Aelia :
Plusieurs semaines s’étaient écoulées depuis qu’Aelia avait vu la mort en face. Le voyage dans le comté de Baltan avait été annulé par mesure de sécurité.
Aucune arrestation n’avait eu lieu. Aucun nouvel incident non plus. Son père et le conseil en avaient conclu que le mage avait agi seul.
Mais qui lui avait ordonné d’attaquer ? Pourquoi viser le collier d’Elira ? Et cette hirondelle devenue géante devant des témoins… Aelia n’avait aucune réponse.
Elle passait beaucoup de temps à la bibliothèque, espérant trouver des indices en observant Ilara, la bibliothécaire. Celle-ci restait pourtant à l’étage, les yeux fixés sur le collier.
Comment obtenir enfin des réponses ?
Depuis quelques jours, des messagers étaient arrivés. Aelia avait vu son père changer d’expression : surpris, inquiet, dépassé. Mais elle n’avait pas été mise au courant de ce qu’ils avaient transmis au comte de Vaelan.
Ses journées s’écoulaient entre les promenades dans le jardin, la bibliothèque et les moments avec Arlietta, pour tenter d’oublier. Toujours suivie de près par Lordan, son garde du corps. Il ne la quittait pas d’une semelle depuis qu’on lui avait ordonné de la protéger.
Aelia avait essayé de lui échapper, mais Lordan était tenace, sérieux dans sa tâche, même si son humour la faisait parfois sourire — ou rager. Elle se disait que ça aurait pu être pire : un vieux garde grincheux n’aurait pas été aussi amusant.
Ce matin encore, elle sentait son ombre imposante la suivre en direction de la bibliothèque. Elle ne lâcherait pas l’affaire : c’était elle qui avait été attaquée, elle avait le droit de savoir.
Malia s’était réveillée quelques jours après le conseil. Aelia avait demandé à la voir, en vain. On l’avait refusée. Encore une fois, on la tenait à l’écart.
« C’est pour ton bien », entendait-elle. Mais qui pouvait juger ce qui était mieux pour elle, sinon elle-même.
Comme pour ce mariage arrangé dont elle ne voulait pas. Elle commençait à s’énerver de ne jamais être prise au sérieux. Après tout, c’était elle qui devait succéder à son père, devenir comtesse de Vaelan.
Aurait-elle vraiment son mot à dire ? Ou serait-elle encore une fois mise de côté, sous prétexte de sécurité ?
Dans ce cas, qu’après son mariage, Sairen devienne comte de Vaelan.
Elle n’avait pas vraiment envie de régner, mais elle acceptait ce rôle. Pour son peuple. Toujours pour son peuple.
Pour elle, rien. Et ça, elle n’en pouvait plus.
Les événements récents n’aidaient pas à faire valoir sa cause.
Devant les portes de la bibliothèque, elle hésita un instant. Prendre son courage à deux mains et affronter Ilara sur ce qu’elle avait pu découvrir… Ou continuer à faire semblant de s’intéresser à des récits ennuyeux ?
— Merci, Lordan. Je doute que les livres essaient de me tuer, lança-t-elle avec un sourire, tandis qu’il s’apprêtait à l’accompagner à l’intérieur.
— J’aurais bien besoin de lecture, rétorqua-t-il en souriant.
— Des livres sur comment surveiller une comtesse de quinze ans, plutôt, le taquina-t-elle.
— Pas facile comme métier, reconnut-il, faussement sérieux.
Aelia secoua la tête, dépitée, puis entra dans la bibliothèque, laissant Lordan derrière elle, le sourire aux lèvres.
Elle trouva Ilara à l’étage, immobile, comme les jours précédents. Assise, le regard perdu dans le collier, un livre à la main.
Aelia prit un livre, feignit de le lire, essayant d’attraper son courage.
Je dois savoir. Ils me doivent des réponses. Je suis la comtesse, se répéta-t-elle.
Elle monta lentement les escaliers et se planta devant Ilara, qui ne leva même pas les yeux. La bibliothécaire tournait les pages, absorbée, comme si elle vivait l’histoire.
— Ilara ? appela Aelia, la voix tremblante.
Aucune réponse.
— Ilara, s’il vous plaît… j’ai besoin de vous, supplia-t-elle.
