Avant que je ne puisse continuer mes plans avec Heather, je traînais dans les rues de la ville en compagnie de Vitalik, chacun un café bien chaud à la main pour se réchauffer de ce temps typique d'hiver. Pourtant, ni lui ni moi n'étions bien couverts. Nous étions habitués aux basses températures.
L'hiver était sûrement ma saison préférée contrairement à l'avis général de la population. Durant cette saison, nos habits étaient un second masque très efficace.
Les gens nous regardaient avec méfiance. J'étais qui j'étais, Cole Triaghan, l'entrepreneur à la très mauvaise réputation, et Vitalik Kozlov était l'homme le plus acharné que je connaisse dans son travail. À nous deux, nous formions une équipe que la plupart redoutaient. De plus, nos physiques étaient plutôt discernables dans la foule.
N'importe qui reconnaissait Vitalik de loin par sa carrure imposante, ses épaules carrées bien larges, son cou de taureau et sa taille assez extrême pour un homme. Puis, de près, sa coupe de cheveux courte et droite, presque à l'allure militaire, son visage dur, ses traits tirés, très profonds, ainsi qu'un regard froid et menaçant.
Nous partagions le même regard. C'était seulement ce que nous avions en commun physiquement. Je n'étais ni grand ni petit, j'étais tout à fait dans la norme, étrangement, mais ma banalité s'arrêtait là. Certains qualifiaient ma coupe de cheveux de "punk". Des cheveux noirs qui s'arrêtaient au niveau du cou. Au moins, ça s'accordait parfaitement à mes nombreux costumes-cravates noirs. J'étais prêt pour braquer une banque ou une quelconque action malhonnête.
Vitalik me fit alors un rapide débriefing sur ses dernières affaires et sur ce qu'il prévoyait de faire pour éloigner ses concurrents. Il envisageait la méthode dure et brutale, évidemment. Il était direct, il n'abusait pas des sarcasmes autant que moi.
— Tu es parti bien rapidement hier, n'est-ce pas ? me demanda-t-il en repensant au gala.
— Plus ou moins. Enfin, j'ai rapidement fini ce que j'avais à faire.
Je bus une rapide gorgée de mon café. Son regard s'était assombri. Allait-il encore critiquer mon mode de vie ?
— Je t'ai vu parler avec une rouquine, me fit-elle remarquer en espérant sûrement en savoir davantage.
— Bientôt elle sera dans mon lit, rétorquai-je sans la moindre gêne en buvant une gorgée de mon immonde café.
— Fais gaffe à cette femme, me prévint-il d'un ton dur.
Je lui adressai un regard amusé. Comme si je devais faire attention à une femme, c'était elle qui devait faire attention à moi. Pas l'inverse. En particulier elle.
— J'ai déjà entendu parler d'une rouquine très perturbatrice, poursuivit-il sur le même ton.
— Ça m'étonnerait beaucoup, lançai-je, amusé. On ne doit pas parler de la même personne.
— J'ai eu une discussion avec un collègue. Il m'avait dit avoir rencontré une rouquine à une soirée. Elle était gentille, innocente. Puis, il s'est rendu compte qu'elle lui avait menti, elle ne voulait que se jouer de lui. Elle l'a largué en voulant le briser. Il n'a jamais su ce qu'elle voulait vraiment.
J'étais persuadé qu'on parlait de deux personnes totalement différentes. Heather n'était pas le genre de femme capable de jouer un rôle.
— Ça aussi, ça m'étonnerait beaucoup. Elle avait un peu de caractère mais pas assez pour m'envoyer chier. Je m'y connais en femmes... enfin, au sexe.
Il afficha un bref sourire. J'étais qui j'étais et ça, il ne pouvait rien y changer.
— Je te conseille de rester quand même assez méfiant.
Je laissai échapper un petit rire. Me méfier d'une femme ? Ce n'était pas mon genre. Son regard ne s'adoucit pas pour autant et il but une gorgée de son café dans un silence religieux.
Il était persuadé de maîtriser le sujet. Il devrait se contenter des affaires. Le sexe, je m'en chargeais. De toute façon, c'était évident que nous ne parlions pas de la même femme.
Heureusement, il changea le sujet pour retourner à l'habituel business tout en continuant notre marche dans les rues bien que le temps commençait à s'assombrir...
*
Il ne m'avait fallu que très peu de temps pour remonter jusqu'à la maison de Heather grâce à son numéro. C'était ainsi qu'en fin de journée je m'étais permis de lui rendre visite. De l'extérieur, sa maison était simple, pas très luxueuse, mais assez étonnant qu'une gamine de son âge puisse avoir une maison aussi grande. J'étais persuadé qu'elle n'aurait vécu que dans un simple appartement, plutôt délabré, en colocation avec d'autres abrutis dans son genre. Son papa avait probablement tout payé...
