Chapitre 3

     Quand j’avais quatorze ans, mes parents ont décidé de déménager ; ce fût le plus gros crève-cœur que j’ai vécu. Tout est allé très vite. Un après-midi on a visité cette maison au milieu d’un pavillon. Tous les jardins étaient collés les uns aux autres. On pouvait voir ce que chacun faisait sur son propre gazon. Quand on l’a visité, il restait encore les bâches des travaux. Tout était neuf. Tous les murs étaient peints en blanc un peu comme dans la plupart des maisons d’aujourd’hui. À première vue je l’aimais bien, on avait notre propre salle de bains avec ma sœur, et une grande chambre chacune, on avait un étage entier rien que pour nous. En bas, se trouvait l’espace de mes parents avec une deuxième salle de bains, un salon et une cuisine. Le jardin était très petit, sans fleur ni arbre.

     Quelques jours après avoir déménagé, je suis rentrée une dernière fois dans mon ancienne maison ; j’ai pleuré. Ça m’a complètement brisé le cœur. Je n’ai pas pleuré en la quittant, j’ai pleuré en regardant en arrière et en me rendant compte que plus jamais je ne dormirais dans cette maison. Plus jamais je ne pourrais cueillir les fleurs du jardin, plus jamais je ne pourrais faire du vélo dans la cour, plus jamais je ne pourrais remettre les pieds dans ma maison. J’ai vingt et j’éprouve toujours cette amère douleur quand je pense à cette maison.

     Je n’aimais pas vraiment les murs entièrement blancs, le jardin parfaitement tondu de notre nouveau foyer. Moi, ce que j’appréciais dans ce déménagement c’était le parc juste à côté. J’ai passé mon adolescence là-bas. J’oscillais entre la balançoire et le banc. Je fus assez fière parce que mon père qui s’occupait de l’aménagement paysagé, alors j’étais contente de dire à mes amis que c’est lui qui tondait.

     Je ne me suis jamais vraiment attachée à cette maison. Elle n’a rien de sentimental ; pour moi, elle ne signifie rien. Elle ne possède pas d’amour à donner, elle est vide d’émotion, elle ne donne pas aux gens l’envie de sourire. Pour moi, il s’agit juste un toit sous lequel j’ai dormi pendant quelques années.

     La seule pièce que j’adorais vraiment c’était ma chambre. J’ai fait une dépression quand j’avais seize ans et cette chambre était mon unique refuge. Je passais mon temps dedans, perdu dans les mots de Victor Hugo la plupart du temps. J’y ai aussi fumé mes premières cigarettes, celles que je piquais dans le paquet de ma mère pendant la nuit.

     C’est dans cette chambre que j’ai réellement commencé à écrire. Non pas parce qu’elle m’inspirait, mais parce que j’avais besoin de poser ma tristesse sur du papier pour qu’elle paraisse moins lourde à porter. J’ai passé beaucoup de temps enfermée dans ma chambre à noircir des pages entières à l’encre de mes sentiments. Dans cette même chambre,  j’ai envoyé mon premier manuscrit à des maisons d’édition. Finalement, elle m’a fait grandir, avec elle que j’ai vécu mes premières peines de cœur et de nombreuses insomnies à cause de ce garçon que j’avais rencontré sur internet mais que je n’avais jamais vu.

     Mis à part cette chambre dans laquelle toute ma vie était rassemblée, il n’y a aucune autre pièce de cette maison avec qui j’ai créé une affinité. Parce qu’elles étaient toutes comme épuisées, alors qu’elle n’avait encore jamais créé de souvenir.

     Maintenant je n’y habite plus, j’y retourne seulement de temps en temps. Ma chambre n’en est même plus une, et tous mes souvenirs se sont envolés. Le salon et la cuisine ont juste vieilli, mais il y fait toujours aussi froid. Les murs sont encore blancs comme avant, mis à part quelques photos qui y sont maintenant accrochées pour les habiller d’un peu de gaieté.

 

 

 

 

 

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