Chapitre 37 : Oumou - Ressentiment

Oumou s’était placée à bonne distance de la pagode de Paul afin de pouvoir écouter l’échange sans se faire remarquer. Aucun des Aars ne constata sa présence, preuve de la qualité de sa couverture. Ils commencèrent à se disputer : fallait-il ou non exterminer les chasseurs de Vampires maintenant ?

Oumou soupira face à ces déchirements. Les tensions au sein du cercle lui pesaient depuis son arrivée. Paul pensait être le chef mais tous suivaient en fait Chris. Sa disparition avait causé un vide et depuis, les échanges n’avaient de cesse de tourner au vinaigre.

Oumou avait sauté sur l’occasion de quitter le groupe pour s’occuper de repérer les prêtresses du bien travaillant avec les chasseurs de Vampires. Quel bonheur de ne plus vivre dans cette ambiance lourde, pesante et angoissante !

Le comportement de Baptiste la conforta davantage encore dans son choix. Supposé être en sine condicione envers Kol, il ne lui accordait pas le moindre intérêt, tout son être tourné vers Malika qu’il transperçait du regard sans aucune raison valable. Oumou suivait de loin le cercle depuis son départ et aucun comportement de Malika n’avait éveillé d’inquiétude. Les tensions pesaient sur chacun des membres et la paranoïa entrait dans les cœurs.

Oumou secoua la tête, les larmes lui montant aux yeux. Longtemps auparavant, Paul lui avait proposé l’immortalité, lui promettant liberté et bonheur dans l’éternité. Elle grimaça, pleine d’aigreur et d’amertume. Elle ne ressentait que de la colère face à celui qui l’aimait à en mourir. Elle lui en voulait tellement ! Jamais elle ne s’était sentie aussi prisonnière que depuis son entrée dans le cercle. Jamais elle n'avait autant pleuré que depuis sa rencontre avec Paul.

Tandis que Félix racontait sa rencontre avec Seth, Oumou repensa à la façon dont Paul avait pris contact avec elle. Le doute vivait en elle depuis ce jour et le temps n’avait fait qu’aggraver les choses. Cette maladie qui l’avait amenée au bord de la mort alors qu’elle n’avait même pas encore eu le temps de vivre, et si Paul en était à l’origine ? L’avait-il empoisonnée afin de l’avoir plus rapidement à ses côtés ?

Oumou avait imaginé parler de ses doutes à Malika et utiliser à travers elle ses pouvoirs de prêtresse du mal afin de connaître enfin la vérité et lever ce doute atroce qui la rongeait et l’empêchait d’apprécier la présence de Paul. Elle savait que plus elle le repoussait, plus il la désirait et que cette frustration rendait Paul nerveux, irritable, augmentant encore les dissensions dans le groupe. Elle ne pouvait cependant pas aller vers lui. L’effort était trop grand, la rancune insurmontable.

Paul prit enfin la décision, contrant ainsi David et Caly. Oumou s’en alla immédiatement. Moins elle passait de temps près des Aars et mieux elle se portait. Les voir se disputer venait déjà de mettre son moral au plus bas. Rejoindre la première prêtresse du bien prit davantage de temps que prévu. En effet, Oumou avait pris l’habitude de se nourrir de sang de Vampires pendant ses longs trajets. Devoir repasser à du sang humain, moins énergétique, la désola.

Alors qu’elle vidait la première fille de son sang, elle réfléchit : si elle avait dû voter, aurait-elle été du côté de Paul ou de Caly ? Oumou sortit du bâtiment et se rendit au point suivant tout en réfléchissant. Elle se promena tranquillement, avançant par petits sauts, s’arrêtant pour manger ou réfléchir. Elle tenta de repousser ses émotions négatives envers Paul afin de prendre une décision neutre et objective.

Oumou avait trouvé les prêtresses du bien travaillant avec les chasseurs de Vampires sans difficulté. Lorsqu’elle eut fini, elle avait tenté de déterminer l’arbre généalogique de ces dernières afin d’anéantir le gène, en vain. Les ramifications s’avérèrent trop complexes car datant de plusieurs siècles. Si elle avait eu à choisir, elle aurait donc attendu afin de recueillir davantage d’informations. Elle hocha la tête, maintenant convaincue d’être du côté de Caly et non de Paul. Elle continua cependant son travail, obéissant ainsi aux volontés du chef des Aars.

Elle tua sans difficulté la seconde, puis la troisième prêtresse du bien alliée aux chasseurs de Vampires. Elle connaissait leur emplacement, leurs habitudes, les protections et avait pris le temps de trouver les failles. En revanche, cela lui prit davantage de temps que prévu. Devoir se nourrir de sang humain la ralentissait considérablement. De plus, les chasseurs semblaient paranoïaques et avaient augmenté leurs défenses. Enfin, devoir obéir à un ordre auquel elle ne croyait pas ne l'encourageait pas à y mettre de la bonne volonté si bien qu'elle traînait, prenait son temps et s'arrêtait souvent pour se reposer, profiter d'un paysage ou simplement réfléchir.

Elle avait gardé celle-là pour la fin. En effet, cette prêtresse se trouvait au Japon, non loin de la pagode de Paul. Oumou avait donc de fortes chances de tomber par hasard sur Paul exterminant les chasseurs de Vampires protégeant la prêtresse du bien.

Lorsqu'elle arriva devant le temple leur servant de sanctuaire, elle grimaça. Tous les humains se promenaient. Paul n'était donc pas encore passé par là. Oumou aurait préféré repousser encore une éventuelle rencontre.

Elle grommela en entrant dans le temple à vitesse surnaturelle pour ne pas être vue. Elle pria pour que cela soit très rapide afin de pouvoir partir immédiatement et ainsi, rater Paul.

Lorsqu'elle entra dans les appartements de la prêtresse du bien, elle grogna. Nul signe de vie. La jeune femme était absente. Elle avait dû sortir se promener. Oumou suivit la marque olfactive la plus forte. C'était une méthode longue et nécessitant rigueur et concentration mais dont les résultats étaient excellents.

Oumou cherchait depuis plus d'une heure, en vain. Les odeurs ne menaient nulle part. Oumou tournait en rond, revenait dans les appartements, ressortait, le tout en évitant les nombreux chasseurs de Vampires vivant dans les lieux. Elle s'arrêta dans un coin d'ombre, secoua la tête, cherchant à rassembler ses idées, sans comprendre. La prêtresse du bien ne sortait que pour repérer des Vampires et ceux-ci ayant disparu, elle se terrait. Les humains avaient-ils compris ? Mais dans ce cas, comment avaient-ils évacué la prêtresse du bien sans que Oumou ne soit en mesure de suivre sa trace ?

Elle reprit ses recherches, activant tous ses sens, écoutant son instinct, suivant la moindre trace. Dents sorties, elle parcourait le temple en tous sens, et finit même par sortir pour déceler une éventuelle marque au dehors, sans rien trouver. Le désespoir monta en elle.

- Oumou ?

L'Aar se tourna vers la source de la voix. Au bord de la dépression, elle fut heureuse de trouver Paul. Enfin, quelqu'un pourrait l'aider. Paul était beaucoup plus vieux qu'elle. Il réussirait là où elle échouait.

- Comme je suis heureux de te voir, continua Paul en dévorant des yeux l'africaine à peau d'ébène.

- Paul, j'ai un gros problème, commença Oumou.

- Tu m'as tellement manqué, continua Paul.

- Une prêtresse du bien est censée vivre ici et je ne parviens pas à la trouver, expliqua Oumou.

- Tu sens tellement bon, continua Paul. Te voir fait exploser mon cœur. Oh, je t'aime tellement !

Oumou sentit la colère monter en elle mais se contint.

- Paul, j'ai besoin que tu m'aides à la retrouver. S'ils parviennent à en conserver une en vie, ils gardent le gène et pourront en recréer autant qu'ils veulent. Il est impératif de…

- Laisse-moi te caresser, t'embrasser, te toucher, te lécher. Laisse-moi mettre ma main dans tes cheveux. J'ai tellement envie de toi !

La colère venait de se muer en rage. Oumou explosa.

- Paul ! hurla-t-elle. Il y a urgence ! C'est très grave. Mets ta bite de côté une seconde ! J'ai besoin d'aide, tout de suite !

Paul sourit bêtement.

- La colère te rend encore plus belle. Tu rayonnes…

Oumou gifla Paul. Jamais elle n'avait levé la main sur lui. Personne n'avait agressé physiquement le vieil Aar depuis des millénaires. Le chef des Aars fut sonné un instant. Il resta interdit puis recula en grimaçant. Qu'il fut mécontent était une évidence.

- Comment oses-tu ? gronda-t-il, les yeux perdus.

- Tu ne m'écoutes pas ! La situation est grave. J'ai besoin de ton attention. Je ne sais pas comment l'obtenir ! Tu dois mettre ton sine condicione de côté un instant. Il est primordial que…

- Tu ne comprends pas, maugréa Paul. Tu n'as jamais compris. Ce que tu demandes est impossible. Cet amour me ronge de l'intérieur. Il m'envahit, me contrôle. Je ne suis pas capable de…

- S'il te fait faire des choses stupides alors tu ne mérites plus ton rang de chef, grogna Oumou. Baptiste est encore plus paumé que toi. Vous êtes pitoyables, cracha l'africaine. Vous êtes censés être les créatures les plus puissantes au monde et un sentiment obsédant vous prive de votre intelligence. Chris avait su conserver sa grandeur malgré son sine condicione. Sa disparition a laissé un vide incommensurable. En y réfléchissant, parmi vous trois, seul David a encore quelques neurones fonctionnels. Je pense qu'il devrait prendre les décisions. C'est à lui que je devrais demander de l'aide.

Pendant toute la tirade, la tension de Paul n'avait eu de cesse d'augmenter. Elle atteignit son paroxysme. Les yeux de Paul devinrent fous.

- David ? Le chef ? C'est lui qui t'a mis cette idée dans la tête ?

- Bien sûr, il me l'a confiée sur l'oreiller la dernière fois qu'on a couché ensemble, répliqua Oumou sarcastique.

Paul disparut et Oumou cessa de respirer. Paul venait-il de prendre au premier degré cette remarque ? Non ! Il ne pouvait pas imaginer qu'elle l'avait trompé avec son frère. C'était ridicule.

Oumou n'eut pas le temps de vérifier ses soupçons. Sa peau se déchiqueta. L'africaine fut incapable de reconnaître les sensations. Jamais telle explosion n'avait touché son corps. Elle fut disloquée avant même d'avoir pu bouger. La déflagration démontra une force jamais vue, inimaginable, ahurissante. Oumou se demanda d'où un tel souffle pouvait provenir. Elle mourut en regrettant ces derniers mots mais heureuse de rejoindre ses ancêtres et d'être enfin libérée du poids de l'immortalité auprès des Aars.

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