-Elle bouge !
-Lya ?
-Arrête de la secouer enfin !
-Tu veux que je fasse quoi !!
Les yeux de la jeune femme papillonnèrent un petit moment avant d'arriver à discerner le ciel.
Elle était étendue au sol depuis trois jours. Dès qu'elle avait pris la pierre noire dans sa main, ses souffrances avaient été incessantes. Jours et nuits, son corps s'était tordu de douleur, bien qu'elle fût inconsciente. Plusieurs fois ses gémissements avaient déchiré la forêt, sous les yeux impuissants de ses compagnons.
Bien qu'elle fût enfin sortie de son sommeil fiévreux, son corps restait en proie à un chaos silencieux. Une lourdeur oppressante pesait sur ses membres comme si elle avait été piétinée par un troupeau entier. Chaque respiration réveillait une douleur sourde, et des nausées tenaces lui vrillaient l'estomac, la faisant vaciller comme une naufragée sur une mer démontée.
-Ça va ? demanda Archi, la voix pleine d'inquiétude.
-Oui... On fait aller..., souffla-t-elle en s'asseyant avec l'aide de Matt.
Ses doigts tremblaient encore.
-Tu te sens... plus forte ?, risqua le grand brun, les yeux fixés sur elle comme s'il craignait qu'elle ne se disloque à tout instant.
-Actuellement, je me sens plus comme une merde qu'autre chose ! Mais je ne suis pas morte, c'est déjà ça.
-Ne rigole pas ! s'exclama Archi, la voix un peu trop tendue pour être seulement de la frustration.
-Détends-toi, Archi. Et dis-moi plutôt si tu as réfléchi à ce que je t'ai demandé.
-Oui... je pense avoir quelque chose qui s'approche de ce que tu voulais... Mais tu ne veux pas enfin nous dire pourquoi ?
-Vous verrez bien le moment venu. Pour l'instant, j'ai besoin que tu me l'apprennes, d'accord ?
Le blondinet fit rouler les constellations qu'il avait à la place des yeux, un soupir cosmique de mécontentement, mais s'exécuta tout de même, obéissant à la détermination froide de son amie.
À peine revenus parmi les siens, Lya s'attela à apprendre le sort qu'avait mis au point Archi. Le jeune mage n'était pas réputé pour sa patience et sa pédagogie, mais, cette fois, il mit son agacement en veilleuse. À voix basse, il répétait inlassablement les mêmes instructions.
Lya, encore affaiblie, serrait les dents. Elle devait réussir.
Car lancer un sort n'était jamais une simple formalité. Il ne suffisait pas de réciter une formule. Il fallait sculpter l'invisible. Chaque geste, chaque mot, chaque pensée devait vibrer à l'unisson. Il fallait plonger dans les tréfonds de soi-même, extraire cette énergie brûlante, brute, et l'imprégner d'une intention claire. La moindre hésitation, et la magie se retournait contre soi.
Voilà pourquoi tous les mages n'étaient pas égaux : certains savaient façonner le chaos, d'autres s'y noyaient.
-Occultamento completa !
-Tu ne visualises pas assez ce que tu veux, la sermonna Archi.
-C'est ironique de la part d'un aveugle !, les chambra Matt qui les regardait tout en briquant son épée.
-Occultamento completa !
-Ça ne va pas.
Le jeune homme lui saisit les épaules.
-Il ne faut pas te focaliser uniquement sur le résultat, mais également sur les intentions qui l'accompagnent. Pourquoi tu veux que ce sort fonctionne ? Qu'est-ce que ça résoudrait pour toi ? C'est ce qui fait la différence entre un sort moyen et un sort parfaitement exécuté.
Lya ferma les yeux et respira profondément. Pouvoir effacer les traces sur son corps n'était pas simplement un caprice d'ego. Avec cela, elle avait peut-être le moyen de les sortir de ce mauvais pas. C'était l'avenir du trio qui était en jeu, elle ne devait pas essayer, mais réussir.
-Occultamento completa.
-Wouah..., s'extasia Matt après un petit silence.
En rouvrant les yeux, la jeune femme croisa le regard de son ami. Il voulait tout dire. Ils se sourirent niaisement, heureux de l'exploit de la jeune femme. Archi agita alors sa main devant son visage.
-Eh oh ! Vous avez certainement oublié, mais je ne vois rien moi !
-Excuse-moi. C'est bon, je crois que j'ai réussi.
-Bien, et tu te sens comment ? Ça ne te pompe pas trop d'énergie ?
-C'est assez fatiguant, mais je devrais pouvoir le maintenir une heure ou deux je pense.
