Quand nous nous réveillâmes, le feu était éteint depuis longtemps à l’étage du dessous, et le froid avait traversé les murs en bois de la maisonnette. Même sans vent, la structure craquait de toutes parts, en raison de la dilatation du bois sous l’effet de la forte amplitude des variations de température pendant la nuit. Ces crissements s’étaient ajoutés aux bruissements de la forêt et à quelques manifestations animales plus ou moins lointaines, bien que la distance restât difficile à évaluer. La nuit avait été pleine de sonorités inhabituelles, créant une atmosphère à la fois stimulante et inquiétante.
Le détour vers les toilettes sèches à l’extérieur renforça le désir de retourner au plus vite sous la chaleur revigorante de la couette. Éric suivit le même chemin mais eut en plus la gentillesse de monter un petit déjeuner composé de café et de pains au lait trouvés dans un placard de la cuisine, dont nous n’osâmes regarder la date de péremption, de peur de rester le ventre vide jusqu’au retour.
Mais Éric avait également faim d’autre chose. Ses mains se firent vite baladeuses, explorant la longue nuisette noire que j’avais emmenée, compromis pragmatique et féminin entre la nuit glacée et la tendre tiédeur du matin. Compte-tenu du froid alentour et de l’intensité de nos gestes sensuels de la veille au soir, je trouvai son ardeur flatteuse. La température de la chambre nous incita à nous calfeutrer sous la couette, et Éric en rajouta même une deuxième pour que nous puissions nous recouvrir entièrement. Ce fut donc à tâtons et sans nous voir que nous nous enlaçâmes. La longue nuisette était indécemment décolletée et, dans la faible lueur du jour naissant, Éric avait d’ailleurs gloutonnement constaté que sous certains angles, le tissu léger qui soulignait ma poitrine en faisait saillir généreusement les modestes rotondités. Dans le noir improvisé, ses mains vérifièrent cette impression et, lové dans mon dos alangui sur le côté, son haleine caféine caressant ma nuque, Éric joua avec ses doigts, passant sur la finesse du liséré qui comprimait mes deux seins, et s’insinuant entre eux pour oser une descente sous le vêtement. Quelque part entre mes fesses et lui, l’espace se combla. La nuisette fut vite enlevée de même que le pantalon de pyjama et le t-shirt que portait pour dormir l’homme bandé calfeutré avec moi sous les duvets. La bulle dans laquelle nous nous étions réfugiés ressembla vite à un sauna, nous obligeant à passer ponctuellement la tête dehors pour respirer de l’air frais. Il nous fallait choisir : le sauna ou le froid.
Quelques mignardises enthousiastes furent tentées sous la couette. Éric n’osait pas rendre les caresses intimes, ne sachant pas où j’en étais de mon cycle. De toute façon, je m’étais endormie sans avoir pu faire l’amour, après deux heures d’un érotisme intense. C’était peu dire que ce matin, les préliminaires les plus appliqués n’étaient pas indispensables à l’éveil de ma libido. J’avais enlevé mon tampon de la nuit en descendant aux toilettes, et remonté un préservatif. Je passai le bras sous la couette et l’attrapai sur la table de nuit.
-On va juste garder une petite précaution, d’accord ?
-Tout ce que tu veux.
Je déroulai moi-même la capote sur le pénis érigé et, engoncé sous la couette, Éric s’allongea sur moi et me fit l’amour dans un langoureux missionnaire. Nos corps furent bientôt réchauffés et nous enlevâmes les épaisseurs devenues superflues. Davantage libres de nos mouvements nous roulâmes sur le lit, gardant pour cette matinée de tendresse des poses lascives dans lesquelles nous pouvions rester collés l’un à l’autre. Quand je sentis les premières contractions intimes, j’eus le réflexe de me redresser. Mal m’en prit. Ma tête heurta un chevron, gâchant la montée de l’orgasme, mais cela nous fit éclater de rire Éric et moi. Cela dit, j’avais mal à la tête et, en regardant si au moins je ne saignais pas, Éric m’annonça que je serais bonne pour une jolie bosse. Il descendit, nu et encore en érection, le préservatif toujours en place, chercher une illusoire trousse de premiers secours. Mais ses parents étaient prévoyants, bien davantage que nous, qui n’avions rien prévu de tel malgré notre randonnée en forêt, et il remonta, le sexe au repos et sans la capote, avec de l’arnica qu’il m’appliqua en appuyant, comme s’il avait voulu faire rentrer la bosse à l’intérieur de ma boite crânienne, colorant d’ocre mon front et la base de mes cheveux.
