Chapitre 4 partie 1 : Un souci d’architecture

« — Bon, d'accord, le palais de Minos est considéré comme la source originelle du mythe du labyrinthe par les Achéens, mais si actuellement ils avaient une telle structure devant les yeux, ils auraient surement pensé que le palais Minoen avait un agencement simple et limpide, pensa Helena, assise par terre, en contemplant dubitative le plan qu’elle avait étalé devant elle.

— Fais suer ! Si cette andouille de lieutenant avait été plus explicite sur le chemin pour accéder à sa fichue salle où l’on nous attend. Au lieu de cela, il nous plante là, dans le garage, en nous disant seulement : « vous êtes attendu au niveau moins quatre, secteur 12, salle 820 dans environ une heure » et en nous laissant pour tout viatique, ce fichu plan incompréhensible, pesta Liame en s'asseyant sur le sol à côté d’elle, pour examiner, lui aussi, la feuille couverte de lignes de toutes les couleurs partant dans toutes les directions sans aucune légende pour leur donner sens.

— Et je ne peux vous être d’aucune utilité, regretta Sigmund, car je ne connais qu’un périmètre très restreint de cette base. De plus, quand j’y venais, je n’y pénétrais que par l’entrée principale. J’ignorais totalement l’existence de cet accès, situé au diable vauvert…

— Au moins maintenant on sait pourquoi ils ne se sont pas sentis entassés les uns sur les autres pendant toutes ces années. Avez-vous une idée de chemin, Helena ? soupira Derek.

Helena se retourna et indiqua d'un geste vague le couloir qu’ils venaient d'emprunter en annonçant d'une voix peu assurée :

— Il semblerait qu'il y a deux cents mètres, nous aurions dû tourner à droite puis monter d'un étage, ensuite… ensuite, je pense que si nous avons la chance de rencontrer une âme charitable au milieu de cet enchevêtrement de couloirs dépeuplés, nous lui demanderons humblement de nous porter secours et de nous montrer le chemin des initiés. Je n'ai aucune envie de mourir de vieillesse en cherchant cette putain de salle !

— Il est clair qu’au niveau surpopulation, j'ai connu mieux ! Cela fait bien une heure que l’on n’a croisé âme qui vive, personne, no body, acquiesça Liame, et pour couronner le tout, aucun point de repère. Tous les couloirs se ressemblent,

Bras écarté Liame fait un tour complet sur lui-même et poursuit.

Je ne sais pas quel est l'architecte de génie qui a dissimulé les portes dans les murs, recouvert le tout, sol et plafond compris, d'une sorte de plastique beige uniforme. Si je le tenais à cet instant, je l'étranglerais volontiers. Enfin, s’il ne s'est pas lui-même perdu dans son chef-d’œuvre et qu’aujourd’hui, il n'erre pas encore, à la recherche de la sortie de son ingénieux complexe ! »

À peine sa tirade finie, que la partie du couloir, contre laquelle s’était adossé Helena, se dérobe entrainant la jeune femme dans une chute. Dans l'encadrement de ce qui n’est qu’une porte, une femme, d'une quarantaine d'années, la reçoit charitablement dans les bras et tout en aidant Helena à reprendre son équilibre, elle commente d’une voix amusée.

« — oh, excusez-moi ! Vous devez être nouveau, car ici tout le monde sait, qu’il vaut mieux ne pas s'adosser aux portes. Vous cherchez quelque chose ?

— Oui, la salle 820 au niveau moins quatre, secteur 12, dit Liame en se retenant de rire.

— Nouveaux, c’est bien ce que je pensais !  Bien, attendez deux minutes que je vous note l’itinéraire avec instructions.

La femme disparait dans ce qui semble être un appartement. Après un bref instant, elle réapparait, tenant une feuille qu’elle tend à Helena.

— Tenez.  Pour éviter de vous trop perdre, sachez que le beige sont les zones d'habitations, le mauve, les zones de bureaux, le jaune, les labos, et le vert, les zones de culture.

— Culture ? Attendez, vous faites des cultures potagères, dans la base ?