Pour ne pas trop puiser dans ses réserves, elle arrêta tout de suite son sort.
-En route !
-Pour où ?
-Suivez-moi, vous verrez.
Sans plus d'explication, le petit groupe entreprit de descendre de leur si sécurisante montagne protectrice. Lya savait que son pari était osé et qu'elle mettait ses amis en potentiel danger, mais le jeu pouvait en valoir la chandelle.
Ils marchèrent sans s'arrêter jusqu'à ce que les tours d'un château se dessinent. Matt se stoppa.
-Ne me dis pas que...
-Ça va aller, je contrôle la situation, le coupa Lya.
-Quoi ? Où est-ce qu'on est ?, demanda Archi.
-Devant le château d'Everka.
-Comment !, s'égosilla le jeune homme. Tu te fiches de nous ! Et toi Matt, tu n'aurais pas pu le dire avant !
-Je n'ai pas reconnu le chemin, s'énerva à son tour le garçon.
-Tout le monde va se calmer. Tout va bien se passer, je veux juste m'entretenir avec le seigneur.
-Ce mec n'est pas net Lya ! Je ne veux pas que tu traites avec lui.
-En plus, il est à la botte du PC, compléta Matt. Au moment où l'on va poser un pied dans le château, on se fera arrêter directement.
-Je pense que sa curiosité l'empêchera de faire ça. Il m'écoutera.
-Et alors ? Même s'il t'écoute, qu'est-ce que ça va changer. Cet homme est mauvais, crois-moi, on ne peut pas lui faire confiance, supplia le blondinet.
Lya sentait l'angoisse grandissante de ses amis. Elle-même n'était pas à l'aise avec ce qu'elle allait faire, mais elle ne voyait pas d'autres options.
Elle posa les paumes de ses mains sur les joues de ses compagnons et les regarda avec toute la tendresse qu'elle avait pour eux. Plus que sa famille, ils étaient une partie d'elle. Elle ne pensait même pas pouvoir aimer autant, ni même qu'il était possible d'avoir une telle relation. Tout est clair : elle ferait ce qu'il fallait faire pour les protéger.
Ne leur laissant pas le choix, elle lança son sort et se présenta aux soldats qui gardaient l'imposante herse d'entrée.
-Bonjour, je demande une audience auprès du seigneur de ce château.
Sa voix, ferme et posée, résonna légèrement sous la voûte de pierre. La pluie fine qui tombait depuis l'aube avait laissé une brume pâle flottant au ras du sol, et le vent faisait claquer la bannière du château comme une menace.
Le garde, un colosse engoncé dans une armure ternie par le temps, esquissa un sourire narquois sans même prendre la peine de dissimuler son mépris.
-Et tu es qui, toi ?, lâcha-t-il, son ton dégoulinant d'ironie.
-Dites-lui que Lya veut lui parler.
Le nom tomba avec le poids d'un présage. Mais les deux gardes, postés de chaque côté de la porte de bois noirci, échangèrent un regard complice avant d'éclater de rire. Un rire gras, moqueur, qui résonna comme une insulte.
-Mais bien sûr, madame ! Et peut-être que je pourrais vous faire servir une tasse de thé avec ça, non ?
-Je suis très sérieuse, insista-t-elle, les poings serrés sous son manteau trempé.
-C'est sûrement ça le plus drôle !, ricana l'autre, un sourire fendu jusqu'aux oreilles.
Lya soupira, longuement, profondément. Elle ferma les yeux une seconde pour réprimer le feu qui commençait à bouillir sous sa peau. Son souffle se fit plus lent, plus froid.
-Vous faites une grosse erreur.
Le chef de poste haussa un sourcil, amusé.
-Ah bon ? Tu crois que toi et tes deux guignols là-bas, vous nous faites peur ?
Elle ne répondit pas tout de suite. Sa mâchoire se contracta, son regard se durcit.
-Non. Mais la colère que piquera votre seigneur, quand il apprendra que vous m'avez renvoyée sans l'avertir, devrait vous faire changer d'avis.
Le vent s'engouffra entre eux, puis l'éclat de rire reprit, plus fort et plus cruel.
-Elle a de l'aplomb, la petite nana !, s'exclama le garde, tout en s'essuyant une larme de rire. Mais ça ne va pas être possible. Allez, ça dégage !
Un grondement discret s'éleva alors. Ce n'était pas la voix. Ce n'était pas le ton. C'était quelque chose dans l'air, une tension, presque électrique. Lya s'avança de quelques pas, ses bottes soulevant de petites éclaboussures sur le pavé humide. Elle leva lentement le visage, et son regard s'enflamma d'un éclat sombre, presque irréel.
