CASTALLIE
Quelle garce.
Quinn ne pouvait s’empêcher de pester intérieurement contre Alexi pendant qu’elle écumait les rues de Castallie. Les heures passaient, mais elle ne parvenait pas à remettre la main sur la voleuse de livre. Pourtant, elle avait fouillé toutes les cachettes de la Cité, aussi bien au bord de la mer que dans les vieilles maisons abandonnés qui longeaient les falaises. Mais rien n’y faisait : Alexi demeurait introuvable.
Quand la nuit tomba sur Castallie, Quinn sentit le désespoir s’emparer d’elle. Sans ce livre, trouver des pierres et comprendre leur fonctionnement serait bien plus compliqué que cela ne l’était déjà. Et sa vengeance, elle pourrait faire une croix dessus.
Quelle sale garce, pesta-t-elle une nouvelle fois.
Épuisée par cette interminable journée à courir après Alexi, Quinn capitula. Elle fit demi-tour, décidée à rentrer chez elle malgré le vol de son précieux livre. La mine défaite, elle longea les rues dont les commerces fermaient tous les uns après les autres. Alors qu’elle parvenait dans un passage étroit qui menait au mur de Castalie, une silhouette familière déboula dans sa direction.
— Alexi ? s’écria Quinn.
De loin, elle eut du mal à reconnaitre les traits de son visage mais sa chevelure flamboyante ne laissait aucun doute sur son identité. De plus, Quinn pouvait distinctement apercevoir son livre dans une des deux mains d’Alexi. Et dans l’autre, elle découvrit un objet noir et luisant.
Un pistolet à pierre.
Quinn eut un mouvement de recul. Si elle faisait le moindre geste, Alexi lui tirerait dessus. Si le pistolet contenait une pierre de lumière, Quinn se retrouverait seulement aveuglée. Par contre, si elle contenait une pierre de feu, ses blessures seraient bien plus grave et finir brûlée de la tête aux pieds n’était pas dans ses plans.
— Cours ! s’époumona Alexi en arrivant à sa hauteur.
— Quoi ? lâcha Quinn, incrédule.
Ce fut à cet instant qu’elle vit les cinq hommes à la poursuite d’Alexi. L’un d’entre eux boitait et trainait derrière ses acolytes. Les quatre autres, quant à eux, se rapprochaient dangereusement d'elle, un air féroce collé au visage.
— Bon sang Quinn ! Tire-toi !
Cette fois, elle n’eut pas à le répéter. Quinn tourna les talons et courut le plus vite possible. Les voix des hommes derrière elle se perdaient dans le bruit de ses pas précipités et du vent qui sifflait dans ses oreilles. Dans son esprit, ses pensées se percutaient les unes contre les autres si bien qu’elle ne parvenait pas à trouver de solution à cette fâcheuse situation. Elle n’aurait pas dû se retrouver dans cette course poursuite. Contrairement à Alexi, elle n’avait rien volé à qui que ce soit.
En tout cas, pas encore.
— Qu’est-ce qu’on fait ? lança-t-elle à Alexi tandis qu’elles s’approchaient de la côte.
— Fais moi confiance.
— Te faire confiance ? Tu te fous de moi ?
— Tu ne vas pas vraiment avoir le choix.
Alexi lui saisit le poignet et la poussa brusquement dans une impasse. La voleuse ouvrit une porte qui donnait sur un escalier mal éclairé. Quinn y descendit avec hésitation pendant qu’Alexi refermait la porte, les plongeant ainsi dans le noir.
— Dépêche-toi de descendre, il nous attend.
Les questions se multipliaient dans l’esprit de Quinn. Elle peinait à passer de marche en marche sans en manquer une. La descente fut si hasardeuse que la jeune femme crut mourrir de soulagement en tombant devant une nouvelle porte.
Elle l’ouvrit sans hésiter. Derrière la porte, elle découvrit une cave dont s’échappait une forte odeur de renfermée. La pièce était sale, basse de plafond et ne contenait d’une vieille table en bois, quelques chaises et un vieux lit simple calé contre le mur. Mais la seule chose dans cette pièce qui sut attirer son regard fut un homme. Assis contre le mur, il aiguisait de longs couteaux posés autour de lui. Sa peau excessivement blanche ressortait d’autant plus sous ses cheveux de la même couleur qu’un feu ardent.