-T’es sûr que ça marche ton truc, là ?
-Il parait.
-Parce que quitte à changer de couleur de cheveux, autant que ce soit efficace.
-Madame râle ?
-Madame souffre le martyr.
Nous étions à genoux sur le lit, mes cheveux frôlant les poutres malveillantes. Il déposa un baiser sur mon front endolori. Mes mains allèrent chercher son pénis rabougri qui boudait le long de ses cuisses.
-T’es encore d’humeur après ça, me demanda-t-il ?
-Je suis toujours d’humeur.
L’érection revint vite… et je me rendis compte que les autres préservatifs étaient en bas, dans mon sac. Il me fallait redescendre. Hélas, le coup à la tête avait été plus fort que je ne l’avais imaginé et, pendant ma descente, un univers de papillons grisâtres se figea devant mes yeux. Je m’entendis appeler Éric, lui disant que j’allais me casser la gueule. L’étourdissement ne dura que quelques secondes, et quand je revins à moi, le tableau que je visualisai me fit à nouveau éclater de rire. J’étais à poil, une énorme bosse de couleur orange sale en train de se former sur le front, un pied dans le vide et un autre posé sur un barreau de l’échelle, une main accrochée quelques barreaux plus haut, l’autre vissée dans la poigne d’Éric qui me maintenait au cas-où j’aurais chuté. Éric se mit à rire aussi, et le fou-rire communicatif devint incontrôlable. Je dus me maintenir à l’échelle pour que ce ne soit pas finalement mes gloussements qui finissent par me faire lâcher prise et tomber. Une fois la crise passée, je terminai ma descente, cherchai le deuxième préservatif dans mon sac, et remontai.
-Toujours envie, interrogea Éric ?
-Fais-moi jouir ou c’est moi qui te balance la tête contre une poutre.
Il s’exécuta.
Ne prenant aucun risque, je me mis à genoux sur le lit, la tête endolorie bien calée dans un oreiller, offrant derrière moi une cambrure de rêve à mon amant qui n’en demandait pas tant pour réveiller son anatomie une troisième fois.
-Ça me plait bien cette histoire de poutre, vu la position de sécurité que ça t’amène à prendre.
-A propos de poutre…
Éric déroula le préservatif sur le pénis dont mes chairs se languissaient du retour. Mes hanches sentirent ses mains fermes et, naviguant sous les barres qui soutenaient le plafond, il se faufila et trouva à la fois le chemin entre les dangers de bois, et celui qui conduisait en moi. Moins lascive, mais bien plus sûre pour ma pauvre tête bosselée, la levrette énergique me ramena vite au point où j’en étais avant le choc. Encouragé par les quelques mots crus et allusifs que j’avais utilisés, par l’atmosphère chargée d’érotisme débridé et par la vision qui s’offrait à lui, Éric se laissa aller.
-Quel cul !
-Mmmh ?
-Si tu voyais le spectacle, d’ici…
-Raconte.
-Ce cul… ça me rend fou…
La main droite lâcha ma hanche et se posa sur mes fesses, en dessous desquelles la verge allait et venait en moi avec ferveur. Je sentis Éric vaciller entre son respect et son désir. J’adorai.
-Lâche-toi.
Éric avait très bien compris. La main se fit plus autoritaire, pétrissant les chairs fermes de mon fessier rebondi par la position avantageuse.
-J’adore ton cul, putain…
-Alors dis-le lui !
J’avais presque crié, et en même temps donné un bon coup de reins vers l’arrière pour accentuer la pénétration mais également la pression sur ce pénis couvé de bonheur et qui distillait dans l’âme de mon homme des envies pornographiques. C’était une invitation on ne peut plus explicite. La main droite claqua sur mes fesses, sans faire mal. Mon ventre se tordit de plaisir, envoyant ses ondes jusque dans ma poitrine et ma gorge. La main caressa avec douceur la courbe gracieuse, comme pour s’excuser de ce qu’elle venait de faire. Je donnai un nouveau coup de rein. Le pénis s’enfonça plus profondément encore, enserré dans son cocon, mon vagin bouleversé déversant des vagues sur la raideur qui me remplissait, et la seconde main copia la première, changeant de fesse.
-Léa, merde, ce cul, c’est pas possible !