Le garde fronça les sourcils. Il y avait, tout à coup, comme un changement de température. Le vent s'était arrêté. L'air était plus dense.
Elle s'arrêta juste devant lui. À quelques centimètres.
-Écoute-moi bien, tu as devant toi les trois fugitifs les plus recherchés de Maywa. Nous ne sommes pas là pour parler à des petites merdes dans ton genre, donc tu envoies un de tes grouillots prévenir Andréius Robert Molteface que Lya doit parler affaire avec lui.
Un silence glacial s'installa. Le garde était sur le point d'exploser de colère, mais le petit groupe demeura impassible. Le soldat commença à poser la main sur son arme, quand son collègue l'interpella. Il lui montra alors plusieurs feuilles, et ils chuchotèrent quelque chose de grave. Leurs têtes se tournèrent ostensiblement vers le trio, les yeux écarquillés.
Sans prévenir le groupe, ils appelèrent ce qui semblait être un domestique, qui partit en courant.
-J'espère qu'on ne va pas être recalé, murmura Matt. Sinon, ta grande scène d'intimidation se terminera dans le sang pour nous.
Les minutes s'étirèrent avant que le domestique essoufflé ne revienne. Après avoir échangé quelques mots avec les gardes, la grande herse se leva. Le trio soupira de soulagement.
-Le seigneur va vous recevoir, veuillez me suivre.
Lya lança un grand regard suffisant au garde, qui fulminait de l'intérieur, et suivit leur guide.
Une fois à l'intérieur, les souvenirs douleurs de leur première visite, leur revinrent en tête. Le même sentiment malaisant que la dernière fois, les frappa. La jeune femme serra fermement la main de ses compagnons pour les rassurer, mais surtout se rassurer elle-même.
D'un geste discret, le serviteur actionna un mécanisme caché, révélant une petite entrée taillée dans l'une des lourdes portes. Elle grinça doucement, ouvrant sur un rai de lumière dorée et tamisée.
-Vous pouvez y aller. Il vous attend.
Sa voix, basse et effacée, avait quelque chose de presque cérémonieux.
Le trio s'apprêta à franchir le seuil, mais Lya tendit un bras pour les arrêter.
-Je vais y aller seule. Attendez-moi ici.
-Quoi ?, s'étrangla Matt, la surprise noyant sa voix.
-Tu rigoles j'espère !, enchaîna Archi, fronçant les sourcils.
-Il ne faut pas vous inquiéter, murmura Lya, avec un calme étrange. On va juste discuter.
Archi haussa le ton, la mâchoire tendue :
-C'est hors de question !
-S'il vous plaît... Je vous demande de me faire confiance.
Ses yeux allaient de l'un à l'autre, brillants d'une détermination calme, presque douloureuse. Elle savait qu'ils ne lui refuseraient rien, et cela rendait sa décision plus lourde encore.
-Ce n'est pas en toi que nous n'avons pas confiance, souffla Matt, son regard oscillant entre colère et inquiétude.
-Je sais. Mais pour une fois, il va falloir me laisser me débrouiller toute seule. Depuis qu'on se connaît, vous avez toujours été là pour moi. C'est à mon tour. S'il vous plaît...
Un silence épais les entoura. L'atmosphère semblait s'être figée, comme suspendue dans l'attente d'un événement inéluctable.
-Lya...
Mais elle ne leur laissa pas le temps de l'arrêter davantage.
D'un pas rapide, elle franchit la porte entrouverte. Dès qu'elle eut passé le seuil, celle-ci se referma lourdement derrière elle dans un grondement sourd, comme un couperet tombant sur une sentence.
Lya prit une profonde inspiration pour recouvrer ses esprits.
La salle de réception, qui semblait déjà immense lorsqu'elle y était venue avec les autres élèves, paraissait encore plus impressionnante une fois qu'elle était seule. Les colonnes gigantesques paraissaient la toiser dans un silence gênant. Pourtant, elle n'était pas véritablement seule.
Au fond de la pièce, installé sur son trône, le seigneur était déjà présent. Entre eux deux, un échiquier géant. Toute sa vie, Lya avait été un pion, mais aujourd'hui, elle devait être la reine. C'est avec cet état d'esprit qu'elle avança vers son hôte.
L'homme la fixait avec un petit sourire, trahissant sa curiosité.
-Eh bien !, s'exclama-t-il. Je pensais à une mauvaise blague, mais c'est bel et bien toi !
-Mes respects, mon seigneur, s'inclina légèrement la jeune femme.
-Que me vaut cette visite aussi cavalière qu'inattendue ?