— Oui, sinon comment aurions-nous des légumes et des baies en hiver ? En réalité cette mise en culture hydroponique est plus un grand laboratoire de recherches agronomique, qu’une ferme maraichère. Mais bon, laissez-moi finir, car je suis assez pressée ! Donc, je reprends : le bleu les zones militarisées et enfin le blanc pour tout ce qui est gouvernement et direction.  Maintenant, veuillez m’excuser, mais je prends mon service dans deux heures et j'ai encore pas mal de choses à faire avant.  

Sur un grand sourire, elle referme la porte d’entrée de son logement et la porte disparait à nouveau, se fondant dans le mur.

— Pas possible !  Ils font des fruits et des légumes en sous-sol ! s’exclame Liame.

Une voix calme, provenant du bout du couloir, se fait alors entendre.

 « — Il a bien fallu qu’on se nourrisse pendant la guerre et les boites de conserve, ce n’est pas l’idéal pour les vitamines. »

D’un seul élan, les quatre compagnons sursautent et se retournent. Adossé à un des murs beiges du couloir, un homme d’une cinquantaine d’années, au visage austère, et vêtu de l’uniforme noir de l’armée spatial, leur sourit.  

« — Cela fait presque une demi-heure que je vous cours après. Il serait peut-être temps de me suivre, car je crains, avec les autres qui nous attendent, que les rafraichissements ne soient bientôt plus qu’un souvenir. La situation est vraiment suffisamment problématique pour ne pas faire du tourisme involontaire. Encore heureux que les quelques caméras équipées du logiciel de reconnaissance faciale aient donné l’alerte et vous aient suivi. Tout du moins vous trois, dit-il en désignant Héléna, Liame et Derek, car monsieur Ayling, lui, est déjà répertorié. Je sens qu’un certain lieutenant et son colonel vont se ramasser un sacré savon !

Je me présente : Général Styrr Greyarc, commandant de cette base, veuillez me suivre. - »

 

La petite troupe, un peu éberluée, emboite le pas du Général qui marche à grands pas, à une dizaine de mètres devant eux.

Helena se rapproche de Liame, et la bouche presque collée contre son oreille, lui glisse : « Tu parles d’un accueil !» Le Général s’arrête net, fait volte-face :

« — vous avez raison Mademoiselle, je manque à tous mes devoirs de courtoisie ! Auriez-vous l’amabilité de me pardonner et de vous présenter ?

Helena, revenue de sa surprise, se présente :

— Helena Swan

— Derek Wingler

— Liame Xerwake

À l’énoncé de ce dernier nom, le Général demande d’une voix étonnée

— Liame Xerwake ? Fils de Asling Xerwake ? 

— Heu, oui… !  Désolé, mais je vous connais ?

Styrr part d’un petit rire et reprend :

— Si je te connais, Liame -Asling ! Ne cherche pas, Liame, je dois être sur une étagère poussiéreuse des tréfonds de ta mémoire ! La dernière fois que tu m’as vu, tu n’avais pas encore neuf ans. Cela doit faire dans les vingt ans, si ma mémoire est bonne. Sache que j’ai bien connu ton père. Enfin moins que je ne l’aurais voulu, mais ce dernier point vaut également pour tous les responsables, ici. Veuillez encore excuser mon attitude, mais des faits récemment survenus me préoccupent. D’ailleurs, si vous êtes ici, c’est dans l’espoir que vous puissiez me donner des éléments de réponses, même infimes, qui m’éclaireraient qui nous éclaireraient…

D’une petite voix curieuse, Helena l’interrompt

— Excusez-moi monsieur, mais une question me taraude, sans doute en raison de mon métier. Est-il vrai que de nombreuses personnes se sont perdues ou ont même disparu dans le dédale des couloirs de la base ? Le lieutenant qui nous a conduits ici a même parlé de phénomènes de hantise.

— Ah la rumeur ! Rumeur infondée ! Mais qu’elle est la valeur d’une rumeur infondée, quand la vérité n’est qu’une partie de la, ou des, réalités ?

Réponse bien sibylline, remarque silencieusement Helena. Mais comme un trait acéré, une phrase du lieutenant traverse son esprit : « il est fort possible que les réponses que vous obtiendrez soient les prémices de nouveaux et dérangeants questionnements. »,

Mais déjà leur mentor a repris sa marche rapide, et la suite de sa réponse qui leur parvient de plus loin, oblige le groupe à accélérer le pas.

