Chapitre 4: Menteur

De retour en cours, à mon soulagement, on m’ignore comme d’habitude. On a une autre de nos pauses dans la classe, entre nos deux heures de cours. Il y en a plusieurs dans notre emploi du temps bizarre. Comme d’habitude, les gens en profitent pour parler. Moi, je rêvasse en écoutant parfois leurs conversations. Justement de derrière moi, j’entends Raj, le meilleur ami de Sebastien, dire moqueur:

-Alors, Sebastien, comment ça s’est passé la piscine?

 

J’arrive à les entendre, mais ils s’en foutent complètement, pendant que mon visage commence à cuire de l’intérieur. Sebastien s’arrête de rigoler avec eux pour répondre:

-Eh ben on va dire que j’ai fini par rendre quelque chose d'autre que la piscine de bien mouillé.

 

Ils rient pendant que je fronce les sourcils la bouche entrouverte. Pourquoi est-ce qu’il raconte ces conneries? Ivan, son autre meilleur ami, demande pour confirmer:

-Non, t’as pas...t’as réussi à l’avoir?

 

Sebastien ment encore plus:

-Oui et elle est pas aussi silencieuse que ça quand elle craque.

 

J’ai l’impression que mon corps va me lâcher, mais je respire profondément. Quelque chose en moi m’aide à me retourner vers eux. Je le regrette quand je meurs presque en réalisant qu’il y a des gens qui me regardaient, à cause de leurs conneries. Malgré ça, assez de force me rejoint à nouveau pour que je regarde les trois démons, dont Sebastien. Il arbore un sourire amusé et même défiant. Je lui dis:

-Si c’est bien de moi que tu parles, arrête de mentir Sebastien.

 

J’ai même pas levé la voix, mais maintenant j’ai bien la classe entière qui me regarde attentivement. Sebastien toujours souriant répond:

-C’est bien de toi que je parle, donc en fait c’est toi qui mens Amina. Je t’ai fait crier jusqu’à ce que ta gorge te fasse mal.

 

Les autres font des bruits allant de l’amusement au choc et Raj ajoute:

-Sa gorge lui faisait peut-être mal pour d’autres raisons aussi.

 

J’écarquille les yeux sous les rires. J’ai l’impression que je vais mourir, pleurer ou les deux. Mais j’inspire pour dire à Sebastien avec ma colère:

-T’es qu’un menteur.

 

Il réplique moqueur:

-C’est ta parole contre la mienne.

 

-Pourquoi tu fais ça? Je t’ai jamais rien fait.

 

Il rit et corrige:

-Non en fait tu m’as fait beaucoup de choses qui font du bien.

 

Il y a encore plus de bruits venant de la classe et je suis tellement énervée que je me lève en disant plus fort:

-Arrêtes de mentir putain.

 

Parmi les bruits, il y a même des sifflements et je flanche presque quand il se lève aussi. En s’approchant il dit avec le sourire:

-Pourquoi tu t’acharnes à tout nier? Faut assumer, on est au 21ème siècle. C’est pas si grave si t’as tellement aimé que je t’ai fait crier.

 

J’entends des “Wooouh!“. Je réplique:

-Tu délires...

 

Face à l’air satisfait faisant briller son regard, ma colère gonfle à nouveau, tellement haut que j’ajoute:

-Dis-moi les stéréotypes ont l’air vrai non? Parce que tu te comportes vraiment comme s’il te manquait des centimètres, et pas que deux.

 

Il y a des “Wooow.” choqués et j’entends aussi des choses comme: “Qu’est-ce qui lui est arrivé?“, “C’est n’importe quoi.“, “Amina se rebelle!“, “C’est grave pas correct.” “Ben appelle le proviseur.“.

Sebastien me faisant toujours face, répond avec un sourire menaçant:

-Tu veux jouer à ça? Moi, je parie que même si tu joues la fille sage, avec la façon dont t’agissais t’as dû avoir un bon nombre de gars sur ta liste de coups. Fais attention à ne pas devenir mère célibataire, hein?

 

On a droit à des: “Oooh...” et à la deuxième plainte sur le fait qu’on utilise encore des stéréotypes, Sebastien réplique:

-Elle va bas donc je vais encore plus bas.

 

Je continue de le fixer. Je pourrais faire pire et le trainer en enfer, mais j’essaie pas d’être cataloguée en tant que raciste. Je décide de faire comme Amina la faiblarde fait et céder. Il y a des bruits de déception pendant que je me rassieds. Presque en même temps Mr.Sissier réapparait en lançant:

-Ok les jeunes, la pause est finie!

 

Quel timing. Tourmentée, je me tourne le plus possible vers la fenêtre. Je baisse ensuite la tête sur ma feuille où tombe une larme, venant de mon corps pressé comme un agrume par la détresse. Putain. 

Je sursaute en entendant Mr.Sissier à côté de moi, pour prendre mon devoir, demander:

-Tu vas bien Amina?

 

Je me tourne encore un peu vers la fenêtre, et, comme si entre ça et ma larme sur la feuille le mensonge n’était pas si évident, je réponds:

-Oui, je vais bien.

 

Le prof semble hésiter, mais s’en va à mon soulagement. Je peux enfin essuyer mes yeux aussi discrètement que possible. En sortant du cours, Tisha et Charlotte me rejoignent. C’est les filles avec qui je reste le plus souvent. D’habitude, j’arrive pas à m’immerger dans leurs conversations, mais je me force à avoir l’air d’être là pour avoir l’air plus normale. Là, je sais qu’elles vont me faire chier. 

 

Rapidement, en une grimace perplexe, Tisha lève ses sourcils noirs,épais, et angulaires. Elle fait ça tout en étirant ses lèvres charnues, les yeux vers le bas. Elle me regarde à nouveau et de sa voix un peu grave, mais chaude, elle se lance franchement:

-Amina, t’as vraiment...

 

Je la coupe trop sèchement:

-Non.

 

Avant qu’elle ne parle, je fixe les chignons doubles roux de Charlotte, pour ne pas avoir à déjà rencontrer son regard ayant l’air trop souvent rieur malgré elle. Cette dernière se met à dire:

-Ok, ok, mais je comprends pas pourquoi il mentirait.

 

Je crois que ma tête a carrément fait un mouvement de recul. Est-ce que cette connasse est sérieuse?! Ses soucoupes vertes clair semblent s’agrandir quand elle réalise sa connerie, tandis que Tisha sentant sûrement la merde arriver secoue ses tresses vanilles. Me retenant d’exploser, je demande à Charlotte:

-Donc tu me crois pas?

 

Contrairement à son habitude, elle bredouille:

-J’ai pas dit ça.

 

J’ai peut-être pas les couilles de faire quoi que ce soit avec les gens qui m’aiment pas. Mais je ne compte pas rester avec des gens qui se foutent clairement de moi, alors qu’ils devraient être de mon côté, juste par lâcheté. Même moi, j’ai des limites. Je les regarde toutes les deux et déclare:

-Vous savez quoi, laissez-moi tranquille pour de bon maintenant.

 

Tisha fronce ses sourcils que je n’envie plus à ce moment-là. Elle s’exclame:

-Meuf quoi?

 

Je n’essaie pas de leur faire un dessin et disparais dans le couloir. Peut-être que je j’ai déconné et que j’arrive pas à m’en rendre compte. Parce que mon système qui reçoit à peine des stimulations émotionnelles au quotidien, est en surchauffe. C’était mes seules amies en plusieurs années. Sebastien est en train de ruiner ma vie.

 

J’ai dû passer le reste de la journée à supporter les regards et les murmures sur mon passage, quand les gens me reconnaissaient. C’est tellement stupide, l’attention qu’ils me redonnent soudainement. Parfois, je voulais exister à nouveau d’une certaine façon, maintenant je suis servie.

 

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