans la même position, face contre terre. Puis Auguste se rappela qu’il était mort.
Il entreprit la recherche, à commencer par les poches de son costard ; un téléphone portable, le dernier iphone. Il le déverrouilla avec face ID. Quelle idiotie, cette sécurité. Il apprit que l’homme était un simple employé d’une boîte ordinaire, qui travaillait comme tueur à gages à ses heures perdues. Il était orphelin, sa mère était morte en accouchant et son père à cause de l’alcool, à ses 5 ans seulement ; le pauvre enfant s’était retrouvé à naviguer de familles en familles.
Quelle vie morose. Auguste n’était pas forcément le mieux placé pour le juger, mais il le fit quand même. Car il n’était pas gentil. Et oui, la vie n’était pas un conte de fées.
Il fut interrompu dans ses pensées par la sonnette, ce qui l’agaça fortement. Il alla ouvrir la porte à son salarié, et lui désigna du doigt la pièce dans laquelle gisait la cadavre en le fixant du regard le plus noir possible. Quel plaisir.
Une heure plus tard, à 11 heures précises, il n’y avait plus aucune trace de la venue de quiconque chez Auguste. Il sortit de sa demeure, sans toucher à ses clés, obstiné à ne jamais verrouiller la porte. Il monta dans sa voiture de service que la société lui finançait et démarra. La route était longue jusqu’au lieu de la rencontre, mais il comptait tout de même arriver à midi tapantes.