 — Bien, assez perdu de temps !... Oh ! excusez -moi Mademoiselle, cela n’est pas lié à la question que vous venez de me poser. Toute question posée doit trouver sa ou ses réponses. C’est ce que nous cherchons tous ici, des réponses, des savants aux ouvriers, en passant par les ingénieurs et les membres du gouvernement. Chercher une réponse, c’est ce que nous faisons tous, tout le temps ici. Et c’est ce qui fait notre force, face à l’embarras devant lequel nous nous trouvons. Seul le temps qui s’égrène nous pose un problème quasi insoluble.

Veuillez me suivre, nous allons directement à la salle des opérations militaires. »

Quelques pas plus loin, Styrr s’arrête devant un pan de cloison, tout à fait semblable aux autres cloisons du couloir. D’une de ses poches, il sort un petit objet cylindrique, présentant l’un des côtés circulaires de la « clé », face, semble-t-il, à un endroit précis de la cloison. Celle-ci s’ouvre et laisse apparaitre un vide noir.

— Suivez-moi, attention à la marche !

Dès son premier pas, l’obscurité cède à la lumière.  À la queue leu leu, les quatre membres du groupe le suivent. À peine le dernier d’entre eux a-t-il franchi le seuil de la porte que la cloison se referme.

Après avoir descendu une vingtaine de marches, ils découvrent un étroit tunnel bordé d’un quai, devant est stationné un engin en forme de fuseau. Une trentaine de places disposées deux par deux et à l’arrière un vaste espace libre. Styrr d’un large mouvement de la main désigne les lieux et l’engin.

— Spéciale intervention rapide réservée à l’armée et aux secours. Le dispositif fait une boucle complète autour de la base. Veuillez prendre place…

Tous s’installent sur les sièges, le général, à l’avant à la place du conducteur, reprend, c’est bon, tout le monde est assis ? Une consigne : ne sortez pas le bras hors de la machine si vous voulez le conserver. OK ! et il appuie sur un bouton placé sur une petite console devant lui. -»

Le convoi s’ébranle et prend de la vitesse. Des lumières s’éteignent derrière le wagon, alors que d’autres s’allument quelques mètres plus loin devant eux. Les lumignons placés à un mètre trente de haut, de part et d’autre de la voie, dessinent un mince serpent lumineux le long des murs. Au bout de quelques minutes, la machine ralentit et s’immobilise le long d’un quai semblable à celui qu’ils viennent de quitter.

« — Sacrément rapide votre engin !

— Non, pas tellement, Monsieur Wingler.

— Il m’avait pourtant semblé…

— Oui Monsieur Wingler : sembler… C’est la perception qu’a eue votre cerveau de ce que vos yeux et votre corps ressentaient. Accélération, quelques centaines de mètres à vitesse constante, décélération, le tout avec comme seul repère le ruban de lumière intermittente contre les murs plongés dans l’obscurité. Illusion d’optique. Je vous affirme que notre moyen de transport, au maximum de sa vitesse, n’est pas très rapide. Ceci indique qu’il ne faut pas toujours croire à certaines informations de votre cerveau. Prendre de la foudre en boule pour un OVNI ? Ou prendre un OVNI pour de la foudre en boule ?  Telle est la question !

Nous allons prendre cet ascenseur, il donne directement dans le couloir qui dessert la salle 820. »

Quatre étages plus hauts, le seuil de l’ascenseur franchi, ils se retrouvent dans un couloir qui se singularise par ses couleurs : L’un des côtés est peint en blanc et l’autre en bleu agrémenté d’un épais liseré rouge. Styrr désigne du pouce le liseré écarlate : 

« — Zone soumise à autorisation de pénétrer, port du badge obligatoire, ou avoir un ordre de mission. Pour deux traits ; la même chose, mais avec un ordre mission contresignée par un haut gradé et présenter son badge au lecteur qui vérifiera la correspondance entre votre photo sur le badge, un balayage 3D de votre visage et la base de données anthropométriques »

Une porte franchie, ils pénètrent dans une vaste salle. Un des murs est entièrement couvert d’un écran 3D.

« — Nous voici enfin ! Du neuf ?

