— Tu te sens seul ? Tu ne vas pas faire une crise juste parce que j’ai choisi un requin-baleine à la place d’un grand requin blanc quand même ?
— C’est pas ça Solène.
Ça y est, j’ai de nouveau envie de pleurer. Je ne vois vraiment pas ce que j’ai, c’est très bizarre, on dirait que je suis triste. Mais je n’ai pas de raison de l’être pourtant ?
— Ben c’est quoi alors ? Raconte au lieu de pleurer dans ton coin !
Hein ? Comment elle sait que j’ai envie de pleurer, on ne transmet pas nos émotions par télépathie pourtant ? Enfin, je n’espère pas.
— Je ne pleure pas d’abord !
— Tu as ta voix bizarre de quand tu es triste. Il est malade ton requin ou quoi ?
Ah bon ? J’ai une voix bizarre quand je suis triste ? Pff… c’est nul que Solène me connaisse aussi bien. C’est galère d’être jumeau parfois.
Et puis qu’est-ce qu’elle dit ? Mon requin, malade ?
Pile à cet instant, je ressens d’un coup la présence de mon requin. Je n’avais jamais fait attention à ça dans nos précédentes expéditions, mais là, la différence avec le vide que je ressentais avant est vraiment flagrante. Mon requin est enfin là, je ressens sa présence !
— Solène ! Ça y est ! Mon requin est là !
— … pourquoi tu dis ça, il n’était pas là avant ? me demande Solène, visiblement interloquée.
Je n’ai plus du tout envie de pleurer, juste de faire une danse de la joie. Bien sûr je me retiens, un requin qui fait une danse de la joie, ça ferait un peu désordre dans l’océan.
— Je crois qu’il dormait, je murmure, fasciné par ma réalisation.
La vache, c’est vraiment bizarre. Je sens sa présence, il nage plus vite et remonte vers la surface, il a refermé sa bouche… bref, il est enfin réveillé et c’est génial !
— Tu vas mieux du coup ? C’était à cause de ça que tu étais triste ?
— J’étais pas triste, juste bizarre, c’est tout.
— Pff. Il n’y pas de honte à être triste quand on se sent seul Hélios.
C’est vrai. Mais j’ai beau le savoir, je sais aussi que papa déteste quand je pleure alors du coup je me sens souvent coupable quand j’ai envie de pleurer parce que je suis triste.
Je décide de changer le sujet de la conversation.
— Et toi Solène, tu te sens bien dans ton requin-baleine alors ?
— C’est génial ! Je n’arrête pas de manger et je suis bien contente que ça ne soit pas des phoques.
— Mais du coup tu ne connais pas bien le requin-baleine puisqu’on a surtout fait des recherches sur le grand requin blanc…
— Tu t’inquiètes pour moi mon frère préféré ? J’ai demandé à maman de me prêter son téléphone pour faire mes recherches, je n’ai pas décidé ça à la dernière minute, inutile de t’inquiéter !
Je ne m’inquiète pas. Je veux juste être sûr qu’elle ne risque rien dans son requin-baleine, c’est tout, pff. Pour qui elle me prend, pour un frère attentionné ou quoi ?
— Du coup, je reprends, le requin-baleine il a des prédateurs ou pas ?
Oh zut ! Ça y est, je me souviens ! Je crois que le grand requin blanc s’attaque aussi aux requins-baleines puisqu’il est même capable de s’attaquer à une baleine ! Mince alors, je n’ai pas envie d’attaquer Solène moi !
— Tu as peur de m’attaquer ? Lance Solène dans ma tête, interrompant mes pensées.
— Mais comment tu fais, tu lis dans mes pensées en plus de me parler télépathiquement ou quoi ?!
— Ah ah ah ! Tu es juste trop prévisible, c’est tout ! Et puis j’ai l’impression que tu es plus inquiet pour moi que d’habitude aujourd’hui.
Ah bon je suis plus inquiet ? N’empêche qu’elle n’a pas répondu à ma question. Je pense que Solène aussi se souvient que le grand requin blanc peut attaquer les requins-baleines, même si c’est rare. Je regarde autour de moi, pas très serein[1]. A priori, pas de requin-baleine en vue. Mais bon, la vue de mon grand requin blanc, ça ne veut pas dire grand-chose ceci dit.
— En tous les cas, si jamais tu me vois, ne t’approche pas ! je précise, pas très à l’aise.
Oui bon d’accord, j’avoue que je ne suis pas très rassuré quand même. Moi qui pensais être tranquille en étant un grand prédateur, voilà que j’ai peur de croquer un bout de Solène ! Vraiment, pourquoi est-ce que nos aventures ne se passent jamais comme prévu ?
*** Informations documentaires ***
Le grand requin blanc peut dormir. Il garde alors les yeux ouverts, mais son comportement est différent : Ils se mettent près du sol et face au courant. Comme ça, ils restent immobiles tout en nageant un minimum. Ils gardent aussi la bouche entrouverte pour bien s’oxygéner correctement pendant cette période de repos où ils sont moins actifs.
Ils font tout ceci de façon parfaitement inconsciente, donc ils dorment vraiment ! De la même façon que nous continuons de respirer automatiquement lorsque nous dormons, les requins, eux, se positionnent à un endroit idéal ne les mettant pas en danger et nagent automatiquement (parce que, rappelons-le, s’ils s’arrêtaient de nager, ils se noieraient).
Il arrive en effet que les grands requins blancs attaquent d’autres requins, y compris d’autres grands requins blancs et même parfois des requins-baleines. Cependant, c’est vraiment très rare, ils ont plutôt tendance à s’ignorer et s’éviter, il y a des proies plus faciles tout de même !
[1] Pas très serein = inquiet