Les pages s’immobilisèrent. Ilara leva lentement les yeux, fatigués, et planta son regard dans celui d’Aelia.
— Aelia… ne me demande rien. Je t’en prie, reste la jeune fille que je connais. Tu seras toujours protégée ici.
C’était la première fois qu’Ilara la tutoyait. Que signifiait ce changement ?
Elle a trouvé quelque chose, pensa Aelia.
— J’ai besoin de savoir. Plus les jours passent, plus je me pose de questions. Que me voulait cet homme ? Qu’a-t-il de particulier, ce collier ? Et l’hirondelle géante qui m’a sauvée, d’où sort-elle ? lança Aelia, la voix tremblante d’impatience.
Ilara baissa la tête vers son ouvrage, puis souffla doucement en tapotant la table du bout des doigts.
— Je ne sais pas qui était cet homme. Je n’ai rien trouvé sur ce collier non plus, répondit-elle.
Aelia fronça les sourcils. Pourquoi Ilara agissait-elle ainsi, comme si quelque chose lui faisait peur.
Soudain, Ilara releva la tête. Des larmes perlèrent sur ses joues fatiguées.
— Qu’y a-t-il ? Je suis désolée, Ilara… je ne voulais pas te brusquer, murmura Aelia, surprise.
— J’ai découvert ce qu’est cette hirondelle qui t’a sauvée, expliqua Ilara d’une voix tremblante. Tu crois que personne ne l’a remarquée, mais moi, j’ai vu la marque sur ton poignet. Elle s’est liée à toi.
— Liée à moi ? répéta Aelia, confuse.
Elle revit alors l’instant où la lumière bleue avait jailli de son poignet, douce et chaude, l’enveloppant d’une étrange énergie.
— Oui, répondit Ilara. Cela veut dire que tu es l’élue du dieu Talharr, la protectrice d’un certain loup.
— Un loup ? Un animal ? Pourquoi je protégerais un loup ? s’étonna Aelia.
— Ce n’est pas un simple animal. C’est un humain, comme toi, lui aussi élu de Talharr, chargé de protéger notre monde. L’hirondelle n’apparaît que si ce loup survit à une mort certaine.
— Alors il a survécu. Mais pourquoi un dieu tuerait-il son propre élu ? Surtout s’il doit protéger ses terres. Ça n’a aucun sens, s’interrogea Aelia.
— Je ne sais pas… avoua Ilara, la voix brisée. Tout ce que je sais, c’est que l’hirondelle doit rester près du loup, sinon la Terre de Talharr s’effondrera.
Un humain blessé ? Cela pouvait-il être celui à qui elle avait parlé, sans qu’elle sache comment c’était arrivé ?
Elle pensa à lui, à Arnitan, ce garçon aux yeux bleus perdus qui l’avait regardée comme s’il l’attendait depuis toujours.
Ce lien qu’elle avait ressenti en apparaissant dans sa chambre n’était pas un hasard.
— Aelia… comprends-tu ce que cela signifie ? demanda Ilara, cherchant son regard.
— Qu’il faut qu’on trouve ce loup… Je sais où il est, dit Aelia, un sourire naissant aux lèvres.
— Tu sais où il est ?
Alors, Aelia raconta ce qui s’était passé le jour où elle avait été téléportée à Krieg, rencontré Arnitan, puis revenue à Lordal. Elle expliqua qu’elle avait essayé de le recontacter sans jamais y parvenir.
— Si c’est bien lui… alors il faudra aller dans cet autre royaume, souffla Ilara en s’affaissant dans sa chaise.
— Comment ? Père ne sera jamais d’accord que j’aille guerroyer ! Surtout pour un autre royaume. Et puis mon mariage approche… murmura Aelia, dépitée.
— As-tu écouté ce que je viens de te dire ? Tu ne dois pas te battre pour un royaume, mais pour la Terre de Talharr toute entière, expliqua Ilara d’un ton ferme. Je ne devrais pas te le dire, mais…
Elle s’interrompit, hésitante.
— Quoi ? demanda Aelia, surprise et heureuse qu’on la prenne enfin au sérieux.
La bibliothécaire se mordit les lèvres, troublée. Aelia prit sur elle pour ne pas la brusquer.