—  Non mon Général.

— Capitaine, pouvez-vous faire un topo pour nos arrivants ?

— Certainement, mon Général !

Tout a commencé il y a trois jours dans un périmètre compris entre la Chine et la Mongolie.  Nous avons un satellite qui commençait à retomber sur terre sur un axe passant au-dessus de la Mongolie. Bien qu’ancien, avec quelques menues réparations, il peut reprendre du service pour quelques années encore. Nous l’avons donc envoyé sur une faible pente ascensionnelle, avec une très faible poussée, le temps de vérifier son comportement, puis nous lui donnerons les impulsions nécessaires pour qu’il rejoigne l’orbite qui lui est dédiée.

Il y a une semaine, nous avons ordonné au satellite de prendre un cliché pour fixer un point de référence sur Terre. Pour des commodités de réglages de paramètres, le satellite effectue un tour complet de la Terre en une journée et doit reprendre un cliché exactement au même endroit que le précédent. Et ainsi de suite… Nous avons donc une photographie du lieu avant l’évènement qui nous préoccupe.

Le dix-sept au matin, le satellite a donc pris son cliché de la zone-référence. Courbure de la Terre oblige, ce cliché est renvoyé à un autre satellite qui lui-même le renvoi à un autre, etc.  C’est en visionnant ce cliché que nous avons eu notre première surprise. Mais je vais d’abord vous montrer la première vue. 

 Le Capitaine se dirige vers l’écran et d’un geste vif décrit de la main décrit un arc de cercle. Immédiatement une image en 3D apparait.  Elle montre un sol désertique jonché de pierres.

— Désert de Gobi !

— Oui Monsieur Xerwake, mais comment ... 

Liame le coupe

— Un plus un ça fait trois. Un : je suis un spécialiste des déserts. Deux : quand votre gorille galonné m’a gentiment convié à une petite balade nocturne à minuit passé, il a mentionné deux choses : une équipe de mon (il croise le regard d’Héléna) notre staff, est en mission dans le désert de Gobi. Trois : je peux reconnaitre sur votre photo l’endroit où je les ai laissés il y a quelques jours… Vous pouvez zoomer dessus, s’il vous plait. Merci ! Roches sédimentaires détritiques et le petit monticule au pied duquel est installé le camp de base

Un juron sonore retentit dans la salle, alors que Styrr bondit de sa chaise.

— Liame, Helena, regardez-moi ! regardez-moi. Non, mais ce n’est pas vrai… ! La dernière fois que vous avez eu un contact avec votre équipe, cela remonte à quand ?

Pressentant une mauvaise nouvelle, Liame répond d’une voix blanche :

— Trois, quatre jours. Que…

— Écoute Liame, je vais donner des ordres pour que l’on joigne votre équipe au plus vite. Et se retournant vers la salle : j’ai dit au plus vite, c’est un ordre. Exécution !

Tu ne vas pas, vous n‘allez pas, aimer la deuxième photographie. Elle a été prise il y a deux jours.

Il fait un geste vers le Capitaine. Une seconde photo apparait à côté de la première. Même lieu, même heure, le lendemain, commente le Capitaine.

À la vision du cliché, les yeux de Liame s’écarquillent et un long heu ! s’échappe de sa gorge.

— Comme vous le voyez, une très violente explosion s’est produite. Quand j’emploie le terme « explosion », c’est pour me rapprocher au plus près de ce qui s’est passé. La dynamique du phénomène nous est totalement inconnue. Tout ce que l’on sait c’est que, par rapport à une explosion, quelle qu’elle soit ; son développement fut très lent. Qu’elle s’est propagée extrêmement loin dans l’atmosphère, puisqu’elle a fait disparaitre instantanément un satellite qui était en orbite géostationnaire basse ! Mais, ce l’on sait aussi, c’est que sur le sol, elle ne s’est développée seulement, que sur quelques centaines de mètres. Ce sont les seuls éléments sur sa dynamique que nous possédions pour l’instant. De plus, nous n’avons relevé aucune trace de poussières ou de quelconques éjectas dans l’atmosphère.

— Heu... vous êtes certain, capitaine ?

— Tout à fait, monsieur Xerwake.