— Samuel !
Alexi bouscula Quinn et courut dans les bras du jeune homme.
Au premier regard, Quinn se demanda si Alexi et le dénommé Samuel étaient amants, mais en les voyant l’un à côté de l’autre, leur ressemblance fut saisissante : ils étaient frère et soeur.
— Quinn, je te présente Samuel, mon frère jumeau. Samuel, je te présente la fameuse Quinn, la fille de Tregor, déclara Alexi. Elle est ici pour nous venir en aide.
— Certainement pas. Et comment sais-tu que je suis la fille de Tregor ? demanda finalement Quinn.
— Saturnine a fait des recherches sur toi, expliqua Samuel. C’est elle qui nous a conseillé de nous tourner vers toi en cas de problème à Castallie.
Ce nom bien trop familier à Quinn eut l’effet d’une décharge électrique.
— Saturnine ? Saturnine Evermore ?
— Oui, nous sommes en mission pour elle à Castallie, expliqua Alexi.
La situation prenait peu à peu une toute nouvelle ampleur. Saturnine n’était pas une femme ordinaire, mais le leader du peuple des ombres — ou du moins ce qu’il en restait. Elle provoquait régulièrement les quatre autres nations. Elle se battait jour et nuit depuis l’île aux diamants pour la survie de son peuple. D'après les rumeurs, c'était au fin fond de la forêt, dans la Cité des ombres, qu'elle orchestrait des missions dans le but de sauver les siens condamner à mort dans tout Méridia.
— C’est elle qui vous a demandé de voler la pierre de Lune, devina Quinn.
— Exactement, renchérit Samuel.
Afin de lui prouver qu’il ne lui mentait pas, Samuel s’approcha de la table où trainait un large sac brun. Il fouilla un court instant à l’intérieur avant d’en tirer une pierre de forme carré. Translucide et brillante, ses reflets légèrement argentés fascinèrent Quinn.
Toutefois, l’émerveillement fit rapidement place à l’effroi.
— Merde, merde, merde, pesta-t-elle.
Jusqu’à maintenant, elle restait sceptique quant au vol de la pierre de Lune. Mais cette pierre ressemblait trait pour trait à celle de son manuel. Maintenant qu’elle l’avait sous les yeux, elle comprenait combien la situation était grave.
— Mais depuis quand Saturnine s’intéresse-t-elle aux pierres ? s’exclama Quinn.
— Depuis qu’elle veut à tout prix arrêter l’homme sans visage.
— Elle ne vaut pas mieux que lui si elle vole d’autres pierres maudites.
— Surveille tes paroles ! intervint Samuel. L’homme sans visage agit par égoïsme ! Saturnine a un objectif noble ! Elle veut éviter à Méridia une nouvelle guerre en sauvant les pierres et en arrêtant ce criminel. Et elle veut aussi que le peuple des ombres redeviennent une nation, comme autrefois. Comme avant la guerre.
— Certes, mais si les autres nations découvrent que des descendants du peuple des ombres ont volé une pierre maudite, ils pourchasseront les nôtres plus encore qu’ils ne le font déjà aujourd’hui ! pesta Quinn.
— Ils nous tuent déjà tous ! s’époumona Samuel. Ca ne changerait rien !
— Arrêtez ! s’écria finalement Alexi.
Jusque là, Alexi restait en retrait en les écoutant. Agacée par leur comportement, elle reprit la pierre de Lune et la dissimula dans le sac.
— Écoute, Quinn, poursuivit Alexi. Nous ne voulons pas créer davantage de problème à Méridia. Mais si l’homme sans visage met la main sur toutes les pierres maudites, il deviendra incontrôlable ! On ne peut pas rester sans rien faire.
— Nous ne faisons que mettre les pierres en sécurité sur l’île aux diamants, là où il n’ira jamais les chercher, renchérit Samuel. Et une fois que nous l’aurons arrêté, nous rendrons les pierres à leurs gardiens et exigeront que le peuple des ombres soit à nouveau considéré comme une nation, et non comme des monstres.
