Le campus de New York vibrait doucement sous l'agitation matinale. Les étudiants se pressaient en petits groupes, des gobelets de café à la main, les visages tirés par la fatigue ou l'anxiété de l'examen qui les attendait. Elena marchait d'un pas assuré, son sac à dos porté négligemment sur son épaule. Un cri joyeux la sortie de ses pensées, « Hey ! Elena ! »
Elle se retourna juste à temps pour voir une tornade blonde se frayer un chemin entre les étudiants. Julia, rayonnante comme un soleil, courait dans sa direction avec un sourire éclatant, ses longues mèches dorées voletant derrière elle. « Julia ! », soupira Elena en croisant les bras. « T'es encore à la bourre... On a un examen aujourd'hui, au cas où tu l'aurais oublié ! »
Julia, essoufflée, ralentit à sa hauteur et roula des yeux. « Je sais, je sais ! Mais tu sais aussi que je suis incapable de me lever le matin... Et puis, je me suis encore engueulée avec Zack. »
Elena haussa un sourcil, sceptique, « Comment ça ? Je croyais que c'était terminé avec lui ?! »
« C'est terminé. » Julia haussa les épaules, l'air faussement désinvolte. « Mais il a encore des affaires à moi. Je dois passer chez lui après ce foutu examen. »
Elena s'arrêta net pour lui faire face, posant une main sur la hanche en signe de réprobation, « Je le sens pas, ce type. Je te l'ai dit dès le début. Pourquoi tu laisserais pas tomber, Julia ? Tu pourras toujours te racheter des fringues. Et si t’es à la dèche niveau finance tu sais très bien que Carl ou Cooper seraient ravie de t’aider. Ils te l’ont déjà répété plusieurs fois d’ailleurs. »
« Je sais mais c’est pas vraiment pour les fringues que j’y vais. J'ai oublié mon pendentif chez lui... » Julia baissa légèrement la voix, ses doigts venant caresser distraitement sa clavicule comme si elle cherchait déjà l'objet perdu. « C'est la seule chose que mes parents m'ont laissée après m'avoir abandonnée. Tu sais à quel point c'est important pour moi, Lena... »
Son regard se fit suppliant, ses lèvres s'étirant en une moue triste qui aurait pu faire fondre le cœur de n'importe qui. Elena soupira profondément, passant une main dans ses cheveux bruns.
Elle et Julia, ce n'était pas juste une amitié. C'était un lien tissé dans la douleur et les épreuves. Elles s'étaient rencontrées au collège, à son arrivée à New York. À l'époque, Elena était cette fille plutôt farouche et la langue bien pendue. Elle parlait peu mais toujours de façon cassante, une manière de tenir les gens éloignés loin d’elle. Faire connaissance, c’était parler d’elle, de sa mère décédée et donc attirer l’apitoiement. Elle n’avait pas besoin de ça, elle était en colère d’avoir perdu sa mère, elle était en colère d’avoir perdu Gabby, Harry et Alec pour retrouvé un étranger dont elle ne connaissait rien. Certes c’était son oncle mais, son père n’avait pas jugé utile de la reconnaître alors pourquoi venait-il, lui, son frère prendre subitement les responsabilités familiale ? Carl lui avait indiqué qu’il n’avait été au courant de son existence que tardivement et que son père était depuis décédé, la belle affaire… De toute façon, Elena préférait rester seule, à part Alec et Harry elle n’avait jamais eu vraiment d’amis et on venait de lui enlever les dernières personnes qui comptaient pour elle. Julia, elle, était tout son opposé : une étoile filante, insouciante et lumineuse. Dès qu’elle avait vu Elena, elle avait décidé d’en faire son amie. Peut être parce que Julia pouvait reconnaître la souffrance derrière son attitude hostile. Elle avait refusé d'être ignorée malgré le comportement parfois détestable d’Elena. Avec une persévérance infinie, elle avait creusé un passage à travers la carapace d'Elena, jusqu'à s'y installer pour de bon. Depuis, elles étaient devenues inséparables.