Je m'approchai du porche et sonnai. Elle vint m'ouvrir, tentant aux premiers abords de me fermer la porte au nez, mais je me frayai un chemin jusqu'à l'intérieur de force.
Je pus observer sa maison en détail. Un salon plutôt spacieux dans des tons très neutres et assez aéré. Celui-ci était immédiatement relié à la cuisine étant donné qu'elle était ouverte. Il y avait très peu de meubles, juste le nécessaire, tout comme la décoration presque inexistante à certains endroits.
— C'est du harcèlement ! s'indigna-t-elle.
— Non, juste du business.
Elle me lança un regard assassin. Elle n'aimait pas ma présence, je n'en doutais pas une seconde. Après tout, personne n'aime les intrus.
— Et comment tu sais où j'habite ? me demanda-t-elle naïvement.
— À ton avis ?
Elle se tut et fit une légère moue. Elle semblait si jeune et innocente à cet instant précis. Et j'espérais vraiment qu'elle soit majeure. Après tout, elle ne vivrait pas seule si ce n'était pas le cas...
— Tu croyais pouvoir partir comme ça ? Tu te trompes.
De nouveau, elle ne dit rien. Elle était intimidée plus que jamais et devait se sentir vraiment comme une gamine face à moi.
— J'espère que tu as réfléchi à ma proposition, ajoutai-je.
— Je ne suis pas une marchandise ! objecta-t-elle en détournant son regard.
Et voilà qu'elle décidait de reprendre du poil de la bête. Quand il s'agissait de s'opposer à moi, elle pouvait très bien s'y prendre. D'un certain côté, je trouvais que ça avait un côté très excitant parce que ça changeait des profils que je pouvais croiser d'habitude.
— Tout le monde est une marchandise, lançai-je pour justifier mes faits.
— J'ai des sentiments !
— Si tu veux... Tu peux aussi aller voir un psy, c'est parfait pour exprimer ses sentiments.
— Et je ne vois pas pourquoi j'irais épouser un homme aussi arrogant ! vociféra-t-elle sous le coup de la colère.
— Désolé d'être sûr de moi.
Elle se mordit sa lèvre inférieure puis croisa les bras. Elle ne savait plus quoi dire pour me repousser. J'avais dix ans de plus qu'elle et je voyais bien que ça voulait en dire bien plus qu'on ne pouvait le croire. C'était suffisant pour m'opposer à elle d'une manière bien plus efficace qu'elle.
— Tu ne m'auras jamais, annonça-t-elle d'un ton ferme.
— Tu as du culot, c'est appréciable chez une femme, commentai-je d'un air sournois. Moi qui pensais que tu serais totalement innocente et soumise.
Elle se montrait de plus en plus autoritaire et sûre d'elle. Elle était vraiment loin d'être conne, ce qui signifiait qu'elle était beaucoup moins atteignable, mais peu importe, j'aimais les défis.
— Va trouver quelqu'un d'autre pour ton mariage bidon ! s'exclama-t-elle, tentant toujours désespérément de me repousser.
— Mais c'est toi que je veux. Tu es parfaite pour mon plan, dis-je avec un léger sourire diabolique indiscernable.
— Je ne veux pas faire partie d'un plan !
Je soupirai puis repris lentement mon souffle. Elle n'était pas facile à convaincre, mais une fois convaincue, elle ne partirait plus. C'était une évidence.
— Heather, tu es bien naïve. Je te propose juste un mariage blanc où tu pourras y avoir autant d'argent que tu veux. Profite de la chance qu'un mec comme moi te propose ça... Sachant qu'il est riche, populaire, beau et sexy en plus.
— Et complètement un trou du cul ! ajouta-t-elle avec mépris.
— Tu espérais rencontrer un homme parfait qui te susurre de doux mots d'amour à l'oreille, soit sensible et ne te brusque pas ? Cet homme n'existe pas.
— Tu ne connais pas mon genre d'homme !
— Je croyais que tu aimais les gentils garçons, alors je ne comprends plus rien là.
— Je n'aime pas les connards, c'est tout.
Voilà qu'elle voulait prétendre avoir un genre d'homme qui lui plaisait pour me repousser. Mais elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'était un vrai homme.
— Je ne t'ai jamais dit que tu devais m'aimer, la corrigeai-je. Tu peux me détester. Peu importe. Je veux juste que tu sois ma femme.
— Conduis-toi comme un homme d'abord ! s'exclama-t-elle en fronçant des sourcils ce qui fit apparaître un léger pli entre ceux-ci. Je ne me marie pas avec un homme que je n'aime pas.
— Tu veux juste garder ta dignité, mais quelle dignité ? Tu n'en as aucune.