Le troisième mouvement de mon bassin vers lui fut celui qui transforma enfin mon doux petit-ami en amant torride. Sachant trouver le juste milieu entre brutalité et intensité, il emprisonna mes cuisses dans ses mains et je me sentis tirée vers l’arrière. Mes jambes s’ouvrirent d’elles-mêmes, comme un compas dont on augmente l’amplitude, et s’enroulèrent autour du ventre d’Éric, qui se pencha sur moi, accélérant les va et vient. Une main s’était glissée sous mon corps, pour me maintenir dans cette position improbable, et se plaça contre mes seins avec aplomb. L’autre poussait contre mes fesses, tel un cowboy encourageant sa monture, envoyant de petites claques savoureuses et encore emplies de la douceur que j’inspirai à ce jeune homme tentant d’exprimer dans mon dos l’ambivalence de son désir. Tous les muscles de mon ventre se contractèrent et je dus serrer également ceux de mon pelvis car Éric se coucha subitement sur moi, comme répondant à un stimulus impérieux, et ses mains agressèrent mes seins qui bénirent cet élan viril, leurs propres sensations décuplant celle de l’orgasme qui bouillonnait dans son antichambre. Sa main posée sur mon cul le pétrit fermement, comme pour prendre son élan. Sa queue sortit de moi pour mieux me percer une ultime fois, entrant avec fracas, bousculant tout sur son passage, et un hoquet de plaisir remonta ma colonne vertébrale, s’achevant en un cri qui fit concurrence à tous les nocturnes tapis dans l’ombre de la forêt et que je réveillai en sursaut, hurlant le plaisir qui envahissait la moindre de mes chairs, chacune en feu. Dans son mouvement hors de contrôle, Éric me souleva, son bras calé sous mes seins, et il s’en fallut de peu que je me reprenne un chevron sur le front. Sa bouche se plaqua sur ma nuque, traversant le rideau de cheveux blonds, et il mordit ma peau, pressant la langue contre elle, goûtant son sel. Le bras coulissa contre mes seins, la main venant toucher mon visage. J’ouvris la bouche pour aspirer un doigt comme j’eus achevé une fellation et lui rendis sa délicate morsure. Nous jouîmes ensemble, parfaitement synchronisés, pour la première fois à ce point-là, cessant de respirer ensemble, ventres creusés et muscles saillants, avant de retomber hors d’haleine dans le froid de la chambre qui déjà glaçait la transpiration venant recouvrir nos épidermes consumés.
Nous nous prélassâmes encore un peu, puis nous descendîmes nous habiller et rangeâmes la cabane. Nous partîmes vers 11h, et je pris cette fois-ci le volant. Comme la plupart des adolescents, j’avais passé mon permis en conduite accompagnée pendant mes dernières années de lycée, exactement comme Charlotte le faisait depuis qu’elle était en Première. J’avais eu mon code quelques semaines avant mon bac, mais, étant née en fin d’été, je n’avais pas encore mes dix-huit ans et dus patienter pour passer le permis proprement dit à la rentrée universitaire. Je l’avais eu du premier coup, mais peu pratiqué depuis. Ayant quitté mes parents au moment où je devenais titulaire du sésame, j’avais perdu en même temps les occasions régulières de conduire. Quand une nouvelle se présentait, je sautais dessus, ce que je fis donc en piquant les clés à Éric.
Le potager ne nécessitant j’imagine que peu de travaux en mars, sa mère s’affairait à la taille de quelques buis devant la façade de la maison quand nous arrivâmes. Vaguement inquiète de voir une grande perche blonde au volant de sa Twingo, elle se redressa et m’observa entrer dans le garage, son sécateur à la main. Quand nous sortîmes de la voiture, elle vint nous saluer et posa une de ces questions rhétoriques qui donnent toujours envie de répondre exprès quelque chose d’absurde.
-Ah, vous avez le permis, Léa ?
-Bah non mais j’ai toujours aimé les auto-tamponneuses, pensai-je en rétorquant que oui, bien sûr.
Il était midi et demi et elle proposa que je reste déjeuner. Je savais qu’Éric ne repartirait pas avec moi, et ne rentrerait que le soir. J’acceptai l’invitation. Le sexe donne faim, et les petits pains au lait avariés sont très inefficaces pour la rassasier.
Je laissai Éric entrer et restai dehors avec Françoise, pour papoter en faisant connaissance, à moins que ce ne fût l’inverse.
