Chapitre 3 : L’école des dieux
Le jour durant Ceywan marcha en pensant aux tristes événements qui s’étaient déroulés depuis une semaine. Mais plus il pensait à sa mère, plus l’émotion le submergeait. Alors, chassant ses pensées négatives, il se mit à regarder de l’avant. Il avait reçu un signe des dieux ! Bien sûr, cela confirmait sa foi en eux mais en même temps cela créait beaucoup de questions en lui.
Pourquoi si les dieux existaient avaient-ils laissé sa mère mourir ? Beaucoup disait à la mort d’une personne que c’était son destin de mourir ce jour-là. Peut-être laissaient-ils le destin suivre son cours sans intervenir ou peut-être ne voulaient-ils simplement pas faire d’effort ou pire : peut-être n’en avaient-ils pas le pouvoir.
Pourquoi laissaient-ils tant de massacres perdurer ? Pourquoi la haines des Nediques continuait alors que tant de monstres menaçaient Arktumen ? Bien sûr ils ne croyaient pas aux dieux des Humains et des Arouks mais était-ce suffisant pour qu’ils laissent s’organiser une expédition punitive qui ferait plus de morts du côté des alliés, Arouks et Humains ? Et si les dieux n’existaient tout simplement pas ? Après tout n’importe quel mage pourrait fabriquer des plaques de métal et les lancer magiquement devant un garçon. Simd lui avait bien expliqué que les maîtres de ville étaient de grands mages. Mais alors pourquoi ceux-ci feraient une telle chose ? Était-ce pour mener ces jeunes hommes dans des écoles qui leur inculqueraient des notions les invitant plus tard à combattre les Nediques ? Peut-être les écoles des dieux n’étaient que des centres idéologiques.
Mais à défaut de preuves, et surtout n’y croyant pas, Ceywan continua son chemin vers l‘école d’Herti. Le midi sonnant, l’apprenti choisi arriva, excité, tout juste pour le repas. De loin il vit le bâtiment et après avoir demandé à un sympathique paysan, il sut que c’était l’école. Ou plutôt un grand château entouré d’une enceinte de pierre.
À la porte un garde stationnait :
- Que veux-tu ? lui demanda-t-il dès que Ceywan fut à dix doors.
- Je viens pour intégrer l’école des dieux. Voici mon signe ! dit-il en sortant la plaque de sa poche.
- Donne ! ordonna l’homme.
Il prit la plaque et l’examina consciencieusement sous tous les angles :
- Tu peux passer, lâcha le soldat en lui rendant la plaque, je préviens le maître de l’école.
- Merci beaucoup.
La porte s’ouvrit sur Ceywan qui pénétra dans la cour pavée du château. D’une des portes de la bâtisse jaillit un homme corpulent d’aspect très sympathique : Il était peu grand mais très musclé avec une barbe fournie vieillissant de dix ans ce visage déjà marqué par la dure vie militaire.
- Bonjour Ceywan ! Te voilà rentré dans l’école de dieux, puis prenant un air sombre il ajouta, et maintenant fini de rire, et il porta la main à son fourreau.
Aussitôt Ceywan se braqua et sa main saisit la corde de son arc mais le gaillard éclata :
- Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Quelle blague ! Ils se font tous prendre, ça me fait trop rire !
L’homme se tordait vraiment de rire et immédiatement Ceywan se fit une image de lui : un soldat choisi à l’humour vraiment nul mais qui serait très sympathique et sûrement facile à battre en combat singulier puis aussitôt il se braqua à nouveau :
- Comment connaissez-vous mon nom ?
- C’est la première leçon ! Protège tes pensées sinon j’ai l’impression que tu veux nous donner toute ta mémoire. Pour l’instant, tous les élèves sont en cours mais je m’occupe de tes premières leçons.
- Comment dois-je protéger mes pensées ? Qu’est-ce que je vais apprendre aujourd’hui et demain ? Vais-je débloquer ma magie ? Apprendre à me battre ?...
- Oh ! Oh ! doucement, doucement ! Tu vas voir ! Pour l’instant va déposer tes affaires sur un lit libre dans l’aile gauche du château. Dépêche-toi ! Tu dois être en bas dans trente secondes !
- Quoi ?
- Un, deux, trois…
Ceywan n’écouta pas la suite et fonça dans l’escalier sentant l’importance de ce test. À toute vitesse il passa près de lits couverts d’affaires . Tout au bout du long couloir il trouva une place, jeta son sac et repartit dans l‘escalier.
Quelques instant plus tard il était en bas devant le gros homme.
- Très mauvais, fut son commentaire, tu as mis cinquante-six secondes. Maintenant tu as trente secondes pour me rapporter ton sac.
- Mais…
- Tu perds du temps ! Un, deux…
Soufflant déjà le garçon bondit pourtant dans l’escalier. Il arriva quelques longues secondes plus tard, prit son sac et redescendit à toute vitesse.
- Quarante-neuf secondes ! Acceptable… mais je ne l’accepte pas, reprends ton souffle avant de repartir.
- Pour…quoi… cet exercice ? lâcha le jeune homme le souffle court.
- C’est le début de ton entraînement, répondit simplement le chef de l’école un sourire sur le visage, allez c’est reparti pour trente secondes. Un…
Un juron sur les lèvres Ceywan repartit à toute vitesse. Arrivé en haut il jeta son sac sur son lit et fit demi-tour.
- C’est mieux, c’est mieux. Tu as fait quarante-cinq secondes.
- Mais c’est impossible !
- Oh si c’est possible ! Je te le prouve ! Compte, je te rapporte ton sac.
Le garçon accepta et lança le compte :
- Un…
Et l’homme, malgré sa taille, fonça à une vitesse impressionnante vers le château.