— Des messagers sont venus nous prévenir… le royaume de Drazyl est en guerre. Nous n’avons pas beaucoup d’informations, mais il se dit que si Drazyl s’unit, alors tous les autres royaumes devront se préparer, finit par confier Ilara.
— Une guerre ? pensa Aelia. Peut-être que l’homme qui m’a agressée venait de Drazyl.
— Ce n’est pas impossible. Ce royaume a un passé très sombre. Mais cela faisait des siècles qu’ils n’avaient rien tenté. Que ça recommence aujourd’hui est… perturbant.
Aelia se remémora les récits des livres, évoquant le royaume de Drazyl et sa soif de sang.
Après tant d’années de calme, ils allaient à nouveau assouvir cette violence. Et si elle devait croire Ilara, elle devrait protéger Arnitan pour empêcher la Terre de Talharr de sombrer aux mains d’un tel peuple.
Elle. Protectrice. Sauver le monde.
Comment pourrait-elle ? Elle ne savait même pas se battre.
— Votre père a déjà envoyé un messager au roi pour l’avertir. Un conseil sera sûrement convoqué pour évaluer la situation… si elle ne se dégrade pas avant, ajouta Ilara.
— Et moi ? Qu’est-ce que je suis censée faire ? demanda Aelia, le regard perdu.
— Je voudrais pouvoir te dire ce qui va se passer demain, mais je n’en sais rien. Je pense que si ta destinée est d’être protectrice, du garçon et de nos terres, alors le moment venu, tu sauras quoi faire. Pour l’instant, je vais parler de tout ça à ton père.
Dire tout à son père… Comment allait-il réagir ? La croirait-il seulement ?
Dur à dire, même pour Aelia. Ce qui était certain, c’est qu’elle serait encore plus surveillée.
— Je suis complètement perdue… murmura Aelia.
— C’est normal. Tout ce qui s’est passé en si peu de temps, qui ne le serait pas ? répondit Ilara en souriant doucement, tentant d’alléger l’atmosphère chargée par l’odeur des vieux livres. Ma petite Aelia, élue d’un dieu ?
Mariage, élue… décidément, aucun choix.
— Peu importe ce qui arrivera, je sais que tu prendras les bonnes décisions. Tu deviendras une grande comtesse. Peut-être la meilleure que l’on ait jamais vue ! s’enthousiasma Ilara.
— Père ne vous plaît pas, alors ? plaisanta Aelia avec un sourire forcé.
Pour la première fois depuis qu’elle lui parlait des dieux anciens, Ilara éclata de rire.
— Ton père est un grand dirigeant au cœur généreux. Je n’en doute pas une seconde. Mais cela ne m’empêche pas de croire que tu seras encore meilleure.
— Encore faut-il que je sache ce qui m’attend, pour devenir cette comtesse, répondit Aelia, plus sombre.
— Je vais m’atteler à la tâche. Si j’obtiens la moindre information, je viendrai te voir, promis Ilara.
Aelia lui rendit un hochement de tête reconnaissant. Enfin, on l’écoutait, et elle allait devenir importante. Même si le rôle qui l’attendait la terrifiait.
Ilara se leva et invita Aelia à la suivre.
— Il faut que j’aille m’entretenir avec Saltar avant d’aller voir ton père.
Aelia posa les yeux sur le collier, un désir ardent la tenaillant.
— Puis-je la récupérer ? demanda-t-elle.
Ilara la regarda, intriguée.
— Juste pour aujourd’hui. Il faut que je teste quelque chose, s’empressa-t-elle d’ajouter.
— D’accord. Mais il faudra me le ramener dès que tu auras fini ce que tu as à faire, insista Ilara.
Aelia attrapa le collier presque comme s’il allait disparaître. Dès que ses doigts se refermèrent dessus, elle ressentit à nouveau cette sensation d’appartenance. Comme si le collier la reconnaissait et refusait de la quitter. Et elle, elle ne voulait pas le perdre.
Ilara disait qu’ils étaient liés. Mais comment un simple collier pouvait-il se lier à un être vivant ?
Après tout ce qui s’était passé, rien ne l’étonnerait plus.
Il fallait qu’elle en sache plus
Avec toutes ses pensées, Aelia n’avait pas remarqué qu’Ilara la fixait, le visage marqué par une inquiétude silencieuse.
— Pardon… Je réfléchissais, dit-elle pour la rassurer.