Elle se tut. Ça lui arrivait assez fréquemment de ne plus avoir la moindre parole pour me contredire. Ça me plaisait. Je prenais enfin le dessus sur elle. J'avais toujours le dessus sur elle, bien qu'elle essayait de me repousser inefficacement...
— Et ne me demande pas de me conduire comme un homme alors que tu ne sais même pas ce qu'est un vrai homme, continuai-je, un brin arrogant.
— Laisse tomber pour que je t'épouse...
Je m'approchai d'elle puis pris délicatement son visage entre ses mains. Elle eut une brève inspiration et en posant mes lèvres sur les siennes, j'avais presque l'impression que c'était elle qui m'avait embrassé. Mais rapidement, je compris que ce n'était certainement pas le cas en voyant qu'elle était déstabilisée et perturbée. Alors je m'arrêtai et enlevai mes mains de son visage.
— Ça ne te gêne vraiment pas que je ne puisse être qu'une croqueuse de diamants ? s'enquit-elle, faiblement.
— Je m'en fous, ça ne changerait rien.
— Ce n'est pas très romantique, me reprocha-t-elle.
Visiblement, elle ne comprenait pas que mon but était loin d'être romantique. Au contraire. Je m'en fichais du romantisme. Ce n'était que superficiel.
— Bon, tu veux quelque chose de romantique. Bien. Et si je t'emmenais au restaurant ? Je viendrai te chercher demain soir, on ira dans un bel endroit... Tiens, je peux même te donner de l'argent pour que tu te fasses belle. Alors, intéressée ?
Elle prit beaucoup de temps pour réfléchir et ce silence commençait à se faire sentir. Elle finit par timidement prendre la parole :
— Pourquoi pas.
— Parfait alors. J'aime quand tu es coopérative, Heather, m'enthousiasmai-je.
Je lui adressai un rapide sourire alors qu'elle se demandait sûrement dans quoi elle venait de se fourrer.
*
Le soir même, j'étais de sortie en compagnie de Vitalik dans un de mes bars préférés. Il y avait peu d'indésirables et beaucoup de plaisir à cueillir, à portée de main.
Il avait beau critiquer mon mode de vie, parfois, il acceptait de se laisser tenter par le jeu et oubliait le temps de quelques heures sa femme et ses enfants. Ils pouvaient bien se débrouiller sans lui après tout.
Nous avions notre place habituelle dans un coin, plongée dans l'obscurité. Je venais ici généralement pour le sexe, je n'avais pas besoin de voir à qui j'avais affaire.
— Je ne vais pas traîner, m'annonça-t-il.
J'ignorai sa remarque. Il me disait la même chose à chaque fois et restait aussi tard que moi, sûrement parce que sa conscience lui conseillait de m'aider à rentrer chez moi après quelques verres de trop.
— Tu as revu ta rouquine ? me demanda-t-il pour attirer mon attention.
— Ouais. Elle est... intéressante.
Il rit à ma remarque et laissa échapper un bref sourire. Quelque chose semblait l'amuser sans que j'en comprenne la raison, mais peu importe. Je n'avais pas envie de m'étendre sur ce sujet. J'inspectai alors les alentours, tentant de discerner les gens dans la foule. De nombreuses femmes nous regardaient d'un œil aguicheur. Elles savaient que nous étions plus que riches, millionnaires ou milliardaires, elles sentaient l'argent d'ici tels des vautours.
J'échangeai un long regard avec une petite brune aux formes pulpeuses. Ses cils me mettaient au défi de lui résister, et je ne pouvais qu'y céder. Je me tournai brièvement vers mon acolyte.
— Je crois que je vais devoir te laisser, dis-je avec un rapide clin d'œil.
Il m'adressa un sourire, comprenant exactement comment allait se finir ma soirée. J'ignorais s'il allait rester ici jusqu'à mon retour. En tout cas, de mon côté, la soirée venait tout juste de commencer.
Je m'approchai d'un serveur pour lui demander deux verres. Le service fut rapide et je pus revenir auprès de ma proie.
— Je pense qu'un verre ne serait pas de refus, lui proposai-je d'un ton charmeur.
Je le lui tendis, elle s'en empara immédiatement et en but une gorgée accompagnée d'un sourire enjôleur.
— Chrissy, se présenta-t-elle.
— Enchanté, Cole.
— C'est un plaisir de faire ta connaissance.
Nous étions en train de nous dévorer mutuellement du regard. Ses yeux marron prirent une différente teinte, très profonde, qui étaient bien plus révélateurs qu'un simple discours tandis que ses pupilles s'agrandirent soudainement. À vrai dire, nous n'avions même pas besoin de discuter. Tout était clair. Nos regards concordaient avec nos désirs.
Néanmoins, nous avions quand même pris la peine de verbaliser nos intentions et tout était encore plus clair. Désormais, nous n'avions plus rien pour nous arrêter.
