Chapitre 34 : Le coq chante pour un nouveau matin

Par Kieren

L'avantage avec des enfants sauvages, c'est qu'ils ne font pas la fine bouche, ils mangent ce qu'il y a. Et à moins d'avoir une envie gustative exotique, on risque d'être rapidement rebuté par le garde-manger de Théo.

Il faut savoir que ce grand couillon élève des insectes pour les cuisiner et les vendre sur le marché, alors il ne bouffe pratiquement que de ça. Et si le contenu de son stand est déjà bizarre, je vous raconte pas celui de sa réserve personnelle.

Les gamins se levèrent vers 7 heures 30, les yeux encore bouffis de sommeil pour le petit et les cheveux en pagaille pour la grande, comme s'il y avait de la paille dans sa tignasse. Ils se tenaient la main, la Gamine était droite comme un ''I'' et menait la marche pendant que son frère la suivait timidement en scrutant derrière eux d'un œil inquiet.

Peur que quelque chose les poursuive ? Ou alors ils ont cassé un truc. Je vérifierai plus tard.

« Bonjour les gosses, comment avez vous dormi ? »

« Bien. » dit la Gamine. Le petit frère se cachait un peu derrière elle, mais elle lui fit comprendre qu'il fallait se mettre à table.

« Vous avez de la chance, c'est rare que je dorme bien. Je fais trop de cauchemars pour ça, moi. » Le Gamin se tourna alors vers sa sœur et lui tira sur la manche.

« Il vous demande ce qu'est un cauchemars. » me dit elle.

« Ce sont les monstres qui t'empêchent de dormir Gamin. Ça prend la forme de ce qui te fait le plus peur et ça te grignote de l'intérieur. Généralement quand tu en fais un, tu te réveilles plus mal que tu ne t'es couché. » Il me regarda avec de grands yeux et se mit à gesticuler les mains dans tous les sens. Je me dis que ça allait me demander beaucoup de temps avant de le comprendre.

« Il vous dit qu'il a vu dans son sommeil des humains qui nous chassaient, vous étiez dedans aussi. »

« Et je te chassais aussi Gamin ? » Il fit ''non' de la tête. « Alors je faisais quoi ? » Il croisa les bras et me fixa avec sévérité, puis il pointa derrière lui et il croisa les bras.

« Vous étiez assis à une table, comme vous le faites maintenant, vous l'avez fixé du regard alors il est venu vous voir. Ceux qui nous poursuivaient se sont arrêtés, ils avaient peur, lui aussi, mais vous ne lui avez rien fait, vous êtes resté les bras croisé sur la chaise, imperturbable. Il s'est réveillé comme ça. »

Je restai assis pendant quelques secondes à les toiser, je regardai le petit dans les yeux. Il me fixait avec peur, mais il ne détourna pas le regard. Il attendait quelque chose. Alors je me levai et me dirigeai vers lui. Il était vraiment petit. Je regardais en bas. Il regardait en haut. Nous restâmes comme cela quelques instants, puis je décochai un sourire et lui ébouriffai un peu les cheveux.

« Range ton couteau Gamine, je te sens tendue. »

L'atmosphère de la pièce s'était radicalement refroidie, la Gamine était toujours assise, prête à me sauter dessus, elle serrait la lame très fort dans sa main, elle tremblait légèrement. Le gosse lui était un peu perdu, il me regardait avec interrogation et essayait de remettre ses cheveux en place.

« C'était quoi ça ? Le Vieux ? » me demanda t-elle.

« C'était une marque d'affection, un peu comme toi qui lui tiens la main. C'est quelque chose de doux et chaud. Et toi Gamine, c'était quoi ce couteau ? »

« C'est ma marque d'affection aussi, quelque chose de froid, palpable et réel. Je le protège. »

« Montre-lui que tu l'aimes aussi, ça ne passe pas que par le protéger. » Elle attendit un petit peu, puis desserra le couteau de sa main. « Bien, maintenant mangeons. On a une bonne journée qui nous attend ! »

Alors que je me servais une tisane, le Gamin se frotta un peu les cheveux, et puis il fit pareil avec ceux de sa sœur. Elle le fixa drôlement, et lui aussi. Elle semblait en difficulté, sans trop savoir quoi faire, elle me regardait à la recherche de quelque chose. Et comme je ne lui donnais aucune réponse, maladroitement, elle finit par lui ébouriffer les cheveux. Le Gamin sourit. Moi aussi.

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