CASTALLIE
— Ouvrez !
Un homme frappa brutalement la porte de la maison. La mâchoire serrée, Quinn réfléchissait à toute vitesse à ce qu’elle devait faire. Livrer cette inconnue n’était définitivement pas une option envisageable ; cela reviendrait à la condamner à une mort certaine ; elle ne pouvait s’y résoudre.
Cependant, si elle la cachait ici, elle découvrirait forcément sa collection interdite.
Et merde, pesta-t-elle intérieurement.
La brute continuait de frapper à sa porte. Chaque coup résonnait douloureusement dans le crâne de Quinn. Cela ne l’aidait pas à prendre une décision. Au contraire, le regard implorant de la jeune femme finit par la convaincre.
— Tu vas aller là-dessous, murmura Quinn en lui faisait signe de la suivre.
Le plus rapidement possible, Quinn déplaça le coffre en bois qui dévoila une trappe secrète. Elle l’ouvrit et poussa la fugitive dans l'escalier étroit. Il menait à une pièce que Quinn avait toujours gardé secrète.
Enfin, jusqu’à ce jour.
— Reste ici sans faire de bruit, lui ordonna la jeune femme. Je reviens te chercher dès que je me suis débarrassée de ces hommes.
Sans attendre sa réponse, Quinn referma la trappe et replaça le coffre à sa place. Elle prit ensuite une profonde respiration et ouvrit la porte de sa maison. Plusieurs hommes massifs et armés apparurent devant ses yeux. Leurs visages lui étaient tous inconnus, à l’exception faite du grand blond qui avait frappé. Celui-ci, elle ne le connaissait que trop bien : Blake Jakenhall.
Quinn sentit le sol se dérober sous ses pieds. Cet homme qui la dévisageait froidement n’était autre que l’héritier de la famille la plus puissante du peuple des mers.
Comment cette fille a-t-elle pu se mettre ces gens à dos ? se demanda Quinn.
— Auriez-vous vu une femme grande et rousse passer par ici ? la questionna Blake de sa voix dure et froide.
— Non, répondit-elle le plus simplement possible.
— Vous en êtes certaines, mes hommes affirment pourtant qu’une femme a été aperçue juste à côté de chez vous.
— Peut-être, mais je viens à peine de rentrer chez moi et je n’ai rien vu.
Quinn peinait à conserver une expression neutre et sereine. L’angoisse qui grandissait en elle provoquait des tremblements incessants dans ses mains. Les Jakenhall avaient la réputation d’être de véritables monstres avec les personnes qui osaient les défier. Combien d’hommes et de femmes avaient-ils fait pendre sur la place publique ? Quinn ne s’en souvenait plus tant la liste de leur victimes était longue.
— Savez-vous ce qui arrivent aux personnes qui me mentent, mademoiselle ? lui demanda Blake en plongeant son regard d'acier dans le sien.
La voix de Blake glaça le sang de Quinn. Elle luttait intérieurement pour continuer à soutenir son regard. S’il découvrait qu’elle cachait sa proie, elle connaîtrait le même destin qu’elle.
Calme-toi Quinn ! Fais comme si de rien n’était.
— Je le sais, et je ne vous mens pas. Je n’ai vu personne par ici.
Blake l’examina en silence. Ses grands yeux gris parcoururent chaque millimètres de sa peau, comme s’il cherchait à la percer à jour avec son regard.
— Bien, nous repasserons, trancha Blake. Mais si vous voyez une femme grande et rousse, vous feriez mieux de m’avertir immédiatement.
— Puis-je savoir qui est cette femme exactement ? demanda Quinn.
— Une voleuse. Invitez-la chez vous et elle vous dépouillera de tous vos biens.
Un sourire crispé se dessina sur le visage de Quinn tandis qu’elle saluait Blake Jakenhall et ses hommes. Dès qu’elle eut refermé la porte, la jeune femme se précipita vers son coffre qu’elle poussa pour libérer la trappe. Elle descendit en quatrième vitesse au sous-sol.
Sa pièce débordait de livres, bien plus encore qu’à l’étage. Cette salle ne comportait que des étagères regorgeant de vieux ouvrages ainsi que d’une table de travail où Quinn pouvait lire en paix. C’était justement à cette table que l’inconnue s’était assise, un livre ouvert entre les mains.
— Maintenant tu vas me dire comment tu t’appelles, d’où tu viens et ce que tu as volé aux Jakenhall !
— Je m’appelle Alexi, avoua finalement la femme. Je viens de l’île aux diamants et je leur ai volé la pierre de Lune.
La pierre de Lune ?
Un long silence s'installa entre elles. Quinn ne pouvait la croire. Cette pierre faisait partie des dix pierres maudites. Elle appartenait aux Jakenhall depuis plus de 300 ans. Ils la conservaient jalousement dans une de leurs nombreuses propriétés gardée jour et nuit. La voler relevait du miracle.
— Montre-moi la pierre, exigea Quinn.
— Je ne l’ai pas sur moi, répondit Alexi avec un haussement d'épaules.
— Ah oui ? Qu’est-ce qui me prouve que tu l’as volé ?
— Moi, je ne peux rien prouver. Par contre, les Jakenhall ne tarderont pas à lancer tout Méridia à ma poursuite pour retrouver la pierre.
Son ton altier et son regard en coin aurait presque pu convaincre Quinn. Malheureusement, le vol de la pierre lui paraissait bien trop improbable pour qu’elle puisse la croire sur parole.
— Et maintenant, c’est à moi de poser les questions, poursuivit Alexi. Comment as-tu mis la main sur tous ces livres interdits ?
Elle désigna le livre qu’elle tenait dans la main. Quinn déglutit en découvrit le titre : « La couronne de cristal ». Il s’agissait là d’un des manuscrits condamnés par les 4 nations suite à la guerre des pendus.
— Posséder un seul de ces livres est aussi compliqué que dangereux, et toi, tu en possèdes au moins une centaine. « L’ombre des pendus », « Le sommeil de la Déesse-Mère », « Les Terres de Glace »…
— Ca ne te concerne pas, la coupa Quinn.
Alexi ignora sa remarque et poursuivit sa lecture. Elle finit par s’arrêter sur un ouvrage qui l’intéressait tout particulièrement. Elle saisit sa couverture rouge et dorée recouvert d’une mince couche de poussière.
— « Le véritable pouvoir des pierres magiques », lut Alexi avec un léger sourire. Toi aussi tu as l’air de t’intéresser aux pierres, vu le nombre de livres interdits que tu possèdes sur elles.
— Je ne m’y intéresse visiblement pas autant que toi.
— Mais tu sais des choses. Il me suffit de voir le nombre de livres que tu as lu pour le savoir. Alors j’aimerais que tu m’aides.
— T’aider à quoi ? À voler d’autres pierres ?
— Exactement.
Quinn se retint de lui rire au nez. Voler les pierres ? C’était de la folie ! La disparition de la pierre de brume, quelques semaines auparavant, avait déjà plongé Méridia dans le chaos. Les tensions entre les quatre nations n’avaient fait que croître depuis, et voler d’autres pierres maudites les intensifieraient plus encore. Continuer ainsi ruinerait ces 300 ans de paix. Et il y avait déjà l’homme sans visage. Cet homme dont personne ne connaissait le nom représentait une menace considérable pour la paix fragile de Méridia.
— Ne compte pas là dessus, déclara Quinn sans hésitation.
— Et pourquoi pas ? Imagine tout l’argent que tu pourrais te faire en les volant !
— L’argent ne m’intéresse pas.
— L’argent intéresse tout le monde, ricana Alexi.
Quinn ne se donna pas la peine de répondre. En réalité, il n’y avait qu’une seule chose qui l'intéressait réellement, et il ne s'agissait ni d'argent, ni des pierres, ni même de la paix entre les nations. Seule la vengeance l'obsédait.
— Très bien, soupira Alexi. Je laisse tomber, je n’aurai qu’à me débrouiller toute seule.
Elle réajusta sa longue cape sur ses épaules et s’approcha de la sortie. Arrivée près des escaliers, elle s’arrêta et lança un dernier regard en direction de Quinn.
— Merci de m’avoir caché. Je ne l’oublierai pas.
À ses mots, elle gravit les marches et disparut à l’étage. Quinn écouta un instant le bruit de ses pas. Ils firent craquer le parquet en bois de sa pièce à vivre et disparurent quand Alexi quitta la maison.
Enfin seule. Quinn put respirer un peu. Cette rencontre intense, bien que terriblement brève, l’avait épuisé. Comme si une tornade l’avait frappé de plein fouet.
Maintenant qu’elle savait ce qu’elle avait volé aux Jakenhall, Quinn ne pouvait rester les bras croisés. La pierre de Lune, elle la connaissait bien. Un de ses livres interdits évoquaient sa localisation, sa création ainsi que les pouvoirs extraordinaires qu’elle offrait à son possesseur : celui de guérir toutes les blessures. Cependant, Quinn voulait en savoir plus.
Elle s’approcha de son étagère où elle conservait tous ses bouquins concernant les pierres. Il y en avait pour tous les goûts : des vieux livres sur les pierres antiques, d’autres plus récents sur les pierres communes et sur les différentes façon de les trouver, ainsi que des livres plus rares sur les différents pouvoirs que recelaient ces petits objets.
Soudain, un espace vide pétrifia Quinn. Entre deux bouquins, il manquait un de ses manuscrits les plus précieux. Celui qu’elle tenait de son père. Celui qui lui avait tout appris concernant les pierres. Celui qu’Alexi avait cité quelques minutes auparavant.
« Le véritable pouvoir des pierres magiques »
— Elle a osé me le voler, souffla Quinn.
Immédiatement, Quinn remonta à l’étage. Elle referma la trappe et la bloqua à l’aide du coffre. À son tour, elle quitta sa maison, décidée elle aussi à retrouver Alexi. Tout comme Blake Jakenhall, elle comptait bien récupérer ce qui lui appartenait.
J'ai tout autant apprécier ce chapitre que le précédent ! Drôle de rencontre qui nourrit fort la curiosité :).
Voilà les notes que j'ai prise:
"de vieux bouquins "
Un petit peu familier par rapport à ton registre je trouve.
"Sa proposition dépassait toutes les attentes de Quinn."
Je ne sais pas si "attente" est le mot adéquat ici ^^'.
"Cette rencontre intense mais terriblement brève avec Alexi l’avait épuisé."
Cette rencontre intense, mais terriblement brève, avec Alexi l’avait épuisé. ?
"une tornade l’avait balayé"
balayée ?
Je file au chapitre suivant avec mon café :).
Pour ce qui est des pistes c'est toujours la même x) Ici par exemple pour Blake tu pourrais utiliser "l'héritier", "le chevalier", "le soldat", en fait tu as plein de possibilité, vu que c'est le seul des hommes détaillé, on sait assez facilement que tu parles de lui!! Pour Alexi "la voleuse", "l’intruse", ou même des périphrases comme "la belle aux cheveux roux" etc. Pour Quinn, "la propriétaire" quand elle parle des livres, "la complice".
Pour les points (très) positifs, ton style est de nouveaux très agréable à lire, et notamment tes discussion. C'est encore une fois bien rythmé, et tes explication du lore sont toujours aussi bien. On découvre les personnages par des voies détournées très bien pensé, et c'est un réel plaisir. J'apprécie beaucoup l'idée de présenter la bibliothèque secrète à travers les yeux d'Alexi qui connaît les livres, et pas simplement avec le narrateur. Encore une fois un final haletant aussi, qui donne envie de voir la suite. Et pareil tout est très obscure sur le rôle exacte des personnages (gentils ou méchants) et c'est très intelligent je trouve! Bref une lecture très agréable encore une fois!
J'aime bien Alexi, le fait qu'elle ait eu l'audace de voler cette pierre en connaissance des conséquences. On ne sait pas encore pourquoi et on espère que c'est pour une bonne raison.
Hâte d'en découvrir plus. J'attends la suite.
Bonne chance à Quinn, car elle semble ne pas avoir la confiance de ce Blake, du tout donc il va forcement la gêner dans sa poursuite d'Alexi.
Plus qu'a attendre la suite de cette aventure !
Moi qui pensais qu'Alexi serait reconnaissante envers Quinn.. Il s'avère qu'elle a osé lui voler son ouvrage le plus précieux ! Ce n'est pas très gentil. Mais cela signifie donc que les deux jeunes femmes vont se revoir, et il me tarde de voir comment vont se passer leurs retrouvailles.. Cela risque d'être quelque peu électrique. Par ailleurs, on connaît désormais son identité et les raisons pour lesquelles elle est pourchassée.. Mais je me demande maintenant pourquoi la pierre n'est-elle pas avec elle.. Et si elle était complice de l'homme sans visage ? Très mystérieux. C'est vraiment intriguant et intéressant, j'adore découvrir petit à petit le fil de ton histoire. Ta plume est si fluide et agréable à lire :)