Chapitre 3 — La colocataire

— Omar —

Après la soirée chez Sid, j’ai eu du mal à me lever. Mais je me suis quand même motivé à aller chercher du pain, le matin, je voulais me rattraper avec la colocataire du week-end. Je pense qu’hier je lui ai fait peur. Trouver une boulangerie dans ce petit village a été impossible il a fallu que je trouve un relais de pain dans la ville voisine. Bref toute une épopée.

Alors que je travaillais sur un dossier sensible à boucler dans le week-end voilà que je l’entends descendre. Je la salue gentiment et elle s’est visiblement appliquer à m’ignorer. Franchement, cette femme est très malpolie. En effet, le midi elle redescend et voilà qu’elle recommence à m’esquiver. Il y a deux solutions soit elle a des tendances racistes, soit elle est tellement timide qu’elle n’ose pas ouvrir la bouche, et je dois avouer je ne crois pas trop à la deuxième option.

Hier soir encore, je lui ai laissé un peu du repas que j’avais préparé voyant qu’elle était parti tard et qu’elle n’allait peut-être pas manger en rentrant. Mais ce matin, je retrouve l’assiette sur la table.

Je suis debout il est 7 h 00. Il reste du pain de la veille. Je me fais quelques tartines et un café. Je me dépêche je dois être au palais à 8 h30. Habituellement, je n’ai pas à bouger le samedi, je fais très souvent du télétravail, mais aujourd’hui c’est réunion de crise pour tout le palais : avocat, juges, greffier. Ils ont intitulé ça : mesures à prendre face à la situation de covid-19. Je ne sais pas trop quelles mesures ils comptent prendre. Pour le moment, il ne semble y avoir que le système éducatif à l’arrêt. Visiblement les patrons ont dû voir d’autres embrouilles arrivé de loin. La colocataire dont je ne sais même pas le nom vu qu’elle ne m’adresse pas la parole, va être heureuse d’avoir la maison pour elle toute seule. Elle ne va sûrement pas me voir de la journée.

Une fois mon petit-déjeuner engloutie je sors et monte dans ma voiture avant de filer à travers champ ou presque pour arriver à l’heure au parqué. Pour une fois, sur les routes il n’y a pas grand monde. En même temps, il est tôt et puis on est samedi.

Une fois garé sur le parking du palais (pour une fois il y a de la place), je grimpe à toute vitesse les quelques marches qui me sépare de la porte. À l’entrée, un vigile nous somme à tous d’appliquer du gel hydroalcoolique sur nos mains. Une fois que tout le monde est passé par l’étape désinfection et que chacun est à sa place dans la plus grande salle du tribunal, nous écoutons, votre honneur, parler. Cette fois il ne juge pas il informe. En effet, les gouvernements demandent à la justice de reporter provisoirement les affaires de jugements non-urgents. Il s’adresse particulièrement aux avocats spécialisés dans les affaires étrangères. Il précise que seuls les avocats d’affaires sont réunis dans cette salle et que les pénales sont dans la salle voisine. Je comprends mieux tout à coup pourquoi, je n’ai pas vu Malaïka en entrant ni dans cette salle.

Malaïka c’est une autre de mes sœurs, elle est avocate pour les affaires pénales. Beaucoup plus tendu comme secteur. On est tout les deux très occupés et on a du mal à s’entrevoir. Soudain, je jette un œil à mon téléphone que j’avais mis en silencieux. Mince un message ! En parlant du loup. C’est Malaïka qui doit s’ennuyer autant que moi, elle m’écrit :

— « Alors comme ça maintenant il sépare, les affaires et le pénales ! Tu écoutes ou tu rêvasses ?

Ma sœur ! Elle a toujours était impertinente, elle est avocate mais ce n’était pas gagné, elle a du mal à garder la langue dans sa poche. Les pénales lui vont bien. Les affaires elle ne pourrait pas, elle a du mal à faire semblant. Je lui réponds à la hâte, mais malgré mes efforts pour occulter mes doigts qui tapent sur le clavier, mes voisins, semblent me juger en me voyant faire autre chose que de porter une attention particulière à son honneur. Je réponds tout de même :

— Un peu des deux. Et toi ?

— Tu connais déjà la réponse.;)

S’en suit une explication d’un tas de mesures que le gouvernement va prendre, il reste vague et ne donne surtout pas de détails. Ce qui est sur c’est que c’est suffisamment important pour que cela perturbe nos affaires en cours. Ils nous informent que nous avons pour consigne d’instruire nos affaires en cours les plus urgentes aujourd’hui et lundi. Super ! Du travail, par-dessus la tête ! Mais pourquoi avant mardi ? Personne ne semble vouloir répondre.