La bibliothécaire ne répondit que par un léger haussement d’épaules. Elles descendirent les marches. Arrivées devant la porte menant aux couloirs, Aelia se risqua à une dernière question :
— Est-ce que Malia a dit quelque chose ?
Ilara sursauta légèrement au nom de la domestique, comme si elle redoutait ce souvenir.
— Le commandant Pristan et ton père l’ont interrogée. Elle est encore sous le choc. Ses récits sont confus, sans queue ni tête. J’essaierai d’en savoir plus, promit-elle.
Aelia comprenait. Comment aurait-elle pu en vouloir à Malia ? Sa fille, égorgée sous ses yeux, hantait ses nuits. Une douleur trop lourde pour blâmer qui que ce soit.
Elle n’avait pas eu le choix. Moi non plus, j’aurais fait pareil… pensa-t-elle en silence.
Ilara ouvrit la porte. Aelia retrouva Lordan, raide comme un piquet, au garde-à-vous.
La bibliothécaire lui fit un signe de tête en s’éloignant, les laissant seuls.
— Eh bien, mademoiselle, où allons-nous maintenant ? lança Lordan avec son habituel sarcasme.
Le ton la fit sourire malgré elle. Ce jeu d’ironie, cette familiarité lui offraient un rare moment de légèreté. Elle ne le remercierait jamais, mais sa présence la rassurait.
— Aux jardins, répondit-elle, serrant le collier dans sa main. Je dois essayer quelque chose.
Suivie de près par Lordan, elle parcourut les couloirs de la forteresse. Les domestiques, de retour, s’inclinaient à son passage, mais leurs yeux trahissaient une pitié qu’elle aurait voulu éviter. Poliment, elle rendait leur salut, espérant que leur regard s’adoucirait bientôt
Je dois tenir bon. Je dois devenir plus forte, se répéta-t-elle, sentant son cœur battre plus vite.
Lordan s’installa à ses côtés, son regard droit fixé devant lui, tel un bouclier contre les dangers invisibles. Sa présence lui insufflait un calme inattendu : elle n’était plus seule.
Ils descendirent ensemble jusqu’au rez-de-chaussée, puis traversèrent les portes donnant sur les jardins. Les gardes étaient plus nombreux qu’avant l’attaque, une armée silencieuse prête à défendre la comtesse blessée.
Même si Aelia détestait cette surveillance constante, elle y puisait une étrange consolation.
Elle avait une requête à formuler, une question qu’elle n’osait confier que dans l’intimité. Elle attendait ce moment, ce tête-à-tête avec Lordan.
Les portes s’ouvrirent devant eux, deux gardes les saluèrent en voyant Aelia, puis se refermèrent doucement derrière eux.
Le soleil caressa son visage, la brise légère joua avec ses mèches blondes, et un sourire fatigué mais sincère s’échappa.
Seul le bruissement des feuilles et le tintement métallique de l’équipement de Lordan brisaient ce silence paisible.
Devant eux, le banc de la paix, jonché de feuilles mortes, apparut. Aelia s’en débarrassa délicatement et s’assit, tandis que Lordan resta debout devant elle, protégeant la vue de la fontaine qui reprenait vie, claire et scintillante.
Rien ne pouvait lui arriver ici. À part peut-être qu’une feuille lui tombe sur la tête.
— J’ai quelque chose à te demander, commença-t-elle doucement.
Lordan la regarda, un sourire amusé aux lèvres.
— Oh ? Et en quoi puis-je vous être utile, mademoiselle ?
— Il faut que j’apprenne à me battre. Je ne veux plus dépendre uniquement des guerriers, avoua-t-elle, le regard sérieux.
Son garde la dévisagea, comme s’il se demandait si elle n’avait pas perdu la raison.
— Mais justement, c’est parce que nous sommes là que vous n’avez pas à risquer votre vie. Nous sommes nés pour ça.
— Je sais… mais je ne veux pas…
— J’ai compris, mademoiselle, la coupa-t-il avec un sourire désapprobateur. Vous ne voulez pas compter sur nous.
— Non, ce n’est pas ça. Je vous serai éternellement reconnaissante pour tout ce que vous faites pour ma famille et le comté. Mais j’ai besoin d’apprendre à me défendre. Après ce qui est arrivé… peut-être que si j’avais su me battre, si je n’avais pas eu aussi peur, la fille de Malia serait encore en vie, murmura-t-elle, la voix chargée de douleur.
Lordan souffla, s’approchant lentement d’elle :
— Je ne suis pas le guerrier le plus expérimenté, et très peu d’entre nous ont connu de véritables batailles. Je doute que quiconque aurait pu faire face à cet homme. La mort de la fille de Malia est injuste, profondément triste, mais vous n’auriez rien pu changer. Son destin était scellé dès que ce foutu étranger l’a saisie, expliqua-t-il calmement.
Aelia eut du mal à accepter ses paroles. Elle aurait pu agir, elle en était sûre. Si seulement elle avait su qu’elle pouvait invoquer une hirondelle tueuse, personne d’autre n’aurait été blessé ou tué. Mais comment aurait-elle pu savoir ? Pourtant, ça ne l’empêchait pas de s’en vouloir.
— Vous avez été courageuse. Beaucoup auraient craqué après ce que vous avez vu. Pour cela, j’accepte de vous entraîner, déclara-t-il finalement.
Aelia n’en croyait pas ses oreilles. Il acceptait vraiment. Un sourire immense s’épanouit sur son visage, illuminant ses traits.
— Merci, souffla-t-elle simplement.
Lordan souriait lui aussi, sans la moindre trace de moquerie — une rareté chez lui.
— Je suppose que votre père n’est pas au courant de votre nouvelle ambition ?
Elle se mordit la lèvre. S’il la surprenait avec une arme en main, il ne l’accepterait pas. Il dirait sûrement que ce n’est pas digne d’une jeune comtesse.
Soudain, Lordan éclata de rire.
— Qu’est-ce qui te fait tant rire ? demanda-t-elle, surprise.
— Que dirais-tu de vous entraîner ici, tous les matins ? Avant que le château ne s’éveille.
— Et les gardes ? Ils ne vont pas se douter de ce qu’on fait ?
— Je m’occupe de ça. Alors, vous avez déjà peur ? taquina-t-il.
Aelia redoutait qu’on la voie, mais une part d’elle vibrait d’excitation. Enfin, elle ferait ce que peu de femmes de son rang pouvaient faire. Si elle devait protéger Arnitan et la Terre de Talharr, comme Ilara le lui avait dit, elle devait être prête.
Je deviendrai la comtesse aux épées, se surprit-elle à imaginer.
— On commence quand ? demanda-t-elle, déterminée.
— Quand vous vous sentirez prête.
— Demain ! répondit-elle sans hésiter.
Lordan ne sembla pas étonné d’avoir une apprentie aussi enthousiaste :
— Très bien. Je vais préparer tout ça.
Elle se surprit à penser qu’il ressemblait un peu à Arlietta, toujours content pour rien.
Puis elle se rappela le collier qu’elle triturait depuis qu’elle était assise. Relevant les yeux vers Lordan, toujours debout devant elle, elle osa :
— Pourrais-tu me laisser seule quelques minutes ?
Son garde sembla hésiter un instant. Aelia le regarda avec un air suppliant.
— Je pense que je peux m’éloigner un peu. Si jamais il se passe quelque chose d’étrange, vous criez, c’est clair ?
Lordan hocha la tête, sérieux.
— Très clair.
Elle lui fit un signe, un murmure à peine audible : « Merci. »
Quand le bruit métallique de ses pas s’éloigna suffisamment, elle se tourna vers le collier posé sur ses genoux.
À nous deux, se dit-elle, le cœur battant.
Elle passa le collier autour de son cou, caressa les pierres de Vaelan du bout des doigts, prête à essayer de le faire fonctionner.
D’abord, elle pensa à Krieg, à la chambre où elle avait vu Arnitan. Elle revit le lit, les petites statuettes en bois, et surtout son visage.
Mais rien ne se produisit.
Qu’est-ce que je peux faire d’autre ?
Elle porta alors ses pensées vers sa mère. Tant de fois elle l’avait priée de revenir, sans aucun résultat.
S’il te plaît, mère… Tu es la seule qui pourrait m’aider. C’est ton collier, pensa-t-elle intensément.
Elle attendit, suspendue à l’espoir. Mais rien ne vint.
Déçue, elle décida qu’il valait mieux ne pas perdre plus de temps et qu’elle devait retourner à sa chambre.
Alors qu’elle se levait, sa vision s’assombrit brusquement. Pour la deuxième fois, le paysage autour d’elle se dissout et changea.
J’ai réussi ? se demanda-t-elle, s’attendant à revoir le visage du garçon aux yeux bleus.
Mais ce qui apparut était une pièce plongée dans une obscurité presque totale.
Elle distingua des barreaux, juste devant elle.
Suis-je enfermée ? commença-t-elle à paniquer.
— Tu ne risques rien ici, dit une voix féminine douce dans le noir.
Aelia se retourna lentement.
— À qui parlez-vous ? demanda une autre voix, plus jeune, également féminine.
Son cœur s’emballa. Elle crut reconnaître la première voix.
Puis la lumière très faible révéla un visage. Une explosion d’émotions la traversa.
Cette femme, amaigrie, portait les mêmes traits que la personne du portrait dans le bureau de son père.
— Mère ? murmura-t-elle, le souffle court, reconnaissant ses cheveux blonds scintillants même dans la pénombre.
Elira, assise sur une sorte de lit de pierre, se leva et prit le visage d’Aelia entre ses mains.
Ce simple contact réchauffa le cœur d’Aelia, qui fondit en sanglots.
— Comment… ce n’est pas possible, tu étais morte… bafouilla-t-elle.
Sa mère lui offrit un sourire tendre, plein d’amour maternel.
Puis elle se tourna vers l’autre silhouette, dont l’image tremblotante était floue, brouillée par les larmes d’Aelia.
— Voilà la véritable Hirondelle. Celle qui protégera le Loup et la Terre de Talharr, dit sa mère avec douceur.
Aelia s’arrêta brusquement de sangloter, ses yeux s’écarquillant devant la force de ces paroles.
— Je suis vraiment l’Hirondelle ?
— Oui. Tu dois aller aider Arnitan. Je t’en prie, insista la jeune fille, que désormais Aelia voyait clairement.
Un visage fin, des cheveux roux, des yeux d’un ambre profond.
Elle est belle, pensa Aelia.
— Arnitan ? murmura-t-elle, surprise. Tu le connais ?
— Oui… c’est mon ami. Tu sais qui il est ? demanda la jeune fille.
Aelia jura avoir vu les joues de celle-ci se teinter d’un léger rouge.
— Tu l’as vu, n’est-ce pas ? demanda Elira avec douceur.
Aelia se souvint alors de leur rencontre, hocha la tête en réponse.
— Alors tout est en marche. Je vais t’expliquer tout ce que tu dois savoir, annonça Elira.
Mais des bruits de pas résonnèrent soudain dans le noir.
— Je t’appellerai. Retourne à Lordal, près de ton père, lui murmura sa mère précipitamment.
La vision d’Aelia se brouilla à nouveau.
— Mère ! cria-t-elle, désespérée.
Mais son image avait disparu.
Elle avait senti ses mains sur ses joues. Sa mère était en vie. Il fallait qu’elle le dise à son père.
Quand il l’apprendra, il voudra la sauver, et je pourrai enfin rencontrer Arnitan, se promit-elle.
Alors devant elle réapparut le jardin de la forteresse de Lordal.
— Lia ! hurla une voix à ses oreilles.
— Aïe… souffla Aelia.
— Enfin… vous nous avez fait peur, mademoiselle. Je ne vous laisserai plus seule, dit Lordan, assis à côté d’elle.
Arlietta était là aussi, le visage marqué par l’inquiétude.
— Ça va ? demanda son amie, fixant le collier qui brillait faiblement.
— Oui… je crois. Il faut que j’aille me reposer, dit Aelia.
— Bonne idée. Vous avez besoin de repos, confirma Lordan.
Ils l’aidèrent à se relever, et tandis qu’ils l’accompagnaient vers l’intérieur de la forteresse, Aelia réfléchissait intensément.
Sa mère l’avait toujours appelée « mon Hirondelle ». Une hirondelle l’avait sauvée une fois, marquée au poignet.
Et aujourd’hui, on lui disait qu’elle était une élue, chargée de protéger un autre élu et la Terre de Talharr.
Mais surtout, elle venait d’apprendre qu’après tant d’années, sa mère n’était pas morte.
Elle avait senti ses mains sur ses joues, ce contact tendre, irréel.