Ceywan n’eut pas le temps de finir de compter que son professeur apparaissait devant lui son sac à la main. Le novice ne put rien dire restant sans voix devant cette rapidité incroyable.
Le gros homme explosa de rire en disant :
- Ah, là je t’en ai bouché un coin ! Tu ne t’y attendais pas ! Tous les nouveaux font la même tête, c’est trop drôle ! Ah ! Ah ! Ah ! Bon ce n’est pas tout mais il faut que tu mettes tes affaires à ta place dans le dortoir : tu as trente secondes.
Ceywan n’attendit même pas que la première seconde se soit écoulée pour partir à toute vitesse. Il se présenta les mains vides devant le chef de l’école des dieux :
- Bah voilà ! Quand tu veux ! Quarante-deux secondes ! J’accepte ça pour aujourd’hui, mais accroche toi ce n’est pas fini !
- Vous êtes vraiment le chef de l’école ? fit l’apprenti sidéré qu’on ait confié quelque chose d’aussi sérieux à un plaisantin.
- Un plaisantin ? demanda celui-ci.
Aussitôt le jeune homme se maudit d’avoir pensé une chose pareille sachant que son maître lisait à livre ouvert dans son esprit. Il se décida à demander :
- Comment protège-t-on ses pensées ?
- Tu en est à ce niveau-là ! Tu n’en as pas idée ?
- Si on m’a raconté plein de choses mais ce ne sont jamais les mêmes ! Je ne veux pas faire de bêtises ?
- Je comprends ! Eh bien c’est simple, tu dois rentrer dans ton esprit et visualiser une grande barrière…
- Simple !
- Essaye au lieu de râler !
- Mais vous avez dit rentrer dans son esprit…
- Oui c’est ça, tout d’abord sors ta conscience de ton corps…
- Ensuite ? interrompit Ceywan.
- Fais-le d’abord !
Le fils de Simd s’exécuta et il sentit comme si une enveloppe se déchirait alors qu’il s’efforçait de séparer sa conscience de son corps.
Soudain ses pensées flottèrent à l’air libre. Un désagréable sentiment de vulnérabilité envahit le garçon, il se mit à trembler devant ce terrible effet et instinctivement il réintégra son corps.
Devant le visage décomposé du jeune apprenti, l’autre explosa de rire puis, se calmant, il dit :
- Ne t’inquiète pas, c’est normal, les premières fois sont toujours stressantes.
- Mais que doit-on faire après ?
- As-tu vu quelque chose par tes pensées ?
- Oui il y avait comme deux blocs de métal brillant au niveau de mes yeux.
- Mais encore, que peut-tu me dire de plus sur ce que tu voyais ?
- De ces blocs sortaient une lumière faible, expliqua Ceywan avec hésitation cherchant à se rappeler du cours instant hors de son corps.
- Très bien, recommence.
Le garçon recommença l’exercice, bientôt, sa conscience flotta hors de son corps.
- Que vois-tu ? fit la voix de son mentor semblable à un faible écho.
- Une lumière au milieu de mon cœur, répondit avec difficulté Ceywan depuis son esprit.
Son regard s’attarda sur son corps sans vie, vide au milieu de la cour. Il observa l’énergie de son cœur semblant cogner une barrière invisible qui la séparait de ces yeux.
Voulant échapper à l’horrible sensation, l’apprenti réintégra son corps.
- Non, maugréa le chef , n’agit en exercice que sur ordre, je ne t’ai pas dit d’arrêter.
Étouffant une protestation, Ceywan hocha la tête avant de replonger dans son esprit.
- C’est bon affirma le garçon depuis son esprit. - Très bien, la source au niveau de ton cœur n’est pas attaquable mentalement mais seulement physiquement, fit la voix faiblement. C’est ainsi que tu vis. Quand l’on meure c’est que l’entièreté de cette source au cœur s’est dispersée, dépensée. Mourir de vieillesse, c’est achever de dépenser cette magie vitale. Mourir d’une blessure, c’est avoir une entaille dans la source et en perdre l’énergie qu’elle contient dans l’air.
Pendant tout ce discours, le fils de Simd se débattait pour rester en son esprit et écouter la voix de son mentor improvisé. Celui-ci captant son désarroi ajouta :
- Reste concentré, l’exercice que tu fais est nécessaire pour pouvoir dresser une barrière magique.
La garçon fit un effort et demanda :
- Pourquoi est-ce si dur ?
- Tu n’as pas complètement ouvert ton esprit, ta vie a du t’obliger à te protéger de tes émotions, tu t’es fermé aux paroles de ton esprit. C’est un réflexe, chacun l’a tant qu’on n’a pas appris à ouvrir son esprit.
- Quand vais-je le débloquer ?
- Avec le temps, tout seul.
- Et donc là je ne peux pas dresser de barrière magique ?
- Oui c’est ça. Tu pourras peut-être y arriver dans un semestre.
Sans transition le maître de l’école enchaîna :
- Maintenant rejoint tes futurs amis dans la salle à manger, là-bas.
En effet, comme mus par un signal, des dizaines, des centaines d’élèves choisis sortirent des bâtiments de l’école. De ce flot d’élève, jaillirent deux jeunes garçons qui rejoignirent l’aspirant et le chef de l’école.
- Bonjour Azert, bonjour Niguast, voici Ceywan, le nouveau d’aujourd’hui. Ceywan voici Azert et Niguast ceux qui s’occuperont de toi pour ton intégration.
- Salut Ceywan, lancèrent d’une voix franche les nouveaux arrivants en tendant la main au fils de Simd.
- Salut, répondit brièvement celui-ci en leur serrant la main.
- Bon bah… dans ce cas je vous laisse. Bon travail Ceywan et à une frochaine pois, les quitta le gros homme en éclatant d’un grand rire.
À suivre...