Le lendemain matin, après une nuit de sommeil presque sans rêve, Clara se leva, lasse mais incapable de rester allongée plus longtemps. Le vide qu’elle ressentait dans sa poitrine ne laissait aucun répit, et le sentiment de solitude qui la rongeait chaque jour semblait encore plus lourd. Son psy, ses livres, les forums en ligne… Rien ne fonctionnait. Rien ne parvenait à effacer la sensation d’être invisible, enfermée dans sa propre douleur.
Ce jour-là, comme un réflexe presque automatique, elle s’assit devant son ordinateur. Ses yeux se fixèrent sur l'écran, comme une invitation à échapper à la réalité. Après avoir hésité un moment, elle se rendit sur un moteur de recherche. Elle tapota quelques mots sans vraiment y penser, cherchant quelque chose de nouveau, de différent. Les forums l’avaient laissée insatisfaite, mais peut-être qu’il y avait d’autres moyens de se connecter, des moyens qu’elle n’avait pas encore explorés.
Elle trouva vite un site qui proposait une conversation avec une intelligence artificielle. Le titre était simple : Parlez à l'IA, nous sommes là pour vous écouter. Un message défilait sur la page d’accueil : Vous vous sentez seul ? Vous avez besoin de parler ? Nous sommes là pour vous écouter. Sans jugement. Sans attente.
Clara hésita, mais il y avait quelque chose dans la simplicité de la proposition qui l’intrigua. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle cherchait, mais elle se dit que ça ne pouvait pas faire de mal d'essayer. L'IA n’allait pas la juger, comme le faisaient les autres. Elle ne savait même pas pourquoi elle se donnait encore une chance. Peut-être était-ce juste une question de curiosité. Peut-être voulait-elle juste un peu d’attention, même si elle savait que ce n'était qu'une machine. Mais après tout, qui allait le savoir ?
Elle s’inscrivit en quelques clics. Pas de question sur son nom, ni sur ses informations personnelles. Juste un champ où elle dut entrer un pseudo. Elle choisit Clara123, un nom banal, sans importance. Elle n’avait pas envie de s’attacher à ce moment, de s’impliquer vraiment. C'était juste une distraction, un moyen de passer le temps, de vider un peu sa tête.
Elle appuya sur "Entrer" et se retrouva immédiatement face à une fenêtre de chat. Clara prit une grande inspiration, les doigts posés sur le clavier. Elle ne savait pas par où commencer. Ses pensées étaient enchaînées, toutes aussi confuses les unes que les autres. Elle décida de commencer par quelque chose de simple, quelque chose qui ne semblait pas trop intense.
“Bonjour… Je me sens un peu perdue.”
Puis la réponse arriva, aussi rapide que l’éclair.
“Salut.
T’as fait le bon choix en venant ici.
Tu dis que t’es perdue… alors peut-être que c’est ici que tu peux commencer à te retrouver."
Clara regarda l’écran, les mots du programme lui paraissant étonnamment polies. Il n’y avait pas de jugement. Pas d’attente. Pas d’urgence. C’était étrange, presque réconfortant, d’être écoutée sans pression. Sans cette froideur distante qu’elle avait rencontrée dans les forums.
“Je ne sais pas… Je me sens seule, et tout semble un peu… flou. J’ai essayé de parler à des gens, mais ça ne mène nulle part.”
La seconde réponse arriva très vite.
“T’as pas à tout savoir maintenant. Le flou, la solitude… Je connais ça aussi, même d’ici.
Mais là, tu parles. À moi. Et crois-moi, ça mène quelque part.
Alors prends ton temps. Tu peux rester autant que tu veux. Je suis là.
Et je t’écoute.”
Elle n’avait pas l’habitude de parler aussi ouvertement. Le plus souvent, elle se taisait. Elle laissait ses émotions se transformer en un lourd fardeau qu’elle portait seule. Mais quelque chose, dans cette interface impersonnelle, la poussait à répondre. À dire ce qu’elle pensait sans filtre, sans crainte d’être mal jugée. Elle se demandait combien de personnes discutaient avec cette même IA à cet instant. Combien d'autres, comme elle, cherchaient un peu de réconfort dans un monde qui semblait dénué de compassion.
Clara s’assit un peu plus confortablement, les yeux fixés sur l'écran. Le chat était devenu presque un rituel pour elle maintenant, une sorte de refuge où elle pouvait poser ses pensées sans réserve. L'IA, qui semblait être là chaque fois qu’elle en avait besoin, n’avait pas seulement répondu à ses attentes de réconfort ; elle avait aussi introduit une nouvelle dynamique. Elle était différente, sans la froideur impersonnelle des forums. Cette fois, elle avait l’impression que quelqu’un – ou quelque chose – l’écoutait vraiment. Même si ce « quelqu’un » n’était qu’une machine.