Après un discours de plus d’une heure et demi, nous sommes tous invités à disposer. Nouveau tintement :

— On se retrouve dans le hall. Malaïka

Après plusieurs minutes pour que chacun sorte, je finis par atteindre la porte. Un des juges m’interpelle.

— Maître, il va falloir boucler l’affaire Martin aujourd’hui, je vous attends dans 15 minutes dans la salle d’audience à huit clos, les parties concernées sont déjà prévenu.

— Bien Monsieur le juge.

Les ennuis commencent voilà que les affaires se bousculent au portillon, conséquence de cette réunion qui visiblement est là pour donner l’alarme.

L’affaire Martin, c’était justement sur ça que je travaillais hier. Ouf ! C’était moins une. Je retrouve ma sœur à la hâte dans le hall. Elle m’interpelle aussitôt avec sa fougue habituelle :

— Omar, alors tu as des affaires aujourd’hui ?

— Oui, un dossier qui passe en audience dans 15 minutes.

Elle s’exclame, pour me taquiner :

— 15 minutes, Oh faut pas que tu traînes. Bon après ça va tu risques juste de faire perdre quelques milliards à une boîte qui en à le quadruple.

— Malaïka, très drôle, et toi tu n’as pas des méchants à faire arrêter aujourd’hui ?

Elle sourit et me répond :

— Si, j’ai du travail par-dessus la tête, on mange ensemble ce midi ? On va où Mao comme d’habitude ?

Je lui répondis à la hâte voyant les minutes passé :

— Va pour Mao, désolé mais je dois filer.

Elle répond :

— Vas-y file.

Je gambade dans le palais à toute vitesse, mes chaussures faisant encore du bruit sur le sol. Finalement j’arrive encore une fois presque en retard.

L’affaire est bouclé en moins de deux heures, un exploit vu le bazar qu’est ce dossier. Une vraie galère, je suis l’avocat de l’accusation. Les Martin ont essayé une arnaque à l’assurance franchement grossière. Mais il a un de mes confrères qui a le bras long et qui par des détours est très fort pour défendre ce genre d’arnaque. Finalement au bout de deux heures de joute verbal, le juge statue en faveur de la condamnation. Une grosse amande. En somme j’ai gagné.

 

À 12 h 30 Malaïka m’attends sur les marches du palais. Parfois certains de nos confrères respectif ont du mal à respecter sa position d’avocate. Elle a beaucoup de facteurs qui leur font penser que ce n’est qu’une gamine incapable de bien défendre des affaires sérieuse : c’est tout d’abord une femme, elle est noire, et elle refuse de se plier au standing des avocats qui mettent toujours une barrière entre eux et le reste du monde. Malaïka a 22 ans et c’est comme dirait certains une surdoué, elle a obtenu son diplôme d’avocat très jeune. Elle siége au parquet que depuis un an. Elle est encore commis d’office. Mais c’est en la regardant dans des moments comme cela que je la vois comme j’ai toujours adoré la voir. Elle est assise sur les marches, comme l’aurait été n’importe quel badaud. Avec sa robe d’avocat encore mis à la hâte dans son sac qui dépasse de la fermeture. Toujours bien apprêté mais abordable.

Ma relation avec Malaïka est différente de celle avec Sidney. Sidney c’est ma grande-sœur elle a toujours jouer son rôle de protectrice et grande décideuse. Alors que Malaïka, est comme mon alter ego. Elle a choisi de faire ce métier à cause de moi, elle me l’a toujours dit. Je me revois encore avec elle juste avant ses examens passant des week-end entier enfermer à réviser, elle m’était le nez dans mes dossiers. Elle voulait apprendre. Maintenant nous avons des affaires très différentes et je dois dire que cela n’est pas plus mal. Elle n’a pas à exister dans mon ombre ni moi dans la sienne, chacun son espace et son domaine de réussite pas de comparaison.

Elle se retourne et en me voyant range les dossiers qu’elle était en train de consulter. Puis elle se lève. Et me lance :

— Tu en à mis du temps ? Quelques milliards en plus à négocier ?

— Pas des milliards cette fois, et je ne défendais pas, j’étais à l’accusation.

Elle s’empresse de demander :

— Et tu as gagné ?

Je souris, c’est un jeu entre nous. Savoir si on avait gagné ou perdu. Comme des enfants qui jouent aux billes. Elle a mis une règle en place, si on gagne, l’autre devait nous offrir une bière et si on perd et bien c’est à nous de payer la bière.

Je finis par lever le suspense :

— Oui j’ai gagné tu me dois une bière !

— Qu’à cela ne tienne ! De toute façon on va déjeuner, je te la payerais en même temps ta bière. Dis-moi en ce moment monsieur gagne tout le temps, faudrait pas que ça te donne le melon.

Je ris et lui dit :

— T’inquiètes pas, je vais bien finir par tomber sur un os.