Les larmes lui revinrent malgré elle. Même dans ses rêves les plus fous, elle n’avait jamais osé espérer cela.
Père sera tellement heureux… pensa-t-elle, même si elle ignorait encore où était retenue prisonnière Elira.
Ils marchaient maintenant dans les couloirs animés, peuplés de domestiques et de gardes.
Sa vie venait de basculer. Sauver sa mère, protéger Arnitan, sauver la Terre de Talharr.
J’attendrai son appel. Je découvrirai où elle est détenue. Avec père, nous irons la sauver. Je deviendrai plus forte, pour protéger ce monde.
Aelia se redressa, prête pour ce que le destin lui réserve.
- Dans les points positifs je dirais que tu as réussi avec brio a rendre tes personnages humains et attachants. Ils ont une famille, des amis et tout tient bien la route. L'on voit qu'ils restent encore des ados et se comportent comme tel ( on a pas un Arnitan qui par exemple arriverait à vaincre une demie douzaine de guerriers accomplits par la puissance du scenario). De meme les moments de tendresses sont bien ecrits. Enfin, tu as réussi à faire intéragir plusieurs personnages et à jongler entre les trames narratives avec assez de souplesse pour que l'on ne soit pas perdu et que cela s'enchaine bien.
- Pour les quelques points un peu plus négatifs ( ou du moins des conseils d'amélioration) : Disons que ton histoire prends son temps pour démarrer. C'est normal car il faut poser les personnages, le décor et que en plus tu comptes ecrire plusieurs tomes. Mais disons que par moment il y avait quelques longueurs car les chapitres se succédaient sans réelle avancée dans l'histoire ( Arnitan qui s'intérroge sur le signe du début, Aelia qui veut en savoir plus sur les royaumes... ) Les choses sont plus rapides concernant Rhazek où tu vas vraiment droit au but. J'ai également été un peu confu par moment dans les différents noms des cités personnages ( nottament du coté de Drazyl, mais ca n'a pas été trop genant pour la compréhension). Enfin pour la forme, a l'exception de tournures de phrases un peu hasardeuses ( plisser les narines, froidure...) dans l'ensemble les chapitres se lisaient bien et avec très peu de fautes d'orthographes.
Je rajouterais un dernier point. Je trouve que l'on a un peu l'impression que l'histoire tourne trop autour des personnages. Ok se sont les elus mais dans le cas d'Arnitan tu as l'impression que toute sa famille est tournée vers lui. Cela peut se justifier également parce que c'est le cadet donc on le "chouchoute", mais ca donne un peu trop l'impression de "héro". Cela ne se ressent pas dans les combats car encore une fois ils sont bien dosés mais j'ai l'impression que Arnitan et Aelia occupent une place un peu trop importante au détriments de persos secondaires qui pourraient etres mis plus en avant.
Enfin je tiens à te dire Bravo, je sais que c'est un travail colossal pour pondre un livre et surtout réussir à produire quelque chose de cohérent tout du long avec une intrigue complexe.
Voilà, en tout cas j'ai beaucoup aimé suivre cette histoire et je lirais la suite avec grand plaisir ^^
A la prochaine,
Scrib.
Pour ton long message, je tiens sincèrement à te remercier d'avoir lu ce tome 1 et ce début d'univers à son terme. Vraiment ton aide à été précieuse et permis de voir pas mal d'erreurs que je n'avais pas vu :)
Pour les personnages et le monde je te remercie. C'est en effet pas simple de réussir à tout mettre avec une certaine cohérence et encore le monde va s'agrandir ahaa.
C'est vrai que j'avais pas vu la manière dont les personnes gravitent autour de Arnitan et Aelia, il faudra que je vois comment peut-être accentuer le fait qu'ils ne sont pas seuls.
Concernant les premiers chapitres, je sais que c'est un long mais je sais pas comment les abréger. Je suis peut-être un peu trop à rentrer dans les personnages et vouloir que les émotions transparaissent absolument.
Je pense que pour le monde, une carte aiderait vraiment.
En tout cas encore un grand merci. Je peux t'assurer que le tome 2 est bien plus nerveux et fluide que le tome 1 ahaa avec pas mal de retournement et de réponses ;)
En espérant que la suite te plaise également :)
A plus.
Talharr.