Il n'aura pas fallu longtemps à Julia pour reprendre ses mauvaise habitudes. Comme souvent, elle n'est pas là lorsque le dernier cours de la journée débute. Dès le premier jour, sérieusement ? M. Pérez commence tout juste son interminable discours de bienvenue – auquel il n'a pas changé une virgule ces vingt-cinq dernières années ; j'en profite donc pour attraper discrètement mon téléphone et envoyer un message à mon amie.
*Tu veux ma mort ou quoi ? Traitresse.*
A peine quelques secondes plus tard, je reçois une réponse :
*BIP* : Je ne m'excuserai pas de chercher à préserver ma santé mentale. Hors de question de passer 2h dans la même pièce que ce vieux tordu, même pour tes beaux yeux. A + Amagnolia 😉
Je lève les yeux au ciel avant de ranger mon portable dans mon sac à main. J'ai beau la connaître depuis plusieurs années maintenant, je n'arrive pas à me souvenir de la dernière fois où elle a assisté à l'ensemble des cours inscrits sur son emploi du temps. On pourrait penser qu'elle cherche simplement à attirer l'attention de ses parents, surtout depuis que sa cousine Monica habite chez eux. Mais je sais qu'en réalité ce n'est pas du tout cela. Pour Julia, l'école – et encore plus notre prestigieux San Isidro – n'est qu'un moyen de nous faire rentrer dans un moule que des pensées archaïques ont façonné il y a quelques centaines d'années, un moyen de nous modeler à l'image de nos parents. Elle n'a pas tort : c'est une façon de mettre en évidence et maintenir des barrières aussi bien sociales que culturelles entre nous, chers enfants du gratin madrilène, et les autres, bien que je n'ai jamais vraiment su ce qu'on englobait dans cet « autre ».
Pourtant, même si je partage en partie ses idées, je suis tout de même assidue en cours et passe beaucoup de temps à réviser les cours invariablement enseignés au fil des années par les mêmes professeurs depuis des décennies. Julia et moi nous sommes accrochées à plusieurs reprises à ce sujet car elle a toujours pris ça pour un manque de cohérence et de mon côté, j'ai toujours refusé de me justifier, la rembarrant chaque fois sans ménagement. Qu'elle soit une de mes amies les plus proches ou non, je n'ai aucune explication à lui fournir.
Pour être honnête, ce côté de Julia m'énerve un peu. Pour quelqu'un qui cherche à mettre à mal certains diktats de la société, celui qui n'agit pas ou ne pense pas comme elle ou qui refuse simplement de se justifier est soit idiot, soit corrompu. Assez limitée comme réflexion, et culottée quand on y réfléchit. Chacun à des regrets, des projets et des rêves qu'il n'est pas tenu de partager, même avec ses proches. Bon, je dois quand même lui céder qu'elle a fini par comprendre – ou tout du moins accepter – que je puisse avoir mon petit jardin secret sur certaines parties de ma vie et que je la compartimente entre cours, amis et famille. Elle ne me pose presque plus de questions concernant mon avenir, ou même quelconque sujet "sérieux".
— Salut Amalia ! me surprend tout d'un coup une voix qui se veut suave. La place est libre ? demande son propriétaire en posant déjà sa main sur le dossier de la chaise voisine à la mienne.
Plus vive que lui, je la bloque d'un geste du pied et rétorque d'un ton acide :
— Pas pour toi. Dégage, Ramirez.
— Ohhh allez, laisse moi m'asseoir. Je suis sûr qu'on pourrait très bien s'entendre tous les deux...
Il approche lentement son visage du mien, un sourire aux lèvres. Oh pitié. Ce mec est un cliché ambulant : co-capitaine de l'équipe de football du lycée, Jorge Ramirez enchaîne aussi bien les buts que les nanas, et ne se retient jamais de détailler ses exploits, que ce soit dans l'une ou l'autre des disciplines. Pour lui, si une fille lui résiste, ça ne peut vouloir dire que deux choses : qu'elle est lesbienne ou qu'elle se fait désirer. Hors de question que je me laisse impressionner par ce petit con prétentieux. Je relève le menton, adopte une moue sensuelle et approche ma bouche de son oreille :
— Tu te rappelles de mon amie Monica ? Elle te passe le bonjour. Oh, et sa caméra aussi.
Je le sens qui se crispe. Tant mieux. J'espère que ton coeur a loupé un battement, connard. Qu'est-ce que tu croyais ? J'ai beau ne pas être la plus grande fan de Monica, elle fait tout de même partie de mes amis. Et entre amis, on se sert les coudes et on fait front commun face aux abrutis dans ton genre. En effet, lorsqu'il s'est fait rembarrer par la jeune fille l'année dernière, qui n'avait d'yeux que pour Amaury, il n'a rien trouvé de mieux que d'inventer des histoires écoeurantes à son sujet pour calmer son égo blessé. Pas de chance, s'il y a bien quelque chose que j'aime encore moins que Monica, ce sont les gens à l'origine de rumeurs. Alors, lors d'une fête chez un des joueurs de l'équipe de foot, il est possible qu'elle et moi lui ayons joué un petit tour qu'il n'est pas prêt d'oublier... A base de promesses sulfureuses, de scotch et de caméra.
Un sourire suffisant aux lèvres, je me redresse sur ma chaise. Je parcours du regard les visages tournés vers nous, assistant à cet échange et ajoute d'un air désinvolte :
— Il semblerait que tu n'aies rien à offrir que tout le monde n'ait pas déjà vu. Alors, va jouer ailleurs, Loulou.
Le prologue et le premier chapitre ont créé un mystère intéressant et provoquent des questions : Qu'est-il arrivé à la mère ? Pourquoi pleurait-elle en regardant les photos ? Où est passé son frère ? Toutefois, j'ai eu un moment d'hésitation où je me suis demandée si c'était bien la même famille. J'espère que les nouvelles concernant son frère vont bientôt arrivées. 😊
En ce qui concerne Mia, tu la mets en scène de manière très naturelle. Ton style est très clair, les dialogues vivants et fluides. On retrouve vraiment l'ambiance lycéenne. La galerie de personnages secondaires qu tu es en train de présenter est assez variées et ils sont crédibles.
Merci pour cet agréable moment de lecture ! 😊