-Éric a été discret, vis-à-vis de vous.
-Ah oui ?
-Oui, il nous a parlé d’une jeune fille qu’il avait rencontrée et avec qui ça se passait très bien, mais il est un peu sur la défensive, depuis que son père et moi avons du mal…
Elle n’acheva pas sa phrase. J’en avais compris le sens, un mot précis était inutile.
-Que voulez-vous savoir ?
-Vous êtes étudiante, c’est ça ?
-Oui, en master.
Je détaillai à sa demande l’intitulé exact du master et mes projets professionnels.
-Et vous vous êtes rencontrés comment ?
-Dans un bar.
La réponse avait été prononcée trop vite. C’est l’inconvénient de la sincérité : parfois il faut juste l’adapter à l’auditoire. Je vis dans les yeux de la mère protectrice tout le panel des situations pouvant correspondre à ma formulation malheureuse. Tant pis. Corriger le tir est souvent encore pire que laisser les choses en l’état et attendre les questions suivantes.
-Vous vous êtes fait mal ?
Françoise observait la bosse, et surtout l’arnica que son rejeton avait tartinée et dont il restait des traces dans mes cheveux.
-Oui, rien de grave.
-Vous vous êtes cognée pendant la randonnée ?
-Voilà, mentis-je cette fois-ci en me pinçant l’intérieur des lèvres pour ne pas être reprise par le fou-rire du matin.
-Faites-voir.
Je tendis ma tête.
-La bosse n’est pas trop sortie, et elle est en partie sous vos cheveux, ça ira.
-Oui, j’ai juste eu mal sur le coup.
Françoise semblait avoir mille questions à poser, et je ne voyais pas comment l’encourager à le faire sans lui donner une permission explicite qui lui aurait évidemment coupé l’envie d’y souscrire. Les rapports humains peuvent être si compliqués …
Nous rentrâmes pour le repas qui était prêt. Le père d’Éric avait cuisiné une blanquette à laquelle je fis honneur avec encore plus d’enthousiasme que pour le gâteau de la veille.
-Ça fait plaisir de vous avoir à déjeuner, au moins, me dit le papa satisfait pendant que je sauçais la béchamel citronnée à grand renfort de pain de campagne.
-Et vous avez une telle ligne en mangeant comme ça tous les jours, commenta Françoise.
-Elle a fait une semaine de régime juste pour vous impressionner.
Éric était agacé par ses parents. Son humour et la distance que je lui connaissais s’effaçaient quand il s’adressait à eux. Je comprenais à la fois pourquoi, de même que je percevais les raisons pour lesquelles Françoise marchait sur des œufs avec moi.
Je refusai poliment le fromage et pris de la mousse au chocolat, puis un café. Il y avait dans cette maison une évidente tension que tout le monde pouvait ressentir sans pour autant être concerné. Éric n’avait pas envie de s’attarder à table, et cela m’arrangeait aussi de rentrer tôt. Il proposa de m’accompagner à la gare en voiture, et je pris congé de ses parents, ayant fourni un peu malgré-moi à sa mère autant de motifs de satisfaction que d’interrogation.
Un train arriva relativement vite et je fus à mon appartement pour 17 heures. Pendant le trajet, je consultai mes notifications. J’avais délibérément éteint mon portable pendant ce court séjour. Chloé me demandait si notre running de mardi tenait toujours. Je lui répondis par l’affirmative. Mélanie m’informait que Kevin et Adrien les avaient appelée tous les deux, et qu’elle avait donné son feu vert pour le massage « deux par deux » comme elle disait. J’aurais dont quatre massages à enchaîner demain après-midi, jusque vers plus de 20 heures, dont un quatre-mains et un « deux par deux » avec elle. Je répondis enfin à quelques autres sms d’étudiants de mon amphi à propos des cours, et me laissai bercer par le roulement du TER.
Le séjour avait été merveilleux, mais le repas du jour me laissait un sentiment d’inachevé et d’impuissance. Je savais Éric affecté par les conflits familiaux et, sans en avoir été le témoin direct, j’avais ressenti à quel point cela pesait sur tout le monde.
Une fois rentrée, je me mis à mon travail, terminant ce que j’avais entamé vendredi soir, afin d’être prête pour la semaine qui s’annonçait. Un dîner léger devant la fin haletante de la saison 1 de Lost acheva un week-end riche en émotions.
Mélanie avait quelques massages prévus en tout début d’après-midi, avant que je ne la remplace et qu’elle me rejoigne plus tard. Après un déjeuner au resto U avec des potes de promo, je travaillai à la bibliothèque jusqu’à l’heure de me mettre en route. J’arrivai au local vers 16 heures. Mélanie y réinstallait des serviettes propres.
-Ah oui, il faudrait que je vérifie de temps en temps moi aussi, et qu’on alterne les lavomatic.
-Oui, ben tu feras le prochain, ok ?
-Ça roule. Ça allait tes massages ?
-Oui, sans souci. Je me demande ce que ça va donner avec Kevin et Adrien.
-Moi aussi. Ils t’ont donc inspiré confiance au téléphone ?
-Oui, on a même parlé un peu tous les trois. Soit ils jouent bien la comédie et ce sont des psychopathes, soit c’est juste deux jeunes mecs qui veulent tenter un délire.
-On va plutôt dire que c’est ça.
-T’as quoi, à la tête ?
-Bosse.
-Putain, tu t’es pas ratée. T’as pris une branche en marchant ?
-J’ai pris une poutre mais pas en marchant, non …
-Les cages d’escalier, les cabanes en forêt… t’en as d’autres, à ton arc ?
-Dommage que t’aies pas installé un hammam, ici. Ça, ça me plairait bien !
-Un bon week-end, donc ?
-Génial.
-Tu me raconteras les détails, ok ? Là je te laisse, je vais à mon cours de maquillage et je reviens pour 18 heures.
-A toute.
-Saut ma poulette.
Le local était prêt. Je me mis en tenue et attendis Flavien. Ce client d’Alessia avait réservé mes services pour trente minutes. Il sonna à l’heure prévue en entra. C’était un homme de quarante-deux ans, assez enrobé, qui semblait agréable tout en marquant une distance. Il me demanda de le masser en sous-vêtements et me paya pour qu’il en soit ainsi. A ma grande surprise il souhaita l’huile aromatisée à la lavande. Ce n’était pas la plus discrète. Je la préparai pendant qu’il se douchait, puis il revint s’allonger sur le ventre, comme télécommandé par son assiduité fidèle aux mains siciliennes.
Je démarrai le massage et la conversation.
-Vous êtes l’un des premiers à me demander une huile parfumée.
-J’aime bien. Sans odeur, pour moi c’est pas un massage.
-Ah oui c’est un parti pris très personnel.
-Les massages c’est la sensualité. Et l’odorat est l’un des sens.
-Est-ce que la vue vous convient, au moins ?
-Cet ensemble noir est très élégant.
J’éclatai de rire.
-Je parlais de moi, pas de ma lingerie.
-Oui j’avais compris, excusez-moi je tentais de l’humour.
-Alors je suis désolée, c’est moi qui ne l’ai pas perçu. Et donc merci pour le compliment.
Sa peau était très souple, et parfaitement hydratée. Une vraie peau de bébé.
-Vous avez une peau magnifique, vous faites souvent des massages ?
-Oui, Alessia me voit quasiment toutes les semaines.
-Ah d’accord, oui, donc la peau est régulièrement nourrie, ceci explique cela.
-C’est bien pour ça que je viens !
Là, je perçus l’humour.
-Et donc à chaque fois, lavande ? Ou vous changez d’arôme ?
-De senteur. Les arômes décrivent le goût, et les senteurs l’odorat.
-Mais vous avez parfaitement raison.
-Excusez-moi, je suis tatillon, ça peut me rendre désagréable, ce n’est pourtant pas le but.
-Tout va bien…
-Donc je change régulièrement. A force, je les ai toutes testées. Figurez-vous qu’il m’est même arrivé d’en offrir à Alessia, pour diversifier plus encore sa collection.
-Un client qui fait des cadeaux… le rêve ! Et vous lui avez offert quelle senteur ?
-Herbe.
-Herbe ?
-Oui, l’odeur de l’herbe fraîchement coupée.
-Mais on fait des huiles, avec ça ?
-C’est plus difficile à trouver, mais ça existe oui.
-Je peux vous demandez ce que vous faites dans la vie ?
-Je suis sommelier.
-Mais vous m’intéressez énormément…
-Vous aimez le vin ?
-Oui, tout en n’y connaissant rien du tout, comme plein de monde.
-Vous savez sûrement l’essentiel.
-On le fait avec du raisin !
-Bravo Lola !
-Voilà, mes connaissances s’arrêtent là.
-Connaitre les détails des différentes fermentations n’est pas capital pour savoir apprécier. Vous avez déjà essayé de reconnaitre des senteurs, au nez, puis des arômes, en goutant ?
-Ça m’a toujours paru très compliqué, ces séances entre initiés qui font tourner leur verre au-dessus de leur tête et lancent des mots compliqués pour décrire ce qu’ils observent…
-Savez-vous pourquoi ils font tourner le vin dans le verre ?
-Pour l’aérer ?
-Ah, vous voyez ! Pour l’oxygéner, oui. Ça permet de développer les odeurs trop discrètes au moment du premier examen. C’est ce qu’on appelle le deuxième nez.
-J’ai bu un Condrieu, récemment, que j’ai adoré.
-Dieu bénisse le viognier.
-Mais dites-moi, pour venir toutes les semaines, vous devez être accro à Alessia, vous !
-Je dois bien l’admettre, oui. Je viens depuis un an environ. Depuis mon divorce.
Voilà pourquoi Flavien pouvait se permettre de sentir la lavande, l’herbe coupée ou je ne sais quoi d’autre encore : il n’y avait pas d’épouse attentive à son retour.
Réceptif au massage, il fut en érection dès les premières pérégrinations de mes mains en direction de ses attributs masculins. Et c’est le sexe bien dressé qu’il se retourna au bout d’un quart d’heure. Cela ne lui posa aucun problème. Il était habitué et, en dehors de la nouveauté que ma personne représentait, bander sur la table de massage lui était devenu familier. Cela ne l’empêcha en rien de continuer la conversation sur les cépages, les atouts et les défauts des principales régions viticoles, ses grands souvenirs de dégustation, ou la constitution de la cave du restaurant dans lequel il travaillait. Le massage se poursuivit, glissant de plus en plus vers l’érotisme final.
-Si vous venez dîner un soir, je vous ferai un prix sur un très bon vin.
-Ah mais c’est très gentil, ça.
-Si vous avez aimé le Condrieu, peut-être apprécierez-vous une belle Côte-rôtie.
-Il y a un rapport ?
-Ce sont deux appellations qui correspondent à un même petit territoire assez étroit au sud de Lyon.
-Un en blanc et l’autre en rouge, donc ?
-Oui, les vins n’ont rien à voir, mais je tentais juste un parallèle géographique qui vaut ce qu’il vaut.
-Et bien j’essaierai.
Il était l’heure de lancer la fermentation de monsieur le sommelier. De nouvelles senteurs de lavande se libérèrent, alors que j’irriguai abondamment mes mains pour commencer la taille de son sarment, qui s’était encore développé, la liane n’ayant cessé de pousser sur le cep noueux. Me concentrant sur l’œil unique, j’aidai la sève à monter alimenter les grappes. Enivré des senteurs méridionales et de mon méticuleux travail de la vigne, l’amateur de vin grimpa dans les cieux aussi sûrement qu’en dégustant un Margaux 1947. Je pris le temps, laissant les sensations monter, comme un viticulteur abandonne provisoirement l’élevage de son vin au bon vouloir de la malolactique capricieuse. Seules mes mains furent à l’œuvre, avec leur talent habituel, sans autre recours, travailleuses exclusives de ma biodynamie. Ivre de bonheur, Flavien se mit à gémir et je décidai que le temps de la vendange était venu : le fruit était à point, et il se répandit en coulées de blanc liquoreux.
Quand Flavien revint de la douche, il remit ses vêtements avec une certaine lenteur.
-Vous êtes très différente d’Alessia.
-Dans ma façon de masser ?
-Oui, c’est assez déstabilisant.
-C’est-à-dire ?
-Alessia parle davantage.
-Mais on a parlé pratiquement tout le temps.
-Non, excusez-moi, ce n’est pas ce que je voulais dire. Alessia parle davantage de sexe. Elle accompagne ses gestes de paroles stimulantes, vous comprenez ?
-Ah oui, très bien, dis-je en me remémorant le laïus que m’avait fait Mélanie sur le sujet lors de ma formation, et vis-à-vis duquel j’avais en effet pris quelque distance, trouvant ma propre voie et ma propre pratique.
-Mais alors vous préférez quelle méthode ?
