Jeannette invita Enzo à descendre goûter à la cuisine, et pendant qu'elle cherchait le chocolat en poudre dans son placard, elle tomba sur ses sonotones, posés à côté des dosettes de café soluble. Mais bien sûr, elle les avait récupérés au petit matin sur sa table de chevet pour les mettre, et les avaient égaré dans la cuisine !
Pendant que son petit-fils, enchanté que le trésor ait été retrouvé avant son départ, engloutissait avec gourmandise ses tartines de pain avec du chocolat, les yeux de Jeannette tombèrent sur le cadre en argent. Cette fois, elle lut dans le regard d’Ernest, caché derrière ses lunettes, toute la tendresse qu’il éprouvait pour elle. Son cœur se gonfla de joie à cette idée.
Alors que Jeannette essuyait la table, la sonnette retentit. C'était sa fille. La journée touchait à sa fin.
Clotilde était pressée. Il y avait beaucoup de circulation et elle avait peur d’être coincée dans les bouchons, alors elle ne voulait pas s’éterniser. Elle récupéra Enzo, son sac à dos, et embrassa sa mère. Intriguée, elle suspendit son mouvement. Clothilde scruta le visage de Jeannette avec attention, détaillant les traits familiers. Le regard bleu était plus brillant, plus vif, et les rides moins prononcées. Sa mère semblait moins crispée, et elle se tenait plus droite, comme si le deuil et les soucis qui l’accablaient depuis des semaines s’étaient soudain envolés.
- Tu es splendide maman, s’exclama-t-elle. Si t’occuper d’Enzo te fait autant de bien, il va vraiment falloir que je te le confie plus souvent.
Jeannette la regarda avec un air ravi que Clothilde ne lui avait pas vu depuis très longtemps.
- Cela me ferait en effet très plaisir de passer plus de temps avec lui. Et avec toi aussi, ajouta-t-elle en lui prenant la main.
Clotilde serra ses doigts en retour, et lui offrit un sourire reconnaissant.
Une menotte potelée se joignit à leurs mains jointes.
Sous le regard attendrit de sa fille, Jeannette se pencha et prit avec douceur le petit visage d'Enzo entre ses mains.
- J'ai passé une très bonne journée, mon chéri. Et toi, tu as passé un bon moment avec ta super mamie ?
- Tu n'es pas une super mamie, la contredit le petit garçon, d’un air sérieux.
- Ah bon ? s'étonna Jeannette, avec une pointe de déception.
- Non, tu n'es pas une super mamie, répéta Enzo, impitoyable... Tu es une mamie extra ! s'exclama-t-il avec un sourire éblouissant. Extra, c'est encore mieux que super, lui confia-t-il ensuite sur le ton de la confidence.
Jeannette serra son petit-fils contre elle, de toute la force de ses bras. Toutes les émotions de ces dernières heures l’avaient rendue sensible, à fleur de peau. Elle ressentit avec urgence le besoin d’extérioriser ce qu’elle éprouvait. Le passé venait de lui enseigner qu'elle devait profiter de chaque occasion de déclarer ses sentiments aux personnes à qui elle tenait.
- Je t'aime, mon petit pirate. Très fort. Grâce à toi, cette journée a été pleine de trésors merveilleux.
Ces quelques mots, et le tableau émouvant composé par sa mère et son fils remuèrent Clothilde. Saisie d’une inspiration, elle entra dans la maison et posa son sac dans l’entrée.
- Maman, j’aimerais bien rester dîner avec toi ce soir. Est-ce que tu serais d’accord ? La circulation sera bien plus fluide après 19h30. Et surtout ne te dérange pas, je m’occupe de tout !