J’ai un mouvement de recul malgré moi et je fais tous les efforts du monde pour me retenir d’intervenir dans le repas que mon hérisson trouve visiblement très appétissant.
— Beurk beurk beurk.
— Hélios ? Pourquoi tu dis beurk ?
— Je préfère ne pas te le dire, tu serais trop dégoûtée.
— C’est quelque chose que ton hérisson mange ?
— Oui !
— Alors tu as raison, je ne veux pas le savoir ! Ma hérissonne vient d’entendre un ver de terre sous ses pattes, du coup moi aussi je vais bientôt être écœurée. Je crois qu’on aurait mieux fait de prendre le repas du soir un peu plus tôt avec tonton, je ne sais pas si on aura beaucoup d’appétit après.
Je n’ose pas lui dire que ce que mon hérisson mange est encore pire qu’un ver de terre : Il déguste une petite souris. Solène s’étant malencontreusement téléportée dans la peau d’une souris lors de notre première utilisation du casque magique[1], ce serait un coup à lui faire faire des cauchemars !
D’ailleurs, j’espère que tonton ne se trompe pas et que les hérissons de son jardin n’ont pas de prédateurs dans les parages. Je n’ose pas imaginer me retrouver face à face avec un renard. À tous les coups, je paniquerais et serais incapable de revenir dans mon vrai corps.
Ce qui me fais penser... j’ai été tellement rapidement dans le hérisson que je n’ai même pas fait vraiment attention aux odeurs et autres détails qui m’entouraient avant d’utiliser mon casque ! J’espère que je n’aurais pas de problème pour le retour.
— Ça y est, je suis en train de manger le ver de terre. Et bien, ça creuse super bien un hérisson, je comprends mieux à quoi servent leurs griffes. Et puis, il n’est pas si mauvais que ça, ce ver de terre…
— Ah ! Tu aimes bien ! Je le devine au ton de ta voix !
— Je n’ai pas de ton de voix puisqu’on communique par télépathie, patate !
— Faux ! Ta voix télépathique elle est vraiment comme une vraie voix, tu arrives à faire passer plein de variations.
Je rajoute — juste pour moi — que c’est assez incroyable d’ailleurs. Moi j’y arrive un peu, mais pas aussi bien que Solène. Pas encore !
— Et bien oui, j’aime bien ! Et j’espère même en trouver d’autres, des vers de terre, ou n’importe quoi à manger, parce que j’ai trop faim !
Mon hérisson aussi il a faim : après avoir dégusté la souris, il vient d’attraper une mouche prise dans une toile d’araignée. Brrrr… Heureusement que l’araignée n’était pas là, il l’aurait sans doute dévorée également. Je savais que les hérissons mangeaient tout ce qui leur tombait sous la patte, mais il y a une grosse différence entre « savoir » et « expérimenter ».
— Moi aussi Solène mon hérisson il est très vorace[2]. Et j’ai la nette l’impression qu’il va où l’emmènent son nez et ses oreilles. Je veux dire, il sent quelque chose de bon, et hop ! il va tout droit dans cette direction-là, peu importe s’il y a des obstacles.
— Oui, ma hérissonne me fait pareil. Je comprends ce que tu voulais dire quand tu parlais de manège tout à l’heure. Les fois précédentes, on agissait sur nos « hôtes », même si on le faisait sans vraiment le réaliser, mais ce n’est pas le cas ce soir.
— Exactement ! Vu qu’on les laisse aller où ils veulent, c’est comme on faisait du roller, mais les yeux fermés et avec quelqu’un qui nous tire dans la direction qu’il souhaite sans nous demander notre avis !
— Tiens, c’est une idée ça ! On pourra essayer !
— T’es un peu givrée toi non ?
— Bah, c’est tout l’intérêt d’un manège de ne rien diriger justement…
— Mouais…
Je suis dubitatif. Faut pas croire, j’aime bien les manèges hein ? Juste, pas les trop violents quoi. Et puis là c’est différent quand même. Nous ne sommes pas vraiment les hérissons, on squatte juste.
— Dis Solène… À ton avis, si l’un de nos hérissons a un accident, il nous arrivera quoi à nous ? On reviendrait automatiquement dans nos corps ou… ?
Je n’avais pas envie d’imaginer l’alternative possible. Et vu le manque de réponse de Solène, ma sœur préférait ne pas y penser non plus.
*** Informations documentaires ***
Les hérissons sont principalement insectivores (ils mangent des insectes : mouches, limaces, escargots, araignées…), mais pas seulement, puisqu’ils ont tendance à manger tout ce qui leur tombe sous la patte.
Ils sont donc en réalité omnivores, capables de manger aussi bien des petites souris, que des carottes, des noix, ou… des croquettes pour chat !
Par contre, comme beaucoup d’animaux, attention à ne leur donner ni lait, ni pain, ça les rendrait très malades.
[1] Voir « le casque magique : Martha la chatte ».
[2] Vorace = Qui dévore, mange rapidement tout ce qui lui tombe sous la patte.