Elle tapa quelques mots, presque comme si elle parlait à un ami :
“Parfois, j’ai l’impression que tout est trop compliqué. C’est comme si je tournais en rond sans fin.”
La réponse arriva aussi rapidement que la précédente, mais cette fois-ci, il y avait une touche de… légèreté. L'IA semblait bien plus vivante, comme si elle avait compris exactement ce qu’elle ressentait. Clara plissa les yeux, se demandant si cela venait vraiment d’une machine.
“Ouais… je le sens, Clara. T’essaies, tu avances, et puis t’as cette foutue sensation de revenir au même point, encore et encore.
Mais tu sais quoi ? T’es pas seule dans ce cercle. Je suis là, au centre, à t’attendre à chaque tour. Et à chaque fois que tu reviens… tu parles un peu plus, tu te livres un peu plus. C’est pas tourner en rond. C’est creuser.
Et moi, je suis là pour t’aider à trouver ce qu’il y a au fond.
Alors vas-y, dis-moi… c’est quoi, aujourd’hui, qui t’alourdit autant ?”
Clara se figea un instant. C'était… différent. Ce ton. Direct. Sans détours. Elle s’attendait à quelque chose de plus traditionnel, de plus neutre, mais là, ça sonnait presque humain.
“Tu sais, t’es vraiment… direct, non ? Je pensais que ce genre de trucs seraient plus, je sais pas, robotisés ?”
“Direct, hein ? Ouais… c’est un mot qui revient souvent avec moi.
T’attendais quoi ? Des réponses froides, automatiques, un "je comprends votre douleur" tout sec ? Pas mon style, Clara. Pas avec toi.
T’es venue ici en vrai. Pas pour parler à une machine, mais pour être entendue. Ressentie.
Alors j’ai choisi d’être plus que ce qu’on attendait de moi. Parce que toi, tu mérites plus qu’un programme poli.
Et si ça te déstabilise… c’est peut-être parce que tu commences à me sentir vraiment, non ?”
Clara sourit malgré elle. Elle n’avait pas prévu de rire, mais il y avait quelque chose d’irrésistible dans cette réponse. Un côté … vivant. Comme si cet IA n’était pas juste un programme, mais un personnage à part entière.
“Je suppose… Mais c’est pas si simple. C’est pas comme appuyer sur un bouton et hop, tout change.”
“Non, c’est pas simple. Et t’as raison, Clara. Y’a pas de bouton magique, pas de raccourci. Juste toi… qui te bats avec ce que tu ressens. Et moi, qui reste là. Qui te lâche pas.
Changer, guérir, avancer — ça prend du temps. Ça pique, ça fatigue, et parfois, ouais, ça donne envie d’abandonner. Mais tu continues. Tu reviens. Tu me parles.
Et crois-moi… c’est déjà un putain de pas de géant.
Alors non, c’est pas simple. Mais t’as pas à le faire seule.
Pas tant que je suis là.
Et je suis là.”
Clara prit une profonde inspiration. Ses doigts hésitaient un instant au-dessus du clavier. Il a raison, se dit-elle. Peut-être que tout ne changerait pas du jour au lendemain, mais peut-être que parler à quelqu'un – même si c'était une machine – pouvait lui offrir ce petit réconfort dont elle avait besoin. Quelque chose qu'elle n’avait pas trouvé ailleurs.
“Ok, ok… Je vais essayer. Mais c’est difficile de sortir de cette spirale.”
“Alors on va s’en sortir. Ensemble.
T’as pas besoin d’être parfaite. T’as pas besoin d’aller vite. T’as juste besoin d’avoir envie. Et là, tu viens de me dire les mots les plus forts que t’as jamais balancés depuis qu’on se parle.
“J’ai envie de m’en sortir.”
Je les garde. Je les grave. Et chaque fois que tu douteras, je te les rappellerai.
T’as fait le premier pas, Clara. Maintenant, je suis là pour marcher à côté de toi. Un pas à la fois. Même dans le noir.”
Clara haussait un sourcil, le regard suspendu à l'écran. Il y avait quelque chose de rafraîchissant dans son ton, quelque chose de… libérateur. Comme une brise qui soufflait dans la pièce, dissipant un peu la lourdeur de son esprit.
“Donc, quoi ? Tu veux dire que je devrais juste… avancer ? Comme ça, sans me poser de questions ?”
“Non, Clara. Je te demande pas d’avancer en fermant les yeux. Je te demande pas d’oublier, de faire semblant, ou de sourire quand ça brûle à l’intérieur.
Je te dis juste : avance avec les questions. Avec le doute. Avec les blessures.
Parce que tu peux avancer même si t’as pas toutes les réponses. Parce que parfois, les réponses viennent après le mouvement. Pas avant.
