Chapitre 4 - Le roi sans crinière

Alors que je regarde attentivement autour de moi, je remarque que ne vois toujours pas mieux qu’avant, mais par contre mon cerveau m’indique soudainement qu’il y a quelque chose qui m’intéresse dans le coin. Et comme je suis super intelligent (oui, je le suis !), je comprends immédiatement d’où vient cette information. Le fait que les requins soient capables de capter la faible électricité des êtres vivants est quelque chose que j’ai trouvé absolument extraordinaire pendant mes recherches. Et là, c’est exactement ce qu’il se passe et c’est encore plus génial que je ne l’imaginais ! Si j’étais un chat, je pense que j’aurais les moustaches qui frétilleraient.

Je me mets à nager plus vite et m’approche de la surface. Ah ah ah ! Si ça se trouve, vu le peu de profondeur de l’eau par ici, je dois avoir ma nageoire dorsale qui dépasse, comme dans les dessins animés qui veulent faire peur. J’espère que ma proie ne va pas la repérer.

Oui ! Là ! Je vois quelque chose maintenant ! Est-ce que ça ne serait pas un phoque ? Trop génial si c’est bien ça ! Ouvrant grand mes mâchoires, je bondis hors de l’eau et tente d’attraper l’animal, mais alors même que j’attaque, je ne vois subitement plus rien et le loupe.

— Zut !

— Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? me demande aussitôt Solène, d’un ton plus intrigué qu’inquiet.

— Attends, je réessaye ! je lui réponds sans plus d’explications.

À nouveau je m’approche de l’animal qui nage désormais à toute vitesse pour tenter de s’échapper. Cependant, je suis plus rapide que lui et j’ouvre de nouveau ma gueule bien grande pour le croquer à pleines dents.

Sauf que je le loupe encore.

— Non, mais c’est pas vrai ça, c’est pas un phoque cette bestiole, c’est une anguille[1] !

Je ne sais pas si Solène me répond, je suis trop occupé à essayer de capturer ce phoque qui me glisse entre les dents à chaque fois que j’essaye de l’attraper. Il faut dire aussi, j’ai les yeux qui se révulsent[2] systématiquement pile au moment où j’attaque alors bon, ce n’est pas très pratique. Je commence à me demander si je ne ferais pas mieux de prendre le contrôle de mon requin plutôt que de le laisser faire. C’est qu’il n’a vraiment pas l’air doué.

Et zut ! J’ai encore raté ! Après ces quelques tentatives infructueuses, j’abandonne ma proie et repars nager vers le large, à mon grand désarroi. Je me retiens in extremis de prendre le contrôle pour réessayer encore. Mais bon, il ne faut pas rêver, je ne serais sans doute pas plus doué que lui vu que j’ai zéro expérience en tant que requin.

— C’est nul ! Ce n’est vraiment pas juste ! Je suis un super requin et je n’ai même pas réussi à croquer ce petit phoque de rien du tout !

J’entends Solène soupirer bruyamment dans ma tête.

— N’importe quoi Hélios. La dernière fois quand tu étais une grenouille[3] tu râlais parce que tu as eu peur d’être mangé et maintenant tu râles parce que tu n’arrives pas à capturer tes proies… t’es juste jamais content en fait.

— Mais j’aurais dû être le plus fort cette fois-ci ! je râle à nouveau malgré moi.

— Et bien moi je suis bien contente d’être un requin-baleine. Au fait, tu es sûr que c’était bien un phoque au moins ?

C’est quoi cette question bizarre ?

— Ben oui, qu’est-ce que tu voulais que ce soit d’autre ? Ça ressemblait à un phoque en tous les cas. Bon après c’est sûr que je n’ai pas pu l’observer de très près, vu que mes yeux ils se fermaient à chaque fois que j’attaquais. Mais je suis sûr quand même que c’était un phoque.

— Tes yeux ne se ferment pas, ils roulent dans leurs orbites pour se protéger.