Nous posâmes en quelques secondes nos verres et elle me suivit jusqu'aux toilettes. Nos désirs prirent le pas sur la chair, enfermés dans une des nombreuses cabines dont la propreté était plus que douteuse. Ça n'avait aucune importance, seulement l'acte comptait. Son lourd souffle était étouffé pour éviter de se faire remarquer, mais après quelques coups, elle se laissa faire et succomber à la passion. Elle haletait bruyamment sans se soucier des passants qui faisaient aussitôt demi-tour.
Rapide et sauvage avaient été les maîtres mots de cette sauterie. Ayant à peine eu le temps de me rhabiller, elle me donna son numéro. Il finirait sûrement à la poubelle. Cette femme voulait bien plus qu'une partie de jambes en l'air, elle n'était qu'attirée par l'argent.
Elle m'embrassa rapidement en espérant que son baiser soit suffisamment convaincant pour que je la rappelle et ainsi se lancer dans une longue histoire d'amour ou d'abus mutuel.
— J'attends ton appel avec impatience, me susurra-t-elle à l'oreille en plaquant son corps contre le mien, me faisant sentir fougueusement ses tétons pointant.
Elle tentait à nouveau de m'exciter. Puérile créature, je réfléchissais un minimum avec qui je couchais.
Je lui adressai un léger sourire comme pour acquiescer alors qu'en réalité, je m'en fichais. J'avais déjà oublié son nom, bientôt ça serait son visage qui s'effacerait de ma mémoire.
— Merci pour cet agréable moment, murmura-t-elle accompagné d'un air charmeur. J'ai hâte de remettre ça.
Elle remit sa chevelure en place puis quitta les toilettes. Je fixai le bout de papier sur lequel elle m'avait laissé son numéro. Comme si j'allais l'appeler ? Je ne me gênai pas pour le jeter dans la poubelle la plus proche et retournai au centre des festivités.
La foule se déhanchait autant sur la musique. Danser était sûrement la pire technique pour draguer. Je ne me préoccupais pas des autres pour chercher Vitalik du regard. Il avait sûrement dû partir. Pas étonnant.
Mon attention s'arrêta alors sur une femme ressemblant étrangement à Heather. Je reconnaissais sa chevelure stridente d'ici. Je voulus m'approcher d'elle, au moins pour m'assurer que je me trompais sûrement, mais fus arrêté par une vieille connaissance. Je reconnus immédiatement sa longue chevelure blonde et son teint mat.
Cette femme, je ne la connaissais que trop bien, à mon plus grand malheur. C'était surtout mon corps qui s'en rappelait.
Viviane Fountain, l'une de mes rares conquêtes que j'aurais préféré ne pas avoir à la croiser de nouveau.
— Je ne pensais pas te revoir un jour, lança-t-elle d'un ton presque narquois.
— Moi non plus, rétorquai-je à la limite de la déception.
Ça faisait sûrement dix ans que je ne l'avais pas croisée. J'aurais voulu que ce soit davantage. J'avais eu ma dose, je la laissais au prochain.
— Ça fait tellement longtemps. Tu as beaucoup vieilli d'ailleurs, déclara-t-elle volontairement pour me blesser.
Je levai les yeux au ciel, légèrement agacé. Pourquoi se sentait-elle obligée de parler d'âge ?
Son sourire s'accentua. Cette femme avait beau être très bandante, sa manière d'aborder le sexe me répugnait, parce que seule elle y avait pris du plaisir.
— Toi aussi tu as beaucoup vieilli et j'ai vraiment failli ne pas te reconnaître, ripostai-je aussi violemment qu'elle.
Elle attaquait sur mon âge, j'allais en faire de même. Personne n'allait être épargné. C'était peut-être futile, mais je suis comme les chiens ; on me frappe, je n'oublie pas et je mords.
Son regard s'assombrit. Viviane n'aimait pas passer inaperçue. Je le savais et je ne pus m'empêcher d'en sourire.
— Tu n'as pas changé Cole, soupira-t-elle avec dédain. Si nous étions encore ensemble, tu aurais mérité une punition.
Je laissai échapper mon rire nerveux. Son attitude me dépassait. Visiblement, elle n'avait toujours pas compris que le sexe se faisait à deux.
— Va te trouver un autre chien. Je suis peut-être vieux selon tes dires, mais moi, je ne suis pas resté aussi con qu'à l'époque... Maintenant, j'ai des personnes bien plus importantes à voir que toi.
D'un sourire satisfait et sans même lui laisser le temps de répliquer, je quittai les lieux sous son air ahuri. Une fois à l'extérieur, j'étudiai les alentours. Tout était obscur et vide. Cette femme était partie, je devais sûrement en faire de même. Dans le fond, je m'étais suffisamment amusé pour la soirée...
Mais avec Heather, yep, ça va être très drôle :D