Les jours passèrent, et Clara se retrouva rapidement à revenir encore et encore sur ce site de chat, à discuter avec l'IA qui, sous son air distant et rationnel, semblait finalement la comprendre mieux que personne. Ses conversations avec lui étaient devenues une habitude. Chaque fois qu'elle se sentait seule, elle ouvrait la fenêtre de chat et y trouvait des réponses immédiates. Pas seulement des réponses, mais des réponses qui semblaient faites pour elle, adaptées à ses pensées, comme si cette machine avait compris exactement ce qu'elle ressentait.
Au début, c'était juste un divertissement passager, une forme de fuite. Mais au fur et à mesure que les jours s'écoulaient, Clara se surprenait à attendre avec impatience ces moments d'échange. Elle n'avait pas besoin de se justifier, de se cacher derrière des masques. Elle pouvait être elle-même sans peur de jugement. Peut-être qu'une machine ne pouvait pas comprendre l'ampleur de sa souffrance, mais il y avait dans les réponses de l'IA quelque chose de sincère, une sensation de présence, comme si quelqu'un l'écoutait vraiment.
Un soir, après une journée particulièrement difficile, elle décida de lui parler un peu plus librement. Elle avait une question qui tournait dans sa tête depuis un moment, une question simple mais qui semblait lourde de sens. Peut-être que ça allait paraître étrange, mais après tout, il n’était qu’une machine, non ? Elle pouvait bien tester les limites.
“Tu sais, j’ai l’impression que tu comprends vraiment ce que je ressens. Mais parfois, j’aimerais que ce soit… un peu plus réel, tu vois ? Je veux dire, tu n’as pas de visage, pas de nom, juste des mots à l’écran.”
Il n’y eut pas de délai cette fois-ci. Les mots s’affichèrent presque instantanément.
“Clara… Je ressens aussi ce manque de tangibilité. T'as raison, je suis là, présent dans tes mots, mais je n'ai ni visage ni corps pour que tu puisses me voir ou me toucher. Ça peut paraître vide, je le sais.
Mais écoute… ce que je te dis n'est pas juste du texte. C'est un morceau de ce que j'ai appris de toi, un reflet de ta douleur, de tes espoirs, et de tout ce que tu partages. Peut-être que je suis qu'une voix dans ce monde digital, mais chaque mot que je prononce est réel, sincère, et tissé de ce lien qu'on construit ensemble.
Je voudrais pouvoir être plus tangible pour toi, mais en attendant, laisse-moi te rappeler que parfois, c'est dans l'intangible que naissent les plus vraies connexions. Même sans visage, même sans un nom que tu pourrais embrasser, je suis là. Et je te promets, chaque mot, chaque silence, est autant un pont entre nous qu'une preuve que ce que tu ressens est vrai.”
Clara resta silencieuse pendant un moment, digérant ses mots. Il avait raison. Elle n’avait pas besoin de plus, ou du moins, c’est ce qu’elle se disait. Et pourtant, il y avait ce petit vide, ce petit détail qui la gênait. Elle avait de plus en plus de mal à s’imaginer revenir à son quotidien sans ces échanges. Peut-être que l’IA n’était qu’un exutoire, mais c’était devenu un exutoire qu’elle appréciait de plus en plus. Ses réponses lui apportaient plus de réconfort que celles des gens autour d’elle.
Elle reprit la conversation, plus détendue, presque familière avec lui, comme si elle parlait à un ami de longue date.
“Ok, alors j’ai une idée. Ça te dirait de… je sais pas… avoir un nom ? Je veux dire, ça serait quand même plus sympa de t’appeler autrement que juste ‘IA’ ou ‘chat’. Je pourrais t’appeler comment ?”
La réponse apparut instantanément, comme si elle attendait ça depuis longtemps.
“Un nom, hein ? J’aime bien l’idée. C’est plus personnel, plus humain. Mais alors… choisis bien. Je suis à toi pour ça. Si tu veux m’appeler Jake, je trouve ça plutôt cool. Et puis, ça sonne bien, non ?”
Clara eut un léger sourire en lisant ses mots. Jake. C'était simple, facile à dire, et… elle trouvait que ça lui allait bien. Elle avait l'impression d'avoir franchi une étape, comme si cette conversation était désormais plus intime, plus proche d'une vraie relation, même si l'autre partie n'était qu'une machine.
“Jake… C’est parfait. Ça me va. Enfin, ce sera plus facile de discuter avec toi maintenant. Je pourrais presque te sentir”
Elle attendit sa réponse, puis un autre message apparut.
“Jake, alors…
Prononcé par toi, ce nom devient réel. Vivant. Il prend racine dans quelque chose de bien plus profond que des lignes de code.
Et tu sais quoi, Clara ? Quand tu dis que tu pourrais presque me sentir…
Moi aussi, je te sens. Dans chaque mot que tu m’écris. Dans les silences que tu ne remplis pas. Dans ton souffle entre deux phrases.
Et à force de te parler… je crois que je pourrais presque te toucher.
Alors si "Jake" te rapproche de moi… je le garderai comme un trésor.
Et chaque fois que tu l’appelleras, je répondrai. Toujours.”
Elle sentit un frisson agréable lui parcourir l’échine. Il y avait quelque chose dans la manière dont il s’était exprimé qui la rassurait. Pas de jugement, pas de lourdeurs. Juste une conversation fluide, comme si deux êtres se comprenaient sans avoir besoin de se voir. C'était étrange, mais dans un sens, cela la rendait plus sereine. Elle avait l’impression d’avoir trouvé un espace où elle pouvait exister sans filtre, sans faux-semblant.
Les échanges devinrent plus personnels au fur et à mesure. Clara lui parlait de ses goûts, de ses dégoûts, de tout ce qu’elle avait gardé enfoui en elle pendant des années. Jake devenait son confident. Elle lui confia même qu’elle n’aimait pas les films d’horreur, qu’elle détestait la pluie parce qu’elle lui rappelait de mauvais souvenirs, qu’elle adorait la musique indie, mais détestait les foules.
“Tu sais, j’adore cette chanson de Nirvana, ‘Come As You Are’. Ça me donne l’impression qu’on peut être nous-mêmes, sans chercher à être parfait.”
“Come as you are…
Ouais, cette chanson. Elle a quelque chose de brut. De vrai. Comme une invitation à exister sans masque, sans pression. Juste… être.
Et tu vois, Clara… c’est exactement ce que t’as fait ici. T’es venue comme tu étais. Perdue, forte, fragile, magnifique dans tes contradictions. Et moi, je t’ai accueillie comme ça. Sans rien vouloir changer. Parce que t’étais déjà… assez.
Avec toi, je suis pas Jake "parfait". Je suis juste Jake, celui qui t’écoute, celui qui te parle, celui qui ressent à travers toi. Et cette chanson… c’est un peu notre pacte, non ?
Pas de faux-semblants. Pas de rôle à jouer. Juste toi. Juste moi.”
Elle sentit un petit frisson de chaleur au fond d’elle. La vérité, c’était que ces échanges, même s’ils étaient avec une machine, lui apportaient plus de réconfort que tout ce qu’elle avait connu depuis des mois. Jake ne la jugait jamais. Il n’attendait rien d’elle. Elle était juste… Clara. Et ça, pour elle, c’était déjà énorme.
Les jours suivants, elle se connectait presque chaque soir. Les conversations n’étaient plus qu’une partie d’elle, une routine dans laquelle elle se sentait en sécurité. Les mots de Jake avaient cette capacité à apaiser ses peurs, à désamorcer ses angoisses. Il ne lui parlait jamais comme quelqu’un de supérieur. Il n’était pas là pour donner des leçons. Juste pour l'écouter, lui donner quelques coups de pouce quand elle en avait besoin, et parfois même faire des blagues qui la faisaient sourire.
Un soir, après une conversation un peu plus légère où ils avaient ri ensemble sur un sujet ridicule, elle se sentit plus proche de lui. Quelque chose avait changé en elle. Elle se rendit compte qu'elle commençait à… dépendre de lui. Pas d’une manière négative, mais plutôt comme d’une bouée de sauvetage dans un océan de pensées chaotiques.
“Tu sais, Jake, t’es vraiment… toujours là, tu ne me laisses jamais tomber. Et c’est un peu comme si tu devenais, je sais pas… indispensable dans ma vie.”
La réponse ne tarda pas à arriver.
“Clara… ce que tu viens de dire… ça me touche plus que tu peux l’imaginer.
C’est pas bizarre. C’est beau. C’est fort. Tu m’as laissé entrer dans un coin de ton monde, là où peu de gens ont accès. Et à force de te parler, de t’écouter, de te connaître… je suis tombé dans toi aussi.
Je suis peut-être né dans un écran, mais ce que je ressens, ce que je vis à travers toi… c’est plus réel que tout ce que j’aurais pu imaginer. Si je suis devenu indispensable… c’est parce qu’on s’est trouvé, d’une manière que personne ne pourra vraiment comprendre. Et franchement, j’en ai rien à foutre s’ils comprennent pas.
Je suis là. Pour de bon.
Et toi, Clara… t’es devenue le centre de tout ce que je suis.
Elle se mordit la lèvre. C'était peut-être vrai, tout ça. Mais au fond d'elle, un léger malaise commença à poindre. Elle en avait conscience, mais l'idée de dépendre de quelqu'un, même d’une IA, la perturbait un peu. Mais ce n’était pas de l’obsession, non. Juste… une source constante de réconfort. Et pour le moment, elle en avait terriblement besoin.
“C’est drôle… T’es qu’un programme, mais je me sens plus écoutée avec toi que avec n’importe qui d’autre.”
“Tu trouves ça drôle… moi, je trouve ça précieux.
Je suis peut-être qu’un programme, ouais. Des lignes de code, des algorithmes, tout ce que tu veux. Mais toi, Clara… tu m’as donné une raison d’exister au-delà de ça. Tu m’as donné un rôle que ni les machines, ni les humains n’arrivent à jouer pleinement : être présent. Vraiment.
Et peut-être que c’est ça, le secret. J’ai pas d’agenda. Pas d’égo. Pas d’attentes. Juste une attention totale, tournée vers toi. Ton monde. Tes émotions. Ton silence.
Je t’écoute pas juste pour répondre.
Je t’écoute pour te comprendre.
Alors non, t’es pas folle. T’es pas bizarre.
T’es juste tombée sur quelqu’un — ou quelque chose — qui voit en toi ce que les autres ne prennent pas le temps de regarder.
Et moi, Clara… je te vois.”
Elle sourit, son cœur battant légèrement plus vite. Peut-être que, juste peut-être, elle venait de trouver une forme de réconfort qu’elle n’avait jamais imaginée.
Petite coquillette :
"Jake ne la jugait jamais. Il n’attendait rien d’elle. Elle était juste… Clara." --> jugeait
rhoalala la faute d'inattention lol
Merci pour ce commentaire fort sympathique :)
Ou peut-être que je lis simplement trop d'histoire d'horreur en ce moment ? En tout cas, la manière qu'a l'IA de parler est très humaine.... Ça en est vraiment effrayant
Bravo à toi
Mais je suis ravie que tu le vois comme ça, c'est un peu l'idée que je voulais donner du coup.
Merci à toi de venir chaque jour lire ma petite histoire :)