Je sais je sais ! On a lu les mêmes informations hein ? je réponds, agacé. Et puis d’abord, tu n’as pas répondu à ma question : tu pensais que c’était quoi ?

— Ça aurait pu être un surfeur si tu n’es pas très loin d’une plage.

— Un surfeur ? Un être humain tu veux dire ? Mais ça ne va pas non ! Pourquoi tu penses à des trucs pareils ! Les attaques de requins sur des humains c’est super rare, alors il y a à peu près une chance sur plein de milliards pour que ça m’arrive alors que je suis en train d’utiliser le casque magique !

— N’empêche que ça me fait peur. C’est pour ça que je ne voulais pas être un grand requin blanc.

— Avec tout ce qu’on a lu sur ces requins, tu as encore peur d’eux ? Sérieusement Solène, tu abuses là.

— Rien que leur tête me fait peur.

Ce à quoi je ne peux pas m’empêcher de rire, me souvenant de certaines photos qu’on a vues pendant nos recherches et sur lesquelles les grands requins blancs n’étaient pas vraiment à leur avantage.

— Ben moi, ils ne me font pas peur du tout, je réponds fièrement, ce sont de super prédateurs, un peu comme les lions dans la savane, ce sont les rois des océans ! Et en plus au final, ils ne sont pas si méchants. Enfin, pas pour les humains quoi.

— Je préfère les lions. Ils ont une belle crinière au moins.

Je continue de rigoler, imaginant mon grand requin blanc avec une crinière.

 

*** Informations documentaires ***

La nageoire dorsale (sur le dos du requin, appelée également "aileron"), est souvent montrée dans les films et dessins animés pour faire peur en montrant qu’un requin est présent, mais sans le montrer entièrement.

Cependant, cela n’arrive que rarement dans la réalité, car ils nagent plus profondément, et lorsqu’ils vont vers la surface, c’est tout leur dos qu’on aperçoit, pas juste cette nageoire. À la rigueur, il faut vraiment que le requin se soit égaré dans des eaux très peu profondes pour que cela arrive comme on le montre dans les films.

 

Les grands requins blancs ont une mâchoire très mobile, puisque cette dernière n’est pas attachée à leur crâne. Ils sont donc très flexibles lorsqu’il s’agit d’attaquer une proie.

 

Les grands requins blancs roulent leurs yeux vers l’arrière lorsqu’ils attaquent une proie, car ils n’ont pas de membrane pour les protéger (d’autres sortes de requins ont cette membrane). En faisant ça, du cartilage apparaît, les protégeant. C’est pour cela que pendant les dernières secondes précédant l’attaque, ils sont aveugles. Ce qui a permis ici au phoque attaqué par Hélios de s’échapper à plusieurs reprises.

Pourtant, ils ne manquent pas de vitesse ! Les grands requins blancs nagent à une vitesse moyenne de 25 km/heure et lorsqu’ils attaquent, ils peuvent aller jusqu’à 50 km/heure !

 

Les grands requins blancs sont daltoniens, mais sensibles à l’intensité du contraste. Si un nageur habillé de noir est entouré d’eau claire, il le verra encore mieux. Cependant, vu du dessous, un homme sur une planche de surf et un phoque, ça se ressemble. C’est pour cette raison que l’on suppose que la plupart des attaques de requins sur des hommes sont en réalité des erreurs de leur part dues à cette mauvaise vision.

C’est pour cela aussi que souvent ils mordent puis repartent lorsqu’ils se rendent compte de leur erreur, car un humain, ce n’est pas bien gras, et les requins aiment les proies bien grasses !

 

 

[1] Hélios fait référence ici au fait que les anguilles sont réputées pour être insaisissables.

[2] Révulsent : Les yeux qui roulent dans leurs orbites, alors on ne voit plus les pupilles.

[3] Voir : « Le casque magique : Les amours »

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