-Veuillez m'excuser de ne pas m'être annoncé, mais je devais m'entretenir avec vous assez urgemment.
-Je n'en doute pas !, dit-il en scrutant la jeune femme de la tête aux pieds.
Effectivement, la mage avait beau avoir lancé un sort occultant ses nombreuses blessures, il ne dissimulait pas sa maigreur inhabituelle.
-Je suis venue accepter l'offre que vous m'avez faite.
L'homme grimaça de surprise, avant de se mettre à rigoler à gorge déployée. Sa voix résonna d'un écho sinistre.
-Ahahahah ! Tu dois plaisanter ! Es-tu folle ou juste stupide ?
-Je suis sérieuse.
-Tu crois que j'ignore que toi et tes petits copains êtes recherchés ? On dirait bien que vous avez sacrément énervé le Pouvoir Central d'ailleurs.
-Vous vous souciez tant que ça des états d'âme du PC ?
Un courant d'air venu des hauteurs du plafond fit frémir les torchères, projetant des ombres vacillantes sur les murs de pierre. Le trône d'Andreius, surélevé, semblait sculpté dans la nuit elle-même.
Le seigneur ne répondit pas immédiatement. Il pencha légèrement la tête, ses yeux sombres fixés sur elle avec une curiosité presque féline. L'aplomb de la jeune femme, cette force tranquille qu'elle portait dans son regard, n'était pas celle de leur dernière rencontre. Quelque chose en elle avait changé, s'était affûté. Il le sentit aussitôt. Et cela l'intrigua.
Andreius se leva lentement, chaque geste calculé, majestueux. Son manteau noir glissa sur ses épaules avec un bruissement soyeux. Il descendit de son estrade, ses pas lourds résonnant dans la salle comme des coups de marteau.
-Tu as raison, murmura-t-il en s'approchant, je me fiche qu'ils atteignent leurs buts ou non. Mais... si je leur apportais ta tête et celles de tes deux petits compagnons, je suis certain qu'ils sauraient se montrer très généreux avec moi.
Un sourire carnassier étira ses lèvres.
-Jamais autant que moi, répondit Lya, immobile. Je pourrais vous offrir plus qu'une fugace reconnaissance hypocrite.
-Ah oui ?, lança-t-il, l'œil brillant d'amusement.
-Je peux vous apporter le pouvoir. Le vrai.
Elle n'avait pas haussé le ton. Pourtant, sa voix vibrait dans l'air, grave, tendue comme une corde d'arc. Une puissance contenue.
-Vous n'en avez pas assez de ramper devant eux ? De quémander comme un chien famélique, pour ne recevoir en retour que des miettes et des promesses creuses ?
Andreius plissa les yeux, l'intérêt remplaçant peu à peu la moquerie.
-Qu'est-ce que tu connais du réel pouvoir, petite fille ?
-Pour l'instant, je ne suis qu'une simple jeteuse de sorts, admit-elle, l'étincelle dans ses yeux grandissante. Mais bientôt... je deviendrai la plus grande mage que cette terre ait portée. Et à ce moment-là, ceux qui m'ont tourné le dos regretteront leur arrogance... car ils vivront dans la crainte.
Andreius se figea. Il y avait dans ses mots une certitude glaciale, une promesse qu'il sentit résonner jusqu'à l'os. Elle n'était pas grande, ni armée, ni escortée. Et pourtant, il frissonna. Une aura noire et brûlante émanait d'elle, subtile et puissante. Une tempête encore contenue, mais dont il pouvait sentir la pression.
-Ce sont des menaces ?, demanda-t-il, plus bas, une tension presque animale dans la gorge.
-Je n'ai pas le temps pour cela, rétorqua Lya. Réfléchissez bien. Avec ma puissance...
"Potentielle" puissance, la coupa-t-il d'un ton sec.
-"Future, mais certaine" puissance, rectifia-t-elle sans ciller. Avec moi à vos côtés, plus personne n'osera vous défier. Ce trône que vous occupez n'est qu'un échafaud fragile. Je peux le transformer en empire.
Andreius sembla s'égarer un instant. Ses yeux se perdirent dans le vide, happés par une vision d'avenir où ses ennemis ployaient le genou. Où son nom était murmuré avec crainte dans les grandes capitales. Il fit quelques pas, puis revint à elle, les traits durcis.
Il commença à tourner lentement autour d'elle, comme un prédateur qui évalue sa proie. Lya ne bougea pas. Même lorsqu'elle sentit son regard glisser sur elle, la scruter, la jauger, la disséquer.
-Malheureusement... comme je te l'avais dit, mon offre était limitée dans le temps, et tu as manqué l'échéance, déclara-t-il enfin, un sourire cruel sur les lèvres.
