Kevin rappela comme prévu le lendemain entre midi et deux. Je lui mis le deal entre les mains. Il accepta le principe et me dit qu’il inviterait son copain, Adrien, à appeler Alessia dans l’après-midi. Je lui proposai un rendez-vous lundi 26 mars à 18 heures mais c’était impossible pour lui ce jour-là. Finalement, je tombai d’accord pour lundi prochain, dans la foulée du quatre-main avec Claude. Le fameux « double massage » aurait donc lieu dans trois jours de 19 heures à 20 heures.
Une fois cette formalité accomplie, je mis Lola en week-end, et coupai mon portable pro. Tous mes rendez-vous pour lundi étaient pris, et j’aurais bien le temps d’en fixer pour le jeudi suivant d’ici-là. Mon esprit put se concentrer sur le séjour en forêt qui m’attendait. J’avais un peu menti concernant mes règles : peut-être que dimanche elles auraient plus ou moins disparu, mais demain, dans le troisième jour, il n’y avait rien à espérer. Je pris la décision d’emmener des préservatifs. Je sentais ma libido à son paroxysme à l’idée de ce dépaysement avec Éric, dont j’avais bien senti lors de son coup de téléphone hier soir, qu’il était lui-même d’humeur coquine… Les capotes permettraient de s’amuser un peu même si mes règles n’étaient pas totalement terminées. Par ailleurs, et par chance, je n’ai jamais eu de règles douloureuses. Alors ma foi… pourquoi ne pas faire l’amour ?
Je préparai des affaires pour randonner. La météo prévoyait que le soleil, désormais installé depuis plusieurs jours, persévèrerait tout le week-end. Les températures matinales resteraient très fraîches mais les journées lumineuses permettraient à la douceur printanière de s’installer avec un peu d’avance. Je pris mes baskets de running, même si Chloé m’aurait copieusement insultée pour un tel sacrilège, et de quoi marcher confortablement sans avoir froid. Ma coquetterie me poussa quand même à prévoir un short. Pour notre soirée au restaurant, je restai simple et prévis le pantalon sept-huitièmes beige qui avait tant plu à Éric, ainsi que mon pull rouge à l’épaule dénudée. C’est au niveau de la lingerie que je me fis plus joueuse et malicieuse. Je tentai le blanc, pas toujours facile à porter, surtout sur ma peau claire, avec un joli ensemble que je m’étais acheté un an auparavant. Le soutien-gorge avait une forme en triangle très simple, sans rembourrage. Une troublante dentelle lacée apportait de la transparence. Le tanga assorti était incendiaire en diable : taille basse, les deux pans avant et arrière n’étaient reliés que par deux lacets parallèles qui dégageaient les hanches presque totalement. Bien entendu, j’emmenai les fameux bas noirs que mon homme avait l’air de rien réclamés. Au cas où, je rajoutai mes bottines rouge brique à talons.
Je passai le reste de l’après-midi à travailler, tentant d’anticiper l’absence du week-end pour ne pas prendre de retard dans les cours et les lectures nécessaires. Puis je dinai en terminant l’épisode de Lost en face duquel je m’étais endormie la veille, et me couchai tôt.
Je retrouvai Éric à la gare quelques minutes avant le départ de son TER. Il faisait encore très frais. Mi-mars, il est illusoire d’espérer un temps de vrai printemps et, si le soleil était bien présent, il imposait aussi des températures basses au lever du jour. Je m’étais emmitouflée dans un jean et mon gros pull blanc, par-dessus lequel je portais mon blouson d’hiver. Éric était souriant et apaisé malgré la perspective de m’introduire dans la mauvaise passe de ses parents dont il craignait un divorce imminent. Je me sentais excitée par ce premier week-end en amoureux.
Nous arrivâmes à la gare où son père était venu nous chercher. C’était donc une famille de barbus ! Mais si Éric arborait une barbe joliment taillée, qui ne dissimulait pas son visage intégralement, son père ne souscrivait pas à un tel entretien et laissait simplement pousser… Il était ravi de me rencontrer et se montra chaleureux sur tout le trajet vers leur pavillon, situé dans un de ces lotissements que l’on trouve désormais jusque dans les campagnes reculées, depuis que l’aménagement du territoire s’est fourvoyé dans ces zones péri-urbaines interminables, qui ne sont plus que des successions de magasins de toutes les enseignes possibles et imaginables, entrecoupées de fast-food, de restaurants eux-mêmes appartenant à des chaînes facilement identifiables, pour rassurer le consommateur sur la possibilité de manger et d’acheter la même chose où qu’il soit dans le pays. Accolée à sa jumelle, la maison disposait de son lopin paysagé devant la façade, à gauche de laquelle on accédait au garage, et d’un jardinet de quelques dizaines de mètres carrés à l’arrière, seule touche verte personnalisable, qui était devenue un mini potager dans lequel nous trouvâmes la mère d’Éric, occupée à planter des oignons et des asperges.
L’intérieur de la maison était accueillant et elle nous y rejoignit rapidement. Les deux parents en conflit firent d’évidents efforts pour que je ne sois pas mêlée à leurs différends, qui s’accentuaient au fur et à mesure que s’aggravait la crise traversée, dont Éric ne voyait plus d'issue possible. Nous nous installâmes dans la pièce de vie baignée de lumière, orientée plein est vers le jardinet, et prîmes ensemble un café. Le père d’Éric avait fait un gâteau aux pommes original, sorte de « cake tatin » inversé, une croûte sucrée et craquante recouvrant les pommes fondantes. J’en dégustai deux belles parts en me faisant resservir du café plusieurs fois.
-Vous avez un bel appétit, et pourtant vous êtes si mince, commenta Françoise, la maman intriguée.
-J’anticipe sur les randonnées du week-end, répondis-je en pensant « et sur les séances de sexe intenses dont vous n’imaginez même pas votre fils capable ».
-Elle ne picore pas, au moins, elle, comme ta copine d’il y a deux ans, rajouta Françoise en tançant Éric sur le choix de ses petites-amies anorexiques qui boudaient les calories de belle-maman.
-Oui, répondit-il sobrement.
Le fait est que ce gâteau était vraiment bon, et que j’ignorais ce qu’on trouverait à manger dans la cabane forestière. Autant se lâcher !
Nous restâmes une petite heure à faire connaissance. Les deux parents investissaient leur rôle : curieux et ravis à la fois pour leur fiston, enthousiastes et méfiants, avenants et dans une certaine réserve de courtoisie… J’eus le temps de satisfaire ma propre curiosité en montant découvrir la chambre de mon petit-ami. Elle était encore dans son jus. Le départ du fils unique, qui revenait occasionnellement, n’avait pas nécessité une réorganisation complète des pièces, et l’endroit avait gardé son affectation d’origine. Elle était de taille moyenne, orientée sur le jardin, et outre le mobilier inévitable, lit à une place, bureau, armoire, elle était décorée de quelques posters défraîchis, moitié David Guetta et autres apologistes de la musique électronique, moitié photos d’œuvres de grands architectes, gratte-ciels, opéras, stades, qui témoignaient de l’intérêt d’Éric pour ce métier qu’il était en train d’apprendre. Posé sur un pied en X, un clavier électronique faisait le lien avec la première moitié des posters.
-J’aime bien l’ambiance de ta chambre.
-Elle est classique.
-Ouais mais on te reconnait bien.
-Tu vois, quand on a des goûts musicaux modernes, ça donne ça. Je dois m’attendre à voir un poster d’Elvis Presley, chez toi ?
-Peut-être même de Charles Trenet, va savoir…
-Les photos d’archi, ça date. Ça m’avait pris tout gamin.
-Et les numéros de playboy, ils sont toujours sous ton lit ?
-Bien sûr, avec les mouchoirs sales…
-Elle est sympa, ta chambre. Y compris avec David Guetta. Tu joues du piano, alors ?
-Non, je fais quelques airs de synthé, rien de plus.
-Ah oui donc avec un doigt, comme David…
-Rappelle-moi ce que tu me disais hier à propos d’une histoire de tronçonneuse ?
Nous redescendîmes et on nous emmena au garage où trônait une Twingo verte dont Françoise nous remit les clés. Nous entassâmes nos sacs dans le coffre minuscule et Éric prit le volant. A nous la liberté !
Nous débouchâmes sur la cabane à midi et demi. Nous étions entrés dans la forêt depuis un bon quart d’heure, et la route était devenue un sentier vaguement aménagé sur lequel les suspensions de la voiture émirent des plaintes douloureuses. Les arbres denses cachaient le soleil. Nous arrivâmes en bordure d’une zone dégagée dans laquelle Éric fit tourner la Twingo et se gara le long d’une barrière. Derrière elle, une longue pelouse bosselée montait doucement vers une maisonnette en bois. A mi-chemin, une vieille balançoire apportait une touche enfantine. Sur la droite du terrain, la pelouse descendait vers un minuscule ruisseau qui évoquait un fil reliant les différentes cabanes éparpillées, dont deux autres modèles étaient visibles, suffisamment loin pour garantir à chaque habitation une vraie indépendance.
-Il y a des gens dans les autres ?
-A cette période de l’année c’est rare. Je crois qu’on sera seuls.
-Cool.
-Ça te plait ?
-J’adore ! Le ruisseau débouche sur le plan d’eau dont tu m’as parlé ?
-Voilà, on ne le voit pas parce que le terrain gazonné tourne mais c’est au bout de la quatrième cabane qu’on va le trouver.
-On entre ?
Nous franchîmes un petit portail symbolique. Il n’y avait pas de grillage, encore moins de fil de fer barbelé ou électrifié. La petite maison était sur deux niveaux, posée sur une base étroite qui suggérait des pièces ni hautes de plafond, ni spacieuses. Une minuscule dépendance était située quelques mètres plus loin et disposait de deux portes. Éric me donna l’info capitale.
-Toilettes sèches.
-A l’extérieur ?
-Ouais.
-Oui donc quand tu disais qu’un mois ici, ce serait insupportable…
-Je ne mentais pas.
-L’autre porte ?
-Stockage divers. Dont les bûches.
-Ah oui donc c’est chauffé …
-A condition qu’on chauffe.
-Tu me fais visiter ?
La cabane était glaciale. On y entrait par une minuscule cuisine. Un réfrigérateur et deux plaques de cuisson se battaient entre quelques placards hauts et bas. Il y avait peut-être la place de cuisiner, mais pas d’y manger. Les repas se passaient donc dans le reste de la pièce du bas, qui devait faire une quinzaine de mètres carrés une fois déduit l’emplacement de la cuisine. L’endroit était exigu mais agréable. On y entrait par un sommet du carré, la cheminée bouclant la diagonale. Les autres coins étaient occupés par une table en bois brut pour l’un, et dans l’autre, de nombreux poufs de couleurs et de formes variées instillaient l’envie de se vautrer au coin du feu.
-Ça chauffera vite quand on fera un feu.
-Vu la superficie oui, je veux bien le croire. En tout cas c’est mignon comme tout.
Éric me fit tourner les talons et me ramena vers la cuisine. Une échelle de meunier que je n’avais pas vue montait vers l’étage. Il m’invita à grimper et je découvris l’unique chambre, aussi spacieuse que la pièce du bas, mais plus basse de plafond. Je ne pouvais pas m’y tenir debout et restai courbée. Il y avait en tout et pour tout un lit, un grand tapis au sol, deux commodes et une petite armoire basse. Au fond, le conduit de la cheminée apporterait la chaleur du feu crépitant juste en-dessous. En haut comme en bas, les fenêtres étaient étroites et renforçaient l’impression d’être à l’écart du monde, dans un petit cocon boisé sentant l’essence de pin et l’humidité, l’étroitesse de l’étage suggérant encore plus la cabane dans un arbre que le rez-de-chaussée.
-Sincèrement, j’adore de plus en plus.
-Oui j’aime bien cette chambre.
-Mais quand on vient à plusieurs, c’est jouable ?
-Pour cette taille de maison, deux couples c’est le maximum. Un en haut, et un sur les poufs en bas.
-Sur les poufs ?
-Oui il y en a plein et ils sont vraiment moelleux, pour quelques nuits ça peut remplacer un matelas si tu utilises ceux qui sont plus plats et rectangulaires.
-Et les ronds servent d’oreiller ?
-Non il y a de vrais oreillers dans l’armoire. Et des draps.
-Le luxe, dis donc…
J’étais enchantée. Nous préparâmes le lit, non sans nous cogner régulièrement dans les poutres du toit, puis descendîmes. Éric ouvrit les placards de la cuisine.
-Il y a toujours de quoi manger pour les premiers jours.
Nous nous fîmes une salade de thon et de maïs en grelottant. Il était inutile de lancer un feu alors que nous allions marcher tout l’après-midi. L’air était bien plus doux dehors et nous déjeunâmes en laissant toutes les fenêtres et la porte d’entrée grandes ouvertes pour réchauffer l’intérieur. Puis Éric sortit quelques cartes topographiques et des fiches proposant des circuits de randonnées.
-Tu veux marcher combien de temps ?
-On doit être au resto à quelle heure ?
-On ne peut pas arriver trop tard, ici, tu sais, ce serait bien de ne pas dépasser 20 heures.
-Donc faut être de retour au plus tard vers 19 heures, pour se préparer et faire le trajet. C’est au dernier village qu’on a traversé ?
-Oui.
-Il est une heure, on a une belle balade possible.
Après avoir farfouillé dans les cartes, nous choisîmes un circuit annonçant six heures de marche. C’était une boucle menant à un lac qui surplombait la forêt, puis descendait par un sentier qui passait devant une cascade avant de revenir vers le point de départ, qui était le parking sur lequel la Twingo se remettait de son périple. Il faisait vraiment bon, dehors, et je décidai d’enfiler mon short plutôt que le pantalon de jogging hideux. Il m’arrivait à mi cuisses et, avec de grosses chaussettes repliées sur les chevilles et mes baskets, je ressemblai à une marcheuse sexy. En haut je mis mon sweat par-dessus un t-shirt. Éric avait lui-aussi un short, visiblement prévu pour les randonnées, des baskets et un pull. Nous prîmes une bouteille d’eau, les cartes et les clés de la cabane, et plongeâmes dans la forêt.
La randonnée fut un moment intime et énergisant. Les six heures étaient très largement surévaluées, et nous bouclâmes le parcours en à peine quatre heures et demie. A mi-chemin, le lac ressemblait à une ellipse marine aux eaux sombres et poissonneuses, dont nous fîmes le tour rapidement, sous un ciel intensément bleu. Le soleil imposait une montée des températures bienvenue, à tel point qu’à découvert, pendant la pause au bord du lac, je restai en t-shirt, le sweat noué à la taille. Éric était de nature câline, et mon petit short l’inspirait énormément. Le jeu de séduction me plaisait, et je me retrouvai une nouvelle fois dans le rôle de l’allumeuse qui veillerait à éteindre plus tard les braises sur lesquelles elle aurait soufflé tout l’après-midi. Dans la deuxième partie de la boucle, nous débusquâmes la cascade promise au niveau d’un coude qui brisait la linéarité du sentier. Un pont en bois menaçant de s’effondrer faisant la jonction entre les deux tracés, tout en permettant de s’arrêter en face de la chute d’eau. La structure n’était pas stable et Éric en profita pour jouer les secouristes, prenant ma main comme si j’avais risqué une chute dans un précipice, et me tira du pont suffisamment fort pour que l’élan m’envoie me blottir dans ses bras. Ses mains trouvèrent instantanément mes fesses.
-Monsieur le moniteur, est-ce une façon de traiter les jeunes filles ?
-Quand elles portent un tel short, oui.
-Tu ne vas pas réussir à marcher correctement, avec une érection…
-Tu sais que Desproges a démontré que quand je bande je pèse exactement le même poids que quand je ne bande pas ?
-Attends que je m’en occupe ce soir et tu perdras quelques grammes !
De retour à la cabane, nous ouvrîmes à nouveau toutes les portes et fenêtres et prîmes notre douche dans l’annexe qui servait à la fois de toilettes sèches et de salle de bains. L’eau était chauffée à l’énergie solaire, avec plus ou moins d’efficacité. La douche fut donc fraîche. Nous passâmes le reste de l’après-midi dans le jardin, c’est-à-dire sur la longue pelouse commune aux quelques cabanes qui la parsemaient, à prendre le soleil en bavardant. Lola était loin, très loin de moi. J’étais Léa, amoureuse, absolument sous le charme de cette journée intimiste. Les préoccupations matérielles et leurs obligations érotiques avaient été déférées au bon vouloir de ma doublure, que j’avais éteinte en même temps que son portable.
Montant d’un ton dans la stimulation coquine, je partis me préparer dans la chambre vers 19 heures. J’enfilai mes bas noirs, et l’ensemble de lingerie blanc, puis le pantalon beige et le pull rouge, et enfin mes bottines, qui soulignaient à merveille mes chevilles gainées de noir, bien mises en valeur par la coupe du pantalon sept-huitièmes. Éric me regarda descendre l’échelle de meunier les yeux brillants, avant d’aller lui-même se changer. Nous remontâmes dans la Twingo et tentâmes la cuisine au feu de bois dans un chalet du village voisin.
Nous étions les seuls clients et la patronne avait envie de faire la conversation. Volubile, elle nous raconta moult anecdotes de restaurateur, ainsi que ses suggestions de recettes, concoctant finalement un repas qui n’était pas à la carte. Le restaurant se transforma pour nous en table d’hôte chaleureuse, dans l’improvisation la plus totale, ce qui ajouta au charme de la journée. La patronne trouva qu’Éric et moi formions un très joli couple, et elle tint à nous préparer son « dessert des amoureux ».
-Tu crois qu’il y a du gingembre, demandai-je à Éric en attendant de voir à quoi pouvait bien ressembler un dessert ainsi nommé.
-J’en ai vraiment pas besoin.
-Ah vraiment ?
-J’ai ton short de tout à l’heure dans la tête, là…
-Le short ou ce qu’il y avait dedans ?
La patronne arriva avec une immense meringue glacée chantilly pour deux. Je renonçai à compter le nombre de boules de glace qu’elle avait intercalées entre les deux énormes meringues en forme de cœur, très légères et fondantes, parsemées de copeaux de chocolat noir. La chantilly était une vraie crème montée faite maison, absolument délicieuse, et Éric et moi engouffrâmes le dessert des amoureux, en nous lançant des regards qui durent suggérer à la cuisinière de rebaptiser sa création pour l’appeler désormais « le dessert des amants ».
Nous partîmes rejoindre la Twingo qui nous ramena dans la forêt que la nuit tombée chargeait de mystère et de crépuscule. La pelouse des cabanons ne disposait d’aucun réverbère, et les autres maisons étant toutes inhabitées à cette période, aucune source de lumière ne vint proposer son halo pour tempérer la nuit noire qui enveloppait le site malgré la faible tentative de la lune. Nous nous faufilâmes à l’aveugle et nos mains retrouvèrent la porte d’entrée de la maison, ainsi que la serrure. Éric alluma un feu qui diffusa en quelques minutes une chaleur envoutante. La pièce principale du bas fut bientôt agréable, mais la chambre, en haut, peinait à monter en température, malgré les parois conductrices qui entouraient le tubage de la cheminée. Nous nous lovâmes sur les innombrables poufs colorés face à la cheminée, dans les crépitements incandescents, et les baisers que nous avions échangés sur tout le trajet retour devinrent langoureux et charnels. La chaleur montait, en nous comme dans la pièce, et quelques premiers vêtements volèrent. Je ne fus bientôt plus qu’en sous-vêtements et Éric put admirer les bas noirs, ainsi que l’ensemble blanc qui lui était encore inconnu.
-C’est dingue ce que ça te va bien, le blanc.
-Malgré ma peau de la même couleur ?
-Oui, et puis il est torride cet ensemble.
Déjà ses doigts exploraient les lacets qui couraient d’un triangle à l’autre du soutien-gorge, comblant par endroits les transparences de la dentelle, y renonçant à d’autres, où la peau de mes seins si délicieusement mal dissimulés, miroitait par touches lumineuses en face des flammes de la cheminée. L’érection qui déformait le boxer fut vite libérée et une verge enthousiaste, que je connaissais de mieux en mieux, se dressa vers mon corps.
-Pour ce soir, on va devoir se contenter de petits jeux coquins, dis-je à Éric qui fit le lien sans me répondre avec ma position dans le cycle menstruel.
Je me levai et allai chercher dans mes affaires un flacon d’huile de massage. J’avais emmené une huile parfumée, puisqu’à part Agnès, aucun de mes clients masculins n’en souhaitait l’usage. C’était celle à la grenade. Éric me regarda, à la fois intrigué et impatient. Puis il posa bien malgré lui la question la plus absurde qu’il eût été possible de me soumettre.
-Tu sais masser ?
A plusieurs reprises pendant nos ébats, j’avais déjà utilisé quelques gestes appris lors de ma vie professionnelle parallèle. Mais en cette nuit forestière où nous ne pouvions faire l’amour, je le soumis à un interminable massage érotique qui dura près de deux heures. Il fut entrecoupé de moments de répit, de baisers torrides, de pauses enlacées, de bûches remises dans la cheminée… mais Éric subit chaque geste et chaque provocation des sens que j’avais dans ma mallette de sorcière. Je restai d’abord en lingerie, gardant mes bas, et massai amoureusement le dos, les fesses nues, engouffrant ma main pour jouer avec le sexe dur, qui ne regretta à aucun moment de ne pas venir visiter le mien, tant l’alternative offerte était exaltante. Rapidement, Éric se retrouva sur le dos, confortablement soutenu par les poufs moelleux, et je martyrisai ses résistances, déployant tout mon savoir-faire sur son corps. La pièce se remplit progressivement de l’arôme de la grenade, qui resta diffus et léger. Le pénis d’Éric m’appartint pour de longues minutes, que je fis durer autant qu’il était possible, le menant plusieurs fois au bord de l’orgasme, enveloppant le gland que j’huilai abondamment pour que chaque contact fût une glissade et que chaque attouchement devînt une caresse. L’homme au bout de cette verge crut devenir fou de plaisir, et sa bouche crispée, ses muscles tendus, ses yeux exorbités, hurlaient l’intensité de l’extase vers laquelle je l’emmenais. Puis j’enlevai mes bas et le soutien-gorge et, devant ses yeux contemplatifs qui tentaient de deviner la suite du programme lubrique, je passai ma main enduite de grenade sur mes seins qui se mirent à briller dans les volutes fumantes jaune-orangées. J’étais prête à réaliser mon troisième body-body. Je demandai d’abord à Éric de s’allonger sur le ventre. Cela mit son pénis au repos quelques instants, bien que, douillettement emmitouflé dans les poufs, son érection ne faiblit pas. Mes seins parcoururent le dos et les fesses de mon amant passif, mais cette fois-ci mes tétons étaient dressés. J’avais terriblement envie de lui. Je m’excitais autant que je l’excitais. Puis il se retourna et, les yeux dans les yeux, mes seins fermes et pointus serpentèrent sur son torse, montèrent à la rencontre de sa bouche qui gouta la saveur acidulée de la grenade, puis descendirent jouer avec la verge dure. Je comprimai mes deux mamelons pour l’encercler, autant qu’un bonnet B le permît, imprimant une douce masturbation entre les deux globes presque