-Aucune, les deux styles sont agréables. Alessia est très excitante, très coquine. Vous, vous êtes d’apparence plus en retrait, mais vos gestes sont surprenants, et valent tous les discours. Avec vous, on est pris malgré soi par ses propres sensations, c’est ce que j’appelais « déstabilisant ».
L’explication de texte terminée, Flavien s’en alla, non sans oublier de rappeler son invitation à venir dîner dans le restaurant où il exerçait. J’avais connu des clients plus consciencieux dans le cloisonnage entre leur vie personnelle et leur passage entre mes mains. Cette spontanéité était agréable et valorisante.
Nous nous quittâmes sur la promesse que nous nous reverrions, soit au restaurant, soit ici-même. Vu le rythme auquel il semblait avoir recours aux dons de sperme par massage interposé, je m’attendis effectivement à le revoir bientôt.
Le suivant était Mohamed, un jeune informaticien trentenaire très sympa, qui me conseilla sur les montages possibles pour notre futur site, les meilleures expositions, et même sur les rudiments du langage html. Je me rendis compte à quel point ces rencontres sensuelles pouvaient aussi s’avérer riches d’enseignements. Il avait souhaité que je sois seins nus pendant le massage de trois quarts d’heure, et il sembla tellement obsédé par ma poitrine que je pris moi-même l’initiative, lors de la finition, de redresser la table afin qu’il fût dans une position lui permettant de mieux s’adonner à la vénération de mon 85B. Cet amateur des seins féminins lécha alors abondamment, caressa, pétrit, tâta, suça, goûta, de sorte que mes seins n’eurent bientôt plus le moindre secret pour lui. Assez impressionnée par ce fétichisme débordant, j’en vins à me demander jusqu’où cela pourrait aller. J’imaginai Mohamed en train de téter goulument une poitrine de femme fraîchement accouchée afin d’en laper le lait maternel, et au vu du déploiement auquel j’avais droit, cela ne me sembla pas le moins du monde inconcevable.
La verge totalement épilée état douce, et la peau lissée par l’érection ressemblait à des fesses de nouveau-né. Quand la finition battit son plein, les dents de Mohamed s’invitèrent dans la partie. Il ne me fit pas mal, se contentant de serrer doucement mes tétons sans jamais mordre, mais prévenir valant mieux que guérir, je me permis une invitation à la prudence.
-Doucement, Mohamed, ce sont juste mes seins, c’est fragile ces petites choses-là.
-Pardon, je suis toujours dans tous mes états en face d’une paire de seins. C’est tellement beau !
Il n’y eut pas de débordement, et Mohamed canalisa son adoration, se contentant de ses doigts et de sa langue. Il avait sûrement rencontré des filles que cela avait dû flatter. Pour moi, c’était excessif. Il avait certes un côté attendrissant, mais également effrayant. Un tel lâcher prise, une telle emphase pour deux seins comme il en existe tant, et comme on en voit partout à la télé, dans la pub, dans n’importe quel magazine ou réseau social… Si encore nous avions été dans les années 30 et qu’une image mammaire ait été assez rare pour devenir une icône érotique, j’eus mieux compris une telle obsession devant l’objet interdit et chargé de mystère. Mais en 2012, cela m’échappait. Néanmoins Mohamed était rendu à tous mes seins, et j’en étais ravie pour lui. Le temps que mes réflexions fassent leur chemin, une explosion se produisit dans la main qui le masturbait. Il ne me semblait pas encore en être à la fin. Elle venait pourtant de sonner pour Mohamed, victime de son engouement et de la façon dont celui-ci entretenait une excitation incontrôlée. Prise par surprise, j’eus du mal à diriger l’éjaculation qui éclaboussa tout ce qui se trouvait à proximité. J’essuyai mon ventre, mes seins, dont j’étais au moins certaine qu’ils ne risquaient plus d’être léchés après ça, ainsi que le bas-ventre du fripon précoce qui venait de se libérer avant l’heure.
La douche prise, il repartit un peu gêné.
Il était 17h50. Mélanie allait arriver. Claude suivrait à 18 heures, puis Kevin et Adrien une heure plus tard. La fin d’après-midi s’annonçait de plus en plus libertine.
A part à ta peau de sirène
A quoi toucher ?
A part à tes fruits défendus
A quoi goûter ?
A ce bon verre de vieux vin rouge
Si parfumé
A tes lèvres que tu entrouvres
Sous mes baisers
Ton joli cul, tes seins bien ronds
Tes yeux fermés