-Alors je vous en fais une nouvelle.
Il éclata d'un rire sec et moqueur, comme le bruit d'une lame s'entrechoquant contre le métal.
-Je vous demande l'asile pour moi et mes compagnons. Vous nous cachez, vous nous logez, vous nous nourrissez. Et en échange, vous aurez notre force. Pleine, entière, et fidèle.
Andreius s'arrêta net, fronçant les sourcils.
-Je ne vois pas bien en quoi ton offre est différente de la mienne. Il me faudrait... un peu plus, pour être convaincu.
Lya releva la tête. Elle le regarda droit dans les yeux.
-Et vous m'aurez moi. Toute entière. Sans restriction.
Un silence brutal tomba dans la salle. Même le feu des torches sembla vaciller.
Andreius la fixa, incrédule, avant de laisser échapper un rire plus bas, presque surpris.
-Petite prétentieuse..., murmura-t-il, entre moquerie et fascination.
Andreius fut pris au dépourvu par cette réflexion de la part de la jeune femme. Quelque chose avait indéniablement changé, et cela l'excitait au plus haut point. Cependant, le pari s'avérait extrêmement risqué, voire perdu d'avance. La remettre au PC lui assurait une récompense non négligeable et garantie.
Ces quelques minutes torturèrent Lya, qui paniquait intérieurement. Elle avait beau croire en ce qu'elle disait, son assurance n'était qu'une façade.
-PAUL !, cria soudainement le seigneur.
Un domestique apparu instantanément de derrière une porte latérale. Le cœur de la jeune femme s'accéléra encore. Allait-il les arrêter ? C'était la fin pour eux.
-Prépare trois chambres pour nos nouveaux invités !
Lya soupira intérieurement. Elle rassembla toutes ses dernières forces pour que ses pieds ne se dérobent pas sous son corps. La blondinette avait réussi. Elle n'en revenait pas.
-Pour combien de temps, mon seigneur ?, demanda humblement le majordome.
-Une durée indéterminée.
-Très bien, acquiesça le chétif homme. Mademoiselle, veuillez me suivre.
La jeune femme s'inclina avec respect devant Andreius et tourna les talons, mais l'homme lui agrippa le bras. Il la tira vers lui, au point que sa bouche ne se retrouve qu'à quelques centimètres de l'oreille de Lya.
-Je veux en avoir pour mon investissement, sinon je n'hésiterais pas à en faire subir le prix à tes petits amis.
La jeune femme ne répondit rien à cela et le seigneur la laissa enfin partir.
*****
Le soir même, le trio put enfin s'attabler pour manger à satiété. Leurs corps affamés depuis si longtemps rendaient chaque bouchée délicieusement douloureuse. Pourtant, autour de la table, débordant de nourriture, un silence pesant enveloppait tout le monde.
Quand Lya avait rejoint ses amis après son entretien avec le seigneur, Archi avait tenté de la faire parler pour savoir ce qui s'était passé. Cependant, ils comprirent rapidement que la jeune femme ne dirait mot. Ils saisirent pleinement l'ampleur du sacrifice que leur amie avait consenti et n'insistèrent pas davantage.
Le bain qui suivit le festin fut un moment de paradis indescriptible. L'eau parfumée se troubla rapidement, vu l'état pitoyable de ses hôtes. Lya plongea sa tête aussi longtemps que possible, se laissant envelopper totalement par cette chaleur réconfortante. En émergeant, c'était comme si elle renaissait : plus forte, plus déterminée, sans plus aucune compromission.
*****
Les trois nouveaux invités, se blottirent confortablement dans leurs vastes lits. Ils avaient déjà oublié ce qu'était le confort.
Cependant, alors que la lune était déjà bien haute dans le ciel, une silhouette s'échappa de l'étreinte chaleureuse de son couchage. Sans émettre le moindre bruit, l'ombre quitta la chambre sans réveiller qui que ce soit.
Ses pieds nus frappèrent le sol glacial du couloir sombre et interminable du château. À cette heure-ci, il n'y avait pas âme qui vive, et le fantôme se déplaçait avec discrétion. Ce dernier finit néanmoins par s'arrêter devant une porte en bois richement décorée. Après une grande inspiration, il toqua doucement et on l'invita à entrer.
La pièce était éclairée par quelques bougies éparses. Au centre, trônait un lit à baldaquin drapé de tapisseries épaisses.
Le seigneur, en tenue de nuit, tendit alors sa main ouverte en direction de la porte.
-J'espère que tu en vaudras le coup, lança-t-il, avant que Lya le rejoigne.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE