Le réveil fut déprimant. Les pensées confuses qui s'agitaient dans sa tête la laissaient angoissée. Lucie encore plus frigorifiée, se tenait à l'abri sous un grand rocher comme dans une grotte cachée par les branches des grands arbres, le feu éteint. Elle était engourdie avec le froid et le manque de sommeil, ne sachant plus très bien où elle se trouvait ni vers ou aller. Aucune solution ne se rassemblait dans sa tête. Papier et argent volé, Lucie avait continué de s'éloigner de son tourmenteur. Mais elle sentait qu'elle était au bout du rouleau, crasseuse, effrayée, perdue, allant jusqu'à de sombres pensées.
Quand soudain, des jappements se firent entendre, Lucie se ramassa encore plus et cessa de respirer. Les deux chiens entrèrent dans la grotte et vinrent la renifler en douceur.
— Oscar, César, allez au pied !
Quelqu'un, un homme rappela les chiens, pas très obéissant, obligeant leur maître à s'approcher.
— Qu'avez-vous trouvé ici ? Je vois, n'ai pas peur, petit, es-tu perdu ?
— Tu as perdu tes parents ? tout en faisant taire les 2 limiers.
— Avez-vous quelque chose à manger ? osa-t-elle demander, son ventre criant famine.
— Désolé, si tu me suis, je pourrai te trouver quelques choses à grignoter.
— Je ne suis plus une enfant, ne put-elle s'empêcher de répondre, le regard apeuré et brillant de larmes contenues.
— Oh Pardon, Mademoiselle, mais il me semble que vous avez besoin d'aide... Suivez-moi, je vous emmène à la maison. Voulez-vous que j'appelle quelqu'un, la gendarmerie ?
— NON, non, s'il vous plaît, n'appelez personne, je vais manger un peu et repartir, pensa-t-elle.
— Je ne vous ferai aucun mal, voici un peu d'eau. Et tu ne repartiras pas de sitôt, pensa Liam, tu es trop mal en point.
La jeune fille se leva ankylosée et suivit non sans crainte, le promeneur qui sortit de la grotte, lui semblait encore plus grand et athlétique, malgré son allure décontractée en tenue de campagne, veste huilée et bonnet de laine.
"Ne dit-on pas que les chiens sont le reflet du maître, et ces deux-là ont l'air tellement gentils" imagina-t-elle
Crispée et ankylosée, Lucie avançait lentement.
— Je m'appelle Liam et vous ?
— Lucie.
— Et vous arrivez de ?
— Nulle part.
— C'est loin, Il va falloir m'aider un peu plus.
— Je n'ai pas besoin d'aide.
— Ce n'est pas ce que me dit votre allure, nous arrivons.
— Auriez-vous un travail à me proposer ? Votre domaine semble grand. Elle se surprit d'avoir osé le demander. Sa prudence l'empêchait toujours d'être aussi directe.
— Venez, je vais vous soigner et nous en allons discuter.
Liam ouvrit une porte sur l'arrière de ce qui ressemblait à une grange. Un peu plus loin, on apercevait un superbe château.
Lucie s'avança, les yeux grands ouverts sur l'espace loft très masculin.
— Dites-m'en plus sur vous, si vous souhaitez que je vous embauche.
— J'ai perdu mes papiers, je n'ai pas peur de travailler dur, avoua-t-elle dans un soupir.
Une porte claqua.
Lucie sursauta et se tassa.
— Ah ! Logan, je me suis permis de squatter chez toi, cette jeune fille a besoin de soin.
— D'une douche aussi, renchéris Logan.
Elle pensa celui-là est encore plus grand... Est-ce possible et où suis-je tombée. Et pourtant, ils ne me font pas peur.
— Logan, attention, dis-moi, as-tu besoin de bras supplémentaire dans le jardin ?
— Nope, attends, Luka recherche un plongeur, le dernier ne s'est pas présenté de la semaine, il est furieux.
Logan prend son smartphone et commence à textoter.
— Il va arriver, confirma-t-il
Quelques instants plus tard, Luka entra sans frapper. Le jeune homme était moins grand, et presque maigre, il portait un bandana sur la tête, retenant ses cheveux cuivrés. Il ne ressemblait pas aux 2 autres hommes. Mais tous les 3 semblaient complices.
— Allô, que se passes t'il ici ?
— J'ai trouvé cette jeune femme dans les bois, et elle aurait besoin d'un boulot, informa Liam.
— et d'une douche, sinon pas de ça dans ma cuisine, impossible, et un peu gamine encore, râla Luka.
— Je vous arrête, je ne suis plus une gamine, rembarra Lucie.
— Lucie, on se calme, je vous montre la douche, Logan, tu n'aurais pas quelques vêtements à lui fournir ?
— Sans rire, nous allons la noyer !
— Dépêche !
Quant à Luka, il restait bien silencieux. Ses yeux gris prenant un éclat métallique, cette jeune femme l'intriguait, et ne le laissait pas indifférent.
Lucie partit, les 3 frères reprirent leur conversation.
— Où l'as-tu trouvé ?
— Qui est-elle ?
— Et tu veux que je la prenne en cuisine ? Mais elle ne fait pas le poids.
— Fais un essai avant de râler, elle a des soucis pour le moment et elle a besoin d'aide.
— St Liam, Ok, on fait un essai et...
Luka resta bouche bée au retour de Lucie. Petite, jolie, un visage frais et agréable, des proportions à l'avenant, et sans la crasse des cheveux soyeux, d'un doux reflet blond cendré. Sans oublier le regard vert orné de longs cils. Se raclant la gorge, Luka lui proposa aussitôt le poste du plongeur à l'essai.
— Pour te loger, c'est facile, il y a la maison des saisonniers qui est vide, à cette saison, ça te va.
— Je ne peux pas faire la difficile, sourit-elle. Ce qui laissa Luka époustouflé.
Logan et Liam se regardèrent, et laissèrent Luka finir de prendre en charge la jolie Lucie.
— Ok, suis-moi, je te montre le logement et faire quelques courses pour tes besoins personnels.
— Ça ne va pas le faire je n'ai plus d'argent, je vais attendre mon premier salaire si possible en fin de semaine et en liquide.
— Voyons, voici quelques euros.
— Non, je ne veux rien devoir, ça attendra.
— Oh, les femmes et leur fierté, soupira-t-il exaspéré en levant les yeux au ciel.
Les voici arrivés dans la maison des saisonniers, Luka lui expliquait que le logement servait aux nombreux saisonniers qu'ils embauchaient pendant la saison touristique puis au vignoble pour les vendanges. Il y avait même des petits appartements indépendants pour les couples, le reste se présentait sous forme d'un dortoir avec une grande salle de séjour/cuisine. Luka lui fournit des draps et l'installa dans un des appartements. Il décida de laisser tomber pour les courses. Il en fera part à sa mère dès son retour.
— Je vous laisse, je vous envoie ma mère pour tous les trucs de fille et je reviens avec un peu de nourriture, vous devez avoir faim ?
— Merci, je vais me reposer un peu, merci beaucoup.
— A plus tard.
Lucie s'allongea et aussitôt s'endormit.
Lucie n'entendit pas Luka revenir. Il déposa le plateau-repas sur la table et resta à la contempler. Louisa, sa mère, prévenue par Liam, arriva sur cette entrefaite, et sembla surprise de le trouver silencieux et aussi délicat.
— Que fait tu là à attendre ? demanda-t-elle tout bas
— c'est Lucie, perdue et trouvée dans le bois, Liam a décidé de l'aider.
— Bien, vous êtes de bons garçons, que lui faut-il ?
— Eh bien de tout, maman, elle n'avait plus rien avec elle, regardes comme elle est belle, on dirait un ange.
— Je vais voir ce que je peux faire, laissons-la se reposer. Tu veux bien, tu as raison, un ange.
Mère et fils se retirèrent.
Un peu plus tard dans la soirée, Lucie ouvrant à demi les yeux, ne reconnaissant pas la chambre, se leva d'un bond et regarda l'ensemble de la pièce pour se remettre les idées en place.
"Oui, c'est ça, je suis à l'abri, enfin, il faut attendre et voir" pensa t'elle.
Après une courte douche, elle décida de grignoter ce que Luka lui avait préparé, c'était simple et succulent. Puis elle fouilla dans le sac laissé bien en évidence et trouva quelques affaires et un petit mot.
Bonjour, je suis Louisa la maman des garçons qui vous ont aidé.
Je vous ai trouvé quelques vêtements qui étaient à mes fils adolescents,
je pense que cela peut convenir.
Luka vous attendra demain vers 9 h 30 en cuisine pour vous montrer votre travail.
Je passerai vous voir à la fin de votre service.
En attendant, n'hésitez pas à demander si vous avez besoin de quoi que ce soit.
Bienvenue chez nous, trouvez la paix en ce lieu.
Voulant réfléchir au tournant que prenait sa fuite, Lucie partit faire un petit tour. Ce qu'elle voyait l'émerveillait : un château de conte de fée ou pas loin, des jardins de toute beauté, éclairés seulement par la lune. Elle s'assit un instant sur le muret et laissa ses pensées vivre en liberté.
Bon, je suis ici, je vais me reposer, me refaire un peu d'argent et repartir, ne pas rester trop statique au risque de me voir repérer. Maman m'a toujours dit que c'est papa qui a choisi mon prénom : Sélène, parce qu'il aimait beaucoup se promener et l'embrasser au clair de lune. Cette idée simple la remplissait toujours de bonheur et de sérénité.
Surprise par la présence de Luka qui était arrivé sans bruit, Lucie tomba du muret, mais Luka vif, la rattrapa avant qu'elle ne se fasse vraiment mal. Et leurs mains se mirent à crépiter quand elles se sont touchées, leur respiration se fit plus hachée. Ils se lâchèrent aussi vite que possible et se regardèrent au fond des yeux, surpris !
— Ça va ? Rien de casser, vous avez tout ce qu'il vous faut, j'allais vous apporter votre sac à dos que mes frères ont retrouvés dans les bois.
— Merci, je vais vous laisser et je viendrai demain comme convenu, répondit-elle plus sèchement que nécessaire.
— Les cuisines du restaurant sont là-bas, nous venons de terminer notre service, à demain Lucie, souffla doucement le jeune homme.
Luka ne put quitter des yeux la petite silhouette qui le laissait sur place.
À 9 h 30 le lendemain, Lucie se présenta à l'entrée de service du restaurant. Luka l'accueillit dès son arrivée.
— Bon, suivez-moi, ici le vestiaire, on va arriver à vous trouver une blouse et un tablier à votre taille, lui indiqua-t-il un peu froidement. Luis ou Jane, pouvez-vous lui donner ce qu'il lui faut, cria Luka. Et voici votre plonge, la vaisselle arrive sur ce comptoir, vous la rincez et vous l'installez dans la machine. Une fois le cycle fini, la vaisselle propre se place sur ce chariot pour ensuite être rangé dans l'arrière-salle. Vous suivez, attention, c'est une marche en avant du sale vers le propre. Ah merci Jane, voici Lucie, elle va remplacer Didier à la plonge au moins pour quelques jours.
— Bonjour Lucie, venez, je vous accompagne au vestiaire. Je suis la réceptionniste, répondis gentiment l'employée.
Une fois compris le fonctionnement de la machine, Lucie était sur les genoux, la journée sera longue. Plusieurs collègues arrivèrent vers 11 h, et installèrent une table pour le repas du personnel de cuisine et de service. Lucie se retrouva coincée à table entre Luka et un autre grand gaillard, son second. Le repas fut joyeux, Lucie ressentit la présence de Luka, c'était comme un feu tapi qui reprenais vie. Elle se refusait à toute proximité et essayait de s'écarter sans succès, c'est qu'ils étaient serrés autour de la table. Et pourtant elle sentait le regard du jeune chef, mais aussi le regard peu amène de Claire, une jeune fille charmante qui couve d'attention son patron. L'heure de prendre le service approchait, tout le monde quitta la table, et Lucie se mit à débarrasser et s'en allait affronter la Machine infernale, comme elle avait décidé de l'appeler.