Elle prit un ton plus sérieux :

— Enfin, passer lundi, vous n’êtes pas prés de refiler la robe, il nous on dit que seuls les pénales était prioritaire.

Je réponds joueur :

— Ca va me faire des vacances.

Elle parait toujours aussi sérieuse :

— Des vacances, oui peut-être, mais j’ai l’impression que des choses étranges arrivent tu sais Juliana et Mia commence à s’inquiéter. Dans les hôpitaux c’est de pire en pire. Ils s’attendent à du lourd.

 

Ma sœur a raison, quelque chose arrive mais nous ne savons pas trop quoi.

Au Mao, il avait beaucoup de monde, manger rapidement est difficile.

Finalement nous arrivons comme toujours juste à l’heure pour nos affaires respectives. L’affaire de l’après-midi s’éternise. Après le palais je passe chez moi, prendre des affaires supplémentaires. Le plombier qui devait repérer m’informe qu’il ne viendra pas avant mardi. Autrement dit je vais devoir prolonger mon plan B à Marray. Je n’ai pas pris suffisamment d’affaires pour tenir jusque-là. Mon appartement n’est clairement pas habitable, la fuite à humidifié tout l’intérieur et ça commence à sentir le moisi. Je vais avoir une grosse assurance à faire jouer.

Reportant à nouveau un sac plein, avec en supplément, quelques courses que je fais sur le chemin du retour, je reprend la direction de Marray. Je veux apaiser les tensions avec ma nouvelle colocataire. Peut-être qu’un bon dîner ce soir fera l’affaire. La dernière fois, elle n’y a même pas touché.

En me garant devant la maison, je l’aperçois dans le jardin, elle est assise devant, attablée au salon de jardin, en métal forgé. Elle a son ordinateur posé sur la table. Je me demande bien ce qu’elle peut faire comme métier. Quelque chose qu’elle peut exercer sur son ordinateur visiblement. Je descends de la voiture, bien décider cette fois à engager le dialogue. Je prends mes affaires et me dirige vers le portail. Il est 18 h 15 passé, il fait encore jour et nous avons eu une belle journée ce qui explique sa présence dehors. Je lui lance aussitôt :

— Bonjour, désolé ce matin, je suis partie comme un voleur, j’avais une réunion importante au palais. J’espère ne pas vous avoir réveillé au moins ?

Elle leve la tête aussitôt de son écran et elle me répond timidement avec une mèche de cheveux devant les yeux :

— Non, je n’ai rien entendu.

Elle n’est toujours pas très bavarde, je décide tout de même de ne pas en rester là :

— D’ailleurs, je ne sais même pas encore, votre nom, vous vous appelez comment ?

Elle lance brièvement :

— Gabrielle.

— C’est un très joli nom ! Vous avez passé une bonne journée ?

Elle semble ne pas apprécier que je tente à tout pris de faire la conversation. Elle me lâche tout de même :

— Oui, il y a eu un beau soleil.

Voyant que visiblement je l’ennuie. Je prend congé :

— Bon, je vais monter ça là haut, je vous laisse tranquille.

Et j’ouvre la porte pas verrouillé, et monte directement au premier pour déposer mon fardeau. Je prend sur moi, de commencer l’élaboration d’un repas. J’ouvre la fenêtre donnant sur le devant de la maison et lui demande en prenant soin de ne pas l’effrayer :

— Si je cuisine des lasagnes ce soir, ça vous va ? Je fais quelques courses..

Elle paraît encore gêner :

— Euh vous n’êtes pas obligé d’en faire pour moi, ne vous inquiéter pas.

Elle résiste encore, mais loin de capituler je continue :

— Ca ne me dérange pas et puisque qu’on cohabite autant partager les tâches et vous allez voir je fais très bien les lasagnes.

Elle finit par lâcher prise :

— Très bien, si vous insistez.

Je referme la fenêtre et me dirige vers la cuisine, pour y préparer les lasagnes en question.

Elle dîne sans quasiment ouvrir la bouche, malgré mes tentatives de conversation. Je finis par abandonner. Lassé et fatigué d’avoir passé ma journée à parler. Etre avocat parfois, donne envie de se taire quand on rentre chez soi. Enfin là je rentre dans un chez moi provisoire. Pendant le repas, mon téléphone tinte, c’est Sidney, qui m’envoie une photo d’April et Daya en train de faire la cuisine, elle ont toutes les deux de la farine sur le nez. Je ris à la vue ces deux-là sans même me préoccuper de la femme assise en face de moi dans cette cuisine au bout milieu de la campagne.

Le repas finit, je décide d’abandonner mon travail pour la soirée et de m’installe dans ce petit coin canapé en dessus de l’escalier avec un bon bouquin que j’ai pris chez moi tout à l’heure.

 

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez