« Et pourquoi on ne peut pas les harponner ceux-là ? Ils sont à bonne distance, on les voit bien et on a un harpon. Pourquoi perdre du temps avec une canne à pêche ? »
« Parce que vous ne savez pas vous en servir, ni toi, ni ton frère. Alors apprendre avec une vue dégagée sur les poissons, c'est pas si mal pour des débutants. »
« Mais c'est lent ! Je m'ennuie ! »
« Je n'ai jamais dit le contraire. Apprendre, ça prend du temps. Et apprendre à être patient en prend encore plus. Cependant, en situation d'urgence, il faut savoir se maîtriser et garder son sang froid. Sinon, au mieux on échoue, au pire on meurt, et au pire du pire quelqu'un d'autre meurt à notre place. »
« Vous me refaites le coup des échecs, le Vieux. Tout un grand discours pour très peu de résultat. »
« Tu veux que l'on compare à nouveau tes prises à celles de ton frangin ? » Splach ! « Tiens ! Il en a encore attrapé un. Bien joué petit ; maintenant est ce que tu peux retirer l'hameçon tout seul ? Oublie pas, tu l'attrapes du bout des doigts, tu l'enfonces dans la gorge du poiscaille, et tu le retires doucement... Bien ! Ensuite tu le montres à ta sœur pour bien te moquer d'elle, mais déjà tu assommes le poisson contre une pierre ou un tronc, je n'aime pas le travail fait à moitié. »
Le Gamin fronça les sourcils, frappa le poisson contre le sol et le jeta dans le seau qui comptait déjà 5 ou 6 prises. Toutes du Gamin. Sa sœur tremblait trop d'impatience et tirait toujours trop tôt.
« Bon c'est bien, tu n'écoutes pas les conseils foireux du vieillard sénile et mesquin. Il n'empêche, je n'aurais pas pu m'empêcher de rire si tu avais réussi à la vexer. Même si cela aurait été contre-productif. »
« Avouez Vieil Homme, vous aimez me faire enrager. »
« Un peu, c'est vrai. Tu gardes en permanence un masque froid sur le visage, alors quand je peux te voir un peu plus vivante, de temps en temps, ça me fait plaisir. »
« Et vous croyez que jouer aux échecs et pêcher vont me faire sourire ? Parce que ne rien faire pendant des heures à part réfléchir en priant pour un peu d'action, ce n'est pas très...réjouissant pour moi. »
« Ça viendra avec le temps. J'aimerais que tu apprennes à te canaliser, pour que tu ne réagisses plus violemment à chaque fois que quelqu'un ou quelque chose frôle ton frère. Mais maintenant qu'il est réveillé, on va pouvoir sortir un peu plus souvent et faire quelques activités sportives. Qu'est ce que vous aimez faire vous deux ? »
Le Gamin était complètement concentré sur sa ligne, il ne m'a vraisemblablement pas entendu. La Gamine commença à ouvrir la bouche mais son bouchon disparu sous l'eau. »
« Tu as une touche Gamine ! Tire dessus ! Tire dessus ! »
Ce qu 'elle fit. Et un petit gardon sortit de l'eau. La fillette le regarda, l'ombre d'un sourire aux lèvres.
« Ton premier poisson à la canne à pêche, Gamine ! Tu veux que je lui enlève l'hameçon ? »
« Pas ma peine. Je vais le faire. » Elle se démena comme elle pu, fit des grimaces et des grognements et enfin... « Ça y est ! Je l'ai ! » Elle sortit l'hameçon de la bouche du poisson, et le poisson sortit de sa main, se jetant dans l'eau. Il était au milieu des airs lorsque la Gamine se jeta dessus à corps perdu, et ils tombèrent tous les deux dans la rivière.
On se regarda, moi et le Gamin et on haussa les épaules en même temps.
La Gamine emmargea de l'eau, le poisson encore frétillant entre ses dents. Elle le prit à la main et le pointa du doigt : « Tu es à moi ! Tu ne t'échappes plus, sinon je mords ! »
On se leva, le Gamin et moi, et on lui tapa gentiment dans le dos pour la féliciter.
« Bravo Gamine, je suis fier de toi. Maintenant vas te rincer la bouche. »