— Impossible ! Totalement impossible. Là on est directement sur la roche mère. Et sur une bonne surface, d’après ce que je peux en juger d’ici. Et ce truc au milieu, c’est quoi ?

Styrr pousse un soupir

— Nous aimerions bien le savoir ! nous supposons que c’est un bâtiment, mais comme nous nageons dans l’absurde…

— Impossible ! Vous imaginez-vous le volume de terre, de roches, de sable qu’il a fallu manier pour atteindre la roche mère, sans compter la superficie dénudée ?  Et pour déposer les détritus où ? Il n’y a rien autour de ce cercle qui indique un tel dépôt ! Et ce truc-machin fut bâti en une journée et une nuit ?  C’est que cela à l’air immense ce truc… Impossible je vous dis !

— Et s’il n’y avait que cela ! Jour suivant…  Photo, capitaine.

La photo suivante montre la même chose que la précédente, mais agrémenté de plusieurs autres bâtiments autour du bâtiment principal.

— On a une idée de ce que c’est ?

Un bof désabusé lui répond et le général reprend la parole :

— Je ne sais lequel parmi nous a prononcé ce bof, mais il résume assez bien notre état d’esprit général, monsieur Wingler. Surtout quand on regarde la dernière prise de vue… Capitaine, suivante…

Même paysage avec deux bâtiments en moins. Les autres ayant été agrémentés de sortes de petits carrés sur leur bord.

— Quelqu’un a un commentaire ?

— Ce sont peut-être des descendants directs de Pénélope. Ils construisent la journée pour déconstruire la nuit ? Mais comme il semble qu’ils construisent plus vite qu’ils déconstruisent, je ne saisis pas l’intérêt.

— Merci Mademoiselle Swan. Et comme votre remarque n’est pas plus ni moins absurde que ce que l’on a sous les yeux, je la classe avec les autres contributions… Sergent ! Une réponse des géologues de Monsieur Xerwake 

— Aucune, mon Général ! Pas de tonalité d’appel ou de réception. Appareils surement H.S.

— Permettez-moi d’intervenir mon Général.

— Oui capitaine ?

— Il y a de très fortes probabilités que le satellite dont j’ai mentionné la destruction, soit un des satellites de transmissions de la région.

— Merci capitaine. On est dans le flou le plus complet et la perte d’un engin de télécommunications dans cette zone ne nous arrange absolument pas.

 On sait qu’il y a. Mais, on ne sait pas : qui, comment et pourquoi. De même, désolé Liame, désolé Helena, mais quand on voit ça (il tend l’index vers la deuxième photo), on se doute qu’il n’y a plus… Un long silence suit ses propos

 Styrr tend le bras pour saisir un gobelet et avale quelques gorgées d’eau. Il toussote et reprend la parole :                                            

— Après ce moment de recueillement dédié à la mémoire des disparus, j’aimerais, Liame et Helena que vous fassiez part au capitaine Mitchell des noms et adresses des disparus. Il contactera les familles pour leur apprendre la triste nouvelle.

Il se tourne vers le capitaine en question.

— Vous regarderez ce que l’on peut faire pour les parents : petite cérémonie, médaille, n’importe quoi, mais il faut marquer le coup envers eux. Qu’ils sachent que leur parent n’a pas quitté ce monde pour rien. Je compte sur vous !

— Entendu mon Général !

— Bien. Dans l’immédiat, je ne vois qu’une seule solution : aller voir sur place. Capitaine avons-nous une base aéronef au plus près de ce truc-là ?

— J’ai déjà vérifié mon Général : Balgas-Nu-Khit. Un hélico transport de troupes, un très vieux chasseur subsonique et des commandos dans les troupes au sol.

— Envoyez l’hélico transport avec des commandos, le chasseur en couverture. Objet : Recherche et renseignement. Ordres formels :  Ne pas prendre contact, juste une très discrète observation. En cas de problèmes, ne pas engager le premier feu. Décrochage et ripostes autorisées, mais mesurées. On va éviter les massacres.  Exécution !

— Aye Aye Sir !

— Ancien de la Navy ? Qu’est-ce que vous foutez ici ?

— Royal Navy Sir, pardon, mon Général. Une longue histoire faite de guerres, d’affectations, de remplacements de sous-officiers et d’officiers, etc.