phosphorescents, faisant saillir son gland lubrifié, contre lequel ma peau la plus fine flirtait avec délectation. Puis je m’allongeai sur lui, sentant la virilité pousser contre mon tanga pour chercher un accès qui ne rouvrirait que le lendemain, et nous nous embrassâmes longuement, nos mains impétueuses explorant les corps moites. Le feu semblait monter en puissance, coordonné à notre bouillonnement. Je m’accroupis à côté de lui et repris l’implacable démonstration de mes nouveaux talents pour trois quarts d’heure qui ne furent qu’une interminable finition à peine interrompue par quelques baisers et caresses. Plus aucun geste ne fut alors possible, même le plus sage. Le pénis avait été amené tant de fois au bord d’une éjaculation que je lui refusai encore pour mieux l’offrir dans une délivrance ultime, que le moindre courant d’air eût été suffisant pour franchir le point de non-retour. Je remis alors de l’huile sur mes seins, qui avaient séché à la chaleur du feu de cheminée, et comprimai voluptueusement le gland entre eux, tout le bas de mon corps allongé sur ses jambes. Éric passa sa main dans mes cheveux et me laissa mener l’épilogue libérateur. Mes mains pressèrent mes seins, grisés de se retrouver dans un jeu érotique qu’ils croyaient à tort réservé à plus volumineux qu’eux, et le gland disparu entre les deux lobes. Mon ventre glissa sur ses cuisses, de haut en bas, puis de bas en haut, et mes seins masturbèrent ce gland qui, cajolé et provoqué depuis près de deux heures, tira enfin sa révérence. Plus rien ne put retenir les flots qui se déversèrent en quatre longs jets blancs, débordant au-dessus de mes mamelons, ruisselant sur mes tétons qui sentirent une tiédeur supplémentaire les napper, arrosant ma gorge, coulant sur Éric, sur moi, sans que ça ne soit gênant. Éric ne respira plus pendant que la pression accumulée s’évacuait enfin, dans un moment de soulagement béat, chaque goutte de sperme occasionnant un spasme de plaisir sur son passage. Quand enfin il sortit de son tunnel de félicité, je baignais littéralement dans la semence.
-Mais où t’as appris à faire des trucs pareils ? C’est … inhumain !
-J’ai quelques talents cachés, t’as vu ça ?
-Mais jamais je n’ai connu de fille capable de faire le dixième de ce que tu m’as fait. On dirait que c’est toi qui a conçu le sexe de l’homme et que tu connais chaque détail de son fonctionnement.
-Léa, déesse du pénis… je prends !
Nous nous essuyâmes comme nous pûmes, incapables de sortir dans l’atmosphère glacée de la nuit pour reprendre une douche elle-même froide, alors que nos corps brûlaient encore des différents feux qui avaient été allumés. Laissant les dernières bûches se consumer, nous montâmes dans le nid de l’étage qui était à son tour devenu une étuve, et nous blottîmes l’un contre l’autre, trempés de sueur et repus de complicité érotique. Le sommeil vint vite, chacun dans les vapeurs de ses songes.
La réaction d’Éric m’avait évidemment fait plaisir car elle montrait à quel point j’avais réussi mon coup : le faire grimper aux rideaux, bien au-delà de ce qu’il imaginait possible avec deux simples mains, et une poitrine modeste. Mais je repensai à mes réflexions si naïves de jeune fille amoureuse, que je m’étais faites dans l’après-midi. Lola absente pour tout le week-end. Tu parles... Elle venait de faire jouir mon mec !
Ce soir-là on s’est embrassés sans se parler
Autour de nous, le monde aurait pu s’écrouler
Les yeux cernés, des poussières dans les cheveux
Au long de mes jambes, la caresse du feu
Pendant que les champs brûlent
J’attends que les larmes viennent
Et quand la plaine ondule
Que jamais rien ne m’atteigne