Chapitre 3

Après une heure d’attente infructueuse, il régnait une atmosphère électrique. Une heure plus tard encore, ils n’étaient plus qu’une dizaine dont le maire Le Perre, toujours autant déterminé.

Soudain, une lueur jaillit dans la nuit. Elle semblait provenir de la rivière, puis elle fut vite rejointe par une seconde, une troisième et bientôt d’énormes nuées se dirigèrent sur la chapelle. Les hurlements hystériques du maire à genoux furent rapidement recouverts par les cris de terreur du reste des personnes présentes, affolées de voir ces lumières voltiger au dessus d’eux. Les lueurs furent si nombreuses que le toit de l’édifice devint fluorescent.

— Je suis à vos ordres, je suis à vos ordres, proclamait le maire tout en sautillant et tournant sur lui-même, indifférent à l’agitation générale.

Pendant ce temps, Cannelle n’en manquait pas une miette et filmait la scène, plus pour s’assurer qu’elle n’hallucinait pas que pour obtenir un scoop. L’occasion pour elle aussi d’immortaliser les deux bigotes s’évanouissant sous l’émotion de voir leurs chignons impeccables défaits violemment par les lueurs se posant dessus. Fdj saisit alors cette opportunité pour capturer, à l’aide d’un filet, l’une de ces lumières qu’il plaça ensuite dans l’aquarium à l’arrière de sa voiture.

L’arrivée du fourgon de police appelé en renfort, gyrophare allumé, attira à son tour une nuée de lumière qui se rua sur lui sous les cris paniqués des agents à l’intérieur.

— Non d’un petit bonhomme, ferme ta fenêtre Gérard, ferme ta fenêtre et coupe ce gyrophare ! intima l’un d’eux au conducteur.

— Au nom de la loi, laissez nous tranquille! somma un autre par reflexe.

Sans raison apparente, les lueurs s’éloignèrent aussi rapidement qu’elles étaient venues, laissant derrière elle plusieurs personnes choquées que les pompiers prirent en charge à leur arrivée.

— Ils ne vont plus avoir assez de place à l’asile, s’énerva l’un des pompiers en chargeant les bigotes dans son camion.

— Ah bon, il y a trop de monde à la maison de repos ? interrogea la journaliste en venant à sa rencontre.

— Depuis la grande panne, ça n’arrête pas. Ils en ont marre là bas ! reprit le soldat du feu tout en fermant sa portière et démarrant son véhicule.

Cette information n’était pas tombée dans l’oreille d’une sourde mais pour l’heure, il y avait plus urgent car Fdj avait un spécimen à examiner. Ils se rendirent donc à son cabinet et la réponse à l’énigme ne tarda pas à tomber.

— Tu ne va jamais le croire ! lança le vétérinaire, enthousiaste comme jamais, ce ne sont pas du tout des extraterrestres !

— Sans rire ? ironisa Cannelle.

— Ce sont des lampyridés géants, je ne savais même pas que cela existait !

— Moi non plus dis donc, d’autant que je ne sais pas du tout de quoi tu parles, s’impatienta son amie.

— Des lucioles, ce sont des lucioles géantes ! s’exalta Fdj.

Plusieurs jours d’investigation plus tard, le vétérinaire était en mesure de déterminer que les insectes avaient été attirés par une substance présente sur la toiture de la chapelle.

«  Malgré nos recherches, nous ne sommes pas en mesure de nommer cette substance inconnue ni d’expliquer sa présence sur le toit. Nous avons tout de même put analyser l’eau de la rivière et il s’avère que cette substance se trouve aussi dedans. Ceci pourrait, peut être, être une explication à la transformation des insectes ? Malheureusement pour nous, suite aux incidents survenus près de la chapelle, les lieux sont clos et plusieurs camions non identifiés ont été vu là bas. D’après nos sources, de larges tuyaux étaient plongés dans la rivière.

À ce jour, personne n’a revu les lucioles géantes et notre spécimen est mort quelques heures après sa capture. Le lieu où nous avions entreposé les résultats d’analyse de l’eau a été aussi saccagé, nous ne disposons plus de preuves. Il est évident maintenant que l’on nous cache des choses et même si nous ne connaitrons probablement jamais le fin mot de cette histoire :

Gardez les yeux ouverts !

L’équipe du doc-psy-cotte »

— Petite menteuse va ! s’amusa Fdj en lisant le dernier article mis en ligne par Cannelle.

— Que voulais-tu ? Que je leur dise qu’on avait toujours Lulu ? rétorqua celle-ci.

— Lulu, répéta le vétérinaire un grand sourire aux lèvres tout en regardant la luciole géante voltiger dans la pièce.

— Sérieusement les gars ? remet la dans sa cage avant qu’elle ne salisse mon canap’ ! souffla Alex en sentant l’insecte se poser sur son épaule.

— Tu vois, Lulu t’a déjà adopté ! rira Cannelle.

— Je vous haïs, mais d’une force, finit le jeune homme.

===

— Des ? Pouvez-vous me répéter ce que vous venez de me dire docteur Bystruckla ?

— Des lucioles géantes. Lorsque le produit s’est propagé, il est entré dans l’eau mais aussi sur le toit de la Chapelle du Fol et a transformé les lucioles, Monsieur Cédric.

— Donc, en plus d’avoir contaminé certains habitants, il a aussi pollué les animaux, est-ce cela que vous êtes en train de me dire ?

— Ca n’était jamais arrivé avant…

— Je m’en fous complètement. Ce que je veux c’est que vous trouviez un moyen d’arranger la situation avant que le reste du pays ne s’en aperçoive !

— Pour le moment nous faisons des tests sur les spécimens au sous sol, mais sans mon collègue…

— Vous allez vous débrouiller avec ce que vous avez ou bien vous finirez comme ce stagiaire trop curieux. Vous l’avez vu ? Maintenant c’est un légume qui nettoie les vitres du centre médical. Suis-je assez clair ?

— Oui Monsieur Cédric.

— Et pour nos évadés, avez-vous eu des contacts ?

— Non et je ne pense pas qu’ils tenteront de me contacter maintenant qu’ils sont libres.

— Vraiment ? À leur place j’aurais envie de me venger. Ne dormez que d’une oreille docteur.

— Vous aussi Monsieur Cédric.