— Vous, les marins, si vous n’avez pas une ancre tatouée sur le corps, certains d’entre vous l’ont, de manière indélébile, imprimée dans votre cœur. Vous avez de l’initiative et votre parcours m’intéresse, il faudra que l'on discute ensemble. Vous pouvez disposer.

Bien, on n’a plus rien à faire ici. On plie bagage. Rendez-vous ici, demain, 8 :00. Nous serons alors en possession d’une autre photo.

Derek, Liame, Helena, le temps de vous trouver un logement vous coucherez à l’hôtel. Eh oui !  À défaut de ponts on a deux hôtels dans cette base. ‘’Au lion d’or ‘’ tenu par une charmante Française qui rajoute, quand on prononce le nom de son établissement : « mais pas que… ». Pour Liame qui (il jette un coup d’œil circulaire dans la salle) n’est pas là pour le moment ; donc pour vous Helena et Derek, le ‘’Sac à puces’’.

— Général, j’aurais préféré avoir une chambre dans le même hôtel que Liame et si possible sur le même palier. Comprenez-moi, nous faisons très souvent équipe, mais ces derniers temps on était un peu éloignés : moi, dans un coin reculé d’Asie et lui, ou à Calgary ou dans le Gobi. Nous avons besoin de pouvoir faire le point sur nos différentes recherches. Il n’est pas que géologue et paléontologue, il est aussi anthropologue comme moi.

— Il sera fait selon vos désirs mademoiselle Swan.

Helena agrémente d’un grand sourire son « Merci Général ! » et, discrètement, rajoute, je peux vous demander où se trouve les toilettes ?

— Voici Liame qui arrive, demandez-le-lui, je pense qu’il en revient.

Tandis qu’elle s’éloignait, Styrr sourit … « besoin de faire le point sur nos différentes recherches… Je pense que le point sera vite fait, mais que votre nuit sera longue et agitée ‘’Mademoiselle’’… Et, je suis persuadé qu’il va me demander la même chose. »

— Général Styrr, je peux demander une faveur ?

— Je pense que la disparition de votre équipe affecte beaucoup Helena et que tu devrais essayer de la réconforter. De plus, vous avez besoin de discuter pour faire le point sur vos travaux respectifs. Tu vas me demander si je peux user de mon autorité pour que vous ayez chacun une chambre dans le même hôtel ?

— Euh…oui.

C’est comme si c’était fait.

— Merci général Styrr !

— Quand Helena reviendra, avec Dereck vous pouvez m’attendre quelques minutes ? Je passe à mon bureau et je reviens. Je vais vous accompagner à vos hôtels respectifs. Monsieur Ayling, pouvez-vous également demeurer un petit instant ?  Je vais avoir besoin de vous dans deux minutes.

— Certainement Général.

Styrr dans son bureau décroche son visioportable et dicte un numéro. Quelques secondes s’écoulent :

« — Bonsoir Mariette, tes chambres vingt-trois et vingt-quatre qui communiquent, sont-elles libres ?

— Oui

— OK. Tu me les prépares pour deux clients que je t’envoie. Tu notes ? Liame Xerwake et…

— Tu as dit : Xerwake ? Comme notre pote, Alsing ?

— C’est son fils, Liame.

— Ah oui, Liame. Cela fait un bail ! vingt piges au moins…

— Ouais !... Et Helena Swan. La fleuriste est-elle encore ouverte ? L’écran de Styrr transmit le hochement de tête affirmatif de Mariette, tu prends sur mon compte, une rose rouge et une blanche pour chacun…

— Ouais, en d’autres termes, je mets en place le dispositif ’’Lune de miel ‘’... Tu as troqué ta casquette de Général contre celle d’entremetteur, mon chou ?

— Disons qu’entre ces deux-là, il y a des regards et des attitudes qui ne trompent pas. Il ne suffirait de presque rien. De plus, ils viennent de subir un sacré choc émotionnel. Je dois bien ça à Alsing et à son fils.

— J’ai un excellent rosé pétillant de Californie, tu prends ?

— D’accord. La facture complète sur mon compte.

— Pas de facture pour Liame et Helena ; moi aussi, je dois bien ça à Alsing !

                                                              °°°°°°

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