« Très bien. » Elena leva les yeux au ciel avant d'ajouter avec un soupçon d'agacement feint, « Je t'accompagne. Il est hors de question que je te laisse aller seule chez ce connard. »
Le visage de Julia s'illumina aussitôt, « Oh, merci ! » s'extasia-t-elle, avant de lui donner une accolade débordante d’affection. « J'avoue que ça me rassure. Zack m'a un peu fait flipper au téléphone. »
« Ce mec est un tocard. Et je suis persuadée qu'il trempe dans des trucs pas nets. » Elena ajouta d'un air réprobateur. « J'espère au moins que ça t'aura servi de leçon et que tu arrêteras de sortir avec ce genre de type. »
Julia soupira dramatiquement, posant une main sur son front, « Que veux-tu, Elena ? J'étais aveuglée par l'amour ! » Elle adressa un grand sourire à Elena, celui qu’elle faisait à chaque fois qu’elle voulait se faire pardonner.
Elena éclata de rire, « Tu es toujours amoureuse ! Franchement, tu crois vraiment que c'était de l'amour ?! »
Julia lui tira la langue, amusée, « L'amour, c'est la plus belle chose qui puisse arriver à quelqu'un. » Son ton se fit plus rêveur, presque mélancolique. « Je te souhaite de le connaître un jour... »
Elena arqua un sourcil avant de répliquer, moqueuse, « Très peu pour moi ! Je préfère m'amuser. Pas d'attaches, pas d'emmerdes. C'est ma devise. »
Julia haussa un sourcil, taquine, « C'est juste que tu es une froussarde, en fait. »
« Une froussarde ?! » Elena écarquilla offensée « Je suis pragmatique, nuance ! S'attacher, c'est prendre le risque de perdre. Et la douleur qui vient avec, très peu pour moi. »
Elle accéléra légèrement le pas pour ne pas être en retard à leur examen. Julia ne lâcha pas le morceau pour autant. « Peut-être. Mais l'amour vaut ce risque. Un monde sans amour, c'est un monde sans couleur, sans odeur, sans sensations... sans musique ! »
Elena secoua la tête, amusée par tant de romantisme naïf. « Le jour où je tomberai amoureuse, les poules auront des dents. » Elle haussa les épaules, faussement détachée. « Je me contente très bien de nuits de plénitude orgasmique sans lendemain. Ces sensations-là sont tout ce dont j'ai besoin. »
Julia leva les yeux au ciel, « Le sexe quand on est amoureuse n’a rien de comparable Leina. »
Elena « C’est quand que Zack t’as donné un orgasme pour la dernière fois ? Est-il même parvenu à t’en donner un un jour ? »
« Pff, tu te moques de moi maintenant ! » Elle lui donna un petit coup dans l'épaule. « Amie indigne que tu es ! »
« Ton amie indigne va t'accompagner chez ton ex récupérer tes affaires, alors un peu de respect, je te prie. »
Avec un sourire malicieux, Julia fit une révérence exagérée devant elle, « Oh, noble protectrice, reçois toute ma gratitude éternelle. »
Elena éclata de rire et passa un bras autour de ses épaules, « Pour me remercier, on n'aura qu'à sortir ce soir au Carlson. »
Julia redressa la tête, intéressée, « Oh ? Y'a quoi de spécial ? »
« Un groupe de musique plutôt sympa. Et le chanteur a une belle gueule ! »
Julia rit en hochant la tête. « Très bien, alors je serai ta copilote ce soir ! » Puis elle se radoucit, posant sa tête contre celle de son amie. « Mais tu sais, j'ai hâte de te voir véritablement amoureuse d'un homme. Ce jour-là, tu seras la meilleure version de toi-même. Et moi, je serai là pour le voir. »
Elena roula des yeux mais ne répondit pas.