Chapitre 5 — Cochons des haies

Nous restons quelques minutes silencieux, et je me demande si Solène est en train de penser comme moi à la durée de vie très faible des hérissons en pleine nature. Je suis vraiment triste chaque fois que j’y pense depuis qu’on a fait nos recherches. Il y a tellement de dangers qui les guettent que-

— C’est trop bon les limaces ! Je vais avoir l’estomac bien rempli si je continue à en trouver des bien grasses comme ça !

Je ne peux pas m’empêcher de rire. Oh ? J’ai réussi à rire télépathiquement, super, je fais des progrès !

— Pourquoi tu rigoles ? Tu devrais essayer et tu verras bien !

— Je rigole parce que ta hérissonne à l’air tout aussi gourmande que mon hérisson !

— Et elle fait un de ces bruits en mangeant, c’est impressionnant !

— Ah ah ! Même sans manger, les hérissons sont très bruyants pour tout ce qu’ils font ! Ils soufflent, ils grognent, ils crient… c’est des coups à avoir peur la nuit si on ne le sait pas.

— Je sais, confirme Solène, et en anglais, un hérisson ça se dit même « cochon des haies », c’est trop drôle ! J’imagine bien les premiers anglais qui ne connaissaient pas les hérissons et qui ont eu peur que de gros cochons soient entrés dans leur jardin !

— Dommage que tonton soit obligé de surveiller nos corps, j’ajoute en souriant mentalement, il aurait sans doute pu nous suivre à la trace rien qu’en nous écoutant.

— Et grimper sur le mur et passer sous les haies ? À mon avis, même s’ils font du bruit, ça ne doit pas être si facile que ça de suivre un hérisson.

Ce qui n’empêche pas Solène de glousser avec moi en imaginant tonton à plat ventre en train d’essayer de se faufiler sous un grillage.

— Aaah ! Hélios ! Crie-t-elle subitement.

— Oui, qu’est-ce qu’il y a ?

— Je suis coincée !

— Coincée ? Coincée comment ? Coincée où ?

— Je ne sais pas ! Mais je n’arrive plus à avancer, il y a quelque chose qui me retient ! Au secours !

— Mais je ne peux pas t’aider, je ne sais même pas où tu es ? Et on a dit qu’on n’intervenait pas… je me force à ajouter, bien que je commence à m’inquiéter.

PLOUF !

— Aaah ! Solène ! Au secours !

— Ah non hein ? C’est moi qui ai demandé du secours en premier !

La situation a beau être particulière et un peu effrayante, aussi bien moi que Solène nous mettons à rire de nouveau comme deux andouilles.

— Qu’est-ce qu’il t’est arrivé à toi Hélios ?

— Je suis tombé dans un trou d’eau ! Je vais bien, j’ai été surpris, mais je suis déjà sorti, ouf ! Et tu savais que les hérissons ils s’ébrouent[1] comme les chiens ? C’est trop marrant ! Faudrait qu’on essaye de faire pareil en sortant du bain, il y a tellement d’animaux qui le font que ça doit être efficace non ?

— C’est papa et maman qui vont être contents si on met de l’eau partout dans la salle de bain, me répond Solène en riant.

— Et toi Solène, tu es encore coincée dans tu ne sais pas quoi ?

— C’est un filet de potager j’ai l’impression, et oui, je suis toujours coincée. Je crois même que je suis dans le jardin de tonton ? Je me souviens qu’il a mis un filet autour de ses légumes pour empêcher les oiseaux de lui picorer ses graines.

— Tu es encore dans le jardin de tonton ? Je pensais que tu serais beaucoup plus loin que ça depuis tout ce temps ?

— Moi aussi ! On a dû tourner en rond ? Hélios, ça ne va pas du tout, ma hérissonne panique complètement et elle s’emberlificote[2] de plus en plus dans le filet. Je ne vois pas comment on va pouvoir s’en sortir, c’est terrible ! Et si elle s’étrangle ?

— Peut-être que tu devrais retourner dans ton corps pour l’aider en tant qu’humaine ?

Seul le silence me répond.

— Solène ?

— Oui Hélios, je suis toujours là ! C’est une très bonne idée, et je crois que je vais être obligée de faire ça. Dommage, j’aurais bien voulu continuer à me promener un peu…

— … tu aurais bien voulu manger plus de limaces tu veux dire ? Ah ah ah !

 

*** Informations documentaires ***

Les hérissons peuvent parcourir plusieurs kilomètres la nuit… quand ils en ont besoin !

 

Les hérissons vivent entre 7 et 10 ans s’ils n’ont pas d’accidents. Malheureusement, dans la réalité, leur taux de mortalité est très important, ils ont donc une espérance de vie moyenne de trois ans environ, et la plupart (environ les trois quarts) meurent la première année.

 

Parmi les accidents possibles, les filets de potager peuvent être très dangereux, comme le constate Solène. Il faut donc les éviter, ou au moins laisser 30 cm entre le filet et le sol pour que les hérissons puissent passer sans risquer de se prendre dans le filet.

À noter au passage que le hérisson peut hérisser ses poils ou non, les aplatir ou non, puisqu’il a des muscles à la base de chacun de ses poils pour le faire… Mais ce n’est pas pour autant que les poils peuvent totalement disparaître. Donc s’il passe la tête dans un grillage et que son corps ne passe pas, il ne peut plus reculer, ses piquants le bloquant, et il peut se blesser gravement et même mourir si personne ne l’aide.

Les noyades également arrivent, car bien qu’ils sachent nager, les hérissons peuvent s’épuiser s’ils n’arrivent pas à ressortir de l’eau. Pour éviter ceci, il faut donc penser à mettre une planche ou un support leur permettant de ressortir si les parois sont lisses, comme c’est souvent le cas des piscines.

 

Comme le dit Solène, hérisson se dit « hedgehog » en anglais, ce qui se traduit littéralement par « cochon des haies » !

 

[1] S’ébrouer = Se secouer pour se débarrasser de l’eau.

[2] S’emberlificoter = S’emmêler, s’empêtrer dans quelque chose.

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