Chapitre 3 – Bébé peureux

Ma cavalière est par terre et, penchée au-dessus d’elle, il y a Catherine, la responsable du club, l’air un peu inquiet mais pas trop.

— Sandra ? Tu vas bien ? Est-ce que tu peux bouger ?

— Oui Catherine, je vais bien je crois.

Ouf, Sandra n’est pas blessée. Je me rapproche d’elle, en faisant bien attention. J’ai envie de la toucher avec mon museau, mais je n’ose plus faire confiance à l’« instinct » de Pâquerette.

— Allez, hop ! Dans ce cas, tu remontes !

Cath est confiante, mais Sandra n’a pas l’air rassurée du tout. Elle a peur.

Cessant de la regarder, je fais demi-tour et galope vers l’entrée de la carrière, avant de réaliser qu’elle est fermée.

— Hélios ? Mais qu’est-ce que tu fais ?

Qu’est-ce que je fais ? Et bien… je n’en ai absolument aucune idée. Pourquoi est-ce que j’ai cette terrible envie de partir ?

Entendant, puis voyant Sandra se relever et venir vers moi, je commence à m’éloigner, mais Cath attrape mes rênes et me ramène vers elle d’une main ferme.

Catherine, d’habitude, je l’aime bien, mais là, je n’aime pas du tout qu’elle veuille m’empêcher de me sauver.

— Allez, Pâquerette, ne fais pas ta peureuse, me sermonne Catherine. Regarde, Sandra est remise. Allez les filles !

J’ai à peine le temps de réaliser ce qu’il se passe que Sandra, malgré son trouble, est déjà remontée sur mon dos.

— Ah ah ah ! Peureuse, se moque Solène.

— Pfft.

Je ne suis pas peureuse, j’ai juste été un peu effrayé parce que Sandra n’était pas rassurée. C’est très bizarre. Jamais je n’aurais cru que Pâquerette puisse être si sensible aux émotions humaines.

— Et les autres, n’en profitez pas pour vous prélasser ! Allez allez ! Faites deux tours de piste, puis sautez le premier obstacle en bout de piste.

Catherine se retourne vers moi (enfin, vers Sandra et moi) :

— Et toi Sandra, t’es prête ?

— Oui Catherine. Je vais mieux la tenir cette fois-ci. On dirait qu’elle est redevenue un bébé aujourd’hui !

Un bébé ? Non mais oh ! Je ne suis pas un bébé moi !

— Ah ah ah ! Bébé.

— Pfft. T’es pas gentille de te moquer Solène !

Je vois les autres poneys tourner autour de la piste, et je m’élance également. Je vais leur montrer, moi, que je ne suis pas un bébé. Pas question de me laisser abattre juste parce que j’ai fait tomber un petit obstacle !

Et ma cavalière.

— Il faut faire attention Solène, en fait, les animaux influencent[1] notre façon de penser lorsqu’on est à l’intérieur, mais l’inverse est vrai aussi.

— Évidemment ! Tu n’avais pas encore compris ça ? Pourquoi crois-tu que j’aie choisi Pissenlit ?

— Parce que tu l’aimes bien ?

— Oui, c'est sûr. Mais c’est surtout que je ne voulais pas prendre le risque de blesser un poney en faisant n’importe quoi. Pissenlit est le moins nerveux de tous, alors je me suis dit que ça se passerait bien avec lui, et que même s’il remarquait ma présence, il n’aurait pas peur.

Elle n’est pas bête ma sœur. Des fois.

Le poney devant moi lève la queue et lâche une bonne dose de crottin[2] sur le sol. Beurk ! Je marche dedans, et si je ne sens rien sous mes sabots, sur mon pied par contre, cela n’a rien d’agréable !

Je vois sur ma droite Solène qui s’élance pour faire son premier saut de la journée… Et le réussir parfaitement !

— Waou ! Bravo Solène ! Trop classe ton saut ! Comment tu as fait ?

— J’ai laissé tout faire à Pissenlit !

— Mais comment je fais ça ? Ce n’est pas possible ce que tu me demandes, je suis Pâquerette !

— Bah écoute, si tu ne veux pas de mes conseils, débrouille-toi ! Mais ne fais pas retomber Sandra !

Je vois les autres poneys sauter un par un au-dessus de la première barrière, et mon tour arrive trop rapidement.

Ça y est, me voilà prêt à galoper.

Ne pas penser, ne pas penser.

— Tout doux ma grande, me murmure soudain Sandra. Tu es bien nerveuse aujourd’hui. Mais tout va bien se passer cette fois-ci, tu vas voir. Fais-moi confiance.

Je m’élance vers l’obstacle.

 

*** Informations documentaires ***

Les chevaux et poneys sont très sensibles aux émotions de leurs cavaliers, qu’ils peuvent « sentir » (ils sentent les phéromones de la peur, par exemple).

 

Crottin : Vu qu’ils ont un petit estomac et un système digestif rapide, bien évidemment, ils font bien plus souvent que les humains !

 

Les sabots sont insensibles. Par contre le pied lui-même est très sensible, comme une bonne partie de son corps.

Sais-tu qu’un poney peut même sentir une mouche se poser sur son dos ?

 

 

 

 

[1] Influencer = Comme Hélios est très proche de l’esprit de Pâquerette, il pense un peu comme elle. Et Pâquerette pense un peu comme Hélios. Ils déteignent l’un sur l’autre, comme une chaussette rouge qui serait lavée avec une chaussette blanche.

[2] Crottin = Crotte de cheval.

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