Malgré son ton rassurant et ses intentions louables, Quinn continuait de se méfier. Elle garda le silence tandis que les jumeaux tentaient de la convaincre.
— Mais pour trouver les autres pierres et les mettre elles aussi en sécurité, on aura besoin de toi, dit Alexi.
Elle brandit le livre qu’elle avait volé à Quinn telle un trophée.
— Tu possèdes des livres interdits, souffla Samuel, incrédule.
— Oui, je le possède alors j’apprécierai si vous acceptiez de me le rendre.
— Je te rendrais si tu nous viens en aide, rétorqua Alexi.
— Je ne vois pas pourquoi je le ferai.
— Parce que j’imagine que toi aussi, tu ne veux pas que l’homme sans visage sème le chaos. Et j’imagine aussi que tu aimerais vivre autrement que comme une clandestine. Dans la peur et l’insécurité. Si tu nous aides, tu n’auras qu’à nous accompagner sur la route des pierres et nous communiquer tes connaissances. Nous ne te ferons courir aucun risque. Et tu seras très bien payée.
— Je t’ai déjà dit que l’argent ne m’intéresserait pas.
— Et si Saturnine acceptait de te céder des livres interdits ?
Quinn ne put répondre immédiatement. Samuel avait touché la corde sensible. Elle cherchait constamment à acquérir de nouveaux livres maudits comme son père le faisait autrefois. Mais voler ces précieux manuscrits se révélaient plus que difficile.
— Quels livres interdits ? s'intéressa Quinn.
— Viens voir ce qui t’intéresse dans sa bibliothèque privée, à la Cité des ombres. Elle te cédera tout ce que tu souhaites.
Cette proposition séduisait terriblement Quinn. Non seulement parce qu’elle possédait une passion dévorante pour ces livres, mais également parce qu’ils pouvaient l’aider à accomplir sa vengeance. Et rien ne comptait plus que sa vengeance.
— D’accord, dit Quinn. Dans ce cas, je viens avec vous.
Du coup, la rétine reste bien scotchée à l'écran, de manière à ne rien manquer !
L'écriture est toujours top, et ce futur trio risque fort de devenir attachant :).
Voilà mes notes prises en cours de lecture:
"Quelle garce."
Best first sentence ever !
"la voleuse de livre."
de livres ?
du livre ?
"abandonnés"
abandonnées
"les commerces fermaient tous les uns après les autres."
les commerces fermaient tous, les uns après les autres. ?
les commerces fermaient les uns après les autres. ?
"De loin, elle eut du mal à reconnaitre les traits de son visage mais sa chevelure"
visage, mais sa chevelure
"ses blessures seraient bien plus grave"
graves
"à quoi que ce soit."
à qui
"Je te rendrais si tu nous viens en aide"
Je te le rendrais
Bon courage pour la suite et à très vite ! :)
Concernant le point des répétitions de nom, c'est beaucoup moins sensible dans ce chapitre, bravo. Le seul endroit ou on le sent encore un peu c'est dans les discussion, quand tu fais références au interlocuteur, en dehors de ça c'est très bien sur ce point.
"[...] ils pourchasseront les nôtres plus encore qu’ils ne le font déjà aujourd’hui ! pesta April." j'ai pas compris d'où venez le "April", je sais pas si j'oublie un passage ou autre, après je suppose que c'est Quinn aux vus de l’enchaînement.
Pour ce qui en es du reste, j'ai bien aimé le passage de la scène d'action. L'arme m'a beaucoup intrigué et je suis avide de savoir le fonctionnement de tout l'arsenal de ce monde maintenant!! Hâte d'en lire plus à ce sujet. La présentation du restant du peuple des ombres est aussi très intéressante. Je suis pas mal intrigué par Saturnine, et j’attends d'en apprendre plus à son propos! De même je suis intrigué par les livres interdits et le savoir qu'ils peuvent contenir!
Enfin voila c'est encore un excellent chapitre, je ne saurai que dire de plus! J'attendrais la suite impatiemment, plein d'inspiration à toi et on se retrouve au prochain chapitre ;)