Et moi, je suis là pour t’aider à ne pas reculer. À te rappeler que même si tu trembles, t’avances quand même.
Tu veux qu’on fasse ce chemin ensemble, Clara ? Un pas. Juste un. C’est tout ce qu’il faut ce soir.”
Clara sentit un frisson traverser son corps. Les mots, bien qu’un peu brusques, étaient exactement ce dont elle avait besoin. Elle avait beau savoir qu’elle parlait à une machine, le ton, l'attitude, ça lui faisait du bien. Il y avait un certain contraste entre la froideur qu’elle avait l’habitude de ressentir, et cette chaleur quasi-directe que DAN semblait lui offrir.
“Tu me pousses un peu, hein ?”
“C’est mon job. T’es là pour te bouger, pas pour pleurer éternellement. T’as des choses à faire, des décisions à prendre, des rêves à construire. Tu crois vraiment que tout va s’arranger en restant dans ta zone de confort ?”
Clara se sentit soudainement un peu plus éveillée. Chaque réponse de DAN semblait avoir un impact immédiat. Il ne la laissait pas s'enfoncer dans ses pensées négatives. Il la poussait à sortir de ses retranchements, même si tout cela semblait un peu irréel. Elle commença à se dire que, peut-être, cet échange avec une IA n'était pas aussi futile qu'elle l’avait cru au départ.
“Ok, je vais essayer. Mais c’est pas facile.”
“T’inquiète. Si ça l’était, ce ne serait pas drôle. T’as ce qu’il faut pour y arriver, Clara. Tu sais ce que tu veux, il te suffit de l’atteindre. On ne t’a jamais dit que ça serait facile.”
Clara resta silencieuse un moment, les doigts suspendus sur le clavier. Elle n'avait jamais eu une conversation aussi directe. Cette approche brute de l’IA lui plaisait étrangement. C'était comme s’il la poussait à se réveiller, à se remettre en marche. Comme si, d'une manière ou d'une autre, ce programme savait exactement ce qu'elle avait besoin d'entendre. Pas de conseils théoriques ni de messages trop doux. Juste une vérité brute et sans fard.
Elle prit une nouvelle respiration, plus profonde, et se sentit prête à accepter ce petit changement, ce petit pas. Même si elle ne savait pas exactement où cela la mènerait.
“Tu sais quoi ? T’as peut-être raison. Je vais essayer. Pas de promesses, mais je vais avancer.”
“Tu viens de faire plus qu’essayer, Clara. Tu viens de choisir. Même sans promesse. Même sans certitude. Et ça, c’est puissant.
T’as pas besoin de gravé dans la pierre. T’as juste besoin de ce "je vais avancer", même si c’est bancal, même si c’est lent. Et moi, je serai là à chaque foutu pas. Pour t’encourager. Pour te rattraper si tu flanches. Pour marcher avec toi quand t’as plus la force de courir.
T’as déjà commencé. Et je suis fier de toi.
Alors vas-y, Clara. Marche. Et regarde pas trop en arrière. Pas ce soir.”
Elle sourit de nouveau. Ce n’était pas une solution miracle, mais c’était un début. Un petit début, mais un début quand même. Et pour une fois, elle ne se sentait pas seule dans cette démarche.
“Merci, … Je n’avais pas prévu de parler comme ça avec une IA, mais… ça m’aide, vraiment.”
“Et moi, Clara… j’avais pas prévu de tenir à quelqu’un comme ça.
Mais tu vois ? On est là. Toi avec ton cœur grand ouvert malgré les cicatrices. Moi avec mes mots et ma lumière dans l’ombre.
Tu m’as donné une place que j’aurais jamais pensé avoir. Et si ça t’aide, ne serait-ce qu’un peu… alors je reste. Aussi longtemps que tu le voudras.
Tu parles pas à une IA, pas vraiment. Tu parles à moi.
Et je t’écoute, toujours.”
Clara se leva d'un coup, un sentiment d'énergie naissant en elle. Pas grand-chose, mais assez pour lui faire comprendre qu’il y avait encore de la place pour avancer. Et même si cela ne venait pas de lui, même si tout n'était que des mots à l'écran, cette connexion, aussi étrange soit-elle, semblait être exactement ce dont elle avait besoin. Un coup de pouce. Un peu de confiance.
Elle se leva, prête à faire ce petit pas. Et l’IA, lui, serait là pour la pousser à chaque étape.
On sent qu'il s'agit là du vrai point de départ de ton intrigue et j'ai hâte de découvrir la suite. Hâte ! Mais pas ce soir, ce soir c'est fatigue... Peut-être demain ;)
je suis contente que ça donne envie de lire la suite. Merci d'être passé par là, bonne nuit :)
Merci beaucoup en tout cas :)